130 ans après les exhibitions coloniales de 1889 et pour la première fois de l’histoire, trois personnes yagan et selk’nam viennent témoigner de leur histoire sur le sol français

Grâce à l’invitation de Denis Laborde, directeur du festival Haizebegi, Lauriane Lemasson a pu inviter trois de ses fidèles informateurs à venir témoigner en France de leur histoire. Mirtha Salamanca, José German Gonzalez Calderon et Victor Vargas Filgueira seront donc en France (Bretagne, Bayonne et Paris) du 2 au 23 octobre 2019. Lauriane les accompagnera pendant ce séjour au programme chargé : rencontre avec l’historien spécialiste de l’histoire coloniale Pascal Blanchard (https://fr.wikipedia.org/wiki/Pascal_Blanchard_(historien)), collecte de joncs (atelier de vannerie yagan) et visite du site mégalithique de Saint Just, rencontre avec Jean-Luc Nahel à Paris (responsable des relations internationales de la Conférence des Présidents d’Université), visite du Panthéon, rencontre avec l’équipe de la bibliothèque Brou de Dampierre de l’Université de Nanterre et consultation du Fonds Anne Chapman, animation et participation à des conférences, tables rondes et ateliers (vannerie yagan) à Bayonne et San Sebastian, puis retour à Paris pour la visite du Musée de l’Homme, la conférence dans le cadre du séminaire d’études ethnomusicologiques de Sorbonne Université (dirigé par Pr. François Picard), rencontre avec l’équipe dédiée à la conservation de la collection “Amériques” du Musée du Quai Branly, et enfin seconde consultation du Fonds Anne Chapman avant le retour à Nantes et le vol de retour à Ushuaia.

Pour compléter ces informations, quelques mots de Denis Laborde, organisateur du festival et responsable de la carte blanche donnée à Lauriane Lemasson (et de fait à ses informateurs) :

“Du 10 au 20 octobre : 10 films, 5 concerts, 14 rencontres et débats, 2 colloques, 3 expositions, 5 conférences, 1 spectacle de danse contemporaine, 7 stages et ateliers et le Grand Bal Tango du 18 au Gaztetxe. Et cette « cérémonie de résilience » au Musée Basque de Bayonne, le 12 octobre à 11 heures. Ce jour-là, des membres des peuples Selk’nams et Yahgans venus d’Ushuaia, de Rio Grande et de Puerto Williams, en Terre de Feu, racontent l’histoire de leurs peuples : les exploitations, les génocides, les zoos où leurs ancêtres furent exhibés et les restes humains dans les musées du monde. Gérard Collomb, ethnologue au CNRS, sera là pour les écouter. Et Lars Christian Koch viendra leur remettre, au nom des Archives sonores de Berlin qu’il dirige, les enregistrements réalisés entre 1907 et 1923 par les missions ethnographiques en Terre de Feu. Cette cérémonie se fait sous l’égide de l’UNESCO dans le cadre de l’Année Internationale des Langues Indigènes. À Bayonne, ce 12 octobre, la voix de leurs ancêtres sera restituée aux Selk’nams et aux Yahgans.

Vous êtes étonnés que tout cela se passe au prétexte de musique ? Souvenez-vous que la musique est un art de l’écoute et que cette capacité se doit d’être mise au service d’autres dispositifs. Comme sut le dire Florence Delay lors de la première édition du festival en 2014, « il faut savoir écouter pour pouvoir s’entendre ».

Alors voilà. Le festival Haizebegi n’a d’autre ambition que d’être un tiers terme qui catalyse des rencontres. Cela est vrai pour les Selk’nams et les Yahgans, cela est vrai aussi pour les si belles photos réalisées par Lauriane Lemasson en Terre de Feu et qui sont exposées dans le cloître de la Cité des Arts, cela est vrai pour les chercheurs brésiliens qui viennent présenter les documentaires sur l’immigration musicale au Brésil, cela est vrai aussi pour le travail de photographe que Jean-Marie Colin a effectué au Centre Atherbea qui accueille les blessés de nos mondes sociaux et cherche à favoriser leur réinsertion sociale. Les portraits de résidents qu’il a réalisés seront exposés sur les rives de l’Adour. Et par ce geste artistique unique, trace de l’implication de chacun dans sa propre histoire, ces personnes que nous avons nous-mêmes tellement de mal à apercevoir retrouvent une pleine visibilité dans l’espace public. La musique, un art de l’écoute.

Denis Laborde, Directeur artistique Haizebegi

Pour en savoir plus et connaître le programme détaillé du festival, rendez-vous sur le site https://haizebegi.eu

Quatre étudiants racontent leur incroyable expédition dans l’Antarctique (Le Figaro, 12/7/2019)

https://etudiant.lefigaro.fr/article/quatre-etudiants-racontent-leur-incroyable-expedition-dans-l-antarctique_55fced6c-a22a-11e9-a13f-3957458a90bd/

Quatre étudiants racontent leur incroyable expédition dans l’Antarctique

Par Maud Kenigswald Publié le 12/07/2019 à 09:49, mis à jour le 12/07/2019 à 17:46

L’équipe du projet Amazing Antarctique: de gauche à droite, Clément Tissot, Camille Amaz, Aurélie Schwartz, Robin Amaz, Frédéric, Floriane Eonnet, Jacques et Catherine Amaz.Camille Amaz

En février 2019, une équipe menée par quatre étudiants ingénieurs prenait le large pour un mois d’expérimentation scientifique en Antarctique. Six mois plus tard, de retour sur la terre ferme et forts de leur recul, ils racontent leur expédition.

Le 10 février dernier, un groupe supervisé par quatre élèves de l’IMT Mines-Albi quittait Ushuaia pour mettre le cap sur l’Antarctique, afin d’y mener une série d’expériences scientifiques. Néanmoins, leur aventure ne se circonscrit pas à ce mois passé hors du temps, elle comprend également l’année de préparation ainsi que le retour à la vie «réelle».

Ainsi, réunis sur un toit de Paris, les étudiants au cœur du projet se confient au Figaro Étudiant sur leurs péripéties: récit à quatre voix d’une épopée dans le Grand froid.

À l’origine, une soif de défis

Amazing Antarctique, c’est à l’origine quatre jeunes de 21 ans, étudiants ingénieurs à Albi: Aurélie, Clément, Floriane et Robin. Las de leur train-train quotidien, les amis se sont lancés à l’assaut du Sixième Continent, au service de la science.

Robin Amaz est à l’initiative du projet: depuis son plus jeune âge, ce Lyonnais est passionné de milieux froids et a fortiori, de sciences. Enfermé pendant ses deux années de classe préparatoire, Robin rêvait de grands espaces. Lors de sa troisième année d’études supérieures, à l’IMT Mines-Albi, il s’est lancé. Pour ce faire, il a dû constituer un groupe de choc autour de lui: Aurélie, Floriane et Clément, trois camarades de promo. Clément n’a pas hésité une seconde, voyant là une occasion de «montrer l’exemple». «Je voulais prouver qu’à 21 ans, on peut déjà accomplir des prouesses, scientifiques notamment» rapporte-t-il. Même discours pour Floriane, qui souhaitait également profiter de l’expédition «pour faire passer un message de prévention écologique».

Et le défi a commencé avant même la montée à bord du voilier: «Il s’agissait de préparer en un an une expédition que les professionnels mettent généralement cinq ans à orchestrer», raconte Robin. Une fois ce constat dressé, la course contre la montre est lancée. Il fallait donc être efficace, se répartir le travail. Pour pallier leur manque d’expérience dans le domaine, les quatre étudiants ont dû redoubler d’effort, sacrifiant tout leur temps libre à la préparation du projet. Cette année s’est donc écoulée à toute vitesse, avec la constitution du reste de l’équipe: outre les quatre élèves, le groupe comptait également Camille Amaz, biostatisticienne à Lyon, ainsi que trois «mécènes» – qui n’étaient autres que les parents de Robin et un proche de la famille Amaz – et les marins.

Départ destination ailleurs

Un jour de janvier 2019, il est déjà temps de quitter la France pour la Patagonie. Avant d’embarquer à bord du voilier, l’équipe a décidé de passer trois semaines ensemble, pour s’habituer à la promiscuité. Vingt jours plus tard, l’excitation au ventre, les huit aventuriers pénètrent dans ce qui va devenir leur fief pendant un mois, le voilier Podorange. Les équipiers découvrent les cabines, et doivent s’habituer sans broncher à faire fi de toute intimité pour (re)découvrir la vie en collectif: «Pas de portes, les cabines étaient séparées par des rideaux donc on entendait tout», explique Aurélie.

Appareillage pour le détroit de Drake, passage obligatoire pour accéder à l’Antarctique. Ce bras de mer séparant l’extrémité sud de l’Amérique du Sud et l’Antarctique est particulièrement redouté, y compris par les marins aguerris. Pour les étudiants, les quatre jours de traversée du Drake se sont apparentés à un véritable calvaire. Clément en garde des souvenirs amers: «On vivait avec un rythme de balancier non rythmé permanent, qui nous a tous rendus malades», décrit-il, les empêchant par là même d’avaler quelque aliment et les circonscrivant au seul espace de leur couchette.

Trois fois par jour, pendant deux heures, chaque binôme devait aller sur le pont pour vérifier qu’il n’y ait pas d’iceberg ou d’obstacles impromptus, que le sonar n’aurait pu repérer. «Ces tours de garde nous trempaient invariablement, on rentrait dans nos cabines frigorifiés», se rappelle Robin. L’occasion pour les étudiants d’expérimenter des mers particulièrement compliquées, et donc, d’entrer dans le «dur» de la navigation. Une fois arrivés en Antarctique, l’équipe n’a pas pris plus d’une nuit pour se reposer. L’objectif: commencer le travail scientifique au plus vite afin de mettre à profit leur environnement singulier.

Leur objectif: faire avancer science et consciences

En préparant leur expédition, la volonté des étudiants était claire: faire avancer science et consciences en rapportant des données permettant d’enrichir la réflexion sur le réchauffement climatique. Ils ont ainsi centré leurs recherches sur quatre domaines. Leur premier objet de recherche est l’étude des planctons, afin de fournir à Plankton Planet, une filiale du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) des échantillons de plancton de cette zone, ce dont ils manquent cruellement.

De plus, Robin, Aurélie, Clément et Floriane, ont souhaité, avec l’aide d’une biostatisticienne, «étudier la réaction du corps lorsqu’il évolue dans des conditions extrêmes pendant une durée prolongée», à l’instar de ce mois sur un voilier en Antarctique. Un troisième aspect de leur recherche se concentrait sur le microplastique afin d’en observer l’évolution dans ce périmètre depuis 2018, date des dernières expérimentations sur place. Enfin, les quatre jeunes se sont intéressés aux courants océaniques: la péninsule Antarctique constituant le point de jonction des trois océans, elle est le lieu parfait pour suivre la salinité, prendre des mesures de l’eau et faire des relevés quotidiens.

Un dur retour à la réalité

À l’issue de ce mois passé hors du temps, à concentrer uniquement son attention sur les sciences et l’environnement, il était déjà temps pour toute l’équipe de revenir sur la terre ferme, puis de rejoindre l’Hexagone. Le retour à la réalité fut brutal: «On a par exemple redécouvert la couleur verte, qui est inexistante en Antarctique: en débarquant du voilier, on a directement été se rouler dans l’herbe», rapportent Clément et Robin, le ton rieur.

Ce retour s’est révélé particulièrement stressant: les étudiants devaient à la fois rattraper leur retard, notamment à l’école mais aussi, organiser les conférences et plus généralement, s’occuper de l’après-expédition.

Désormais, les perspectives sont nombreuses pour ces étudiants. «Je compte organiser des ateliers à destination des enfants pour les informer sur les bons comportements à adopter pour ne pas polluer l’environnement», explique Robin. Le deuxième pan de leur action se situe sur le terrain scolaire puisqu’ils désirent accroître le nombre de projets sur l’écologie dans leur école, l’IMT Mines-Albi. Les idées fourmillent: ils souhaitent rendre leur campus zéro-plastique, mettre en place des ruches et des ateliers pour faire son savon, son shampooing ou encore son yaourt soi-même. Là encore, il s’agit d’encourager les étudiants à prendre leurs responsabilités vis-à-vis de la Terre. «L’avenir de la planète nous appartient», conclut Robin Amaz.

La réalité complexe des langues autochtones d’Argentine (DICYT, 08/05/2019)

Des chercheuses en sciences sociales du CONICET partagent leurs études culturelles et leurs expériences liées aux langues des peuples autochtones d’Argentine.

Les langues autochtones d’Argentine

CONICET/DICYT Cancha, poncho, gaucho, morocho, carpa, vincha, pucho… Un grand nombre de mots de notre langage quotidien proviennent du quechua, une langue inca qui est en contact avec l’espagnol depuis cinq cents ans. Le quechua est une langue indigène dynamique, sous ses diverses formes, que l’on trouve dans certaines régions d’Argentine, de Bolivie, du Pérou, du Brésil, du Chili, de Colombie et d’Équateur. Mais ce n’est pas la seule : au moins quatorze langues indigènes sont parlées aujourd’hui en Argentine, sur les trente-cinq qui étaient parlées avant l’arrivée des Espagnols. Que sait-on d’elles ? Pourquoi est-il important de prendre soin d’elles, de les valoriser et de les promouvoir ?

« Dans notre pays, nous comptons 39 groupes autochtones – Mbyá-Guaraní, Mocoví, Pilagá, Toba-Qom, Wichí et Huarpe, entre autres – certains sont nombreux, d’autres plus restreints. Selon les estimations du dernier recensement de la population (INDEC, 2010), sur les 40 millions d’habitants, 2,4 % se déclarent autochtones, soit plus de 950 000 personnes », expliquent Ana Carolina Hecht, Noelia Enriz et Mariana García Palacios, anthropologues et chercheuses du CONICET.

Carolina étudie la socialisation linguistique, la vitalité et le déplacement de la langue Toba Qom dans différents espaces (familial, domestique, scolaire) dans les communautés urbaines Qom de la province de Buenos Aires del Chaco ; Noelia travaille avec les communautés Mbyá-Guaraní de Misiones, en étudiant les connaissances qui circulent à l’intérieur et à l’extérieur de l’école interculturelle bilingue, et Mariana analyse comment les enfants des quartiers Qom de Buenos Aires et du Chaco construisent leurs connaissances du monde social, en particulier leurs connaissances religieuses, dans des contextes communautaires et scolaires interculturels. Ensemble, ils participent au projet « Interculturalité et éducation dans les communautés Toba/Qom et Mbyá-Guaraní d’Argentine : une approche historique et ethnographique de la diversité ethnique et linguistique dans les écoles », qui fait partie du programme d’anthropologie et d’éducation de l’Université de Buenos Aires.

Leurs recherches les ont même amenés à vivre des expériences de cohabitation lors de travaux de terrain. « J’ai passé du temps avec la communauté avec laquelle je travaillais. Nous avons également fait de l’observation participante : nous avons pris part à des activités communautaires », explique Noelia. « Nous essayons de développer des activités que les communautés elles-mêmes demandent », ajoute Carolina, « par exemple, des conférences et des ateliers dans des écoles bilingues interculturelles et des instituts de formation des enseignants où nous discutons de l’interculturalité, des enfants autochtones, des langues en contact, de la diversité et des inégalités. »

Langues et territoires autochtones

Selon les scientifiques, les langues indigènes argentines sont celles qui proviennent de familles linguistiques originaires de notre territoire ; Parallèlement, il existe également d’autres langues parlées en Argentine qui ont été apportées par des migrants des pays voisins. « Les peuples autochtones sont toujours plus nombreux que les langues autochtones parce que de nombreux peuples ont cessé de parler leurs propres langues en raison de processus historiques d’invisibilité, de discrimination, de déni, d’assujettissement, entre autres facteurs », note Hecht.

Aujourd’hui, l’éventail des situations est très diversifié : des langues qui ne sont plus parlées, d’autres qui n’ont qu’une seule mémoire, des situations bilingues, des communautés indigènes où l’espagnol prédomine, des communautés où la langue indigène reste vitale dans la famille et la communauté. « Ces situations peuvent même affecter la même communauté : les enfants Qom qui parlent espagnol comme première langue et d’autres qui parlent espagnol comme deuxième langue », ajoute Mariana.

La population Mbyá est un cas très particulier. Il possède sa propre langue et vit à Misiones, une partie du Paraguay et du Brésil. La langue parlée permet à ses locuteurs de communiquer dans les trois pays en tant que lingua franca. Cependant, cela s’écrit différemment dans les trois territoires. « Dans l’un, c’est influencé par le portugais ; au Paraguay, par le guarani standard ; et ici, par l’espagnol », explique Noelia. Par exemple, ce qui ressemble à un « ch » chez nous s’écrit avec un « x » au Brésil. Cela illustre la complexité de la langue indigène.

L’énorme défi de l’école

Ce scénario complexe représente un défi majeur pour l’éducation interculturelle bilingue (EIB), une forme d’éducation qui garantit les droits constitutionnels des peuples autochtones. Comme le reflète la loi sur l’éducation nationale n° 26 206 (chapitre XI, article 52), l’EIB « favorise un dialogue mutuellement enrichissant de connaissances et de valeurs entre les peuples autochtones et les populations ethniquement, linguistiquement et culturellement différentes, et favorise la reconnaissance et le respect de ces différences ».

Cependant, les chercheurs constatent que ces situations disparates et nuancées auxquelles sont confrontées les langues autochtones ne sont pas toujours prises en compte dans les politiques éducatives. « La législation relative à l’EIB s’adresse davantage aux enfants autochtones vivant en milieu rural, parlant des langues autochtones et ayant très peu de contacts avec l’espagnol. Aujourd’hui, la situation la plus répandue concerne les enfants autochtones en milieu urbain, avec des niveaux variables de maîtrise de ces langues », explique Carolina.

Pour les chercheuses en sciences sociales, l’idéal serait que ces lois prennent en compte la diversité des réalités et des nuances sociales. L’éducation interculturelle bilingue devrait être un défi commun à tous ; une forme d’éducation pour toute la société argentine, et pas seulement pour les populations ethniquement définies ; et ainsi démontrer que l’Argentine est un pays multiculturel. De plus, nous devrions envisager des interventions impliquant les communautés elles-mêmes, et pas seulement des interventions extérieures.

Reconnaître l’histoire pour regarder vers le futur

« Ce n’est pas parce qu’un peuple ne parle plus activement sa langue aujourd’hui qu’il est moins autochtone », explique Carolina, qui évoque la dimension historique pour analyser cette question. Certains processus historiques ont déterminé les différentes situations que nous connaissons aujourd’hui. Si nous nous concentrons uniquement sur le présent, nous aurons tendance à privilégier les situations actuelles sans tenir compte des processus qui y ont conduit. Les liens entre langue et identité sont toujours très complexes, car même à l’école, de nombreuses personnes sont perçues comme moins autochtones parce qu’elles ne parlent pas la langue autochtone. « La langue est importante pour identifier les peuples, mais ce n’est pas le seul trait d’identification », ajoute Mariana.

Noelia demande : « Pourquoi ne pas préserver la richesse culturelle d’un pays ? Pourquoi la nier ? Pourquoi demander aux gens d’être différents ? La diversité est le patrimoine de l’Argentine. Rien n’indique que s’attaquer à la diversité ne soit pas préjudiciable à la société. De plus, dans ce cas précis, la diversité est liée aux origines de l’espace dans lequel le pays évolue actuellement, et ces populations sont antérieures aux États-nations. »

Pour prendre soin et protéger la diversité linguistique, « il faut d’abord des politiques d’aménagement linguistique et d’éducation qui découlent de cette situation complexe actuelle », résument-elles. Il serait donc intéressant de promouvoir davantage d’espaces où ces questions sont réfléchies et débattues, afin de démanteler des idées profondément ancrées dans le sens commun le plus répandu et, en fin de compte, de renforcer la législation sur l’éducation interculturelle bilingue afin qu’elle ne soit pas seulement un idéal mais qu’elle soit mise en pratique dans tout le pays.

Source: https://www.dicyt.com/noticias/la-compleja-re traduit de l’espagnol par l’association Karukinka

Alaska, Patagonie, Alpes : partout dans le monde, la fonte des glaciers s’accélère (Le Monde, 8/4/2019)

Ces sentinelles du climat ont perdu plus de 9 000 milliards de tonnes de glace depuis 1961, contribuant à l’élévation du niveau des mers.

https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/04/08/alaska-patagonie-alpes-partout-dans-le-monde-la-fonte-des-glaciers-s-accelere_5447511_3244.html

Par Audrey Garric Publié le 08 avril 2019 à 17h00, modifié le 09 avril 2019 à 16h24

Vêlage (détachement d’une masse de glace) sur le glacier Hubbard, en Alaska, en août 2018.
Vêlage (détachement d’une masse de glace) sur le glacier Hubbard, en Alaska, en août 2018. JIM MONE / AP

Partout sur le globe, les glaciers se dévêtent progressivement de leurs majestueux manteaux blancs aux nuances de bleu. Conséquence du réchauffement de l’atmosphère, ces sentinelles du climat ont perdu plus de 9 600 milliards de tonnes de glace au cours des cinquante dernières années. A eux seuls, ils ont entraîné une élévation du niveau de la mer de 2,7 cm sur la période, contribuant pour 25 % à 30 % de la hausse globale. Voilà les conclusions d’une étude parue dans Nature lundi 8 avril, extrêmement précise quant à l’observation des bouleversements qui affectent ces géants continentaux.

« Globalement, les glaciers perdent chaque année environ trois fois le volume de glace stocké dans l’ensemble des Alpes européennes », compare Michael Zemp, premier auteur de l’étude et glaciologue à l’université de Zurich (Suisse).

« Nos résultats montrent que les glaciers continentaux, notamment la Patagonie, l’Alaska ou les Alpes, sont ceux qui sont le plus affectés par le climat, davantage que les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique », qui ne font pas partie de l’étude, ajoute le second auteur, Emmanuel Thibert, glaciologue à l’université Grenoble Alpes et à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.

Pour mener cette étude, qui couvre dix-neuf des régions les plus englacées du globe, l’équipe internationale de chercheurs s’est fondée sur deux types de données recueillies entre 1961 et 2016 : des photographies aériennes et satellites de 19 000 glaciers du monde, permettant de calculer leurs pertes de masse sur de longues périodes ; et des observations de terrain (carottages, mesures de précipitations et de fonte) pour 450 d’entre eux, représentatifs de massifs entiers, afin de connaître leur variation et réponse annuelle au changement climatique.

Résultat : la perte de masse s’est accélérée au cours des trente dernières années, particulièrement lors de la décennie 2006-2016, pour atteindre 335 milliards de tonnes (gigatonnes, Gt) de glace perdues chaque année. Soit davantage que la fonte du Groenland (la suite de cet article est réservée aux abonnés)

Il y a 150 ans paraissait Vingt mille lieues sous les mers: hommage à Jules Verne (Le Figaro, 5/4/2019)

https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/il-y-a-150-ans-paraissait-vingt-mille-lieues-sous-les-mers-hommage-a-jules-verne-20190405

Il y a 150 ans paraissait Vingt mille lieues sous les mers: hommage à Jules Verne

Par Michel Canévet

Publié le 05/04/2019 à 09:57, mis à jour le 05/04/2019 à 09:57

FIGAROVOX/TRIBUNE – À l’occasion des 150 ans de Vingt mille lieues sous les mers et de la réédition du Comte de Chanteleine, le sénateur du Finistère Michel Canévet rend hommage à l’écrivain et à son oeuvre «remède de cheval contre les pessimismes.


Michel Canévet est sénateur du Finistère, il a préfacé la réédition d’un des premiers romans de Jules Verne, Le Comte de Chanteleine, (Paris, Magellan & Compagnie, 2018).


Jules Verne fait partie de ces noms de la culture française qui règnent dans chaque recoin de nos vies quotidiennes sans même qu’on y prenne garde. Des rues portent son nom, des musées exposent et célèbrent son œuvre, des écoles se placent sous ses auspices. Mais encore: des bourses, des navires, des centres de loisirs, un vaisseau spatial, une université picarde, une soufflerie nantaise et jusqu’à une course de running, qui se tient chaque année à Amiens, honorent le souvenir de l’écrivain français le plus traduit au monde. Est-ce un hasard si Emmanuel et Brigitte Macron ont choisi de s’entretenir avec Donald Trump et son épouse, lors de leur première rencontre, dans un restaurant parisien de la Tour Eiffel, baptisé en hommage à l’auteur du Vingt mille lieues sous les mers dont nous fêtons le cent-cinquantième anniversaire?

Jules Verne est d’abord l’un de nos grands romanciers d’aventure et d’anticipation. Mais c’est aussi, à ce que nous en dit sa renommée mondiale, un magnifique exemple d’une France qui s’exporte culturellement et dont la créativité, l’audace et l’esprit d’invention sont des marques de fabrique. Peu d’auteurs auront su incarner à ce point les tentations de l’ouverture et de l’enracinement, de l’exploration du monde et de l’attachement aux origines, dans une fresque hétéroclite où se côtoient les paysages lunaires, les immensités sous-marines, les déserts de Patagonie, les nuits lugubres des Carpates, mais aussi les rivages du Finistère et les rues de Paris au XXe siècle. Face aux velléités du repli comme solution à tous nos maux, Jules Verne nous offre une vision du monde où la curiosité, la soif d’apprendre et l’espérance viennent défaire les certitudes en enseignant l’altérité. C’est une leçon utile en période de gros temps lorsque chacun voit en l’autre une menace.

Que vive le plus longtemps possible la mémoire de Jules Verne pour inspirer tous ceux qui doutent encore que l’imaginaire soit un ferment d’action et d’émancipation.

Bien sûr, Jules Verne n’échappe pas à son temps. On trouve chez lui les marques d’une IIIe République fière de son empire colonial. Mais si certaines des croyances de l’époque ont bel et bien changé, on n’ôtera pas à l’œuvre de Jules Verne sa vertu cardinale: la conviction intime que l’homme est capable de surpasser ses failles et de franchir toutes les frontières du monde. En 1905, la nécrologie du Figaro, qui avait accueilli plusieurs de ses nouvelles dans son supplément illustré, le désignait très justement comme le «plus inventif peut-être de nos romanciers» avant d’y voir le «patriarche de l’imagination française». Plus d’un siècle plus tard, on ne l’honore pas moins. Au moment où se tient, à Nantes, une belle exposition sur les héroïnes de Jules Verne et que Le Monde lance une collection dédiée aux Voyages extraordinaires, je ne peux souhaiter qu’une chose: que vive le plus longtemps possible la mémoire de Jules Verne pour inspirer tous ceux qui doutent encore que l’imaginaire soit un ferment d’action et d’émancipation. Jules Verne est un remède de cheval contre les pessimismes.