Réveil vers 6h au son de la pluie et des rafales de vent qui déferlent sur la tente. Attente. Si ça ne se calme pas nous risquons de passer plus de temps que prévu sous la tente. Vers 7h30 tout s’arrête et une demi-heure plus tard, le soleil fait son entrée. Pas de doute, nous sommes bien en Terre de Feu. Nous voici au bord d’une rivière, le vent souffle à 28km/h. Le Nagra enregistre, alimenté en direct par le panneau solaire.
Pliage de la tente et passage à gué dans l’eau glacée que nous traversons. Le courant est relativement fort et l’eau atteint nos hanches. Nous nous enfonçons ensuite dans des buissons épineux. Pas la moindre trace de chemin. Toute la journée nous alternerons les forêts denses, les tourbières, et les mousses dans lesquelles nous nous enlisons d’une bonne vingtaine de centimètres à chaque pas. Notre trajet s’avère beaucoup plus long que nous l’imaginions. Vers 17h30-18h, l’heure où s’amplifient les brusques changements climatiques, nous nous résignons à trouver un lieu de bivouac au plus vite. Encore un ruisseau trop large à traverser pour atteindre la rive souhaitée. Quelques minutes plus tard nous trouvons enfin un emplacement privilégié pour la nuit, à l’abri du vent.
Cette deuxième journée a été rude. Nous avons peiné à nous frayer un chemin sur ce terrain accidenté garni de broussailles, marécages, épineux et forêts ravagées par les castors et les tempêtes. Notre journée a été également marquée par de brutaux changements de température, vent et précipitations qui ne facilitaient en rien notre évolution.
Je réalise qu’une télécommande externe pour le Nagra LB me permettrait de déclencher les enregistrements plus facilement sans avoir à sortir l’appareil du sac à dos. Pour le moment, je charge et décharge le matériel du sac en fonction des conditions climatiques, ce qui ne facilite pas mon entreprise. Je devrai donc chercher des solutions plus ergonomiques pour assurer un rendu optimal sans avoir à m’imposer de telles manœuvres récurrentes.
Faire le choix de la sagesse
Le lendemain matin, nous nous réveillons sous le crachin puis le grésil fuégien… Je réalise quelques enregistrements avant que la pluie me contraigne à tout ranger à l’abri. Nous reprenons notre marche sur les mousses rouges gorgées d’eau qui recouvrent l’immensité du fond de la vallée Carbajal. Aucune trace, pas le moindre semblant de chemin. Les sommets disparaissent progressivement sous une chape de plomb de nuages gris foncé.
Après deux heures de marche, nous avançons à l’aveugle et nous enfonçons de plus en plus dans une dense forêt de lengas (hêtres fuégiens). Le terrain est glissant et pentu, les troncs cèdent sous le pied, rongés par l’humidité et/ou un champignon en plein cœur.
Après plus de trois heures trente de marche, nous nous arrêtons plus longuement pour faire le point. Depuis notre départ nous recherchons inlassablement l’ouverture menant à la vallée suivante, afin d’atteindre en soirée la baie des Reines (Bahia de Los Renos). Je ne vois aucun passage favorable parmi cet enfer vert, sombre, humide, froid et épuisant. Les obstacles ne font que s’amplifier, l’impact visuel des nuages bas s’amplifie et nous perdons les repères précieux des sommets environnants pour avancer.
Soudain, un renard de Magellan fait discrètement son apparition. Il se rapproche de nous, remplie de curiosité à l’égard d’humains qu’il ne voit plus depuis longtemps. Il reste à proximité, intrigué, peu habitué aux humains.
Après son départ, c’est avec regrets que nous prenons la décision de faire demi-tour, en privilégiant notre sécurité. Les heures suivantes seront encore pires que les autres. Lugubre, hostile, inhospitalière, la vallée Carrabajal nous fait une terrible démonstration. Cette fois, je saisis pleinement la teneur des témoignages de Charles Darwin, Francisco Coloane et Pedro Sarmiento de Gamboa lus auparavant.
À 15h30 nous trouvons un endroit propice où planter notre tente. Il est tôt et il fait 6°C. La faune se fait entendre : perruches australes (Enicognathus ferrugineus), oies communes, hirondelles, canards vapeur, rapaces et autres oiseaux de taille moyenne.
Vers 19h30, après de nombreux relevés et quelques longs moments passés dans la tente à l’abri des intempéries, nous dînons. Il fait 4°C. Le vent fait régulièrement descendre la température ressentie autour de 0°C. Nous avons perdu plus de 10°C en moins de vingt-quatre heures et nous ne pouvons pas nous fier au baromètre, conscients que pour lui aussi tout change trop vite. La pluie déferle au loin, poussée par les violentes bourrasques.
Après une bonne nuit la tente a pu sécher un peu. Il fait beau pour la région : pluie fine par intermittence et percées de rayons de soleil à travers de grosses nappes de nuages gris multi-tons. Je réalise quelques clichés et enregistrements avant que nous reprenions notre route.
Les différents acteurs du temps estival fuégien jouent avec nos panoplies d’aventuriers : soleil, rafales de vent, pluie, grésil, disparition suivie de réapparition du vent pour de courts laps de temps… Nous n’en finissons pas de nous habiller et déshabiller. À 23h le ciel est clair et dégagé, il n’y a pas de vent et il fait 7°C. Je découvre alors pour la première fois les étoiles de l’hémisphère sud qui apparaissent progressivement au-dessus des sommets vierges de cette vallée sauvage. Les oiseaux nocturnes et le crépitement du feu interrompent le mouvement ininterrompu du flot de la rivière toute proche. Nous sommes conscients de vivre un moment unique : au coin du feu, dans l’un des endroits les plus inhospitaliers de la planète. Je pense très fort aux Selk’nam pour qui le feu aussi était si important. Sa chaleur, son odeur et sa douce lumière apportent un véritable apaisement, une sorte de bonheur que j’imagine universellement perçu. Dans les contrées hostiles où la nature se montre rarement clémente, la solitude n’a pas sa place sur de longs termes.
Le jour suivant, la température est surprenante. Il fait 35°C dans la tente mais le vent et la pluie nous force à rester durant toute la matinée dans l’abside avant de la tente. Je dessine et rédige le récit de la journée précédente dans mon carnet.
Dans l’après-midi je m’installe calmement dans un coin pour réaliser des relevés, enregistrements et photographies dans les environs et reécouter des enregistrements d’archives de chants chamaniques selk’nam chantés par Lola Kiepja et enregistrés par Anne Chapman en 1965-1966. En soirée les conditions climatiques changent à nouveau, le vent augmente sensiblement et fait tournoyer les étincelles du feu. Nous relevons des rafales à plus de 40km/h « à l’abri ». Les nuages se regroupent sur les sommets face à nous, une véritable tempête se prépare.
À la tombée de la nuit nous fermons la tente, accompagnés du son des violentes rafales. Les oiseaux nocturnes restent silencieux, pas un seul ne s’exprimera ce soir. Les arbres proches grincent, prêts à céder.
Au réveil nous découvrons avec surprise un énorme tronc d’arbre tombé à une vingtaine de mètres de notre tente. Perçu en bonne santé, son cœur était pourtant ravagé par le fameux champignon doué d’une discrétion totale. Impossible de prévoir sa chute. Il fait beau, plutôt chaud (12°C) et le vent chasse les nuages.
Le campement levé, des photographies, phonographies et relevés réalisés, nous prenons la direction de Mosca Loca, à 3 heures de marche. Le chemin se réalise sans peine. Nous traversons l’estancia et arrivons enfin au bord de la Ruta 3 qui nous mènera de nouveau à Ushuaia.
La prochaine étape
Lors de ce second trek de 8 jours d’autonomie, nous sillonnerons dans un premier temps d’anciens territoires yagan (Wakimaala puis Utamaala) en reliant Ushuaia et l’estancia Harberton, par la côte nord du canal de Beagle. L’estancia Harberton a été fondée par Thomas Bridges, l’auteur du dictionnaire anglais-yagan et qui fût l’un des porte-paroles des Yagan. Il sera également le premier à établir des contacts amicaux avec les Selk’nam résidant plus au nord, après les montagnes de la Sierra Lucas Bridges. C’est donc sur ses pas que nous réaliserons la traversée de la Sierra Bridges pour arriver à l’estancia la Porfiada située au bord du lac Fagnano, autrefois appelé Kami par les Selk’nam.
A travers les nuages, j’aperçois les îles et les canaux du sud du détroit de Magellan. Tandis que l’avion amorce l’atterrissage, je reste concentrée, le regard fixé vers ces montagnes vierges et magnifiques qui se dévoilent devant mes yeux. Se profile alors dans mon esprit le défi qui est désormais le mien : suivre les traces des indiens Yahgans, Haush et Selk’nam qui peuplaient ces territoires de la Terre de Feu et comprendre les liens qui se tissent entre ces cultures, aujourd’hui disparues, et le paysage sonore de ces lieux. Une approche sensible et intime est alors nécessaire pour appréhender la relation entre l’être humain et son environnement naturel.
Accompagnée par mon coéquiper Sébastien Pons, me voici partie pour deux mois d’expéditions qui constitueront la première étape de mes recherches de terrain, à la fois ethnomusicologique, acoustique et écologique. Equipée d’un enregistreur audio Nagra LB, de deux microphones Rode NTG-3, d’appareils photos Leica M9-P et 1C et de jumelles Leica, ces expéditions me permettront d’enregistrer les paysages sonores et collecter des informations relatives à cet environnement si hostile.
Nos premiers pas à Ushuaia se font sous un immense ciel bleu habillé de ça et là de nuages gris et blancs. Nous voilà arrivés en plein cœur de la ville la plus australe au monde. Après quelques minutes de marche, le temps fuégien nous fait sa première démonstration : des rafales de vent, de la pluie et du froid. Si c’est tous les jours comme ça, le mot « extrême » prendra véritablement tout son sens…
La préparation
Après avoir réglé quelques formalités, vérifié l’ensemble du matériel et s’être assuré que nous puissions communiquer au mieux avec nos collaborateur en France, nous voici sur le départ de la première étape de notre expédition : Mosca Loca.
Nous quittons pour la première fois la ville en voiture et découvrons tout au long du chemin d’innombrables étendues montagneuses quasi-vierges. Au bout d’une vingtaine de minutes nous nous arrêtons au milieu de nulle part à côté d’une maison en bois sur la Ruta Nacional 3, la route principale qui relie les villes principales de Terre de Feu : Ushuaia, Tolhuin et Rio Grande. Nous traversons alors une exploitation agricole, une estancia, et progressons assez rapidement sur un chemin.
Au bout d’une petite heure, nous nous arrêtons pour réaliser un premier relevé au beau milieu d’un paysage marécageux entouré de montagnes, de barrages de castors et de grosses libellules. Après la réalisation de photographies, phonographies et relevés météorologiques, nous reprenons notre route.
Les paysages défilent et je commence à imaginer les Indiens Selk’nam qui vivaient ici. Près de la rivière, le sol est jonché d’arbres morts abattus par les tempêtes, les champignons ou les castors. Tout est verdoyant, la faune et la flore biens vivantes dans ce climat inhospitalier pour l’homme : le vent se fait tantôt timide tantôt moqueur, accompagné des chants et cris d’oiseaux et du flot imperturbable de Rio Olivia. Vers 16h30 nous trouvons un endroit rêvé pour un bivouac : rivière à proximité et terrain plat bien dégagé à l’abri des arbres fragilisés par les tempêtes…
TOLHUIN, 22 de junio.- En un acto calificado como “histórico” para los pueblos originarios de la provincia y el país, la gobernadora Fabiana Ríos hizo entrega hoy del título de propiedad definitivo de la “Reserva Rafaela Ishton” a la comunidad Selk’nam-Ona.
La Mandataria recibió a su vez el certificado que la declara “Amiga Especial” de la comunidad aborígen “por su valentía y compromiso demostrado para con los pueblos originarios”.
Con este acto, la comunidad Selk’nam-Ona se transformó en la primera del país en recibir los títulos de propiedad de las tierras, una reserva natural ubicada en la costa norte del lago Fagnano, que fuera el último asentamiento de los aborígenes fueguinos. El lugar posee importantes reservas forestales y otros recursos acuícolas, y por su ubicación, la zona es considerada como la mejor de la Isla por su fertilidad para la cría de ganado ovino y agricultura.
Cabe acotar además que el gobierno de Fabiana Ríos creó en su estructura orgánica una Dirección de Pueblos Originarios, área encargada de receptar las necesidades de las comunidades.
El presidente de la Comunidad, Selk’nam-Ona, Rubén Maldonado, remarcó que “este es un día para no olvidar, ya que es el primer título de propiedad que se entrega a nivel país de manos de una Gobernadora, lo que debe servir de ejemplo para todas las comunidades”.
“Ya no viviremos en una tierra que no es nuestra o de la que no sabemos cuándo vamos a tener el título. A partir de hoy, podremos decir que vivimos en nuestra casa” manifestó visiblemente emocionado el dirigente. Maldonando agradeció también a Ríos “por haber creado la Dirección de Pueblos Originarios, designado al señor Aldo Rivas que ha trabajado mucho por la comunidad para poder dar estos pasos que hoy hemos logrado”.
Por su parte, la Gobernadora sostuvo que “poder poner en Tierra del Fuego este mojón en lo relacionado con el derechos de los pueblos originarios en todo el país sólo por dar cumplimiento a una ley, en realidad nos da la pauta de cómo estamos en materia de derechos de los pueblos originarios: el maltrato, el sometimiento, la obliteración cultural a nuestros pueblos, creo que también nos muestra lo que queda por hacer y de las deudas pendientes”.
En cuanto al título de “Amiga Especial” que recibió hoy, la Mandataria dijo que “cuando el Consejo de Ancianos y la Comunidad decidieron esa designación que uno guarda siempre en el corazón, por lo menos en mí se movieron muchas cosas en mi interior” por lo que agregó que “quiero agradecerles su generosidad, y ese certificado para mí significa honrar una manera de conducirme en la vida pública como parte de las instituciones blancas con un profundo respeto hacia la organización de sus pueblos, respeto que debe ser considerado no solamente en los actos públicos, sino en cada uno de los actos de nuestra vida garantizando el acceso a prestaciones de servicio del Estado, a derechos de los sectores más postergados que casi siempre en América Latina son los sectores rurales, y las comunidades originarias”.
“Ese certificado para mí es un punto de partida no un punto de llegada, un reconocimiento que lo tomo como algo muy especial para poder seguir transitando en esa lógica de respeto y reivindicación que se merecen nuestros pueblos” concluyó la Gobernadora Ríos.
Les corps de cinq d’entre eux, exhibés dans des zoos européens à la fin du XIXe siècle, viennent d’être rendus à leur terre, en Patagonie.
DE PUERTO ÉDEN (CHILI)
Ici, il n’y a pas de rues, juste une longue passerelle de bois face aux habitations précaires de l’une des localités les plus reculées du Chili. A une journée de bateau de Puerto Natales, Puerto Edén est situé sur l’île Wellington, au milieu des canaux patagoniens. Sa population n’atteint pas 300 habitants, parmi lesquels les onze derniers représentants d’un peuple en voie d’extinction, les Kawésqars.
Cette ethnie oubliée est sortie pendant quelques heures de son ostracisme : le 12 janvier, les squelettes de cinq de ses membres ont été rapatriés en avion depuis la Suisse vers Santiago, où ils ont été reçus en grande pompe [lors d’une cérémonie présidée par la présidente du Chili, Michelle Bachelet] avant d’être acheminés vers leurs terres ancestrales.
En 1881, onze Indiens Kawésqars étaient capturés comme des animaux par une expédition allemande et emmenés en Europe pour être exhibés au Jardin d’acclimatation de Paris et au zoo de Berlin. Après une tournée en Allemagne, ils ont fini leurs jours à Zurich, où ils n’ont pu survivre longtemps.
En 2007, des chercheurs travaillant sur ces “zoos humains” – qui firent florès en Europe au XIXe siècle – ont retrouvé la trace de cinq de ces Indiens à l’université de Zurich. Après de nombreuses démarches, leurs dépouilles ont été autorisées à regagner leur terre d’origine. Grethe, Lise, Piskouna, Henry et Capitan (des noms donnés par leurs ravisseurs) ont été emmenés en avion de Santiago à Punta Arenas. Dans la capitale de la Patagonie, la veillée funèbre a duré jusqu’au lendemain, puis les dépouilles ont été transportées à bord d’un bâtiment de la marine vers l’île Karukinka, dans le détroit de Magellan. Là, les membres de la communauté kawésqar, dans le cadre d’un rite réservé, sans témoins non indiens, les ont déposés au fond de cavernes, dans leurs paniers de joncs, comme le veut la tradition.
Angel Acuña, professeur d’anthropologie sociale à l’université de Grenade, étudie le peuple kawésqar sur le terrain. Il n’est pas optimiste quant à leur avenir. “Il n’y a pas plus de dix personnes qui peuvent se faire comprendre en kawésqar, explique-t-il. Et, hormis un couple qui la parle en privé, personne ne pratique cette langue au quotidien. […] Dans les institutions chiliennes, je n’ai vu aucune initiative vraiment efficace pour faire renaître la culture kawésqar. On ne peut même plus parler de préservation, car la culture de ce peuple autochtone a disparu il y a des années.”
Jusqu’à l’arrivée de l’exterminateur blanc, les Kawésqars naviguaient dans les fjords glacés de Patagonie. Ils y ramassaient des fruits de mer et capturaient des phoques dont ils tiraient leurs vêtements et leur combustible. Aujourd’hui, la peau de phoque sert à recouvrir artisanalement les petits canoës que des vieillards, les derniers Kawésqar, vendent comme souvenirs pour 2 000 pesos [moins de 3 euros], dans des échoppes installées sur la passerelle, aux touristes en croisière qui font escale une fois par semaine à Puerto Edén.