Des micros dans les fonds de l’Antarctique, pour comprendre la vie marine (Le Progrès – AFP, 18/02/2024)

Des micros dans les fonds de l’Antarctique, pour comprendre la vie marine (Le Progrès – AFP, 18/02/2024)

Une équipe de scientifiques écoute la faune marine du continent blanc en immergeant des micros dans ses profondeurs. Une aventure fascinante.

Dans les profondeurs de l’Antarctique, des microphones immergés recueillent des sons de « vaisseaux spatiaux » et une variété de bourdonnements « impressionnants », explique la scientifique colombienne Andrea Bonilla, à l’écoute de la vie sous-marine lors d’une expédition aux confins du continent blanc.

À 500 mètres de profondeur

La biologiste de l’université Cornell de New York immerge à 500 mètres de profondeur des hydrophones enveloppés de titane qui enregistreront une année entière ces ondes sonores des profondeurs.

Une fois déchiffrées, elles permettront de comprendre le comportement des mammifères marins et leurs déplacements pendant l’hiver austral, lorsque l’Antarctique devient presque inhabitable.

« Il y a ici des espèces dont le son est impressionnant, littéralement comme dans Star Wars, on dirait des vaisseaux spatiaux. Très peu d’oreilles ont le privilège de les entendre », déclare la scientifique de 32 ans à bord de l’ARC Simon Bolivar, un navire de la marine colombienne.

Tension et excitation

Titulaire d’un doctorat en acoustique marine, Andrea Bonilla et les autres scientifiques à bord de la 10e expédition colombienne dans l’Antarctique récupèrent également les micros déposés l’an passé lors d’une mission opérée par la marine turque.

Guidé par des coordonnées GPS, le bateau entre dans la zone de rencontre. Pour remonter l’hydrophone à la surface, Andrea Bonilla déclenche la libération de l’ancre qui le retenait immergé. Toute l’équipe scrute alors longuement pendant huit minutes de tension palpable les eaux calmes jusqu’à l’apparition, dans la joie, d’un petit drapeau déployé en surface.

Ses collègues la félicitent chaleureusement et elle se dit soulagée. « Je suis super excitée parce que c’était la première fois que nous faisions cette manœuvre dans ces eaux. […] Tout s’est super bien passé », se réjouit la scientifique colombienne.

Mesurer l’impact de l’activité humaine

Une fois sur la terre ferme, elle analysera un an d’enregistrements. « Dans un environnement marin, le son est fondamental », affirme-t-elle. Car le bruit ou les perturbations auditives peuvent affecter la communication des espèces ou entraver le déroulement normal d’activités naturelles telles que la chasse.

Photo d'illustration Sipa/Chine Nouvelle
Photo d’illustration Sipa/Chine Nouvelle

Ces recherches entendent également mesurer l’impact de l’activité humaine et de la pollution auxquelles sont exposés les mammifères dans un des endroits les mieux préservés de la planète.

« Zone marine protégée »

Un autre objectif est de soutenir la proposition, promue par le Chili et l’Argentine depuis 2012, de faire de la péninsule Antarctique « une zone marine protégée ». Andrea Bonilla travaille avec des spectrographes qui représentent visuellement les fréquences sonores. Les moyennes et hautes fréquences enregistrent des animaux de différentes tailles.

Ses découvertes ne serviront pas seulement à surveiller les mammifères marins, mais aussi à la recherche géophysique : les micros captent les basses fréquences émises par les mouvements telluriques et la fonte des glaces.

Manchots et baleine

Non loin du navire, une colonie de manchots marche sur un bloc de glace géant en forme de toboggan tandis qu’au-dessus des eaux profondes, les chercheurs observent une baleine à bosse qui prend une de ses dernières respirations avant que l’hiver ne la fasse fuir vers les eaux plus chaudes de l’océan Pacifique.

Photo d'illustration Sipa/Chine Nouvelle
Photo d’illustration Sipa/Chine Nouvelle

« Ma première rencontre avec une baleine a été avec une baleine qui chantait, et je pense que cela a changé ma vie », se souvient la scientifique.

Après s’être nourries pendant des mois dans la péninsule Antarctique et dans le détroit de Magellan au Chili, des milliers de ces grands mammifères se retrouvent pour se reproduire entre juin et octobre dans un corridor marin qui s’étend du sud du Costa Rica au nord du Pérou.

Des chants harmonieux

Mais « il y a aussi des espèces qui ne vivent qu’ici », souligne-t-elle, comme les phoques de Weddell et les léopards de mer, qui émettent des chants aigus de différentes tonalités, des compositions harmonieuses qui fournissent des informations sur leur comportement.

Andrea Bonilla se prépare à un nouveau largage d’hydrophone et attache le drapeau rouge au sommet de la bonbonne de titane qui servira à la repérer au milieu des eaux à son retour l’année prochaine. Au cours de l’expédition, trois microphones ont été immergés, deux dans le détroit de Bransfield et un dans le passage de Drake.

Source : https://www.leprogres.fr/environnement/2024/02/18/des-micros-dans-les-fonds-de-l-antarctique-pour-comprendre-la-vie-marine#Echobox=1708238993

Notre critique de Voyage au pôle Sud: Luc Jacquet, la fièvre de l’Antarctique (Le Figaro, 19/12/2023)

Par Florence Vierron

Publié le 19/12/2023 à 12:36, mis à jour le 19/12/2023 à 12:40

Dans son dernier film, le réalisateur livre un splendide récit intérieur pour tenter de décrypter sa fascination pour ce continent magnétique. Magique.

Il est des films qui ont la saveur d’un livre. Où les mots sont si forts qu’ils pourraient se passer des images. Sauf qu’ici, ils en accentuent la beauté. Voyage au pôle Sud, de Luc Jacquet, est un long-métrage très personnel que le réalisateur raconte avec ses mots et sa voix et dans lequel il se met en scène. Trente ans exactement après avoir posé le pied pour la première fois en Antarctique, celui qui a connu un immense succès et remporté l’Oscar du meilleur documentaire en 2006 avec La Marche de l’empereur y revient pour tenter d’expliquer son addiction pour le continent magnétique.

Dans ce récit intérieur, il ne pose pas tout de suite sa caméra au pôle Sud, mais nous fait partager le long chemin qui y mène. Depuis la Terre de Feu et le cap Horn, il montre ainsi qu’atteindre cette terre hostile demande une forte dose de volonté et beaucoup d’abnégation. Promenant sa silhouette dans le parc Torres del Paine, au Chili, il en profite pour alerter sur les ravages du réchauffement climatique. Frappés par les incendies, les troncs calcinés, tels des fantômes statufiés, témoignent de cette dure réalité. Pourtant une fascinante poésie enrobe l’ensemble.

Ces habitants n’ont d’autre vérité à clamer que leur insolente capacité à apprivoiser ces territoires où l’homme reste un intermittent

Comment ne pas se sentir dépassé par les trois mètres d’envergure du condor ou la puissance des albatros? Que dire devant ces mers étales et laiteuses dont la blancheur est rehaussée par les dénivelés de gris en arrière-plan? Qu’y a-t-il de plus indescriptible que des étendues blanches où le regard s’égare et où les repères n’ont rien de commun avec ceux de notre Terre? Comment ne pas être charmé par la démarche maladroite des manchots papous, Adélie ou empereurs? Ces habitants n’ont d’autre vérité à clamer que leur insolente capacité à apprivoiser ces territoires où l’homme reste un intermittent. D’où la nécessité d’accepter ce que la nature veut bien lui donner.

Le silence de la nature

À partir du cap Horn, il faut cinq à six jours de mer pour rejoindre l’Antarctique. La traversée n’a rien de commun avec une croisière ensoleillée. Au rythme des creux provoqués par une mer agitée, la silhouette imprécise de Luc Jacquet monte le long de l’écran et redescend. Pourtant le brise-glace se heurte parfois à plus fort que lui. Le cinéaste profite de ces haltes forcées pour explorer la banquise, en sachant qu’elle peut l’engloutir. Il se transforme alors en un minuscule point noir dans des immensités blanches. Une manière d’être présent sans déborder de présence. Dans des infinis où l’esprit peut vagabonder, s’interroger, contempler. «Devant un grand espace vide, la créativité est démultipliée», confie Luc Jacquet.

Face à tant de beauté, l’utilisation des flous artistiques aurait pu être minimisée. Qu’importe. L’essentiel est dans la rêverie où le cinéaste nous embarque. Un aller simple dans ses émotions composé dans un noir et blanc artistique et parfois abstrait. Ce choix fait respirer la nature et entendre son silence. Luc Jacquet suit ses envies plus qu’un scénario bien établi. Pas d’érudition ni de grands discours dans cette heure vingt en terra incognita, mais le propos d’un homme qui réussit à faire partager sa passion et ses réflexions sur la situation de la planète.


«Voyage au pôle Sud». Documentaire de Luc Jacquet. Durée: 1 h 22.

La note du Figaro : 3.5/4.

https://www.lefigaro.fr/cinema/notre-critique-de-voyage-au-pole-sud-luc-jacquet-la-fievre-de-l-antarctique-20231219

Jean-Louis Etienne, l’aimant des pôles (Le Monde, 23/4/2022)

L’explorateur poursuit depuis plus de dix ans son projet Polar Pod de dérive autour de l’Antarctique. Mais, malgré sa riche carrière, la recherche de financements reste un combat. Rencontre.

Par Sandrine Cabut Publié le 23 avril 2022 à 18h00, modifié le 28 avril 2022 à 18h05

Jean-Louis Etienne, à Vannes, dans le Morbihan, en 2018.
Jean-Louis Etienne, à Vannes, dans le Morbihan, en 2018. SERGE JOLIVEK / FASTIMAGE

« Pour faire le portrait d’un oiseau, peindre d’abord une cage avec une porte ouverte », écrivait Jacques Prévert. Pour faire celui d’un explorateur, commençons par esquisser un bureau, avec une porte ou plutôt une fenêtre sur le port de Concarneau, dans le Finistère.

Ce 28 mars, Jean-Louis Etienne est dans les locaux du constructeur naval Piriou pour une réunion de conception de Persévérance. Cette goélette de 42 mètres, dessinée par les architectes navals de VPLP et Olivier Petit, sera le bateau avitailleur du Polar Pod, sa prochaine expédition. Sa « cathédrale », comme il a surnommé ce projet de navire vertical, qui l’occupe depuis plus de dix ans. A partir de 2024, le Polar Pod doit accomplir deux tours du monde sur trois ans en dérivant autour de l’Antarctique, au service d’une ambitieuse mission scientifique.

Autour de la table – et, pour quelques-uns, en visio –, la discussion est hypertechnique, portant sur les voiles, escaliers… de Persévérance. L’aventurier et médecin de 75 ans prend régulièrement la parole pour préciser ses besoins, poser des questions concrètes, donner son avis. A quelques mètres de là, sa femme, Elsa Pény-Etienne, accompagnatrice de ses projets depuis vingt-cinq ans et impliquée dans l’architecture intérieure du voilier, est plongée dans des nuanciers, pour choisir les aménagements intérieurs.

Entre deux ravitaillements du Polar Pod en hommes et en matériel, tous les deux mois, Persévérance accueillera des passagers passionnés par cette exploration océanique. Une ressource financière bienvenue, en complément des partenaires, pour amortir les coûts du navire, propriété de Septième Continent, la société d’armateurs de Jean-Louis Etienne (la construction du Polar Pod est, elle, financée par l’Etat, avec l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’Ifremer, comme maître d’ouvrage).

CAP de tourneur fraiseur

Pour qui comme lui a sillonné mers, terres et même airs, selon les époques, une telle réunion de chantier pourrait paraître un brin austère. « J’aime ces moments de technologie, ça structure et j’y trouve

La suite de cet article est réservée aux abonnés : https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/04/23/jean-louis-etienne-l-aimant-des-poles_6123394_1650684.html

En image : le Polar Pod, l’immense bateau vertical de Jean-Louis Etienne, sort de la table à dessin (Le Monde, 16/3/2021)

L’explorateur français annonce mardi 16 mars le lancement officiel de sa prochaine expédition scientifique, fin 2023, à bord d’un drôle de navire de 100 mètres de… haut.

Par Vahé Ter Minassian Publié le 16 mars 2021 à 11h00

Le Polar Pod prendra l’eau en décembre 2023.
Le Polar Pod prendra l’eau en décembre 2023. NICOLAS GAGNON ; SYLVAIN BERGEON

C’est parti pour le Polar Pod. Au terme de dix années d’efforts, l’explorateur Jean-Louis Etienne a réussi son pari : lancer officiellement, mardi 16 mars, sa prochaine expédition dans les cinquantièmes hurlants, cette zone de l’océan austral proche de l’Antarctique. La mission consistera, en décembre 2023, à embarquer sur un « navire vertical haut de 100 mètres et à réaliser deux tours du monde, en se laissant porter d’ouest en est, par le courant circumpolaire antarctique », expose-t-il. Avec un objectif : recueillir des données sur le climat, la biodiversité et la pollution, dans cette région mal connue dont les eaux froides absorberaient 40 % des émissions de gaz carbonique d’origine humaine.

L’étrange engin nautique, digne d’un roman de Jules Verne, a été conçu comme une plate-forme mobile, à même d’accueillir nombre d’expériences. Le comité scientifique réunit le CNRS, le CNES et l’Ifremer, qui assurera en outre la maîtrise d’ouvrage de la construction, dans le cadre du Programme d’investissement d’avenir, qui pourrait démarrer prochainement.

Vahé Ter Minassian

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/03/16/en-image-le-polar-pod-l-immense-bateau-vertical-de-jean-louis-etienne-sort-de-la-table-a-dessin_6073301_1650684.html

Quatre étudiants racontent leur incroyable expédition dans l’Antarctique (Le Figaro, 12/7/2019)

https://etudiant.lefigaro.fr/article/quatre-etudiants-racontent-leur-incroyable-expedition-dans-l-antarctique_55fced6c-a22a-11e9-a13f-3957458a90bd/

Quatre étudiants racontent leur incroyable expédition dans l’Antarctique

Par Maud Kenigswald Publié le 12/07/2019 à 09:49, mis à jour le 12/07/2019 à 17:46

L’équipe du projet Amazing Antarctique: de gauche à droite, Clément Tissot, Camille Amaz, Aurélie Schwartz, Robin Amaz, Frédéric, Floriane Eonnet, Jacques et Catherine Amaz.Camille Amaz

En février 2019, une équipe menée par quatre étudiants ingénieurs prenait le large pour un mois d’expérimentation scientifique en Antarctique. Six mois plus tard, de retour sur la terre ferme et forts de leur recul, ils racontent leur expédition.

Le 10 février dernier, un groupe supervisé par quatre élèves de l’IMT Mines-Albi quittait Ushuaia pour mettre le cap sur l’Antarctique, afin d’y mener une série d’expériences scientifiques. Néanmoins, leur aventure ne se circonscrit pas à ce mois passé hors du temps, elle comprend également l’année de préparation ainsi que le retour à la vie «réelle».

Ainsi, réunis sur un toit de Paris, les étudiants au cœur du projet se confient au Figaro Étudiant sur leurs péripéties: récit à quatre voix d’une épopée dans le Grand froid.

À l’origine, une soif de défis

Amazing Antarctique, c’est à l’origine quatre jeunes de 21 ans, étudiants ingénieurs à Albi: Aurélie, Clément, Floriane et Robin. Las de leur train-train quotidien, les amis se sont lancés à l’assaut du Sixième Continent, au service de la science.

Robin Amaz est à l’initiative du projet: depuis son plus jeune âge, ce Lyonnais est passionné de milieux froids et a fortiori, de sciences. Enfermé pendant ses deux années de classe préparatoire, Robin rêvait de grands espaces. Lors de sa troisième année d’études supérieures, à l’IMT Mines-Albi, il s’est lancé. Pour ce faire, il a dû constituer un groupe de choc autour de lui: Aurélie, Floriane et Clément, trois camarades de promo. Clément n’a pas hésité une seconde, voyant là une occasion de «montrer l’exemple». «Je voulais prouver qu’à 21 ans, on peut déjà accomplir des prouesses, scientifiques notamment» rapporte-t-il. Même discours pour Floriane, qui souhaitait également profiter de l’expédition «pour faire passer un message de prévention écologique».

Et le défi a commencé avant même la montée à bord du voilier: «Il s’agissait de préparer en un an une expédition que les professionnels mettent généralement cinq ans à orchestrer», raconte Robin. Une fois ce constat dressé, la course contre la montre est lancée. Il fallait donc être efficace, se répartir le travail. Pour pallier leur manque d’expérience dans le domaine, les quatre étudiants ont dû redoubler d’effort, sacrifiant tout leur temps libre à la préparation du projet. Cette année s’est donc écoulée à toute vitesse, avec la constitution du reste de l’équipe: outre les quatre élèves, le groupe comptait également Camille Amaz, biostatisticienne à Lyon, ainsi que trois «mécènes» – qui n’étaient autres que les parents de Robin et un proche de la famille Amaz – et les marins.

Départ destination ailleurs

Un jour de janvier 2019, il est déjà temps de quitter la France pour la Patagonie. Avant d’embarquer à bord du voilier, l’équipe a décidé de passer trois semaines ensemble, pour s’habituer à la promiscuité. Vingt jours plus tard, l’excitation au ventre, les huit aventuriers pénètrent dans ce qui va devenir leur fief pendant un mois, le voilier Podorange. Les équipiers découvrent les cabines, et doivent s’habituer sans broncher à faire fi de toute intimité pour (re)découvrir la vie en collectif: «Pas de portes, les cabines étaient séparées par des rideaux donc on entendait tout», explique Aurélie.

Appareillage pour le détroit de Drake, passage obligatoire pour accéder à l’Antarctique. Ce bras de mer séparant l’extrémité sud de l’Amérique du Sud et l’Antarctique est particulièrement redouté, y compris par les marins aguerris. Pour les étudiants, les quatre jours de traversée du Drake se sont apparentés à un véritable calvaire. Clément en garde des souvenirs amers: «On vivait avec un rythme de balancier non rythmé permanent, qui nous a tous rendus malades», décrit-il, les empêchant par là même d’avaler quelque aliment et les circonscrivant au seul espace de leur couchette.

Trois fois par jour, pendant deux heures, chaque binôme devait aller sur le pont pour vérifier qu’il n’y ait pas d’iceberg ou d’obstacles impromptus, que le sonar n’aurait pu repérer. «Ces tours de garde nous trempaient invariablement, on rentrait dans nos cabines frigorifiés», se rappelle Robin. L’occasion pour les étudiants d’expérimenter des mers particulièrement compliquées, et donc, d’entrer dans le «dur» de la navigation. Une fois arrivés en Antarctique, l’équipe n’a pas pris plus d’une nuit pour se reposer. L’objectif: commencer le travail scientifique au plus vite afin de mettre à profit leur environnement singulier.

Leur objectif: faire avancer science et consciences

En préparant leur expédition, la volonté des étudiants était claire: faire avancer science et consciences en rapportant des données permettant d’enrichir la réflexion sur le réchauffement climatique. Ils ont ainsi centré leurs recherches sur quatre domaines. Leur premier objet de recherche est l’étude des planctons, afin de fournir à Plankton Planet, une filiale du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) des échantillons de plancton de cette zone, ce dont ils manquent cruellement.

De plus, Robin, Aurélie, Clément et Floriane, ont souhaité, avec l’aide d’une biostatisticienne, «étudier la réaction du corps lorsqu’il évolue dans des conditions extrêmes pendant une durée prolongée», à l’instar de ce mois sur un voilier en Antarctique. Un troisième aspect de leur recherche se concentrait sur le microplastique afin d’en observer l’évolution dans ce périmètre depuis 2018, date des dernières expérimentations sur place. Enfin, les quatre jeunes se sont intéressés aux courants océaniques: la péninsule Antarctique constituant le point de jonction des trois océans, elle est le lieu parfait pour suivre la salinité, prendre des mesures de l’eau et faire des relevés quotidiens.

Un dur retour à la réalité

À l’issue de ce mois passé hors du temps, à concentrer uniquement son attention sur les sciences et l’environnement, il était déjà temps pour toute l’équipe de revenir sur la terre ferme, puis de rejoindre l’Hexagone. Le retour à la réalité fut brutal: «On a par exemple redécouvert la couleur verte, qui est inexistante en Antarctique: en débarquant du voilier, on a directement été se rouler dans l’herbe», rapportent Clément et Robin, le ton rieur.

Ce retour s’est révélé particulièrement stressant: les étudiants devaient à la fois rattraper leur retard, notamment à l’école mais aussi, organiser les conférences et plus généralement, s’occuper de l’après-expédition.

Désormais, les perspectives sont nombreuses pour ces étudiants. «Je compte organiser des ateliers à destination des enfants pour les informer sur les bons comportements à adopter pour ne pas polluer l’environnement», explique Robin. Le deuxième pan de leur action se situe sur le terrain scolaire puisqu’ils désirent accroître le nombre de projets sur l’écologie dans leur école, l’IMT Mines-Albi. Les idées fourmillent: ils souhaitent rendre leur campus zéro-plastique, mettre en place des ruches et des ateliers pour faire son savon, son shampooing ou encore son yaourt soi-même. Là encore, il s’agit d’encourager les étudiants à prendre leurs responsabilités vis-à-vis de la Terre. «L’avenir de la planète nous appartient», conclut Robin Amaz.

Alaska, Patagonie, Alpes : partout dans le monde, la fonte des glaciers s’accélère (Le Monde, 8/4/2019)

Ces sentinelles du climat ont perdu plus de 9 000 milliards de tonnes de glace depuis 1961, contribuant à l’élévation du niveau des mers.

https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/04/08/alaska-patagonie-alpes-partout-dans-le-monde-la-fonte-des-glaciers-s-accelere_5447511_3244.html

Par Audrey Garric Publié le 08 avril 2019 à 17h00, modifié le 09 avril 2019 à 16h24

Vêlage (détachement d’une masse de glace) sur le glacier Hubbard, en Alaska, en août 2018.
Vêlage (détachement d’une masse de glace) sur le glacier Hubbard, en Alaska, en août 2018. JIM MONE / AP

Partout sur le globe, les glaciers se dévêtent progressivement de leurs majestueux manteaux blancs aux nuances de bleu. Conséquence du réchauffement de l’atmosphère, ces sentinelles du climat ont perdu plus de 9 600 milliards de tonnes de glace au cours des cinquante dernières années. A eux seuls, ils ont entraîné une élévation du niveau de la mer de 2,7 cm sur la période, contribuant pour 25 % à 30 % de la hausse globale. Voilà les conclusions d’une étude parue dans Nature lundi 8 avril, extrêmement précise quant à l’observation des bouleversements qui affectent ces géants continentaux.

« Globalement, les glaciers perdent chaque année environ trois fois le volume de glace stocké dans l’ensemble des Alpes européennes », compare Michael Zemp, premier auteur de l’étude et glaciologue à l’université de Zurich (Suisse).

« Nos résultats montrent que les glaciers continentaux, notamment la Patagonie, l’Alaska ou les Alpes, sont ceux qui sont le plus affectés par le climat, davantage que les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique », qui ne font pas partie de l’étude, ajoute le second auteur, Emmanuel Thibert, glaciologue à l’université Grenoble Alpes et à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.

Pour mener cette étude, qui couvre dix-neuf des régions les plus englacées du globe, l’équipe internationale de chercheurs s’est fondée sur deux types de données recueillies entre 1961 et 2016 : des photographies aériennes et satellites de 19 000 glaciers du monde, permettant de calculer leurs pertes de masse sur de longues périodes ; et des observations de terrain (carottages, mesures de précipitations et de fonte) pour 450 d’entre eux, représentatifs de massifs entiers, afin de connaître leur variation et réponse annuelle au changement climatique.

Résultat : la perte de masse s’est accélérée au cours des trente dernières années, particulièrement lors de la décennie 2006-2016, pour atteindre 335 milliards de tonnes (gigatonnes, Gt) de glace perdues chaque année. Soit davantage que la fonte du Groenland (la suite de cet article est réservée aux abonnés)