Après convoyage depuis la Grande Motte en décembre/janvier, le voilier Milagro et son équipage sont arrivés à Nantes, ponton Belem, pour une escale mêlant préparation technique et rencontres avec le public jusqu’à fin mars 2024.
Sont au programme :
une exposition mêlant sons et photographies;
des conférences et rencontres dédiées à la Patagonie et au Finnmark
L’installation d’un nouveau chauffage, la réfection de quelques hublots, la révision du matériel de sécurité et quelques optimisations des manœuvres, en vue d’un départ fin mars vers l’Ecosse (Hébrides, Orcades et Shetlands) et la Norvège (Troms et Finnmark).
L’UNESCO expose un panorama des pastels de Jean Malaurie, Ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO chargé des questions polaires arctiques, à l’occasion des célébrations du centenaire de sa naissance.
Jean Malaurie
Jean Malaurie est mondialement connu pour ses travaux en géomorphologie et géocryologie arctique ainsi que ses récits circumpolaires ethnographiques dédiés aux Inuit, ses maîtres penseurs.
Ses pastels représentent un aspect moins connu de son œuvre, mais important dans la mesure où elles sont le témoignage de ses 31 missions dans le Grand Nord.
L’exposition sera ouverte en Salle des Actes du 18 au 25 janvier (fermée le weekend), de 9h à 17h30.
Inauguration : jeudi 18 janvier 2024, à 18 heures.
Publié hier, l’article suivant témoigne d’une étape fondamentale pour la communauté yagan et le musée dédié à leur culture situé à Puerto Williams.
Traduction de l’espagnol par l’association Karukinka
Le Musée Anthropologique Martin Gusinde de Puerto Williams initie une nouvelle étape avec une nouvelle présentation et un nouveau nom: à partir d’aujourd’hui il s’appelle le Musée Territorial Yagan Usi – Martín González Calderón, et sa muséographie se centre sur cette culture ancestrale et sur l’établissement de ponts entre la vision du passée et la communauté actuelle.
Une nouvelle vision du musée et du travail communautaire a été le marqueur de la ré inauguration à Puerto Williams du musée le plus austral du monde, avec un nouveau nom et une exposition permanente renouvelée. A partir d’aujourd’hui, l’espace connu initialement comme Musée Anthropologique Martin Gusinde s’appellera Musée Territorial Yagan Usi – Martín González Calderón, dénomination en cohérence avec la nouvelle exposition, centrée sur la culture de ce peuple ancestral qui habite l’extrême austral du Chili et de l’Argentine depuis sept mille ans.
La cérémonie a été dirigée par la déléguée présidentielle de Puerto Williams, María Luisa Muñoz; la secrétaire du Patrimoine Carolina Pérez Dattari; la directrice nationale du Service du Patrimoine Culturel (Serpat) Nélida Pozo Kudo; le maire de Cabo de Hornos Patricio Fernández, et plusieurs familles de la Communauté Indigène Yagan de la Baie Mejillones, avec leur représentant Luis Gómez Zarraga.
Le directeur du musée, Alberto Serrano, a fait remarqué que cette transformation relève de la dimension territoriale, comme Martín González Calderón, membre de la Communauté Indigène Yagan de la Baie Mejillones à Villa Ukika et référent de l’art de la navigation ancestrale en canoë et de la culture traditionnelle Yagan. Martín González Calderón a réalisé maints efforts et initiatives orientées vers la diffusion de son savoir ancestral et a collaboré étroitement avec le musée. Résultat de la pandémie de Covid-19, il est décédé le 18 octobre 2020, victime, comme beaucoup de ses ancêtres, des maladies introduites.
La secrétaire Carolina Pérez a fait remarqué que “nous sommes très heureux de pouvoir faire partie de cette étape qui permettra de reconnaître la communauté Yagan et dans laquelle se réouvre un espace patrimonial pour les citoyens. Nous espérons que le projet muséographique qui a été travaillé pendant deux ans par l’équipe de la Sous-Direction Nationale des Musées, et qui incorpore une présentation avec une vision territoriale, se convertira en un espace de rencontre pour les habitants et habitantes de la région”.
Pour sa part, la directrice nationale du Serpat, Nélida Pozo, a jouté que “cet espace est maintenant imprégné d’une vision surgie du territoire lui-même, de la main de la communauté Yagan de la Baie Mejillones, en pleine conscience et avec la certitude que nous sommes en présence d’une culturel ancestrale vivante, qui se pense, se projette et revitalise, et, en même temps, qui nous parle d’une nouvelle manière de penser les musées, comme des institutions accessibles et inclusives, qui encouragent la diversité et la durabilité avec la participation des communautés”.
La vision territoriale et culturelle de la nouvelle exposition
La proposition de rénovation muséographique a involucré un long processus de dialogue et de recherche avec les communautés résidentes et avec la Communauté Indigène Yagan de la Baie Mejillones, dans le but de préserver la mémoire locale et tous les éléments qui la compose historiquement et contemporainement. De ce fait, ce fût la communauté elle-même qui sollicita le changement du nom de cet espace.
Le nouveau parcours muséographique a pour protagoniste le peuple Yagan, et rend compte des modes de vie et des processus historiques, sociaux et culturels expérimentés par la communauté, étant aussi étudié l’apport culturel de l’archipel, et l’objectif de contribuer aux processus de revitalisation de la communauté, tout en dédiant des espaces de réflexion et de dialogue au sujet des processus de colonisation par la culture occidentale et l’Etat chilien à l’extrême sud du pays.
La nouvelle narration crée constamment des ponts entre l’ancestral et le contemporain, pour connecter les traditions avec les nouvelles générations. En outre, durant toute la présentation, sont utilisés des mots de yagankuta [langue yagan] pour revitaliser la langue et le patrimoine immatériel. De plus, elle incorpore la perspective du genre pour donner de la visibilité aux barrières que la communauté indigène et les kipayamalim [les femmes yagan] ont affronté.
Au premier étage se déploie un tour par le Yagan Usi (le territoire yagan) durant lequel les collections arquéologiques et ethnographiques abordent le peuplement de l’Archipel du Cap Horn, situé durant l’Holocène Moyen il y a approximativement 6500 ans BP. Les caractéristiques du territoire dialoguent avec l’existence humaine à travers les vestiges arquéologiques, la navigation, la chasse, la vannerie, l’artisanat, les rituels et la présence du yagankuta, une langue qui refuse de disparaître.
Parmi les différents objets, la muséographie fait remarquer la restitution de 29 objets de la collection Martin Gusinde provenant du Musée National d’Histoire Naturelle et de 32 pièces de vannerie yagan comme des paniers, cordages et filets de pêche élaborés en jonc par Cristina Calderón Harbán, Julia González Calderón, Claudia González Vidal, Marta Balfor Clemente, et beaucoup d’autres femmes et artisanes qui ont cultivé cette technique ancestrale. La vannerie, élément de la culture matériel et immatérielle, reflète une importante connexion entre les savoirs de la nature, le climat, la récolte de matières premières et les points de tressage qui ont été transmis durant des générations.
Le public des visiteurs, en plus de voir ces objets, pourra observer une infographie qui expose différents type de paniers et de techniques de fabrication, écouter un enregistrement audiovisuelle et apprendre les mots de la yagankuta [la langue yagan] qui renforcent la mémoire collective.
Au deuxième étage continue le récit avec Poluaóala Shanatara (les étrangers arrivent) dont les collections de caractère historiques présentent les transformations et vicissitudes qui ont été vécues dans la région depuis le XVIème siècle et jusqu’à présent. Les processus d’immigration des expéditions européennes, nord-américaines et le peuplement impulsé par les états argentin et chilien installent un contexte de rencontres, conflits et conséquences pour la culture indigène locale. Dans cette salle, en plus de comprendre les processus de contact (découverte, exploration et colonisation) il est aussi possible de s’approcher de la biodiversité magallanique avec la présentation de plus de 30 espèces de taxidermie qui illustrent la faune et le paysage le plus austral du Chili.
L’exposition est aussi remarquable de par ses caractéristiques technologiques et son design, comptant avec des plateformes interactives, des espaces audiovisuelles et des espaces d’écoute.
Parce qu’il est selon nous l’un des meilleurs documentaires dédiés à la région du cap Horn et ses habitants, nous vous recommandons de découvrir “Tánana, estar listo para zarpar” (être prêt à partir naviguer), une véritable expédition sensible dans ces territoires majestueux à ne pas manquer pour découvrir ces visages qui font les lieux..
Ce film a été principalement tourné dans une des baies du nord de l’île Navarino : la baie Mejillones. Il est dédié à la construction d’un petit voilier, le Pepe II, selon la tradition yagan. Toute la famille de Martin apparaît au fil des séquences, que ce soit pour le choix de l’arbre à utiliser pour la construction que pour fabriquer ce navire puis le mettre à l’eau. S’ensuit la navigation ancestrale à la voile et à la rame dans les canaux de Patagonie, menée par Martin Gonzalez Calderon et son gendre, tout cela aussi grâce au soutien de pêcheurs locaux, tant la législation complique la navigation traditionnelle à l’approche, entre autres, des glaciers de la cordillère Darwin et du faux cap Horn.
Un témoignage exceptionnel de la navigation yagan au bout du monde
Il aura fallu cinq ans pour obtenir ce documentaire d’une grande beauté scénique et surprenant d’intimité. Dans “Tánana” (2016, 74 minutes), l’anthropologue Alberto Serrano, directeur du Musée Martin Gusinde de Puerto Williams, et le réalisateur Cristóbal Azócar témoignent de comment Martín González Calderón (62 ans) est retourné naviguer dans les îles de Tierra del Fuego, sur un bateau à voile qu’il a construit face à la caméra.
Le titre même du film, “Tánana” – qui signifie “être prêt à naviguer” en langue yagan – résume parfaitement l’esprit de ce peuple nomade maritime qui sillonne toujours, bien que de manière différente depuis la colonisation de leurs territoires, les eaux de l’archipel fuégien depuis des millénaires.
La renaissance d’une tradition familiale : la construction du “Pepe II”
Ce film a été principalement tourné dans une des baies du nord de l’île Navarino : la baie Mejillones. Il est dédié à la construction d’un petit voilier, le Pepe II, selon la tradition yagan adaptée aux matériaux contemporains. Le tournage permet de documenter tout le processus de construction du bateau, depuis le choix des arbres jusqu’à un important témoignage de la grande maîtrise du protagoniste dans l’art de la charpente marine.
Plusieurs membres de la famille de Martin apparaissent au fil des séquences, de la fabrication du navire à sa mise à l’eau. Cette dimension familiale illustre parfaitement l’approche communautaire traditionnelle yagan, où chaque projet mobilise l’ensemble du groupe selon les compétences et les rôles de chacun.
Le processus révèle comment les Yagan ont su adapter leurs techniques ancestrales aux contraintes contemporaines. Alors que leurs embarcations traditionnelles, les canoës appelés “ánan”, étaient entièrement construites en écorce de hêtre austral, le “Pepe II” utilise des planches de bois assemblées selon des techniques de charpenterie plus modernes intégrées au fil des générations.
Une expédition au cœur des territoires secrets de Patagonie
Quand Martin leva les voiles, les réalisateurs le suivirent pendant quinze jours dans une navigation ancestrale à la voile et à la rame menée par Martin González Calderón et son gendre. Cette expédition s’effectue grâce au soutien de pêcheurs locaux, tant la législation chilienne complique désormais la navigation traditionnelle à l’approche des glaciers de la cordillère Darwin et du faux cap Horn.
Ils voyagèrent ainsi dans des îles où plus personne ne vit et où les maisons yagan sont devenues des ruines, témoins silencieux de l’histoire de ce peuple. Les réalisateurs furent étonnés par les peintures rupestres et les lieux secrets découverts lors de cette odyssée maritime. “Par sa géographie, c’est un lieu unique, très extrême. En hiver il n’y a que peu de jour et il n’y a pratiquement pas de nuit en été. J’apprécie beaucoup la faune : les oies, baleines et dauphins sont à portée de main. Et les condors volent au ras de la mer”, témoigne Azócar.
Les histoires du protagoniste sont concises et pleines de sens. Il a traversé quatre fois le faux cap Horn. La première fois fut avec son père et la plus difficile car une tempête avait endommagé le petit bateau. Son père a commencé à le réparer et il a alors su que c’était à son tour de gérer la navigation. Il avait 12 ans.
Alberto Serrano : un regard anthropologique respectueux
“Nous avons eu l’idée de voyager dans ces lieux où il n’avait jamais pu revenir, mais aussi de partager cette réalité avec son contexte. Le discours de l’extinction domine tout mais en vérité il y a des nuances. (…) L’héritage yagan est vivant ; et il y a des personnes comme Don Martín qui continue de parcourir les archipels de manière traditionnelle”, explique Alberto Serrano, qui vit à Puerto Williams.
Cette approche nuancée caractérise l’ensemble du documentaire. Loin des clichés sur l’extinction culturelle, le film montre la vitalité contemporaine de la tradition yagan et sa capacité d’adaptation. “Le plus puissant et important de la navigation traditionnelle est son lien avec le lieu ; chaque baie est une maison. Don Martin a une sagesse qui lui a été transmise par l’amour de son espace de vie. Mais cette connaissance est en train de disparaître, il se trouve donc dans une phase charnière : ses parents ont toujours navigué mais ses enfants n’en ont pas la possibilité”, ajoute l’anthropologue.
Un témoignage essentiel pour les générations suivantes
Une tradition maritime d’exception : 7 000 ans de navigation
Les Yagan représentent l’une des rares civilisations entièrement maritime de l’humanité. Pendant plus de 7 000 ans, ils ont développé une culture nomade basée exclusivement sur l’exploitation des ressources marines et la navigation constante dans l’archipel fuégien. Cette adaptation exceptionnelle leur a permis de vivre et prospérer dans un environnement que les Européens considéraient comme totalement inhospitalier.
Leur expertise de navigation repose sur une connaissance empirique exceptionnellement sophistiquée : lecture des vents, interprétation des courants, prévision météorologique basée sur l’observation des nuages et de la faune marine. Cette maîtrise se transmet oralement de génération en génération, intégrant observations scientifiques empiriques et savoirs spirituels.
Avant la colonisation, le territoire traditionnel yagan s’étendait de la côte sud de la grande île de Terre de Feu jusqu’à l’archipel du cap Horn, incluant le canal Beagle qu’ils appellent Onashaga. Les centaines d’îles, milliers de canaux, baies protégées et passages dangereux constituent un environnement où seule une navigation experte assure la sécurité.
Les canoës yagan : chefs-d’œuvre maritimes
Les embarcations traditionnelles yagan, appelées “ánan”, constituent de véritables chefs-d’œuvre de technologie maritime adaptée. Entièrement construites en écorce de hêtre austral (Nothofagus betuloides), elles mesuraient entre 3,75 et 5,5 mètres de long pour 70 à 90 cm de large. Légères, rapides, elles peuvent naviguer dans les algues qui entravent les embarcations européennes plus lourdes et à quille.
Bien qu’elles ne duraient généralement que quelques mois, ces canoës permettent une navigation exceptionnellement efficace dans l’environnement complexe des canaux patagoniens. Les familles yagan y transportaient tout leurs effets domestiques : foyer central pour le feu, espaces dédiés aux hommes, femmes et enfants, compartiments pour les provisions et les outils.
La construction de ces embarcations mobilisait l’ensemble de la famille selon une répartition précise des tâches. Les hommes s’occupaient de la structure principale, tandis que les femmes maîtrisaient le calfatage avec des algues et un mélange d’argile et de graisse animale.
Un lien intime avec l’océan austral
La relation des Yagan à l’océan dépasse la simple subsistance pour devenir une véritable symbiose culturelle. Leur organisation sociale, leur spiritualité, leur mythologie, leur calendrier saisonnier – tout s’articule autour des cycles marins et des phénomènes océaniques.
Les techniques de subsistance illustrent parfaitement cette adaptation : chasse aux otaries par les hommes, plongée pour la récolte des coquillages par les femmes, récupération de viande de baleine échouée, cueillette de végétaux côtiers. Le film restitue cette dimension spirituelle en montrant comment Martín González Calderón retrouve cette connexion ancestrale lors de son voyage. Chaque baie devient effectivement une maison, chaque île un territoire familier chargé de mémoire et de significations.
La famille González Calderón : gardiens de la tradition
Le documentaire révèle également l’importance de la transmission familiale dans la préservation des savoirs yagan. Martín incarne cette génération charnière qui a vécu l’enfance dans la tradition nomade maritime avant d’être confrontée à la sédentarisation forcée par les autorités chiliennes.
L’objectif déclaré de Martín González Calderón est de “léguer sa grande sagesse sur le territoire et sa culture”. Cette démarche s’inscrit dans une volonté consciente de préservation culturelle, où les derniers détenteurs des savoirs traditionnels assument la responsabilité de leur transmission.
Pour la petite anecdote, Martin est le grand frère de Julia (experte reconnue de la vannerie yagan) et d’un des membres d’honneur de notre association : José German González Calderón, venu nous rendre visite en France en octobre 2019 et qui navigue très régulièrement avec nous. Sa présentation de la version française de ce documentaire et de la navigation telle qu’il l’a vécue dès son plus jeune âge avec sa famille dans les canaux de Patagonie a été un des moments forts du festival Haizebegi #6.
Cette continuité familiale témoigne de la vitalité de la culture yagan. José German, pêcheur professionnel et artisan, possède lui aussi des décennies d’expérience de navigation dans les canaux patagoniens, combinant savoirs ancestraux (ex: fabrication des harpons en os de baleine) et techniques de navigation contemporaines.
Reconnaissance et diffusion internationale
“Tánana” a reçu le premier prix au Festival de Cinéma de la Patagonie dans la catégorie “Territoire filmique”, reconnaissance de son excellence dans la représentation des paysages et cultures des canaux patagoniens. Le film a également obtenu le prix Kinêma décerné par le Conseil de la culture du Chili, récompensant les productions qui promeuvent le mieux le territoire national.
Cette reconnaissance officielle témoigne de l’importance culturelle du projet. Le documentaire a pu compter sur le financement du Fonds Audiovisuel du Conseil national de la culture et des arts (CNCA), ainsi que le soutien de la Direction des bibliothèques, archives et musées (DIBAM) et du Conseil de la culture et des arts de la province de Magallanes.
Le film est en accès libre sur internet (avec sous-titrages en français et en anglais) et bénéficie de fait d’une diffusion internationale remarquable, avec des projections en Europe, Amérique du Nord et Amérique latine.
Au-delà de sa valeur cinématographique, “Tánana” constitue un outil pédagogique exceptionnel pour sensibiliser aux cultures autochtones et à la préservation des savoirs traditionnels. Le documentaire sert de support dans les universités, musées et centres culturels, contribuant à une meilleure compréhension de la diversité culturelle maritime mondiale.
Vous pouvez visionner le documentaire Tanana sous-titré en français sur YouTube, une occasion unique de découvrir la culture yagan et de comprendre comment elle continue de naviguer vers l’avenir et au sein de la Réserve de Biosphère du cap Horn, en gardant le cap sur ses traditions ancestrales.
Des scientifiques du CONICET ont daté pour la première fois des peintures rupestres du sud de la Patagonie, trouvées dans le champ volcanique Pail Aike (Santa Cruz)
CONICET/DICYT Le champ volcanique de Pali Aike est situé dans la partie la plus méridionale du désert de Patagonie, à la frontière entre la province de Santa Cruz et la région chilienne de Magallanes, à quelques kilomètres du détroit du même nom. Un paysage difficile où il est difficile d’imaginer, avec les yeux d’aujourd’hui, à quoi ressemblait la vie des gens qui y voyageaient il y a des milliers d’années à la recherche de nourriture et d’un abri. Mais l’archéologie, et en particulier l’étude de l’art rupestre, permet de mieux comprendre la vie quotidienne de ces communautés nomades du passé en étudiant les traces laissées dans les grottes, les surplombs et les falaises. L’analyse se concentre sur la forme, la taille et la distribution spatiale de ces représentations, ainsi que sur l’âge et la composition des mélanges de pigments.
Une étude récente a été publiée dans le Journal of Archaeological Science. Les rapports de deux chercheurs du CONICET ont révélé des aspects inconnus et nouveaux de l’art rupestre découvert dans le sud de Santa Cruz. Dans l’abri sous roche Romario Barría, situé dans le bassin du fleuve Gallegos, les scientifiques ont obtenu les premières datations directes au radiocarbone AMS de peintures rupestres du sud de la Patagonie. Des études ont montré que ces représentations ont plus de 3 100 ans, alors qu’on pensait auparavant qu’elles avaient au plus 2 000 ans. Il a également été possible d’établir un ordre chronologique dans l’utilisation des couleurs (rouge, blanc et noir) et de déterminer la composition des mélanges de pigments utilisés.
Selon les conclusions des scientifiques dans l’ouvrage publié, ces résultats fournissent la première datation des activités de peinture dans le champ volcanique de Pali Aike, attribué au style dit Río Chico, prolongeant son antiquité à environ 1 000 ans.
Le style Río Chico est un style de figures géométriques réalisées à l’aide de traits linéaires et la couleur prédominante est le rouge, qui est utilisé dans plus de 90 pour cent des représentations. Les Noirs et les Blancs sont des minorités.
« La datation au radiocarbone réalisée par Alejandro Cherkinsky, chercheur au Centre d’études isotopiques appliquées de l’Université de Géorgie (États-Unis), nous a montré que le rouge est la couleur la plus utilisée depuis 3 120 ± 60 ans avant le présent. Si le rouge est utilisé depuis des milliers d’années, le noir, en revanche, a commencé à l’être au cours des 760 dernières années avant le présent, ce qui explique pourquoi les motifs de cette couleur sont beaucoup moins fréquents. Quoi qu’il en soit, des datations supplémentaires sont nécessaires pour le confirmer », explique Judith Charlin, chercheuse CONICET à l’Institut patagonien des sciences sociales et humaines (IPCSH, CONICET), co-auteure de l’étude avec Liliana Manzi, chercheuse à l’Institut multidisciplinaire d’histoire et de sciences humaines (IMHICIHU, CONICET). Dans le même temps, il déplore que « l’échantillon de peinture blanche ne contenait pas suffisamment de matière organique pour être daté, nous n’avons donc pas de chronologie absolue de l’utilisation de cette couleur, bien que nous supposions qu’elle était antérieure au noir, comme l’indiquent les superpositions de motifs noirs sur blanc. »
Cette activité picturale est liée à une augmentation de l’intensité de l’occupation du site dans la région au cours des 3 500 dernières années. Les différents événements picturaux suggérés par la superposition de motifs, les variations tonales et les chronologies directes obtenues à Romario Barría indiquent une utilisation prolongée et récurrente du site.
En général, les représentations d’art rupestre du champ volcanique de Pali Aike se trouvent dans des zones du paysage qui ne sont pas spécifiquement liées à des sites d’habitation, comme c’est le cas, par exemple, à Cueva de la Manos au nord-ouest de Santa Cruz, mais elles servaient plutôt de marqueurs dans le paysage de zones d’approvisionnement en ressources, telles que des sources de roches pour la fabrication d’artefacts en pierre, ou de grandes lagunes et rivières, où se concentrait la faune : guanacos, choiques ou autres types d’oiseaux. « Les sites d’art rupestre que nous avons étudiés sont généralement associés à des routes ou à des zones de circulation. L’étude de leur localisation dans le paysage à l’aide de systèmes d’information géographique (SIG) montre que ces sites ne sont pas associés à des lieux présentant une abondance et une diversité importantes de vestiges archéologiques », explique l’archéologue.
Les techniques et matériaux utilisés pour les peintures rupestres de la Patagonie
Les scientifiques en déduisent que les doigts ont été utilisés pour créer la plupart des peintures étudiées, comme le suggère également l’existence de restes phalangiens positifs sur d’autres sites archéologiques de la région.
Concernant les techniques, nous savons que les doigts ont été utilisés, ainsi qu’une sorte de pinceau qui aurait pu être fabriqué à partir de restes végétaux, de guanaco ou de cheveux humains. Bien qu’il n’y ait aucune preuve de cela et que nous en sachions très peu, les différences d’épaisseur des traits permettent de savoir s’il s’agit de doigts ou de pinceaux. Mais c’est un aspect que nous évaluons en fonction de la dispersion de la peinture. Nous effectuons des analyses d’empreintes digitales, appelées paléodermatoglyphes, une innovation pour notre pays. Nous travaillons avec des spécialistes de la police scientifique. Nous sommes allés sur le terrain relever des empreintes digitales sur les peintures rupestres afin d’identifier le sexe et l’âge des peintres », explique la chercheuse.
En ce qui concerne les matériaux utilisés, les analyses de la composition des peintures rouges, réalisées à l’aide d’une technique appelée spectroscopie Raman, ont indiqué que le pigment le plus utilisé dans le temps et dans l’espace est l’hématite, qui provient des affleurements volcaniques de la région. Le basalte, altéré par le processus de transformation de la couleur, de la texture, de la composition ou de la fermeté des roches et des minéraux en raison de l’action de l’eau ou de l’environnement, produit de l’hématite. Les scientifiques parviennent ainsi à conclure que la matière première utilisée pour la fabrication des peintures a été obtenue localement.
Pour obtenir les échantillons que nous avons datés, nous avons gratté une très petite partie de la surface des peintures afin de préserver ces preuves. Des analyses par diffraction des rayons X sont en cours à la Faculté des Sciences Exactes et Naturelles de l’Université de Buenos Aires (UBA) afin d’identifier la composition des pigments noirs et blancs. Pour l’instant, nous savons que les pigments noirs ne semblent pas être du carbone, mais de l’oxyde de manganèse, et les blancs, des carbonates. Ces analyses sont toutefois en cours et nous n’avons pas encore les résultats. De plus, les recherches antérieures dans ce domaine sont très limitées.
Enfin, les scientifiques soulignent que la datation au radiocarbone a été possible car, en plus des minéraux utilisés dans les mélanges de pigments, qui donnaient aux peintures leur couleur, d’autres substances organiques ont été ajoutées. On les appelle « liants », car ils donnent de la consistance au mélange de pigments. Il semble qu’il s’agisse de restes de plantes, selon certains indicateurs, mais il existe également des preuves ailleurs de l’utilisation d’ossements fauniques broyés ou pulvérisés. « Sur le plateau central de Santa Cruz, on parle également de l’utilisation de tissus et de graisses d’herbivores (probablement des guanacos) et de blancs d’œufs de cauquén ou de choique. Par conséquent, ce qui est daté dans ces peintures est précisément la composante organique de leur composition », conclut Charlin.