La découverte d’un monde perdu vieux de 30 millions d’années sous la glace de l’Antarctique : une véritable capsule temporelle révélée (Ouest France 13 juin 2025)

Un monde perdu découvert sous la glace de l’Antarctique : des chercheurs internationaux ont annoncé la découverte d’un monde perdu, potentiellement vieux de plus de 30 millions d’années, situé à plus d’un kilomètre sous la glace de l’Antarctique. Ce paysage ancien aurait pu regorger de rivières, de forêts, et peut-être même d’animaux sauvages.

Un article écrit par Cyril Renault ; source : https://sain-et-naturel.ouest-france.fr/monde-perdu-sous-la-glace-de-lantarctique.html

L’Antarctique n’a pas toujours été un désert glacé. Selon les scientifiques, il abritait autrefois un écosystème luxuriant. « Cette découverte est comme l’ouverture d’une capsule temporelle », a déclaré le professeur Stewart Jamieson, géologue à l’Université de Durham en Angleterre et co-auteur de l’étude, publiée dans la revue Nature Communications.

Des recherches débutées en 2017

Les travaux sur le terrain ont commencé en 2017, lorsque l’équipe a foré le fond marin afin d’extraire des sédiments provenant d’un écosystème enfoui sous la glace.

« La terre sous la calotte glaciaire de l’Antarctique oriental est moins connue que la surface de Mars », a souligné le professeur Jamieson.

C’est en analysant ces sédiments que les scientifiques ont mis au jour un ancien paysage situé à plus d’un kilomètre de profondeur.

Un paysage vaste et préservé

forets du monde

Le paysage découvert se situe dans la région de Wilkesland, dans l’Antarctique de l’Est, et s’étend sur plus de 30 000 km², soit environ deux fois la taille de la Bretagne.

Des traces de pollen de palmiers anciens ont été retrouvées, suggérant que la zone pouvait avoir un climat tropical avant sa glaciation.

Grâce à des outils de pointe, notamment le radar à pénétration de sol, les chercheurs ont identifié des blocs de terrain surélevé mesurant entre 120 et 170 kilomètres de long et jusqu’à 85 kilomètres de large. Ces blocs sont séparés par des vallées pouvant atteindre 40 kilomètres de largeur et près de 1 200 mètres de profondeur.

Un paysage sculpté par les rivières

L’analyse indique que cette formation géologique n’a probablement pas été érodée par la glace, mais façonnée par des rivières. Le paysage aurait donc été formé avant l’apparition de la calotte glaciaire antarctique, il y a environ 34 millions d’années.

calotte glaciaire antarctique réchauffement climatique écosystème antarctique

Un schéma représentant l’ancien paysage fluvial préservé sous la calotte glaciaire de l’Antarctique oriental. Image crédits nature Communications

Les chercheurs poursuivent leurs études sur cette zone afin de mieux comprendre l’évolution du climat, des écosystèmes anciens et de la calotte glaciaire.

Cette découverte pourrait apporter des informations précieuses sur les effets du changement climatique à long terme.

La fragmentation de Gondwana et la naissance d’un relief unique

Lorsque le supercontinent Gondwana a commencé à se disloquer, le mouvement des masses terrestres a engendré de profondes fissures et formé les crêtes imposantes identifiées sous la glace de l’Antarctique. Ce processus tectonique ancien a façonné un paysage complexe qui est resté figé pendant des dizaines de millions d’années.

À cette époque reculée, la région abritait probablement des rivières sinueuses et des forêts denses dans un climat tempéré, voire tropical. Cette hypothèse est étayée par la découverte de pollen de palmier ancien à proximité du site, selon The Economic Times.

Par ailleurs, les sédiments extraits contenaient des micro-organismes marins, évoquant un environnement caractérisé par des mers chaudes et une biodiversité importante.

Un paysage qui évoque la Patagonie… ou les tropiques

patagonie glaciers patagonie

« Il est difficile de dire exactement à quoi ressemblait ce paysage ancien, mais selon la période que l’on considère, le climat aurait pu ressembler à celui de la Patagonie moderne, ou même à quelque chose de tropical », a expliqué le professeur Stewart Jamieson.

En d’autres termes, l’Antarctique verdoyant n’est pas uniquement un phénomène hypothétique ou contemporain. Il fut bel et bien une réalité géologique dans un lointain passé.

Un gel brutal qui a figé l’écosystème

Lorsque le climat mondial s’est refroidi, une calotte glaciaire s’est formée, recouvrant progressivement le continent antarctique. Ce processus a interrompu l’érosion active et a gelé le paysage sous-glaciaire, un peu comme un mammouth piégé dans la glace.

« L’histoire géologique de l’Antarctique enregistre d’importantes fluctuations », a déclaré Jamieson. « Mais des changements aussi brusques ont laissé peu de temps à la glace pour modifier significativement le paysage sous-jacent. »

Même lors de périodes de réchauffement climatique, comme au cours du Pliocène moyen il y a environ 3 millions d’années, la glace n’a jamais complètement reculé au point de révéler cette ancienne topographie.

Elle est donc restée préservée, intacte sous la glace depuis des dizaines de millions d’années.

Mieux comprendre le passé pour prédire l’avenir

antarctique calotte glaciaire wilkesland gondwana histoire géologique

L’équipe scientifique espère que l’étude de ce paysage enfoui et de son évolution sous l’effet des glaciations successives permettra d’améliorer les modèles actuels sur la fonte des glaces.

« Ce type de découverte nous aide à comprendre comment le climat et la géographie sont étroitement liés, et à quoi nous pouvons nous attendre dans un monde où les températures augmentent », a conclu Jamieson.

Pour découvrir d’autres actualités scientifiques liées à l’Antarctique et à la Patagonie sélectionnées par l’association Karukinka, rdv ici

[Cap au Sud #10] de Buenos Aires (Argentine) à Puerto Williams (Chili) Première partie

[Cap au Sud #10] de Buenos Aires (Argentine) à Puerto Williams (Chili) Première partie

Minuit. Cà y est, c’est Noël à Buenos Aires !

Pour le passage au 25 décembre, me voilà en route pour une croisière hauturière, dans un taxi direction un hôtel, depuis l’aéroport Ezeiza de Buenos Aires vers le centre de la capitale argentine, après un vol sans histoire sur Air France de 13h depuis Paris. Sur le périphérique le passage à Noël, se matérialise par de nombreux tirs de feu d’artifice et de fusées d’un quartier à l’autre, et aussi par l’absence quasi-complète de moyen de quitter l’aéroport entre 23h et 01h du matin ! Il ne faut pas arriver en Argentine un 24 Décembre, on ne plaisante pas avec Noël ici.

Le lendemain matin l’Uber de Noël nous dépose, Jacques (le président de l’association) et moi devant la grille du Yacht Club de Buenos Aires, petit havre de verdure et de paix au cœur de cette mégapole et de son quartier chic de buildings en verre. Nous retrouvons Lauriane, Damien, Toupie, Parbat et le bon vieux Milagro, tous fatigués par cette traversée de l’Atlantique. Juste le temps de saluer ceux qui quittent le bord, François et Henri, et direction ma cabine et les quelques mètres carrés qui seront ma maison flottante pour les prochaines semaines de navigation en Atlantique Sud.

Arrivée au Yacht Club Argentino avant le départ du stage de voile hauturier argentine croisière hauturière club de voile habitable adulte
Sébastien, Damien, Jacques et Toupie réunis au Yacht Club Argentino (Buenos Aires, Argentine)

Autour du ponton la faune est nombreuse à nous observer : tortues qui bullent en surface, iguanes terrestres d’un mètre de long qui se prélassent au soleil dans l’herbe sèche, cormorans qui poursuivent celui de leur congénère qui a péché un poisson et a le malheur de ne pas l’avoir encore avalé, bref, ça s’active autour de nous et nous en prenons de la graine tous les jours jusqu’à 19h, heure fatidique de l’arrivée de milliers de moustiques en provenance des marais environnants et qui nous obligent à tout fermer et fuir le bateau jusqu’à la nuit tombée.

iguane yacht club argentino buenos aires stage de voile intensif croisière hauturière stage haute mer argentine
Un de nos voisins de ponton au Yacht Club Argentino (Buenos Aires, Argentine)

Pendant cette semaine d’entre les fêtes un rythme soutenu se met en place : entretien du bateau à gogo, démarches administratives avec les autorités, préparation de l’avitaillement, réparation du plancher du cockpit qui s’affaisse, installation d’une éolienne, installation (chaotique) d’une sonorisation d’exception dans le carré, laverie, avitaillement en nourriture, carburant et gaz, changement dans l’accastillage, matelotage…et réparation de la grand-voile !

En effet, celle-ci a souffert lors de la dernière traversée de 2 déchirures verticales, au niveau de coutures qui nécessitent de la dégréer pour la réparer. Heureusement Clément, professionnel de la voile qui travaille sur les Imoca du Vendée Globe, prend cette réparation en main. C’est long et fastidieux, écrasés par la chaleur de l’été argentin sur une dalle en béton ensoleillée. Nous transpirons à grosses gouttes. Ces travaux sont heureusement coupés par d’agréables pauses repas à la cafétéria du Yacht Club (mention spéciale au restaurant du siège du yacht club qui est magnifique et dont les plats proposés sont excellents).

équipier sur un voilier hauturier croisière hauturière
L’une des pauses bien méritées de l’équipage à la cafétéria du Yacht Club

On décolle du Yacht Club Argentin !

Finalement, la préparation se termine en même temps que l’année 2024 : l’année 2025 commence avec notre départ de Buenos Aires au complet avec Jacques, Philippe, Patrick, Clément, Aude (présente depuis le départ de St-Nazaire !), Lauriane, Damien, Toupie, Parbat et moi. Nous quittons le Yacht Club le 1er janvier 2025, dès que Milagro décolle de sa place au fond vaseux, direction la sortie du Rio de la Plata.

Le delta est absolument gigantesque : les extrémités ne peuvent pas se voir depuis le chenal précisément balisé que nous empruntons. L’eau reste douce jusqu’à très loin au large et turbide, chargée par les sédiments du delta arrachés aux montagnes. Autre particularité : pendant au moins 100 nautiques, la profondeur est très faible et constante : moins de 10m ! Même sans côte à l’horizon, il est possible de mouiller presque partout et le chenal balisé d’accès à Buenos Aires pour les gros navires paraît interminable !

Nous passons la nuit au mouillage face à des mangroves, près de La Plata, ainsi que les deux journées suivantes tout en gagnant vers l’est dans les eaux douces et laiteuses du Rio de la Plata, en attendant qu’un coup de vent passe au large et nous laisse gagner la haute mer. Mère Nature en profite pour nous faire cadeau de quelques ciels somptueux.

A partir de ce moment-là nous passons à de la navigation hauturière non-stop : des quarts de 3h sont programmés en binômes ; un équipier qui barre et reste sur le pont en continu, et un second qui intervient pour les manœuvres et un soutien « logistique » pour celui sur le pont, afin de rendre la veille plus agréable, le tout avec un glissant de 1h30. Pour ma part je commence avec Damien et finis avec Aude.

Il faut s’habituer à ce rythme particulier d’une navigation hauturière, si différent du rythme terrestre : le temps se distant, les distances aussi, un rythme monotone mais indispensable s’installe. Les prévisions se gâtent et nous décidons de nous réfugier à Bahia San Blas, malgré des données hydrographiques peu engageantes : nous avons parcourus 680 nautiques depuis le départ, à la voile mais aussi au moteur, le temps ayant été particulièrement calme depuis le départ.

Bahia San Blas : notre entrée dans les Quarantièmes Rugissants.

Bahia San Blas est caractéristique de la côte argentine jusqu’à Ushuaia : pas de marina ni de digue ; nous mouillons devant la plage. Les bateaux locaux ne sont que de gros zodiacs qui sont tirés à terre à l’issue de leur sortie, nous comprendrons pourquoi rapidement… La ville, de quelques milliers d’habitants, n’est qu’un front de mer : après 2/3 rangées de maisons, c’est la pampa qui commence… immense.

Il fait très chaud, c’est étouffant. Nous déjeunons dans le seul restaurant ouvert et rapidement il est temps de retourner à bord pour le coup de vent annoncé. Le ciel est déjà très sombre et le clapot grossit : trop tard pour ne pas être trempés ! Le retour en annexe est aussi « sportif » que mémorable. Tout le monde est littéralement rincé, l’eau est à 23 degrés et une moule échappée d’une boîte à pizza trouve son bonheur en faisant des longueurs au fond de l’annexe…

Aussitôt l’annexe remontée, le coup de vent arrive : le vent se met à souffler en continu à 30/35 nœuds, avec des rafales dépassant les 50 noeuds et soufflant les crêtes des vagues et le sable sur la plage. Le ciel est constamment zébré d’éclairs à 360°, c’est impressionnant ! Le bateau roule énormément, un fort courant s’opposant au vent dominant. Le roulis met particulièrement mal à l’aise et épuise. Certains restent apathiques dans leur couchette, comme vidés de toute énergie et la situation va perdurer une grande partie de la nuit.

stage haute mer argentine croisière hauturière formation voile intensive
Moment de convivialité au mouillage, pour ne pas voir le temps qu’il fait dehors…

Au matin et après une courte accalmie le coup de vent reprend, cette fois à 40 nœuds et venant du sud. Milagro roule et tourne en continu autour de son ancre à cause des effets simultanés du vent et du courant de la rivière. La température chute. Ce vent continu est impressionnant et fatiguant : il finit par entrer dans la tête, devenant insupportable. Sacré contraste entre ce vent qui hurle sur le pont et le calme feutré et douillet du carré 2m plus bas. De nombreuses fois nous nous dirons que Milagro est bien le bateau qu’il faut pour l’endroit où nous sommes ! Calme et soleil reviennent vers 18h, promesses d’une nuit réparatrice au mouillage pour laisser retomber la houle formée au large.

Le 10 janvier départ 10h sous le soleil, une bonne brise et encore de la houle qui va faire rouler le bateau… La sortie de la rivière est stressante, avec des bancs de sable aux profondeurs bien différentes des données indiquées sur nos cartes. Nous faisons cap sur Puerto Madryn, ville située dans la baie sud de la péninsule Valdès, péninsule rendue célèbre par la Calypso du Commandant Cousteau dans les années 70 : cette baie est une nurserie à baleines bleues. On verra ça d’ici quelques jours !

Pour suivre nos récits, rdv ici, et pour connaître le programme de nos stages c’est par là

Escalade en Patagonie : l’histoire de Julia Niles mêlant grimpe et résilience à Cochamó (PlanetGrimpe, 05/06/2025)

Nous vous invitons à découvrir le récit d’une expédition d’escalade en Patagonie publiée par le magazine Planet Grimp

Source: https://planetgrimpe.com/escalade-et-resilience-lhistoire-de-julia-niles-a-cochamo/

« Climbing Through », vous n’en avez jamais entendu parler ? Il s’agit d’un récit publié sur le blog de la marque Arc’teryx, où la guide de montagne et thérapeute Julia Niles revient sur une expédition singulière qu’elle a vécu dans la vallée de Cochamó, au Chili. Plus qu’un simple retour à l’escalade, cette aventure marque pour elle une forme de renaissance. Avec ses mots, elle nous raconte comment l’escalade, longtemps mise entre parenthèses, est redevenue un point d’ancrage dans sa vie. Une histoire intime, avec en toile de fond une grimpe qui aide à retrouver son équilibre.

Retrouver la falaise après des années d’éloignement

Lorsque Julia accepte l’invitation de la grimpeuse pro Émilie Pellerin à la rejoindre pour une expédition en Patagonie, elle ne s’est pas préparée à l’impact que ce retour en falaise allait avoir sur elle. Ancienne grimpeuse très expérimentée, Julia avait depuis longtemps troqué les grandes voies pour une vie bien remplie : celle d’une mère célibataire et d’une femme pleinement investie dans sa vie professionnelle. Une vie à cent à l’heure où l’escalade était devenue un lointain souvenir, un passé qu’elle pensait avoir rangé dans un coin de sa tête. Mais Cochamó, avec ses parois de granite imposantes, ses marches d’approches sauvages et son ambiance brute, aura réveillé en elle quelque chose de profond.

L’escalade m’avait déjà sauvée par le passé ; elle pouvait peut-être me sauver à nouveau. | Julia Niles

Une aventure portée par la solidarité féminine

Ce qui marque  Julia au cours de cette expédition, c’est la composition inédite de l’équipe : un groupe presque entièrement féminin, une première dans son parcours. Cette configuration génère une dynamique singulière, loin des modèles parfois dominés par la recherche de performance ou la rivalité. L’ambiance qui s’installe est faite de bienveillance, d’écoute et de respect. Chacune peut exprimer ses doutes, ses émotions, ou sa fatigue sans crainte d’être jugée. Une atmosphère rare, où la vulnérabilité devient une force partagée.

C’était une mission hors du commun. Pour la première fois, parmi tous les tournages, séances photo et expéditions auxquels j’avais participé, nous étions plus de femmes que d’hommes. | Julia Niles

Pour Julia, cette cohésion entre femmes joue un rôle central dans sa redécouverte de l’escalade. Elle y retrouve une pratique attentive aux ressentis et aux besoins de chacune. Ce climat de confiance transforme l’expédition en une expérience marquante, où le lien humain compte autant que la grimpe en elle même.

La montagne comme outil thérapeutique

En tant que psychothérapeute, Julia fait rapidement le lien entre les émotions traversées en paroi et les mécanismes psychologiques mis en oeuvre dans un parcours de reconstruction personnelle.

Là-haut sur la paroi, j’étais plongée dans mes pensées. Tandis que mes yeux absorbaient le paysage magnifique, j’examinais ma vie en démêlant mes problèmes. Je me suis aperçue que j’avais profondément besoin de ça. | Julia Niles 

À Cochamó, chaque mouvement, chaque prise, chaque décision engage des ressources mentales importantes — confiance, résilience, gestion de la peur, capacité à accepter l’imprévu. Dans son récit, elle nous rappelle également que  la grimpe exige une grande concentration: paradoxalement, loin de s’ajouter à la charge mentale, elle offre au contraire un soulagement, une bouffée d’air frais face à la pression constante du quotidien.

Ralentir pour mieux ressentir

Une autre dimension du récit de Julia tient à la lenteur imposée par l’environnement de Cochamó. Ici, pas de chrono, pas de course à la cotation. L’approche se fait à pied, parfois sur plusieurs jours. Les longues fissures de granite se méritent, les bivouacs en paroi demandent de la patience, beaucoup de patience. Ce rythme ralenti tranche net avec l’agitation du quotidien, et met en avant une pratique de l’escalade plus épurée, presque proche de la méditation.

Je me suis immergée dans le rythme qu’inspire la nature. Au soir, descendant en rappel dans le ciel pourpre, je me suis fondue dans le paysage, comblée, en paix, n’ayant plus besoin de rien d’autre. | Julia Niles

Dans ce retour à l’essentiel, Julia redécouvre le plaisir simple de grimper pour elle-même, sans attente de performance. Une grimpe qui apaise, qui recentre, qui donne du sens. Dans un monde où tout va vite, l’escalade devient pour elle un espace rare où le temps reprend sa juste place.

Une histoire personnelle sans exploit ni paillettes

Climbing Through n’est ni un récit d’exploit, ni un palmarès de performances. C’est une histoire humaine et sincère, ancrée dans la réalité d’une femme qui cherche à concilier passion, travail, maternité et équilibre personnel. C’est également un beau témoignage sur le rôle que peut jouer l’escalade dans les parcours de vie, y compris les plus intimes.

En revenant à l’escalade, Julia Niles nous démontre que la grimpe ne se limite pas à l’effort physique : elle ouvre un espace intérieur, fait de remises en question, d’instants de joie et de reconquête de soi.

Et voici la vidéo de cette aventure grandiose :

Pour découvrir d’autres récits d’expédition, n’hésitez pas à jeter un oeil à notre blog

Un jour comme aujourd’hui décédait Virginia Choquintel, « la dernière Selk’nam » (02/06/2025, La Contra Tapa)

Elle avait 56 ans. Virginia Choquintel est décédée à Río Grande. Elle avait souffert du déracinement, de la solitude, de l’alcoolisme et de la contradiction d’être la descendante d’un père et d’une mère selk’nam tout en ignorant l’histoire et la culture de son peuple.


virginia choquintel

Le décès de Virginia Choquintel à Río Grande à l’âge de 56 ans marque la fin d’une vie marquée par le déracinement et la quête d’identité. Née en 1942, à une époque où la population Selk’nam était décimée par la violence et les maladies, Choquintel incarna la paradoxale condition d’être descendante d’un peuple autochtone qu’elle ne connaissait pourtant pas.

Elle ne gardait que quelques souvenirs flous de son père, durant son enfance à la Mission salésienne : « Tous les après-midis, il venait me chercher et m’emmenait faire des promenades à cheval », mais elle ne se souvenait pas « si nous parlions ». Sa mère succomba à une épidémie : « De ma mère, je me souviens à peine… elle est morte quand j’étais toute petite » (entretien avec l’auteur en mai 1994).

Son enfance s’est déroulée dans une mission salésienne, où ses liens culturels se sont affaiblis. Ses souvenirs de ses parents étaient fragmentaires, et l’histoire de son peuple lui était étrangère. Les informations sur les massacres d’indigènes, qu’elle n’apprit que tardivement, la plongèrent dans l’angoisse.

Après des années de travail comme employée domestique à Buenos Aires, une rencontre fortuite favorisa son retour à Río Grande en 1989. Là, elle commença à reconstruire son passé et à renouer avec ses racines. Son histoire attira l’attention d’étudiants et de chercheurs, bien qu’elle reconnaissait elle-même sa connaissance limitée de la culture Selk’nam.

« On me demande si je sais comment les Indiens faisaient du feu, je ne savais pas… eux me disaient que c’était avec des pierres, maintenant je le sais. Ils me posaient beaucoup de questions, au final ils en savaient plus que moi… »

Dans ses dernières années, Choquintel connut la reconnaissance tardive d’une société tentant d’atténuer sa culpabilité face au génocide. Cependant, ces hommages ne parvinrent pas à dissiper le sentiment de solitude et d’oubli qui l’accompagnait. Tourmentée par les contradictions, elle se sentit à la fois reconnue comme « la dernière Selk’nam » et profondément étrangère à son propre héritage. Sa vie fut un témoignage éloquent de l’impact dévastateur de la perte culturelle et de la difficulté à retrouver une identité arrachée.

Source: https://lacontratapatdf.com/nota/30841/un-dia-como-hoy-fallecia-virginia-choquintel–la-ultima-selk–039-nam/ traduit de l’espagnol par l’association Karukinka. Pour découvrir d’autres articles liés aux peuples autochtones de Patagonie, rendez vous sur la page dédiée.

Génocide Mapuche ou Pacification de l’Araucanie ? (01/06/2025, article et podcast Conociendo.cl)


La Pacification de l’Araucanie : analyse exhaustive de l’invasion, de la dépossession et du génocide Mapuche

L’histoire du Chili comporte un chapitre écrit avec des euphémismes et du sang : la mal nommée « Pacification de l’Araucanie ». Cet article plonge dans les détails de ce processus (1861-1883), déconstruisant le récit officiel pour révéler une opération complexe de conquête militaire, de dépossession légale et de colonisation forcée qui a redéfini le destin de l’État chilien et du peuple Mapuche, laissant un héritage de conflit qui perdure jusqu’à aujourd’hui.

genocide mapuche pacification araucanie
Pacification de l’Araucanie ou ¿Génocide Mapuche? (01/06/2025, conociendo.cl)

(source : https://conociendo.cl/pacificacion-de-la-araucania-o-genocidio-mapuche/ et un podcast disponible sur SPOTIFY (en espagnol), l’article lié à ce podcast est traduit de l’espagnol par l’association Karukinka)

Table des Matières

  1. Contexte historique : Le Wallmapu autonome et l’État chilien expansionniste
  2. Les acteurs clés du conflit
  3. Le plan de l’État : La proposition d’occupation de Cornelio Saavedra
  4. L’exécution militaire : Phases d’une guerre asymétrique
    • 4.1. Première phase (1861-1868) : Avancée et fortification
    • 4.2. Deuxième phase (1869-1881) : Pause diplomatique et consolidation
    • 4.3. Troisième phase (1881-1883) : L’offensive finale
  5. La dépossession légale : Comment les lois ont anéanti la propriété mapuche
    • 5.1. La loi de radication de 1866 : L’arme juridique
    • 5.2. Les « titres de merced » : Le confinement dans les réductions
  6. La colonisation dirigée : Terres pour certains, dépossession pour d’autres
  7. La catastrophe humaine et le débat sur le génocide
    • 7.1. Génocide et ethnocide : Le débat conceptuel
    • 7.2. Perspectives historiographiques en débat
    • 7.3. Éléments de la dévastation démographique
  8. L’impact total : La désarticulation de la société mapuche
  9. Résistance et résilience mapuche
  10. Héritage et dette historique : Les racines du conflit actuel
  11. Analyse comparative : Araucanie, le « désert » argentin et l’Ouest américain

1. Contexte historique : Le Wallmapu autonome et l’État chilien expansionniste

Au milieu du XIXe siècle, la frontière sud du Chili était clairement délimitée par le fleuve Biobío. Au sud s’étendait le Wallmapu, territoire ancestral du peuple Mapuche, nation indépendante de facto ayant résisté à la conquête espagnole pendant plus de 300 ans. La société Mapuche était organisée en une structure sociale et politique complexe basée sur le lof (clan familial), l’ayllarewe (fédération de lofs) et les butalmapus (grandes alliances territoriales).

Pour l’État chilien, consolidé après les guerres d’indépendance et sous l’influence des idées européennes de progrès, cette autonomie était un problème. Les élites politiques et économiques, sous les présidences de Manuel Montt (1851-1861) puis José Joaquín Pérez (1861-1871), ont vu l’occupation comme une nécessité pour :

  • S’approprier les ressources : les terres de l’Araucanie étaient considérées comme le « grenier du Chili ».
  • Unifier le territoire : relier la zone centrale aux colonies de Valdivia et Llanquihue.
  • Affirmer la souveraineté : éliminer la frontière intérieure et projeter une image de nation moderne.

2. Les acteurs clés du conflit

Ce processus historique a été mené par des figures et groupes aux intérêts radicalement opposés.

CatégorieActeurs principauxRôle dans le conflit
État chilien (officiels)José Joaquín Pérez, Federico Errázuriz Z., Aníbal Pinto, Domingo Santa MaríaPrésidents ayant impulsé la politique d’occupation
État chilien (militaires)Cnel. Cornelio Saavedra, Gral. Gregorio Urrutia, Cnel. Basilio UrrutiaDirigé les campagnes militaires
Peuple Mapuche (chefs)Lonko Mañilwenü, Lonko Külapang, Lonko Esteban RomeroDirigé la résistance militaire et diplomatique
AutresColons chiliens et européens, Orélie Antoine de TounensOccupé les terres, prétexte pour la conquête

3. Le plan de l’État : La proposition de Cornelio Saavedra

En 1861, le colonel Cornelio Saavedra Rodríguez a présenté au Congrès chilien un plan détaillé de « Pacification de l’Araucanie ». Il proposait d’abandonner la politique des traités pour une occupation matérielle, fondée sur trois axes :

  • Avancer la frontière militaire du Biobío au Malleco, avec des forts.
  • Subdiviser et vendre les terres « sécurisées ».
  • Promouvoir l’installation de colons chiliens et étrangers pour « chileniser » la région.

Le plan a suscité débat, mais a été approuvé par le Congrès, déclenchant l’invasion.


4. L’exécution militaire : Phases d’une guerre asymétrique

La conquête militaire s’est déroulée en plusieurs phases, interrompues par des soulèvements Mapuche et la Guerre du Pacifique.

  • Première phase (1861-1868) : Avancée et fortification Fondation de forts (Angol, Mulchén, etc.), résistance Mapuche immédiate, tactique de « terre brûlée » appliquée par l’armée.
  • Deuxième phase (1869-1881) : Pause diplomatique et consolidation Ralentissement de l’avancée, consolidation territoriale, introduction du télégraphe et du chemin de fer.
  • Troisième phase (1881-1883) : L’offensive finale Dernier grand soulèvement Mapuche en 1881, répression militaire massive, fondation de Temuco, fin militaire de la « Pacification ».

5. La dépossession légale : Comment les lois ont anéanti la propriété Mapuche

La conquête militaire fut indissociable d’une conquête juridique.
Loi de Radication de 1866 :

  • Définition de « terres vacantes » : toute terre non « occupée continuellement » par les indigènes devient propriété de l’État.
  • Imposition de la propriété privée individuelle, étrangère à la culture Mapuche.
  • Création de commissions de radication, processus entaché d’abus et de corruption.

Les « Titres de Merced » : Confinement dans des réductions

  • Attribution de petites portions de terres (environ 6 hectares/personne), insuffisantes pour l’économie traditionnelle.
  • Perte de plus de 90% du territoire Mapuche.
  • Fragmentation sociale et isolement des communautés.

6. La colonisation dirigée : Terres pour certains, dépossession pour d’autres

Traitement du peuple Mapuche : confinement dans des réductions, absence de soutien étatique, statut de « mineurs » sous tutelle.
Traitement des colons européens/chiliens : grandes parcelles, soutien étatique (voyages, outils, animaux, assistance médicale), statut de citoyens à part entière.


7. La catastrophe humaine et le débat sur le génocide

La « Pacification » fut une catastrophe humaine ayant décimé la population Mapuche, alimentant un débat sur le terme « génocide » selon la définition de l’ONU (1948).

  • Destruction de l’économie, dépossession des terres, confinement dans des zones invivables, famines et épidémies massives.
  • Etnocide : destruction de la culture par interdiction de la langue, de la religion, de l’éducation propre.

Perspectives historiographiques

  • Traditionnelle : processus inévitable pour l’unification du Chili.
  • Révisionniste : conquête impérialiste, violence systématique, étiquette d’etnocide ou génocide.
  • Mapuche : invasion d’un pays souverain, début d’une relation coloniale persistante.

Effondrement démographique

  • Entre 20 000 et 30 000 Mapuche morts de faim et de maladies entre 1881 et le début du XXe siècle.
  • La population Mapuche, estimée à un demi-million avant la conquête, a subi un effondrement démographique dont elle ne s’est remise qu’après plus d’un siècle.

8. L’impact total : Désarticulation de la société Mapuche

La « Pacification » a provoqué une rupture structurelle dans tous les aspects de la vie Mapuche :

  • Politique : perte d’autorité des lonkos.
  • Économique : passage d’une société prospère à la pauvreté.
  • Sociale : fragmentation et migration forcée vers les villes.
  • Culturelle : assimilation forcée, menace sur la langue et la vision du monde Mapuche.

9. Résistance et résilience Mapuche

Malgré la dévastation, la résistance Mapuche a perduré, se transformant en luttes politiques et juridiques au XXe siècle. La mémoire et l’identité culturelle ont survécu clandestinement, témoignant d’une résilience remarquable.


10. Héritage et dette historique : Les racines du conflit actuel

La « Pacification de l’Araucanie » est à l’origine directe du conflit actuel au Chili. Les revendications territoriales et d’autonomie du mouvement Mapuche s’appuient sur cette dépossession historique. La « dette historique » est centrale dans le débat public, et les recommandations de réparation restent largement non appliquées.


11. Analyse comparative : Araucanie, le « désert » argentin et l’Ouest américain

Le processus chilien n’est pas isolé :

  • Conquête du Désert (Argentine, 1878-1885) : justification idéologique similaire, tactiques de guerre totale, objectif de libération des terres pour l’élevage.
  • Guerres indiennes (États-Unis, XIXe siècle) : expansion vers l’ouest, réserves, dépossession et violence similaires.

Dans tous les cas, les États-nations ont utilisé leur supériorité militaire et un cadre légal pour déposséder les peuples autochtones, laissant un legs de traumatisme et de lutte pour la justice.


Conclusion : Une histoire à revendiquer

La « Pacification de l’Araucanie » fut une guerre de conquête qui a dépossédé un peuple de son territoire et cherché à anéantir sa culture. La comprendre dans toute sa complexité est un devoir pour toute société aspirant à la justice. Reconnaître ce passé n’est pas rouvrir des blessures, mais commencer à les guérir sur la base de la vérité et de la réparation.


Partagé par l’association à but non lucratif Karukinka, basée en France et dédiée à la Patagonie.