La toponymie argentine : un enjeu de pouvoir pour le gouvernement de Javier Milei

La toponymie argentine : un enjeu de pouvoir pour le gouvernement de Javier Milei

Il y a trois jours un mouvement que je pensais inaliénable pour la reconnaissance des peuples de Patagonie s’est brusquement interrompu : Manuel Adorni, porte-parole du gouvernement de Javier Milei, a annoncé depuis la Casa Rosada le changement de nom d’un lac situé à quelques kilomètres à l’ouest d’Ushuaia, pour “rétablir l’ordre dans le sud du pays”, “protéger les propriétaires des terres prises” dans le cadre d'”usurpations de terres par des pseudo-mapuches”. La décision a été prise par le gouvernement le vendredi 7 juin 2024 et est soutenue par le Président de l’Administration des Parcs Nationaux, Cristian Larsen.

Cela pourrait sembler dérisoire, un nom de lac, mais la symbolique qu’il revêt dépasse de loin ce que mon esprit pouvait imaginer. Ce n’est que depuis le début des années 2000, sous la présidence de Cristina Kirchner, que ce lac avait retrouvé son nom yagan “Acigami”, s’ajoutant ainsi à la liste des rares toponymes d’origine yagan, selk’nam, haush ou kawesqar encore présents dans les bases de données géographiques officielles en Argentine et au Chili.

Selon mes analyses du catalogue de l’Institut Géographique National d’Argentine, en 2019 moins de 8% des toponymes de la province de Terre de Feu avaient une origine indigène, ce qui signifie que plus de 90% des noms de lieux sont liés aux différentes vagues d’exploration et de colonisation de cette région. Le lac Acigami faisait donc partie jusqu’à il y a peu des rares noms yagan a avoir retrouvé sa place après qu’un autre nom, “Lac Roca”, lui ait pris sa place durant de nombreuses décennies.

Lors de la revue de presse du 12 juin 2024, Manuel Adorni a déclaré : “le lac Acigami, qui est un nom aborigène qui signifie “poche allongée”, Dieu sait ce que cela a à voir avec, le lac Roca a été rebaptisé, comme il l’était avant 2008, en l’honneur du héros, ancien président de la République et architecte de la consolidation de l’État-nation, qui avec sa vision et son leadership a fini par délimiter l’extension de notre territoire” (“El lago Acigami, que es un nombre aborigen que significa ‘bolsa alargada’, vaya a saber Dios qué tenía que ver, se volvió a llamar al lago Roca, como lo hizo hasta 2008, en honor al prócer, expresidente de la República y artífice de la consolidación Estado-nación, quien con su visión y liderazgo terminó por delimitar la extensión en nuestro territorio”).

En plus d’un ton dépréciatif non dissimulé à l’égard de ce nom yagan et plus généralement envers ce peuple qualifié de “pseudo-mapuche”, nous pouvons reprocher aux décisionnaires une méconnaissance de l’histoire argentine liée à ce lieu. Ce lac se nommait ainsi bien avant que les terribles effets de la Conquête du Désert (qui n’en était pas un!) menée par le Général Roca ne s’y manifestent. Pour rappel, et ce rappel démontre à quel point ce changement de nom est idéologiquement terrible, Julio Argentino Roca, avant de devenir président de 1880 à 1886, était un militaire et a eu pour mission de conquérir les terres situées au sud du Rio Negro, la Patagonie donc, afin d’y affirmer la souveraineté argentine. Nommée “Conquête du Désert”, cette expédition de plusieurs années a eu pour effet le génocide des peuples de Patagonie, encore trop peu documenté à ce jour et d’une ampleur effroyable, afin que des colons les remplacent en s’y installant avec leurs ovins.

Il est à noter que nous retrouvons la mention de ce nom de lieu dès 1883, à la page 81 du rapport d’expédition de Giacomo Bove réalisée à la demande du gouvernement argentin et en partenariat avec le Consulat Italien à Buenos Aires, durant la présidence de Julio Argentino Roca. Il apparaît également dans de nombreuses sources (Thomas Bridges, Nathalie Goodall,…) et pas toujours orthographié de la même manière (Acacima, Ucasimae, Acagimi, Asigami,…).

carte extraite de “Expedición Austral Argentina” (p.81) de Giacomo Bove, imprimé à Buenos Aires par le Département National de l’Agriculture et présenté au sein du Ministère de l’Intérieur et du Ministère de la Guerre et de la Marine.

Affirmer qu’avant 2008 ce lac avait pour seul nom “Roca” démontre une méconnaissance des archives de l’Institut Géographique National et un mépris protéiforme pour l’histoire. Les yagans habitent ces territoires depuis des milliers d’années et le retour de ce nom de lieu était lié à des obligations légales relatives aux peuples indigènes, l’Argentine ayant ratifiée la Convention 169 de l’OIT en 2000.

Et surtout, cette décision ne manque pas d’ironie puisque sous couvert de modernisation et de regard tourné vers un Occident présenté comme modèle, le gouvernement de Milei fait l’exact inverse de ce qui se passe de plus en plus généralement en Europe, avec la cohabitation de toponymes dans diverses régions, la mienne par exemple (Bretagne, avec des noms en français, gallo et breton).

En tant que chercheuse dédiée aux questions de toponymie (>3000 noms de lieux recensés), je dénonce cette attaque contre les yagan et apporte tout mon soutien à ce peuple dont le porte-parole, Victor Vargas Filgueira, n’a de cesse de lutter pour visibiliser son peuple, comme il a pu le faire en présentiel en France lors du festival Haizebegi de Bayonne en 2019 et durant lequel l’association Karukinka était investie.

Pour terminer cet article bien amer, je citerai les mots réconfortants de David Alday, ex-président de la communauté yagan de la baie Mejillones au Chili : “L’histoire et la mémoires de nos peuples originaires ont des milliers d’années et cela ne s’efface pas comme ça, quelque soit les annonces qu’ils font, il y a toujours quelqu’un pour enseigner et souligner la réalité de notre riche toponymie. Il est temps d’écouter et d’observer tranquillement Marraku [Victor], écouter et observer.” (“La historia y memoria de nuestros pueblos originarios tienen miles de años, no se borra por más anuncios que se hagan, siempre hay alguien que enseñe y señale la realidad de nuestra rica toponimia. Es tiempo de escuchar y observar tranquilos Marraku, escuchar y observar.”)

Ecoutons et observons, ils ne peuvent rien contre la mémoire collective.

Lauriane Lemasson

Pour ceux qui souhaitent :

Agir pour le vivant et Libération publient une tribune de Lauriane Lemasson, fondatrice de notre association (2ème partie)

Agir pour le vivant : tribune

Patagonie : mais où sont donc les peuples Yagan, Haush et Selk’nam ? (partie 2)

Si l’on regarde une carte de Terre de feu, l’une des premières sensations est celle de vide, un criant vide de sens. Le territoire est immense mais les toponymes manquent pour décrire ce qui m’entoure. Suite (en France) et fin (de non recevoir).

par Lauriane Lemasson, chercheuse en ethnomusicologie, acoustique et géographie à Sorbonne Université et fondatrice de l’association Karukinka – publié le 15 juin 2021 à 17h08

(Retrouvez ici la première partie de l’article mis en ligne le 14 juin)

Continuant mes recherches au sud du détroit de Hatitelen, j’ai progressivement pris conscience de l’ampleur et des multiples effets de la colonisation. Non, les Selk’nam, Haush et Yagan n’ont pas disparu. Ensemble, ils composent actuellement plusieurs milliers de personnes revendiquant des droits, et parmi ceux-ci celui à la vérité historique. J’ai pu rencontrer ces descendants des survivants, de ceux ayant eu suffisamment de chance et de force pour échapper aux mailles du filet. Ils se sont fondus dans la masse, ne transmettant plus leurs langues et cachant leurs origines pour mieux satisfaire aux nouvelles exigences des colons. Mais l’histoire familiale, cette part intime de l’identité d’un individu et de son groupe, n’a pas été oubliée et se transmet de génération en génération. Tant qu’il n’y aura pas d’entière reconnaissance du passé, il faudra continuer de transmettre ces histoires : pour ne pas oublier qu’hier, les ancêtres ont été massacrés. Cette histoire commune est l’un des fondements culturels face auquel aucune théorie de pureté génétique ne peut faire face. Etre Yagan, Haush ou Selk’nam ne peut pas être remis en question par un certain degré de métissage : une culture est mouvement et adaptation, et sans cela elle meurt.

En octobre 2019, j’ai eu la chance d’obtenir une carte blanche de la part de l’organisateur du festival Haizebegi de Bayonne, Denis Laborde, et j’ai fait le choix d’inviter trois membres de ces peuples : Mirtha Salamanca (selk’nam), José Germán González Calderón (yagan) et Victor Vargas Filgueira (yagan). Pendant une vingtaine de jours ils ont pu témoigner à la première personne, et pour la première fois en France, de l’histoire passée et actuelle de leurs peuples. Nous avons composé ensemble le programme, en choisissant conjointement les thèmes à aborder et les textes à publier. Et parmi ces thèmes, celui de la restitution des corps de leurs ancêtres. En amont de leur venue, ils m’avaient demandé de solliciter un rendez-vous avec le directeur de la collection des restes humains modernes du musée de l’Homme. L’objectif était simple : se rencontrer, dialoguer et voir ensemble comment réparer les erreurs d’hier et faire que leurs ancêtres reposent enfin chez eux, d’où ils n’auraient jamais dû partir. J’ai donc envoyé un premier mail à la direction, puis un second, un troisième… sans réponse. Ils arrivèrent le 3 octobre et je n’avais rien d’autre à leur communiquer que le silence de notre interlocuteur. Le temps passe et deux jours avant leur départ de France, lors d’un dernier passage à Paris pour un séminaire en Sorbonne, ils souhaitent se rendre sur place, au musée de l’Homme, pour demander des explications.

Après une longue attente, la secrétaire de direction prend note de cette venue et des questions de Mirtha, José et Victor. En repartant, ils souhaitèrent prendre cette photo à l’entrée du musée, pour rappeler que la France a ratifié la Convention 169 de l’OIT (relative aux peuples indigènes et tribaux) et que la restitution doit être facilitée par les institutions lorsque les membres des communautés concernées en font la demande. Le lendemain matin, je reçus un mail du directeur de la collection, s’adressant uniquement à moi, me disant que «nous ne pouvons pas nous laisser dicter nos priorités par ce genre de demande, même si la demande est légitime». Rencontrer les membres de ces communautés venant pour la première fois, cent-trente ans après la honte des zoos humains et des exhibitions coloniales les ayant présentés comme des animaux, n’est donc pas une priorité, et répondre à leurs demandes répétées durant plusieurs mois non plus. Je vous l’avoue, j’ai eu honte, viscéralement honte de l’indifférence qui leur a été infligée et qui continue depuis.

Je ne suis pas spécialiste de ce sujet, certains comme l’anthropologue argentin Fernando Miguel Pepe en parlerait mieux que moi, luttant depuis des décennies pour l’identification et la restitution des corps. Ce dernier affirme même que les données liées à l’identification de ces corps ne peuvent lui être communiquées, le musée interdisant pour une période de vingt ans que ces informations sortent et facilitent l’établissement des liens entre ces personnes et leurs descendants actuels susceptibles de vouloir ensuite les récupérer.

En tant que citoyenne française, d’un pays où une institution ne prend pas ses responsabilités en répondant aux demandes de dialogue qui lui sont faites, je ne peux rester les bras croisés. Je ne peux que témoigner de ce cruel manque d’empathie et de cette injustice. Ces personnes avaient toutes une famille et ont été arrachées à leurs terres de manière indigne. Elles sont de la génération de mes arrière-arrière-grands-parents et arrière-grands-parents. Et pourraient être aussi les vôtres. N’iriez-vous pas, vous aussi, les chercher à l’autre bout du monde s’il le fallait ?

https://www.liberation.fr/plus/patagonie-mais-ou-sont-donc-les-peuples-yagan-haush-et-selknam-partie-2-20210615_TEJHI4RMHRGNTJMXE37K5LNGIE/ 

Agir pour le vivant et Libération publient une tribune de Lauriane Lemasson, fondatrice de notre association (1ère partie)

Patagonie : mais où sont donc les peuples Yagan, Haush et Selk’nam ? (partie 1)

Si l’on regarde une carte de Terre de feu, l’une des premières sensations est celle de vide, un criant vide de sens. Le territoire est immense mais les toponymes manquent pour décrire ce qui m’entoure.

par Lauriane Lemasson, chercheuse en ethnomusicologie, acoustique et géographie à Sorbonne Université et fondatrice de l’association Karukinka – publié le 14 juin 2021 à 10h58

En 2011 j’ai posé pour la première fois mon regard sur ce Finistère américain : l’extrême sud de la Patagonie, au sud du détroit Hatitelen, plus connu sous le nom de détroit de Magellan. Après avoir étudié un large corpus d’ouvrages disponibles en Europe, les conclusions étaient sans appel concernant les premiers habitants de ces terres : il ne restait plus qu’une seule femme yagan à Villa Ukika, au Chili, et plus aucun Haush ou Selk’nam en Patagonie. Tous avaient disparu à la suite des maladies importées d’Europe, malgré les bonnes volontés des missions anglicanes et salésiennes qui tentèrent de les sauver en leur apportant refuge, nourriture, vêtements, et surtout «civilisation».

Voici en résumé ce que dit l’histoire officielle. Je décidai malgré tout de m’y rendre pour la première fois en janvier 2013 et pendant un peu plus de trois mois. Je savais que j’allais sûrement sillonner un désert vidé de ses premiers habitants pendant toute cette période, mais peut-être que les paysages, eux, auraient encore des choses à me conter. Je partis donc, principalement seule et en autonomie complète, avec pour compagnons d’expédition mon sac à dos, ma tente, mon duvet, et de quoi manger, photographier et enregistrer. Passés ces trois premiers mois d’exploration et beaucoup d’autres missions à la suite, je peux vous assurer que oui, ces lieux devenus espaces continuent de beaucoup m’apprendre sur l’horreur du génocide dont ont été victimes les peuples Yagan, Haush et Selk’nam.

Si l’on regarde une carte de Terre de feu, l’une des premières sensations est celle de vide, un criant vide de sens. Le territoire est immense mais les toponymes manquent pour décrire ce qui m’entoure. Des rivières, montagnes, collines, plaines… devaient pourtant avoir des noms, avant, lorsqu’ils faisaient partie d’un quotidien, que des voix troublaient le silence. Où sont-ils désormais ? Et ces restes de vie, ces ustensiles de pierre taillée qui jonchent le sol de ces anciens campements, ne sont-ils pas les témoins de l’exode, de la fuite face à l’arrivée des génocidaires ? Imaginez un dîner familial et faites-en disparaître tous les membres assis autour de la table : voici la sensation qui vous prend aux tripes quand vous vous retrouvez là. Le temps s’y est arrêté et ces bribes de vie quotidienne vous entourent, sans leurs acteurs. Où sont-ils ? Qu’ont-ils vécu ici ? Ont-ils pu s’en sortir en s’engouffrant dans l’inextricable forêt fuégienne ? Ou bien ont-ils été capturés et déportés comme tant d’autres vers les missions, la prison de Rawson ou le camp de concentration de l’île Dawson, séparés de leur territoire, pour favoriser l’expansion des élevages d’ovins et de bovins ? Tout cela s’est déroulé durant la conquête d’un désert qui n’en était pas un : la colonisation aussi macabre que rapide initiée par l’Argentine et le Chili entre la fin du XIXe et le début du XXe siècles en Patagonie.

Sinistre trafic humain

Durant la même période se développèrent en Europe occidentale les théories d’anthropologie physique. Convaincus d’avoir trouvé en Patagonie le chaînon manquant entre l’homme et l’animal, de nombreux chercheurs firent appel à des explorateurs ou se rendirent sur place pour les étudier. L’objectif était de confirmer leurs théories empreintes des conclusions de Charles Darwin lors de son passage dans l’extrême sud patagon. Il était difficile de convaincre les Selk’nam, Haush et Yagan de se soumettre à toutes sortes de mesures anthropométriques, comme le montrent certains témoignages, dont ceux de Paul Hyades. Ces personnes connaissaient depuis plusieurs décennies déjà le cruel traitement que leur réservaient les Blancs en ces terres de non-droit. Le réflexe était donc celui de la fuite. Alors les chercheurs et explorateurs se mirent à déterrer les cadavres, malgré l’opposition des familles, et à les envoyer vers différents musées, dont le musée d’Ethnographie du Trocadéro, devenu en 1937 musée de l’Homme, faisant fi de l’éthique et violant les pratiques funéraires des populations concernées.

Ce sinistre trafic se déroula principalement entre 1880 et 1920 en Patagonie. Ces personnes, une fois arrivées par bateau, furent morcelées, classées et stockées, comme objets d’une collection. Ils font partie aujourd’hui encore de la collection de restes humains modernes du musée de l’Homme qui regroupent officiellement plus de 1 000 squelettes et 18 000 crânes. Les restes humains de Terre de feu ont entre autres été collectés par la mission scientifique du cap Horn dans la baie Orange (1882-1883) et la mission de Henri Rousson et Polydore Willems en péninsule Mitre (1890-1891), mais aussi grâce aux dons réalisés par Martin Gusinde et Perito Moreno, ce dernier étant aussi l’un des principaux collecteurs et collectionneurs des restes humains composant la collection du musée de La Plata en Argentine. Et au musée de La Plata se trouvent aussi… des Français ! Agriculteurs, cordonniers, trappeurs, couturières, tisseuses… Ils y sont classés par sexe, métier et lieu d’origine.

https://www.liberation.fr/plus/patagonie-mais-ou-sont-donc-les-peuples-yagan-haush-et-selknam-20210614_5VTJJIATRNESFGFDRJV6LLMNIQ/ 

Haizebegi 2019 : Interview de Lauriane Lemasson par InfoFueguina “La vergüenza que se convirtió en orgullo”

La estudiante e investigadora francesa, Lauriane Lemasson, detalló las actividades que realizaron tres integrantes de los pueblos selk´nam y yagan en Paris y otras ciudades europeas. Destacó la recepción que tuvieron y la posibilidad de “acercarse al lugar del otro, para no cometer las cosas inaceptables que se hicieron, en parte de los siglos IXX y XX, en antropología”. Remarcó que sobre los pueblos originarios “el único poder que tienen los colonialistas es haber impuesto la vergüenza por la propia identidad, pero hoy esa vergüenza se convirtió en orgullo”, aseveró.

jueves, 19 de diciembre de 2019 · 08:30

“Presenté mi trabajo durante un coloquio internacional en París, eso fue en enero de 2019, y encontré a Denis Laborde que es el organizador del Festival Haizebegi. Él seguía mis investigaciones, que comenzaron  en 2011, y cuando llegó al coloquio me preguntó sobre mis trabajos”, comenzó relatando Lauriane Lemasson, investigadora francesa que realiza sus estudios en La Sorbona, elaborando su tesis sobre “Paisaje sonoro como recurso cultural, al sur del Hatitelén (Estrecho de Magallanes)”, para la cual viaja a la Patagonia chileno-argentina recurrentemente y mantiene un contacto frecuente con integrantes de pueblos originarios.

Lemasson dijo que después de la charla, Haizebegi le manifestó que tenía “carta blanca” para presentarse en el festival que se realizó el pasado mes de octubre en Bayona – Francia, con el antecedente de una entrevista que había realizado en Punta Arenas con Mirtha Salamanca, nieta de Lola Kiepja, la cual fue traducida en distintos idiomas aunque siempre “con aviso previo a la propia Mirtha, para saber si contaba con su acuerdo”, aclaró la investigadora francesa.

Luego de escuchar la entrevista, Laborde propuso invitar a Mirtha Salamanca al festival y manifestó que “se podrían invitar a dos personas más, quizás tres si contábamos con la subvención”, mencionó Lauriane Lemasson, advirtiendo que la fundación que encabeza Denis Laborde se sostiene con mucho esfuerzo, con aportes propios o de colaboradores  “pero sin financiamiento directo del estado”, remarcó.

Dijo que se trata de una fundación que “trabaja mucho con los inmigrantes, con cuestiones sociales y apoya muchas causas humanitarias”. Con ese objetivo se planteó la importancia de referirse a la situación de los pueblos originarios de la zona invitando -en consulta con Mirtha Salamanca- a Víctor Vargas Filgueira  y José González Calderón, ambos pertenecientes al pueblo yagán.

Lauriane Lemasson aclaró que todo el material que se presentó, como así también el contenido de las charlas y las conferencias fue resuelto por  Salamanca, Vargas Filgueira  y González Calderón. “De ellos surgían la iniciativas, porque  la idea era que definieran lo que querían compartir con la gente en Francia”, señaló.

Dijo que pudieron hablar “de una variedad de temas importantes como las salmoneras, el respeto de su cultura por parte de artistas e investigadores, la importancia de dar una devolución a los pueblos cuando se realiza algún trabajo para que no se pierda”. La investigadora francesa comentó que luego los integrantes de los pueblos originarios pudieron intercambiar y compartir con referentes locales, y en esos contactos se dieron cuenta que también en Francia había pueblos originarios “entre ellos los de mis antepasados”, destacó Lauriene Lemasson, mencionando que desciende de bretones.

Otro contacto importante fue con Pascal Blanchard, quien investiga sobre los llamados “zoológicos humanos”, y con quien pudieron “darse cuenta que no había solamente shelk´nam y yaganes exhibidos, sino que también había integrantes de pueblos europeos y de otras partes del mundo, para mí también fue importante porque descubrí que había gente de mi pueblo también exhibida allí”, expresó.  

La investigadora francesa indicó que fue con los zoológicos humanos que  “nació el racismo, porque de esa época viene. Antes había desconocimiento del otro, pero no esa jerarquía entre la gente. Con la época de los zoológicos humanos nació el racismo y fue apoyado por los antropólogos y científicos de ese tiempo, en un intento por comprender como había sido la evolución humana”.

Contó que también tuvieron “acceso a los archivos de (la antropóloga franco-norteamericana Anne) Chapman, dónde fue muy emocionante ver que podían tener contacto directo con ese material. También mantuvieron contacto con el responsable de las Relaciones Exteriores de la Conferencia de los Presidentes de las Universidades Francesas, Jean Luc Nahel, con quien se planteó la posibilidad de algunos proyectos a futuro”.

La actividad tuvo, como otro punto fuerte, una charla para estudiantes franceses quienes se vieron visiblemente emocionados por los testimonios, en especial el de Mirtha Salamanca y el relato de la historia de su abuela Lola Kiepja. Como conclusión los estudiantes, por iniciativa propia, resolvieron elevar una nota con su firma para apoyar el reclamo de restitución de los restos y “pedir una respuesta”.

Lauriane Lemasson indicó, por último, que quedó en claro en el viaje que el investigador debe “acercarse al lugar del otro, para no cometer las cosas inaceptables que se hicieron en parte de los siglos IXX y XX en antropología. También fue muy importante saber que la gente se está acercando para preguntar cuando se van a repetir los talleres que se hicieron, como el de cestería, reflejando lo significativo de la relación que se estableció y como conclusión saber que el único poder que tienen los colonialistas es haber impuesto a los pueblos la vergüenza por la propia identidad, pero hoy esa vergüenza se convirtió en orgullo”, remarcó la investigadora francesa. 

Galería de fotos

Haizebegi 2019 : Mirtha Salamanca interviewée par InfoFueguina : “Trabajar para recuperar lo nuestro”

Mirtha Salamanca fue parte de una delegación de integrantes de los pueblos shelknam y yagán, que viajó a Francia para realizar distintas actividades. Relató las conferencias y los encuentros de los cuales participaron y destacó la importancia de “recuperar lo nuestro”. También expresó una mirada crítica sobre el trabajo de Anne Chapman con su bisabuela, Lola Kiepja.

CIUDAD
lunes, 11 de noviembre de 2019 · 09:24

“La invitación en lo personal fue por el linaje de Lola Kiepja, mi bisabuela. Fui con dos hermanos del pueblo yagán, Víctor Vargas de Ushuaia y José González Calderón de Puerto Williams, y estuvimos cerca de 20 días que fueron muy intensos. Participamos del festival al cual nos invitaron que se viene organizando hace ya seis años, donde hay música y se tratan temas diferentes”, relató Mirtha Salamanca, miembro del pueblo shelknam.

En declaraciones al programa radial “Desde las Bases”, contó que “en este caso, la temática era los pueblos originarios. La gran sorpresa, para quienes concurrieron, fue que había shelknam y yaganes, porque la versión que se instaló fue que ya no había más. A partir de ahí fue la invitación, hubo autoridades muy importantes, recorrimos museos, fue un precedente muy importante y vamos a seguir porque hay mucho para hacer”, expresó Salamanca.

Después mencionó que “el nexo lo hizo Lauriane Lemasson, a quien yo encontré en Punta Arenas por un invitación que me había hecho la universidad y entonces la conocí. Fue una gran sorpresa, ella está haciendo un trabajo magnífico en lo que tiene que ver con la toponimia de la Isla, con los sonidos de la naturaleza, y ese trabajo también se expuso durante estos días”, destacó la integrante del pueblo shelknam.

Anticipando que la científica francesa  “está próxima a volver para esta zona, así que vamos a seguir trabajando. Es muy valeroso, porque sirve para recuperar lo nuestro. En Francia estuvimos en contacto con los alumnos de las universidades, pudimos ver el archivo de Anne Chapman. Yo pude conocer algunas crónicas, es algo con lo que hay que trabajar muchísimo tenemos que aprovechar esta oportunidad”, señaló Mirtha Salamanca.

Luego comentó que también estuvieron “dando charlas en una universidad de España, tomamos contacto con el director del museo de Berlin. Realmente fue una actividad que nos dejó mucho y pudimos hacer un pedido respecto de la devolución de los restos que están en esos museos”, confirmó.

Críticas para Anne Chapman

En ese mismo sentido mencionó que durante las charlas se refirieron “a lo que fue el zoológico humano, porque fue una clara muestra de racismo. Sabemos lo que ocurrió con nuestro pueblo y pudimos exponerlo allí”, remarcó. Después, sobre el trabajo de Anne Chapman, lo cuestionó y manifestó: “siempre digo que la opinión mía, como familiar, es de disconformidad por lo que se hizo con mi abuela”.

“Muchos dicen que sirvió para dejar en resguardo algo de mi abuela, pero yo hubiera preferido que no hubiera dejado nada. Porque sabemos que los cantos chamánicos eran privados, no podía quedar ese registro y aparte se le dio un mal uso. Realmente para nosotros, como familia, es algo muy triste. Considero que Anne Chapman vino con todo el aparato, con todo pago, mi madre por ejemplo no la quiso tender porque no nos respetaban”, relató la bisnieta de Lola Kiepja.

Dijo que cuando se presentaron ante la antropóloga franco –estadounidense “nos respondió que no nos iba a atender, porque ella con “los puros” había trabajado. Desconociendo nuestro linaje y nuestra pertenencia, la gente no sabe que atrás de esos registros hay una historia muy cruel. Llegó a decir que Lola había tenido “12 hijos seis puros y seis impuros”, ¿qué es lo que significa eso? No tuvo respeto por la familia”, insistió Salamanca.

Un pueblo ultrajado y la necesidad de recuperar la historia

Durante la entrevista expresó “sabemos que nuestro pueblo fue ultrajado, violado, entonces hay que tener un poco de respeto por esa historia. Nosotros somos un pueblo que sigue en silencio, pero estamos luchando, trabajando. Descubrimos un documental en el cual aparecían imágenes nuestras que no sabíamos que existían. Tomadas sin ninguna autorización, tenemos mucho por rescatar, mucho por trabajar”, advirtió.

Indicó que “se puede hacer algo diferente, yo siempre digo que tenemos un Estado ausente. Tenemos un ente controlador que es el Instituto Nacional de Asuntos Indígenas, pero primero hay que decir que nosotros no somos un asunto. Parece que tuviéramos que estar a merced de ellos, nosotros tenemos nuestras leyes que se deben hacer respetar”, reclamó.

Mirtha Salamanca manifestó que a veces “es muy lamentable, nosotros creemos que en las escuelas siempre se tiene que decir la verdad. Por eso yo voy y digo que estamos vivos, creo que hay que contar lo que pasó con nuestro pueblo, con la mal llamada conquista que fue en realidad una invasión a nuestro pueblo y a todos los pueblos de América”.

“Porque somos un pueblo pre existente y nos sacaron todo, prácticamente nos impusieron sus leyes. Respeto el himno, la bandera, pero nos fueron impuestos. Nosotros teníamos el haruwen, nuestros grupos familiares. Se vivía libremente, en la naturaleza, en armonía, luego todo fue imposición. Hay que trabajar mucho respecto de eso, tratar de recuperar nuestra cultura y que se diga la verdad. Esa es la actividad que nos estamos planteando”, concluyó la representante del pueblo shelknam.

Foto: Facebook Lauriane Lemasson