Lettre de la Communauté Kawésqar à l’exécutif des élevages de saumon Carlos Odebret : « Vous avez lancé une croisade de haine contre nous » (23/06/2025, Mapuche Diario)

Lettre de la Communauté Kawésqar à l’exécutif des élevages de saumon Carlos Odebret : « Vous avez lancé une croisade de haine contre nous » (23/06/2025, Mapuche Diario)

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Lettre de la Communauté Kawésqar à l’exécutif des élevages de saumon Carlos Odebret : « Vous avez lancé une croisade de haine contre nous" (23/06/2025, Mapuche Diario) 2

Dans le cadre des projets de développement d’élevages de saumon dans la région de Magallanes (Patagonie, Chili) la communauté kawesqar lutte.

Source: https://www.mapuchediario.cl/2025/06/23/carta-a-ejecutivo-salmonero-carlos-odebret-de-comunidad-kawesqar-usted-ha-iniciado-una-cruzada-de-odio-contra-nosotros/ (traduit de l’espagnol par l’association Karukinka)

Lettre ouverte à Carlos Odebret

Monsieur Carlos Odebret
Président de Salmones Magallanes

Depuis notre communauté indigène kawésqar, Groupes Familiaux Nomades de la Mer, nous vous adressons nos salutations. Nous ne répondrons pas aux arguments que vous avez publiés dimanche dans le Magallanes, car, tout comme les données de production de l’industrie que vous dirigez, ils sont faux, ce sont des mensonges.

Nous savons que ce qui vous dérange, c’est que nous ne nous soyons pas inclinés à vos pieds comme tant d’autres que vous manipulez à votre guise. Sachez que nous avons un engagement envers nos anciens et donc envers notre territoire, chose que vous ne comprenez sûrement pas, et nous pouvons le comprendre, car vous n’avez pas le cœur d’un indigène comme nous.

Vous avez lancé une croisade de haine contre nous, car vous ne pouvez pas comprendre que de simples habitants, étudiants, pêcheurs, artisans indigènes puissent s’opposer à la dévastation menée par l’industrie. Vous nous privez de nos droits, comme si nous ne pouvions pas chercher les outils nécessaires pour dénoncer la destruction de notre mer.

Nous souhaitons vous préciser quelque chose de très simple : ici, personne ne dirige les communautés, et nous comprenons aussi que vous ne puissiez pas le comprendre, vous êtes habitués à avoir des chefs. Dans notre communauté, cela n’existe pas, nous n’avons pas non plus l’habitude de diriger d’autres communautés, car, comme vous le savez, chacune jouit d’une totale autonomie.

Monsieur Odebret, parlons de colonialisme. Vous osez nous désigner comme si vous étiez le patron de Magallanes, n’est-ce pas là du colonialisme ? Qui êtes-vous pour restreindre notre autodétermination ? Vous parlez de Juan Carlos Tonko comme s’il était un exemple de « bon indigène », mais vous ne dites pas qu’il jouit de toute votre sympathie et qu’il a rejoint l’industrie destructrice, comme beaucoup d’autres, ce qui est sa totale liberté, mais cela détruit toute objectivité.

Monsieur Odebret, enfin, nous voulons vous faire une invitation. La première est de ne pas mentir : mentir nuit au monde, aux personnes et aux systèmes. Un exemple clair est ce qui se passe au niveau mondial. Nous n’avons rien d’autre que la mémoire de nos anciens kawésqar, mémoire que vous voulez effacer.

La seconde, c’est qu’avant de nommer notre communauté, nos alliés et notre représentante, vous devriez laver votre bouche avec du savon, car vous ne mesurez pas le mal que vous causez.

Nous vous saluons en espérant que cette lettre parvienne à votre bureau.

Communauté Kawésqar Groupes Familiaux Nomades de la Mer
Puerto Natales, 23 juin 2025


Lettre de Carlos Odebret

Monsieur le Directeur,

A Magallanes, où plus de 99 % du littoral est sous une forme de protection, les tensions entre protection environnementale et développement productif sont structurelles. Il n’est pas surprenant que ce territoire soit devenu un terrain idéal pour les ONG internationales qui, de loin, y trouvent une vitrine parfaite pour porter des causes globales. Mais lorsque cette influence se manifeste par des litiges systématiques et sans ancrage territorial, une question inévitable surgit : quand un recours légitime devient-il une stratégie de blocage ?

Un exemple de plus en plus évident est celui du groupe Communautés Kawésqar Nomades de la Mer, dirigé par Leticia Caro, qui a mené une stratégie judiciaire soutenue avec des ONG comme FIMA, AIDA et Greenpeace. Ils ont présenté des recours devant la Cour d’Appel — y compris un récent pour le rejet d’une demande de terres fiscales — et onze plaintes devant le Tribunal de l’Environnement contre des projets d’investissement : centres d’élevage, usines, travaux publics, sans distinction d’échelle ni d’origine.

Le cas le plus illustratif est la demande d’ECMPO (Espace Marin Côtier des Peuples Autochtones) « Kawésqar – Última Esperanza », déposée en 2018, qui déclarait ouvertement vouloir « stopper l’avancée de la salmoniculture dans la région ». La demande couvre 275 421 hectares (une surface équivalente au Luxembourg) et, après quatre ans de procédure judiciaire, a été rejetée par la Cour Suprême en février 2023. Cependant, la procédure reste ouverte (il manque le Rapport d’Usage Coutumier de la CONADI et le vote au CRUBC), ce qui pourrait prolonger le blocage de plus de 40 concessions aquacoles pour une décennie supplémentaire. Les ONG connaissent les failles du système : elles obtiennent, sans refus formel, le même effet qu’une résolution défavorable.

En 2023, la communauté Kawésqar a demandé une nouvelle ECMPO de 12 000 hectares face au parc national Cabo Froward (initiative de la Fondation Rewilding et du gouvernement). Cela montre comment des instruments comme les ECMPO deviennent des outils d’occupation stratégique du territoire, coordonnés avec des ONG qui manipulent le système institutionnel.

Il ne s’agit pas de remettre en cause le droit de recourir à la justice, mais la judiciarisation sans dialogue, sans liens réels avec les communautés et sans assumer les conséquences sociales du blocage des projets. C’est une intervention verticale qui instrumentalise les conflits depuis des bureaux lointains. Quand Greenpeace célèbre une décision d’un simple « like » sur les réseaux, la justice environnementale se réduit à du militantisme superficiel : un « activisme du clic » qui affecte des vies réelles.

Du monde indigène, des critiques comme celles du dirigeant Juan Carlos Tonko dénoncent un « colonialisme vert », où le discours environnemental supplante les communautés dans la prise de décision. Le ministre Luis Cordero (2020) a averti : « Le procès remplace le dialogue politique, et l’action environnementale devient une tranchée idéologique ».

Les Communautés Kawésqar Nomades de la Mer représentent 3 des 18 communautés Kawésqar, mais leur cause se présente comme la voix collective. Cette simplification déforme le débat et occulte la diversité indigène. Judiciariser sans dialogue ne protège pas les droits : cela bloque les opportunités.

Ce n’est pas écologie contre économie, ni indigènes contre entreprises. Il s’agit de gouvernance environnementale avec des règles claires, une participation authentique et un développement humain. La justice environnementale ne peut pas être une tranchée idéologique : quand elle l’est, ce sont les communautés qui cherchent le progrès qui en pâtissent.

Carlos Odebret
Président des Salmoniculteurs de Magallanes

22 juin 2025
El Magallanes

L’ancien président Eduardo Frei et les industriels du saumon au Japon : Il faut « tuer la Loi Lafkenche (19/06/2025, Mapuche Diario)

L’ancien président Eduardo Frei et les industriels du saumon au Japon : Il faut « tuer la Loi Lafkenche (19/06/2025, Mapuche Diario)

Le lobbyiste d’affaires Eduardo Frei a déclaré que pour que le Chili devienne un pays développé et puisse beaucoup exporter, « la première chose que nous devons faire est tuer la Loi Lafkenche, car elle est en train de tuer l’industrie du saumon au Chili ».

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L’ancien président Eduardo Frei et les industriels du saumon au Japon : Il faut « tuer la Loi Lafkenche (19/06/2025, Mapuche Diario) 4

Osaka, Japon, 19 juin 2025 (radiodelmar.cl) – Lors du sommet d’affaires Chili-Japon à l’Expo d’Osaka, qui s’est tenu le 16 juin au Japon, l’ancien président et actuel lobbyiste d’affaires, Eduardo Frei Ruiz-Tagle, a été invité par le gouvernement de Gabriel Boric ainsi que par les associations patronales forestières, agro-industrielles et salmonicoles, afin de défendre les groupes exportateurs chiliens et les investissements des multinationales japonaises au Chili.

Lors de cette rencontre d’affaires, cité par El Mercurio, l’ex-président a indiqué : « Par exemple, dans le secteur du saumon, nous sommes les deuxièmes producteurs mondiaux et les entreprises japonaises sont prêtes à investir pour doubler nos exportations. Mais pour cela, la première chose que nous devons faire est de tuer la Loi Lafkenche, car elle est en train de tuer l’industrie du saumon au Chili. Je le dis sans détour ! »

La Loi Lafkenche (n° 20.249) est une législation de la République qui permet aux peuples autochtones, ainsi qu’aux activités de pêche artisanale, aux communautés et entreprises locales (gastronomie, tourisme), de demander la protection de zones du littoral via la mise en place des Espaces Côtiers Marins des Peuples Autochtones (ECMPO).

Les propos de Frei ont été publiés par El Mercurio de Santiago du Chili. Ce média a également recueilli les réactions de Sady Delgado, directeur général de la méga-entreprise AquaChile, propriété du groupe AgroSuper de la famille Vial et membre du patronat Conseil du Saumon, qui a remercié « la clarté avec laquelle l’ex-président Frei a exposé les difficultés auxquelles le secteur est confronté ».

Delgado a ajouté que l’ex-président « a tout à fait raison dans ce qu’il dit, car c’est une loi qui affecte fortement le développement de la salmoniculture et qui affectera aussi d’autres industries ».

Des lois contre la “permisologie” pour accélérer l’extractivisme au Chili

Suite aux propos de Frei, Susana Jiménez, présidente de la Confédération de la Production et du Commerce (CPC), a déclaré à El Mercurio que l’ex-président « a fait référence à une situation réelle. Les processus de renouvellement de concessions et de nouveaux projets d’investissement sont bloqués. Et cela a beaucoup à voir avec la manière dont la loi a été gérée. Il ne devrait pas y avoir de demandes d’espaces incroyablement grands qui bloquent les investissements et ne finissent que par être des transferts de richesse ».

À l’Expo Osaka, Eduardo Frei a exposé deux autres points qu’il considère comme essentiels à débloquer dans notre pays : la lenteur du système politique à traiter les questions stratégiques. Il a pris pour exemple la manière dont l’Accord Transpacifique (TPP11) a été traité : « Nous avons mis quatre ans à le ratifier et nous avons perdu des marchés en Asie. Quatre ans perdus, en commerce international, c’est beaucoup ».

La deuxième revendication de Frei concerne les infrastructures : « Le Chili ne dispose d’aucun port de grande envergure et cela doit changer, sinon ce sera un frein à notre potentiel exportateur », a argumenté l’ex-président.

Ce sommet d’affaires s’est terminé par une visite du pavillon du Chili à l’Expo Osaka, où le public a pu déguster des saumons et des vins, proposés par les associations de producteurs de saumon et le groupe Vinos de Chile.

Source: https://www.mapuchediario.cl/2025/06/19/ex-presidente-eduardo-frei-y-el-empresariado-salmonero-en-japon-hay-que-matar-la-ley-lafkenche/ Cet article, publié en espagnol par Diario Mapuche, a été traduit par les bénévoles de l’association Karukinka

Pour en apprendre davantage sur l’actualité patagonne au Chili et en Argentine rendez-vous sur la page dédiée du blog de l’association Karukinka : ici

[Cap au Sud #11] de Buenos Aires (Argentine) à Puerto Williams (Chili) Deuxième partie

[Cap au Sud #11] de Buenos Aires (Argentine) à Puerto Williams (Chili) Deuxième partie

11 janvier 2025 : Belle journée, douce, ensoleillée… les Quarantièmes Rugissants sont cléments avec nous ! Personne sur l’eau, personne sur terre, nous longeons sous voiles une côte désertique et sèche, dépourvue de végétation, hormis quelques arbustes et de grandes étendues de touffes d’herbes jaunies balayées par le vent.


Après avoir veillé jusqu’à 2h du matin pour contourner la péninsule Valdès, je n’entends pas notre arrivée au mouillage le matin devant Puerto Madryn. Une perturbation orageuse arrivant du nord doit virer violemment sud à la tombée de la nuit. Les prévisions annoncent des rafales supérieures à 60 nœuds ce qui rend des plus logiques la décision de trouver un abri. Le mouillage face à la ville est tranquille dans la matinée, tout le monde en profite pour se reposer et je rattrape le retard des notes de mon carnet de voyage.

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Le sillage de Milagro en Atlantique Sud

Puerto Madryn est la ville principale de la province du Chubut. Avec ses immeubles en verre et sa musique à fond le long de la plage, elle contraste complètement avec la pampa aride et plate à perte de vue derrière elle. Elle apparaît comme une parenthèse urbanisée dans un territoire immense, vouée au commerce des minerais et, en saison, au tourisme.

A 14h, les conditions changent : des rafales continues et brûlantes font monter la température de l’air à 40 degrés, c’est suffocant ! Nous n’avions jamais senti un air aussi chaud, comparable à la sensation que donne l’ouverture de la porte d’un four. Le vent et la houle augmentent. Peu à peu les conditions deviennent tellement mauvaises dans la seule zone de mouillage autorisée par la Préfecture Navale Argentine que nous devons alors insister lourdement pour obtenir de mouiller de l’autre côté du quai des autorités. La houle dépasse 1m50, avec une fréquence très courte, lorsque nous sommes autorisés à bouger. Lever le mouillage ne se fait pas sans peine (ni généreux rinçage des équipiers en charge de cette manoeuvre). Une fois l’ancre jetée de l’autre côté, ce n’est pas byzance mais en comparaison c’est du pur bonheur. A bord, malgré l’épaisse isolation du voilier, la chaleur est rude. Tout l’équipage, Toupie et Parbat inclus, tente de se rafraîchir au mieux.

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Notre mascotte Toupie recherche elle aussi la fraîcheur dans le carré…

La bascule de vent du nord au sud arrive à la tombée de la nuit. L’anxiété est palpable car la mise à jour météo évoque toujours l’arrivée de violentes rafales. Tout sur le pont a été rangé et solidement amarré. Vers 21h30 une espèce d’onde de choc apparaît sur la baie, chargée de poussière, et traverse entre les immeubles avant d’atteindre la baie et de percuter Milagro. De grosses rafales de 55-60 nœuds aplatissent la houle de nord et fait chuter la température de l’air d’une bonne quinzaine de degrés ! Vers minuit le calme est bien revenu, permettant une bonne nuit de repos.

Nous reprenons notre route au lever du jour, par un bon vent de 15/20 nœuds et accompagnés d’une quinzaine de dauphins de Comerson, petits dauphins noir et blanc d’environ 1,50m qui virevoltent et jouent autour de Milagro.

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l’horizon dans le Golfo Nuevo, au sud de la Péninsule Valdés

L’après-midi des groupes de ces petits dauphins nous rendent régulièrement visite et le quart de nuit, sous un ciel sans nuage, est alors synonyme de soirée d’astronomie : observation des étoiles, de la Voie Lactée, comptage des étoiles filantes… le tout sous le haut patronage de la Croix du Sud qui nous montre le cap à suivre.

Le lendemain nous naviguons sur une mer d’huile, la limite entre le ciel et la mer s’estompe. Nous sommes contraints d’utiliser le moteur pour continuer à avancer. Nous sommes seuls, nous ne croisons personne, l’océan est un désert dans cette région du monde. La terre que nous apercevons au loin semble elle aussi oubliée des hommes, jusqu’à notre arrivée dans la soirée devant la petite ville de Camarones. Un premier manchot de Magellan nous fait l’honneur d’une visite.

Camarones est une petite ville de 1300 habitants de la province de Chubut, située à 44,45 degrés de latitude Sud. Elle a été fondée en 1900, pour l’exportation de fruits et de matières premières dont la laine (très réputée).


Nous passons la soirée dans le seul restaurant ouvert, « Alma Patagonia ». Il ne paie pas de mine à l’extérieur mais l’intérieur est très agréable et chaleureux. Et nous avons très bien mangé ! Une bonne adresse pour ceux qui passeraient par cette petite ville, sorte de porte d’entrée vers le grand sud de la Patagonie.


Au moment de régler en espèces, nous réalisons une fois de plus les effets de l’inflation en Argentine : en 2013 nous échangions 1 euro contre 6 pesos argentins; en 2025 c’est 1 euro pour… 1280 pesos. La fabrication de nouveaux billets n’ayant pas suivi, nous nous retrouvons avec de grosses liasses de billets de 100, 200, 500 ou 1000 pesos pour régler notre repas et ne pouvons nous empêcher d’avoir une pensée pour les Argentins n’ayant pas de compte bancaire pour placer leurs économies dans une autre devise. L’ambiance tous ensemble étant ce qu’elle est, le retour à bord en zodiac se fait à 2h du matin…!

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[Cap au Sud #11] de Buenos Aires (Argentine) à Puerto Williams (Chili) Deuxième partie 25

Nous passons la journée suivante à Camarones. Philippe et Patrick doivent débarquer pour reprendre l’avion et rentrer en Suisse. Nous en profitons pour nous ravitailler en produits frais, notamment dans une petite épicerie où le temps s’est arrêté : elle a plus d’un siècle, conservée dans son jus, et les gérantss seraient chez nous en retraite depuis longtemps…C’est suranné et ça ne manque pas de charme.


Retour à bord en début d’après-midi pour un atelier cuisine pendant que de bonnes rafales de vent dont la région a les secrets secouent Milagro et marbre l’océan de volutes blanchâtres. D’où l’importance d’avoir un bon mouillage dans la région…

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Le voilier Milagro au mouillage à Camarones (Chubut, Patagonie argentine)

Jeudi 16 Janvier 2025 : accompagnés par quelques dauphins, nous quittons Camarones avec du bon vent régulier, et un grand ciel bleu. Direction Rio Grande (560mn en route directe).

Pour suivre nos aventures, rdv ici

[UNOC3 peuples autochtones] Déclaration du réseau des «Femmes Autochtones» face à la Politique Océanique du Chili à la Conférence des Océans UNOC3 (Mapuche Diario, 19/06/2025)

[UNOC3 peuples autochtones] Déclaration du réseau des «Femmes Autochtones» face à la Politique Océanique du Chili à la Conférence des Océans UNOC3 (Mapuche Diario, 19/06/2025)

Le Réseau des Femmes Autochtones pour la Défense de la Mer, composé de cinq peuples (Diaguita, Chango, Mapuche, Kawésqar et Yagán) a dénoncé les attaques et l’invisibilisation subies au Chili malgré une loi reconnue internationalement comme un modèle de conservation marine inclusive : la loi Lafkenche. #unoc3 peuples autochtones chili

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[UNOC3 peuples autochtones] Déclaration du réseau des «Femmes Autochtones» face à la Politique Océanique du Chili à la Conférence des Océans UNOC3 (Mapuche Diario, 19/06/2025) 27

Lors de la Troisième Conférence des Nations Unies sur les Océans (UNOC3), qui s’est tenue du 9 au 13 juin 2025 à Nice (France), le Chili a projeté une image de leader mondial en matière de politiques océaniques, annonçant son engagement à protéger plus de la moitié de son océan — dépassant ainsi l’objectif 30×30 —, à accueillir le Secrétariat du Traité sur la Haute Mer et à se porter candidat pour co-présider la prochaine Conférence des Océans (UNOC4).

Cependant, depuis cette même tribune internationale, le Réseau des Femmes Autochtones pour la Défense de la Mer, représentant les visions collectives des cinq peuples qui le composent — Diaguita, Chango, Mapuche, Kawésqar et Yagán —, ainsi que l’Identité Territoriale Lafkenche et d’autres leaders des peuples côtiers du sud du Chili, ont exposé une contradiction douloureuse : le pays qui cherche à diriger la conservation marine mondiale attaque et invisibilise chez lui une loi reconnue internationalement comme un modèle de conservation marine inclusive.

Il s’agit de la Loi 20.249, qui crée les Espaces Côtiers Maritimes des Peuples Autochtones (ECMPO), une réglementation issue de la lutte légitime des peuples autochtones. Cette loi permet d’attribuer l’administration d’espaces maritimes côtiers délimités à des communautés ayant historiquement exercé leur usage coutumier, dans le but de préserver les pratiques traditionnelles, de conserver les ressources naturelles, de garantir le bien-être et le lien ancestral avec la mer, et de promouvoir une gouvernance participative et inclusive du littoral entre les différents acteurs territoriaux.

Comme l’a expliqué Pamela Mayorga Caro, coordinatrice du Réseau, lors de la conférence, cette loi est « un outil de co-administration qui rend visibles et donne la possibilité aux communautés d’avoir une voix démocratisée sur l’avenir de leurs territoires ».

Alors que le Chili aspire à diriger la conservation marine mondiale, ses avancées océaniques n’intègrent pas de manière substantielle les côtes continentales et les eaux intérieures, épicentre des conflits socio-environnementaux. Et, paradoxalement, la Loi 20.2491, qui pourrait être l’un des outils clés pour progresser dans ce sens, ne fait pas partie de l’agenda officiel des politiques océaniques du pays et, au contraire, fait l’objet de fortes attaques de la part de secteurs industriels et politiques qui cherchent à la modifier.

Comme l’a réitéré Astrid Puentes Riaño, Rapporteuse spéciale de l’ONU, lors de plusieurs interventions à la Conférence des Océans, et dans un récent article publié dans El País, dans l’élaboration de politiques océaniques efficaces « la reconnaissance des droits des communautés côtières est essentielle, car environ 500 millions de personnes dépendent de la pêche artisanale et, tout comme le peuple mapuche lafkenche, beaucoup d’entre elles sont des peuples autochtones dont l’expérience sert à protéger la vie de l’océan. Cependant, elles sont rarement incluses dans les processus de prise de décision, alors qu’elles sont essentielles pour trouver des solutions. »2

Ingrid Echeverría Huequelef, coordinatrice du Réseau, s’est exprimée depuis Nice en affirmant qu’il s’agit « d’une loi née de la spiritualité du peuple mapuche lafkenche, une loi inclusive… mais qui, en raison de l’ignorance, est très durement attaquée par les industries extractives et par un certain mouvement politique chilien. » De son côté, Yohana Coñuecar Llancapani, coordinatrice du Réseau et représentante des peuples autochtones à la Commission régionale d’utilisation du littoral de la Région des Lacs, a ajouté qu’en tant que femmes défenseures du territoire, « nous subissons des campagnes de haine et de racisme, et sommes constamment invisibilisées par l’État. »

Cette loi et sa défense reposent sur une compréhension profonde de l’océan, que les représentantes du Réseau ont exprimée clairement : « La mer est pour nous un espace de mémoire, de subsistance, de spiritualité, de culture et de travail. » Cette perspective ancestrale, qui contraste fortement avec les politiques extractivistes de « l’Économie Bleue » promues par les gouvernements et les industries, offre des alternatives concrètes et durables pour la protection des océans, fondées sur des systèmes de gouvernance communautaire et des savoirs transmis de génération en génération. Face à un modèle qui considère la mer comme une ressource à exploiter, les femmes autochtones proposent une relation de réciprocité et de soin qui a prouvé son efficacité depuis des siècles.

Cette vision intégrale se traduit par une proposition politique concrète et sans ambiguïté : « les politiques publiques ne peuvent être fondées sur le centralisme, elles doivent émaner des territoires. Elles ne peuvent être influencées par le pouvoir économique des industries. » Leur position, forgée par des années de résistance, est inébranlable : « nous, femmes de la mer, ne permettrons pas le recul des droits que nous avons obtenus de haute lutte, pour nous-mêmes et pour les gens qui vivent et travaillent sur la mer, la naviguent et récoltent non seulement des poissons, mais aussi des algues, des coquillages, pour ceux qui résistent et protègent les esprits qui habitent les territoires. » — Ingrid Echeverría Huequelef.

Cette fois depuis la Conférence sur les Océans, demain depuis différents territoires côtiers du Chili, et en novembre à Belém lors de la COP30, le Réseau des Femmes Autochtones pour la Défense de la Mer maintiendra sa voix haute et continuera d’interpeller directement le gouvernement chilien, la FAO, les organisations internationales, les bailleurs de fonds, les industries et tous les acteurs impliqués dans la gouvernance de la mer. Le message est clair :

  • Mettre fin à la marchandisation de l’océan au nom de la croissance bleue et à d’autres mesures de conservation fondées sur les aires, qui ne respectent ni nos droits ni nos modes de vie.
  • Assurer une approche interculturelle et de genre transversale dans les politiques océaniques et une participation active et centrale des peuples autochtones et des communautés de la mer dans la gouvernance marine.
  • Garantir la non-régression des droits dans les territoires côtiers-marins acquis à travers des processus de lutte légitimes.
  • Prévenir, arrêter et garantir la justice face aux menaces et à la criminalisation des défenseur·e·s de la mer.
  • Exiger de la cohérence au gouvernement chilien dans sa politique océanique pour pouvoir se porter candidat à l’accueil du Secrétariat du Traité sur la Haute Mer et à l’organisation de l’UNOC4.

Le Réseau rappelle un principe fondamental : garantir des océans sains exige d’inclure les voix de celles et ceux qui vivent de la pêche, de la récolte et de la cueillette, qui habitent les côtes et comprennent de première main l’interdépendance entre la santé des océans, les activités humaines et la justice territoriale.

Le Chili doit résoudre ses incohérences internes et honorer ses engagements et responsabilités légales envers les communautés, avant de prétendre à la reconnaissance de son leadership mondial en matière de politiques océaniques.

« Le Chili parle très bien à l’extérieur, mais à la maison, il doit régler ses comptes. » — Pérsida Cheuquenao Aillpán, Présidente de l’Identité Territoriale Lafkenche et coordinatrice du Réseau des Femmes.

Nice a montré que cette contradiction n’est pas exceptionnelle, mais fait partie d’une crise mondiale plus profonde où il existe toujours un fossé abyssal entre le discours environnemental et la pratique extractiviste, face auquel il n’y a pas de place pour la complaisance ni pour le silence complice.

Lire l’Appel à l’Action complet ici [en espagnol].

Source: https://www.mapuchediario.cl/2025/06/19/declaracion-de-la-agrupacion-mujeres-originarias-frente-a-la-politica-oceanica-de-chile-en-la-conferencia-de-oceanos/ Traduit et partagé par l’association Karukinka, dédiée à la Patagonie

La découverte d’un monde perdu vieux de 30 millions d’années sous la glace de l’Antarctique : une véritable capsule temporelle révélée (Ouest France 13 juin 2025)

La découverte d’un monde perdu vieux de 30 millions d’années sous la glace de l’Antarctique : une véritable capsule temporelle révélée (Ouest France 13 juin 2025)

Un monde perdu découvert sous la glace de l’Antarctique : des chercheurs internationaux ont annoncé la découverte d’un monde perdu, potentiellement vieux de plus de 30 millions d’années, situé à plus d’un kilomètre sous la glace de l’Antarctique. Ce paysage ancien aurait pu regorger de rivières, de forêts, et peut-être même d’animaux sauvages.

Un article écrit par Cyril Renault ; source : https://sain-et-naturel.ouest-france.fr/monde-perdu-sous-la-glace-de-lantarctique.html

L’Antarctique n’a pas toujours été un désert glacé. Selon les scientifiques, il abritait autrefois un écosystème luxuriant. « Cette découverte est comme l’ouverture d’une capsule temporelle », a déclaré le professeur Stewart Jamieson, géologue à l’Université de Durham en Angleterre et co-auteur de l’étude, publiée dans la revue Nature Communications.

Des recherches débutées en 2017

Les travaux sur le terrain ont commencé en 2017, lorsque l’équipe a foré le fond marin afin d’extraire des sédiments provenant d’un écosystème enfoui sous la glace.

« La terre sous la calotte glaciaire de l’Antarctique oriental est moins connue que la surface de Mars », a souligné le professeur Jamieson.

C’est en analysant ces sédiments que les scientifiques ont mis au jour un ancien paysage situé à plus d’un kilomètre de profondeur.

Un paysage vaste et préservé

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Le paysage découvert se situe dans la région de Wilkesland, dans l’Antarctique de l’Est, et s’étend sur plus de 30 000 km², soit environ deux fois la taille de la Bretagne.

Des traces de pollen de palmiers anciens ont été retrouvées, suggérant que la zone pouvait avoir un climat tropical avant sa glaciation.

Grâce à des outils de pointe, notamment le radar à pénétration de sol, les chercheurs ont identifié des blocs de terrain surélevé mesurant entre 120 et 170 kilomètres de long et jusqu’à 85 kilomètres de large. Ces blocs sont séparés par des vallées pouvant atteindre 40 kilomètres de largeur et près de 1 200 mètres de profondeur.

Un paysage sculpté par les rivières

L’analyse indique que cette formation géologique n’a probablement pas été érodée par la glace, mais façonnée par des rivières. Le paysage aurait donc été formé avant l’apparition de la calotte glaciaire antarctique, il y a environ 34 millions d’années.

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Un schéma représentant l’ancien paysage fluvial préservé sous la calotte glaciaire de l’Antarctique oriental. Image crédits nature Communications

Les chercheurs poursuivent leurs études sur cette zone afin de mieux comprendre l’évolution du climat, des écosystèmes anciens et de la calotte glaciaire.

Cette découverte pourrait apporter des informations précieuses sur les effets du changement climatique à long terme.

La fragmentation de Gondwana et la naissance d’un relief unique

Lorsque le supercontinent Gondwana a commencé à se disloquer, le mouvement des masses terrestres a engendré de profondes fissures et formé les crêtes imposantes identifiées sous la glace de l’Antarctique. Ce processus tectonique ancien a façonné un paysage complexe qui est resté figé pendant des dizaines de millions d’années.

À cette époque reculée, la région abritait probablement des rivières sinueuses et des forêts denses dans un climat tempéré, voire tropical. Cette hypothèse est étayée par la découverte de pollen de palmier ancien à proximité du site, selon The Economic Times.

Par ailleurs, les sédiments extraits contenaient des micro-organismes marins, évoquant un environnement caractérisé par des mers chaudes et une biodiversité importante.

Un paysage qui évoque la Patagonie… ou les tropiques

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« Il est difficile de dire exactement à quoi ressemblait ce paysage ancien, mais selon la période que l’on considère, le climat aurait pu ressembler à celui de la Patagonie moderne, ou même à quelque chose de tropical », a expliqué le professeur Stewart Jamieson.

En d’autres termes, l’Antarctique verdoyant n’est pas uniquement un phénomène hypothétique ou contemporain. Il fut bel et bien une réalité géologique dans un lointain passé.

Un gel brutal qui a figé l’écosystème

Lorsque le climat mondial s’est refroidi, une calotte glaciaire s’est formée, recouvrant progressivement le continent antarctique. Ce processus a interrompu l’érosion active et a gelé le paysage sous-glaciaire, un peu comme un mammouth piégé dans la glace.

« L’histoire géologique de l’Antarctique enregistre d’importantes fluctuations », a déclaré Jamieson. « Mais des changements aussi brusques ont laissé peu de temps à la glace pour modifier significativement le paysage sous-jacent. »

Même lors de périodes de réchauffement climatique, comme au cours du Pliocène moyen il y a environ 3 millions d’années, la glace n’a jamais complètement reculé au point de révéler cette ancienne topographie.

Elle est donc restée préservée, intacte sous la glace depuis des dizaines de millions d’années.

Mieux comprendre le passé pour prédire l’avenir

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L’équipe scientifique espère que l’étude de ce paysage enfoui et de son évolution sous l’effet des glaciations successives permettra d’améliorer les modèles actuels sur la fonte des glaces.

« Ce type de découverte nous aide à comprendre comment le climat et la géographie sont étroitement liés, et à quoi nous pouvons nous attendre dans un monde où les températures augmentent », a conclu Jamieson.

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