La toponymie argentine : un enjeu de pouvoir pour le gouvernement de Javier Milei

La toponymie argentine : un enjeu de pouvoir pour le gouvernement de Javier Milei

Il y a trois jours un mouvement que je pensais inaliénable pour la reconnaissance des peuples de Patagonie s’est brusquement interrompu : Manuel Adorni, porte-parole du gouvernement de Javier Milei, a annoncé depuis la Casa Rosada le changement de nom d’un lac situé à quelques kilomètres à l’ouest d’Ushuaia, pour « rétablir l’ordre dans le sud du pays », « protéger les propriétaires des terres prises » dans le cadre d' »usurpations de terres par des pseudo-mapuches ». La décision a été prise par le gouvernement le vendredi 7 juin 2024 et est soutenue par le Président de l’Administration des Parcs Nationaux, Cristian Larsen.

Cela pourrait sembler dérisoire, un nom de lac, mais la symbolique qu’il revêt dépasse de loin ce que mon esprit pouvait imaginer. Ce n’est que depuis le début des années 2000, sous la présidence de Cristina Kirchner, que ce lac avait retrouvé son nom yagan « Acigami », s’ajoutant ainsi à la liste des rares toponymes d’origine yagan, selk’nam, haush ou kawesqar encore présents dans les bases de données géographiques officielles en Argentine et au Chili.

Selon mes analyses du catalogue de l’Institut Géographique National d’Argentine, en 2019 moins de 8% des toponymes de la province de Terre de Feu avaient une origine indigène, ce qui signifie que plus de 90% des noms de lieux sont liés aux différentes vagues d’exploration et de colonisation de cette région. Le lac Acigami faisait donc partie jusqu’à il y a peu des rares noms yagan a avoir retrouvé sa place après qu’un autre nom, « Lac Roca », lui ait pris sa place durant de nombreuses décennies.

Lors de la revue de presse du 12 juin 2024, Manuel Adorni a déclaré : « le lac Acigami, qui est un nom aborigène qui signifie « poche allongée », Dieu sait ce que cela a à voir avec, le lac Roca a été rebaptisé, comme il l’était avant 2008, en l’honneur du héros, ancien président de la République et architecte de la consolidation de l’État-nation, qui avec sa vision et son leadership a fini par délimiter l’extension de notre territoire » (“El lago Acigami, que es un nombre aborigen que significa ‘bolsa alargada’, vaya a saber Dios qué tenía que ver, se volvió a llamar al lago Roca, como lo hizo hasta 2008, en honor al prócer, expresidente de la República y artífice de la consolidación Estado-nación, quien con su visión y liderazgo terminó por delimitar la extensión en nuestro territorio”).

En plus d’un ton dépréciatif non dissimulé à l’égard de ce nom yagan et plus généralement envers ce peuple qualifié de « pseudo-mapuche », nous pouvons reprocher aux décisionnaires une méconnaissance de l’histoire argentine liée à ce lieu. Ce lac se nommait ainsi bien avant que les terribles effets de la Conquête du Désert (qui n’en était pas un!) menée par le Général Roca ne s’y manifestent. Pour rappel, et ce rappel démontre à quel point ce changement de nom est idéologiquement terrible, Julio Argentino Roca, avant de devenir président de 1880 à 1886, était un militaire et a eu pour mission de conquérir les terres situées au sud du Rio Negro, la Patagonie donc, afin d’y affirmer la souveraineté argentine. Nommée « Conquête du Désert », cette expédition de plusieurs années a eu pour effet le génocide des peuples de Patagonie, encore trop peu documenté à ce jour et d’une ampleur effroyable, afin que des colons les remplacent en s’y installant avec leurs ovins.

Il est à noter que nous retrouvons la mention de ce nom de lieu dès 1883, à la page 81 du rapport d’expédition de Giacomo Bove réalisée à la demande du gouvernement argentin et en partenariat avec le Consulat Italien à Buenos Aires, durant la présidence de Julio Argentino Roca. Il apparaît également dans de nombreuses sources (Thomas Bridges, Nathalie Goodall,…) et pas toujours orthographié de la même manière (Acacima, Ucasimae, Acagimi, Asigami,…).

80 81 Mapa Beagle Chica
carte extraite de « Expedición Austral Argentina » (p.81) de Giacomo Bove, imprimé à Buenos Aires par le Département National de l’Agriculture et présenté au sein du Ministère de l’Intérieur et du Ministère de la Guerre et de la Marine.

Affirmer qu’avant 2008 ce lac avait pour seul nom « Roca » démontre une méconnaissance des archives de l’Institut Géographique National et un mépris protéiforme pour l’histoire. Les yagans habitent ces territoires depuis des milliers d’années et le retour de ce nom de lieu était lié à des obligations légales relatives aux peuples indigènes, l’Argentine ayant ratifiée la Convention 169 de l’OIT en 2000.

Et surtout, cette décision ne manque pas d’ironie puisque sous couvert de modernisation et de regard tourné vers un Occident présenté comme modèle, le gouvernement de Milei fait l’exact inverse de ce qui se passe de plus en plus généralement en Europe, avec la cohabitation de toponymes dans diverses régions, la mienne par exemple (Bretagne, avec des noms en français, gallo et breton).

En tant que chercheuse dédiée aux questions de toponymie (>3000 noms de lieux recensés), je dénonce cette attaque contre les yagan et apporte tout mon soutien à ce peuple dont le porte-parole, Victor Vargas Filgueira, n’a de cesse de lutter pour visibiliser son peuple, comme il a pu le faire en présentiel en France lors du festival Haizebegi de Bayonne en 2019 et durant lequel l’association Karukinka était investie.

Pour terminer cet article bien amer, je citerai les mots réconfortants de David Alday, ex-président de la communauté yagan de la baie Mejillones au Chili : « L’histoire et la mémoires de nos peuples originaires ont des milliers d’années et cela ne s’efface pas comme ça, quelque soit les annonces qu’ils font, il y a toujours quelqu’un pour enseigner et souligner la réalité de notre riche toponymie. Il est temps d’écouter et d’observer tranquillement Marraku [Victor], écouter et observer. » (« La historia y memoria de nuestros pueblos originarios tienen miles de años, no se borra por más anuncios que se hagan, siempre hay alguien que enseñe y señale la realidad de nuestra rica toponimia. Es tiempo de escuchar y observar tranquilos Marraku, escuchar y observar. »)

Ecoutons et observons, ils ne peuvent rien contre la mémoire collective.

Lauriane Lemasson

Pour ceux qui souhaitent :

Peuples racines : « 5 à 6 % de l’humanité préserve 80 % de la biodiversité de la planète » (We Planet, 06/06/2024)

À l’occasion du Green Shift Festival, qui se tient du 5 au 7 juin à Monaco, Jorge Quilaqueo, chamane Mapuche, a échangé avec Sabah Rahmani, journaliste anthropologue, et Hélène Collongues, anthropologue spécialiste du peuple Jivaro.

Le 06/06/2024 par Florence Santrot

Green Shift Festival

Sur la scène du Green Shift Festival, de gauche à droite, Jorge Quilaqueo, Sabah Rahmani, Hélène Collongues et Sébastien Uscher (mdérateur). Crédit : Philippe Fitte / FPA2

Jorge Quilaqueo est chamane Mapuche. Ce peuple autochtone du Chili et d’Argentine occupait, jusqu’à l’arrivée des Espagnols, une grande partie du territoire de part et d’autre de la cordillère des Andes, de l’océan Pacifique à l’océan Atlantique. Jorge Quilaqueo défend les droits de son peuple qui a été spolié d’une grande partie de ses terres et a été décimé au fil des siècles – il resterait moins d’un million de Mapuches aujourd’hui. Il œuvre aussi pour inciter les peuples, tous les peuples, à se reconnecter au vivant.

De passage en Europe, il a ouvert, mercredi 5 juin, le Green Shift Festival 2024 de Monaco par une cérémonie de l’eau. Cet événement, dédié aux nouveaux imaginaires d’un monde plus durable, est l’occasion d’aborder « l’écologie du sensible plus que du rationnel », comme l’a expliqué Olivier Wenden, vice-président de la Fondation Prince Albert II de Monaco, qui organise le festival et dont WE DEMAIN est partenaire.

la suite sur leur site : https://www.wedemain.fr/respirer/peuples-racines-5-a-6-de-lhumanite-preserve-80-de-la-biodiversite-de-la-planete/

TÉMOIGNAGE. « Vous avez fait le cap Horn avec ça ? » (Voiles et Voiliers, 19/5/2024)

Sonia Blampain relate sa navigation en équipage qui a mené Capella, un sloop de 40 pieds, de la Bretagne jusqu’à la Terre de Feu. À l’arrivée à Ushuaia, un grand moment de bonheur et de fierté.

Le canal de Beagle
Le canal de Beagle | D.R.

Cela fait bientôt huit mois que je vis avec le capitaine le voyage de Capella vers le cap Horn ! Nous avons d’abord été six mois en équipage, à quatre. Capella, c’est un sloop de 40 pieds de 2007 de chez Bénéteau. Acheté en 2011 à Cherbourg, il a été entièrement préparé́ l’hiver dernier pour ce périple, après un convoyage, à l’été 2022, avec un ami, Éric, de Léros en Grèce jusqu’à Locmiquélic en Bretagne, où j’étais déjà !…. Il s’est assuré que je tenais la mer. Avec Patrick, le second de cette nouvelle aventure, ils ont notamment fabriqué une casquette en contreplaqué marine et plexiglas, pour affronter les vents redoutables de la terre de feu, du canal de Beagle, du détroit Le Maire et de l’archipel du Horn…

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Patrick et le capitaine font la casquette… | D.R.

C’est son Graal de marin, le Horn : le capitaine navigue depuis l’enfance, il a tout appris de son père, pilote d’un sous-marin et heureux propriétaire d’un pêche-promenade – un luxe dans les années 70. D’autres de la lignée ont eu également le pied marin ; ce passage du fameux cap, c’est un clin d’œil à̀ tous ces ancêtres, grands-oncles (dont un qui fut capitaine au long cours), un arrière-grand-père maître saleur sur un terre-neuvas (encore à̀ la voile), mort d’une gangrène et inhumé en mer à̀ Terre-Neuve et son grand-père maternel, décoré́ de la Croix de guerre après la bataille de Norvège, lors de la Seconde Guerre mondiale… Tous des grands bourlingueurs des mers !

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Capella face au cap Horn, le 16 janvier 2024. | D.R.

Cette traversée audacieuse s’est faite en deux temps : partant de Locmiquélic, nous avons mis le cap pour les Canaries en août 2023. À bord, Patrick, Cécile, le capitaine et moi-même. Nous avons eu des conditions de navigation idéales, nous avons été souvent entourés de dauphins, il y a eu une petite saute d’humeur de « Robert », le pilote automatique, un soir de vent mais rien d’alarmant ! Nous avons fait une escale à Porto puis à Lisbonne. Ensuite nous avons découvert (ou redécouvert pour certains) Madère avec le départ de Cécile et l’arrivée de Marc en VIP.

Escale aux Selvagens

Nous avons repris nos navigations vers les Canaries et nous avons débarqué tels des aventuriers, jouant avec le ressac sur l’archipel des Selvagens où l’un des gardiens nous a promenés parmi les rochers et les nids de puffins, magnifique !

Enfin, nous sommes arrivés jusqu’à la jolie ville de Santa Cruz de la Palma pour atteindre un peu plus tard Tenerife, où le bateau nous attendra trois semaines, le temps d’un retour en Bretagne afin de régler des affaires et de revoir les proches, notamment le fils du capitaine, Josselin, sportif des mers lui aussi… Et pour moi, l’occasion de faire un vol plané dans des escaliers ! Pas de casse mais un corps couvert d’ecchymoses, un pied droit foulé me donnant un handicap certain pendant les deux mois suivants, et sur un voilier, c’est pas le pied !

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Capella sous spi quittant la Canaries. | D.R.

La deuxième partie du périple vers le grand sud, mi-octobre, s’organise encore à quatre mais cette fois avec Pierre-Ahn, moussaillon sur le bateau familial dès l’enfance. Il a pris la place de Cécile dans la cabine avant !

Le 23 octobre 2023, nous larguons les amarres, cap sur Mindelo… Comme la voile est une activité sportive pleine de surprises, c’est à̀ ce moment-là que le pilote décide de faire de sévères caprices, un coup je marche, un coup je ne marche pas, sans prévenir et sans logique ! Nous sommes aux aguets et le capitaine très soucieux… Responsable, il nous invite à̀ continuer à̀ dessiner de nouveaux sillages avec Capella, il va trouver une solution. Lors d’une prise de ris, c’est la grand-voile qui va se déchirer, un mouillage s’impose pour une réparation illico presto. En prime, un boulon qui tient le safran est cassé ! La mer : « Ne rien attendre sinon l’inattendu ! »

« Roberta », un nouveau pilote

Nous poursuivons notre route, la décision a été prise de changer de pilote. Murielle, une amie, nous rejoindra à̀ Mindelo avec « Roberta », un nouveau modèle qui pour ce long périple loin d’être anodin, nous est essentiel ! Sa valise sera chargée…

Car, au cours du trajet, vers trois heures du matin, c’est au tour du rail de chariot de grand-voile de nous faire des siennes, il explose lors d’un empannage, à cause des caprices de Robert… Allez hop ! Tout le monde sur le pont, à̀ aider à la réalisation d’une réparation de fortune. Le vent souffle à 25 nœuds, on est sous génois seul. C’est grâce aux manilles textiles que le capitaine aime à̀ fabriquer et à l’intervention efficace de chacun, en synergie, que nous pouvons continuer notre route. Les poissons volants nous accompagnent par série ! En félicité ! J’adore les regarder !

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“La petite sirène”… | D.R.

Notre arrivée au Cap-Vert est musclée, j’ai appris à barrer en pleine nuit, pendant l’un de mes quarts, 2 heures et demie d’affilée, par force 6/7, car Robert a totalement rendu l’âme… À quai, après l’arrivée de Murielle et du matériel adéquat, le capitaine va rester enfermé trois jours dans ce qu’il nomme la cave afin d’installer Roberta ! Ce n’est pas une mince affaire.

Sa persévérance, malgré les 30° C en journée, nous amène jusqu’au jour J de l’essai. Frémissant d’impatience, nous constatons avec joie que ce nouveau pilote est heureux du savoir-faire de son capitaine : Capella est fin prêt pour la grande aventure, il a une cinquième équipière fiable qui saura nous seconder, en sécurité, jusqu’au grand Sud !

Pendant cette aventure, nous avons traversé bien des péripéties : un orage énorme avec des éclairs en ronde autour du bateau, la perte de notre radeau de survie que nous avons su repêcher malgré́ les 27 nœuds dans les canaux, la sortie houleuse de la ria San Blas en Argentine, qui a cassé le réducteur du guindeau et a fendu un plexi avec une vague énorme, un OFNI qui nous a frôlés, un cargo qui nous fait de l’œil… L’expérience du capitaine, des autres marins, mon attention, moi qui suis un matelot depuis à peine trois ans et notre bonne étoile ont toujours épargné notre belle embarcation, Capella la bien nommée.

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Le capitaine et l’artiste Joachim Torres Garcia. | D.R.

Lors de ce voyage, après Mindelo, nous avons mis le cap sur Fernando de Noronha, île brésilienne étonnante de beauté, une escale entre robes-filets transparentes où l’on devine des bikinis et les plages de sable fin splendides, bordées de cocotiers… Pendant la traversée de l’Atlantique, ensemble nous avons vécu le passage de l’équateur, où Neptune est venu baptiser les novices des mers comme il se doit afin de les accueillir dans son royaume.

Gourmandises argentines

Nous avons vogué dans le pot au noir avec ses gros grains, savouré des douches sur le pont et tout au long des nombreux milles, les pêches toujours plus énormes de Pierre-Ahn et des marins enthousiastes comme des gamins, et un jour jusqu’à deux thons jaunes de plus de 15 kilos coup sur coup. On en offrira dès notre arrivée, lors d’une escale à Quequen, en Argentine, afin d’éviter un force 8 car l’accueil au club nautique Vito Dumas sera merveilleux de gentillesse…

C’est là que nous ferons connaissance avec la Prefectura, soit le lourd processus administratif de l’Argentine… Et que la tendresse de la viande élevée dans la pampa des ranchs, accompagnée de vins locaux ainsi que les empanadas, délicieuses spécialités de petits chaussons fourrés, nous régaleront… Le voyage, c’est aussi cela, des gourmandises !

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Pierre-Ahan vient de pecher un thon. | D.R.

Enfin est venu le moment de l’entrée dans le détroit Le Maire puis dans le canal de Beagle, le moment des mouillages sauvages et hors norme comme seul sait le faire le capitaine. Puis l’arrivée triomphante à Ushuaïa où nous attend un couple d’amis, navigateurs aussi, ravi de partager un bout de l’aventure, celui qui va dessiner les sillages dans l’archipel du Horn et le passage du cap ! Et ce sera une réussite ! Le cap se laissera approcher sous voiles et deviner dans une brume digne d’un paysage de Bretagne Nord ! Nous sommes heureux, heureux comme qui… le capitaine !

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L’équipage au cap Horn. | D.R.

Dans le club d’Ushuaïa, où flottent des unités hors norme, en acier ou en alu, comme dans les ports de Puerto Williams, de Punta Arena, de Puerto Deseado, de Piriapolis ou de La Paloma, quand les marins viennent causer avec nous en nous demandant notre programme, ils sont toujours stupéfaits et de concert, regardant Capella le magnifique, sloop de plastique rutilant d’entretien, nous lancent : « Vous avez fait le cap Horn avec ça ? »

On a fait ça avec « ça »

Oui, le capitaine et notre équipage, nous avons réussi à déployer les voiles de Capella à travers les eaux de la terre de feu, dans les canaux de Patagonie et dans l’Atlantique. Capella a déjà̀ sillonné une bonne partie de la Méditerranée et a réalisé plusieurs fois la traversée vers les Antilles… C’est bien avec « ça » que nous sommes maintenant cap-horniers ! Que nous avons remonté l’avenue des glaciers où un soir, lors d’un mouillage, près du glacier de Pia, Capella s’est retrouvé entouré de grelots, dont un de plusieurs tonnes qui a séjourné́ gentiment toute la nuit, bloqué par les amarres à terre, se languissant de s’être fait prendre ainsi, à quelques mètres du bateau… Il a disparu au petit matin ! Ouf ! Enfin, pour regagner l’Atlantique, nous avons emprunté, avec « ça », le mythique canal de Magellan, avec des vents à contre… Comme l’a écrit Antoine de Saint-Exupéry : « L’impossible recule toujours quand on marche vers lui. »

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Capella et les grelots. | D.R.

L’audace et la confiance du capitaine tout au long de ce périple, nous ont procuré la joie de rencontrer des grands marins d’acier comme Christophe Augier, Marc et Sylvie, Robin et Amanda de Chamade, Théo, Samantha, Gabriel et Fabien de Metapassion, Éric et Patricia à La Palma, André Brenner, qui a construit le phare du bout du monde sur l’île de Los Estados, au détroit Le Maire, et bien d’autres encore comme Thibault à La Paloma sur son Yka, Gérard et Klorane sur leur vieux gréement unique au monde, L’Albatros, Frédéric et Martha, respectivement skipper et chef cuisinier sur des yachts de 28 mètres…

Au Brésil, où nous allons bientôt laisser le bateau pour quelques mois, lors d’un mouillage face à la praia Tereza, à Ilhabela, la merveilleuse, Fanch viendra toquer sur la coque de Capella qui arbore toujours fièrement son Gwen ha Du et avec un grand sourire nous présentera une assiette de crêpes toutes fraiches ! Quelle belle madeleine de Proust ! Voilà trois ans qu’il navigue, il est parti du Crouesty. Il est animateur et cuisinier, amoureux de la mer. Sacrés marins !

Des équipiers comblés

L’audace et la confiance naturelles du capitaine lui ont permis d’accepter ma demande, moi la « petite sirène » – c’est ainsi qu’il m’a nommée dès notre rencontre –, ma demande de voyager à ses côtés, de continuer à découvrir et à apprendre la navigation dans cette aventure de plusieurs mois, d’oser le cap et la pleine mer, sachant mon caractère entier épris de solitude ! Il a accepté, je l’en remercie. Il a construit différents équipages où Cécile la Bretonne, férue de voile, est venue un bout, au début, où nous avons été soudés des mois entiers avec Patrick, le second, passionné de photographie et de randonnée – d’ailleurs lors de l’une d’entre elles nous avons découvert, émus, le squelette d’une énorme baleine étendu dans l’humidité ombragée d’un espace sablonneux, au Chili.

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Le capitaine et la “petite sirène”. | D.R.

Marc nous a régalé de son bon sens marin, de ses connaissances d’ingénieur en électricité́, de ses recettes et de ses blagues. Pierre-Ahn, le quartier-maître, passionné lui aussi de photographie, embarqué sur Capella avec son drone, nous a offert des vues et des lumières à couper le souffle, à la hauteur de sa réactivité́ marine et de sa sagesse. Puis Jean Bernard et Christine, toujours heureux de vivre, les sens à fleur d’eau, d’air, de ciel comme le capitaine, qui naviguent comme ils respirent, sont venus spécialement en Terre de Feu pour le Cap…

Après leur départ, c’est Cauane, la Brésilienne dont le prénom signifie tortue, mordue de kitesurf, qui a goûté à la navigation à la voile ; elle s’est étonnée de tous les bruits et les mouvements constants d’un bateau mais même lors de ses craintes elle ne s’est jamais plainte et elle a essayé d’être rapidement apte à la solitude des quarts ! Aujourd’hui, en cet automne de l’hémisphère Sud, nous bouclons une autre étape, de Buenos Aires à Paraty, à deux ! La pleine mer en équipage est aussi une aventure de promiscuité́ humaine qui demande bienveillance et communication, ce n’est pas toujours chose aisée ! La mer exige une grande énergie physique et mentale, de la souplesse, de la rigueur, de la patience, de la concentration et tant d’autres qualités… C’est l’école de la mer. Pour tout un chacun, quel que soit l’âge…

De tout ce périple, nous retiendrons également l’immense révolution satellitaire Starlink qui nous a permis d’avoir Internet au large donc la météo et tant d’autres liens utiles partout où nous sommes passés, jusqu’au cap Horn ! La nécessité d’une préparation du bateau aux petits oignons car malgré tout, il y aura des imprévus et des avaries… Et l’assurance, dès le départ, que le chemin se dessine au fur et à mesure des sillages, des morceaux de vie apprécies, des difficultés dépassées…

« – Alors, capitaine, en route pour de nouvelles aventures ?

– Oui petite sirène, cap sur les Caraïbes ! »

Le Teriieroo a Teriierooiterai passe le Cap Horn (Marine Nationale, 2 mai 2024)

Pour la première fois depuis près de 15 ans, un bâtiment de la Marine nationale franchit la latitude 56 et passe au sud du Cap Horn.

Source : https://www.defense.gouv.fr/marine/actualites/teriieroo-teriierooiterai-passe-cap-horn

Le Teriieroo a Teriierooiterai passe le Cap Horn
Le Teriieroo a Teriierooiterai passe le Cap Horn – © Marine nationale

Après une traversée mouvementée qui a permis d’évaluer la capacité des patrouilleurs outre-mer à naviguer par mer très formée, c’est dans des conditions plus clémentes que le deuxième POM a franchi le cap mythique.

En effet, avec un soleil radieux et un léger vent d’ouest, le Teriieroo a Teriierooiterai est passé au plus près du roc qui culmine à 425 mètres. La température extérieure était alors de 4° et celle de la mer de 8°. Des conditions qui tranchent nettement avec les jours précédents, où le POM naviguant sous les 40ème rugissants puis les 50ème hurlants a traversé une mer 6 pendant plusieurs jours.

L’occasion pour l’ensemble des marins présents à bord d’ajouter une nouvelle case à leur CV de marin en devenant cap-horniers, gagnant le droit de porter la célèbre boucle d’oreille d’or à l’oreille gauche.

Après ce point d’orgue du déploiement vers la Polynésie française, le navire et son équipage ont mis le cap sur Ushuaia, leur prochaine escale. Puis commencera une remontée du Pacifique « côté terre », avec quatre jours de navigation cap au Nord dans les chenaux de Patagonie.

Le Teriieroo a Teriierooiterai passe le Cap Horn
Le Teriieroo a Teriierooiterai passe le Cap Horn – © Marine nationale
[Partenariat] “KRÉEH CHINEN” Le théâtre, la poésie et la musique s’entremêlent à Tolhuin (“ KRÉEH CHINEN” El drama, la poesía y la música entramados en Tolhuin, La Mirada, 15/04/2024)

[Partenariat] “KRÉEH CHINEN” Le théâtre, la poésie et la musique s’entremêlent à Tolhuin (“ KRÉEH CHINEN” El drama, la poesía y la música entramados en Tolhuin, La Mirada, 15/04/2024)

Le théâtre, la poésie et la musique se sont entremêlés à Tolhuin pour fournir la sensation nécessaire d’être vivants, pour démontrer le potentiel créatif de notre groupe au milieu de tant d’indifférence et de la folie des lois du marché.

La Mirada, 15/04/2024
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Le week-end dernier s’est dérouler à Tolhuin la première cérémonie artistique fuégienne nommée “ Krèeh Chinen”, terme Selk’nam qui signifie « saisir la Lune [“Agarrado de la Luna”].

Ce fût une rencontre d’artistes à l’échelle de la province argentine de Terre de Feu, organisée par l’écrivain et poète Alejandro Pinto, lequel a été accompagné par plusieurs artistes d’Ushuaia, Río Grande et Tolhuin.

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“L’idée était, au départ, de réunir les artistes de l’île avec la proposition de montrer au public leurs créations » dit Alejandro, celui qui fût le moteur de cette rencontre en présentiel, sachant que: “nous nous voyons toujours sur différents flyers d’événements qui se font à Ushuaia ou ici [Rio Grande] mais finalement nous ne partageons jamais ensemble et il me semble qu’il est nécessaire que nous nous réunissions, nous connaissions, nous écoutions, partagions ».

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La Morada del Lago (la Demeure du Lac) fût le lieu de la rencontre, avec l’appui logistique du Flaco Tony, la Casa Refugio (la maison refuge) s’est retrouvée pleine et cela a été possible grâce à la collaboration et à la participation de : “Kau kren Artesanías de Tolhuin; Kloketen Cartonera, qui est une maison d’édition cartonera de Río Grande; la Ratonera, qui est un espace musical indépendant de Río Grande;  Neurona de Ushuaia, qui est une association qui réalise des produits locaux; et une association de France qui s’appelle Karukinka, avec laquelle nous avons le projet de réaliser une prochaine rencontre en octobre-novembre prochain, avec des artistes de Nantes, une ville française”, commenta satisfait Alejandro.

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L’événement a été d’un tel impact émotionnel que déjà sont dans les pensées de tous de nouvelles éditions. “Bon… tout a été génial et la prochaine fois nous pensons le faire à Ushuaia, et la troisième serait à Rio Grande, avec la même méthodologie : réunir des artistes de la province pour qu’ils se connaissent, puissent partager et montrer au public en général les créations qui se réalisent artistiquement dans la province”.

Les artistes qui apportèrent leurs productions furent : Yanina Fracalossi; Francisco Martínez; Jason Cuello; Mailén Safanchik; Freddy Gallardo; Diego del Estal; Nadia Rojo; Sol Alhelí; Millacura Sur; Alejandro Pinto; Florencia Lobo et Ignacio Boreal.

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Le théâtre, la poésie et la musique se sont entremêlés à Tolhuin pour fournir la sensation nécessaire d’être vivants, pour démontrer le potentiel créatif de notre groupe au milieu de tant d’indifférence et de la folie des lois du marché.

Source : “Krèeh Chinen” / Alejandro Pinto., https://lamirada.com.ar/87441-kreeh-chinen-el-drama-la-poesia-y-la-musica-entramados-en-tolhuin.html

A vos agendas ! Exposition d’une rétrospective photographique et sonore pour les dix ans de Karukinka, à Nantes du 16 au 31 mars 2024

A vos agendas ! Exposition d’une rétrospective photographique et sonore pour les dix ans de Karukinka, à Nantes du 16 au 31 mars 2024

Affiche expo nantes 2024
A vos agendas ! Exposition d'une rétrospective photographique et sonore pour les dix ans de Karukinka, à Nantes du 16 au 31 mars 2024 10

Quoi de mieux que de partager un maté, des empanadas et des alfajores pour faire un saut à l’extrême sud de l’Amérique ?

En partenariat avec El Almacén, un resto bar argentin situé à deux pas de la place Royale (4 rue de l’Arche sèche à Nantes), nous vous convions à l’exposition de sons et d’images réalisés en Patagonie lors de nos différentes expéditions à pieds et à la voile.

Pensée sous la forme d’une rétrospective de dix années passées en territoires selk’nam, yagan et haush, cette présentation d’une partie de nos activités sera complétée, le 16 mars à 18h30, par une conférence de Lauriane Lemasson, fondatrice de l’association.

Au plaisir de vous rencontrer et de vous faire découvrir nos activités passées, présentes et futures,

Jacques Sax, président de l’association Karukinka

PS: pour l’écoute, n’oubliez pas vos écouteurs et, si besoin, d’installer une application de lecture de QR codes