Jean-Louis Etienne, l’aimant des pôles (Le Monde, 23/4/2022)

L’explorateur poursuit depuis plus de dix ans son projet Polar Pod de dérive autour de l’Antarctique. Mais, malgré sa riche carrière, la recherche de financements reste un combat. Rencontre.

Par Sandrine Cabut Publié le 23 avril 2022 à 18h00, modifié le 28 avril 2022 à 18h05

« Pour faire le portrait d’un oiseau, peindre d’abord une cage avec une porte ouverte », écrivait Jacques Prévert. Pour faire celui d’un explorateur, commençons par esquisser un bureau, avec une porte ou plutôt une fenêtre sur le port de Concarneau, dans le Finistère.

Ce 28 mars, Jean-Louis Etienne est dans les locaux du constructeur naval Piriou pour une réunion de conception de Persévérance. Cette goélette de 42 mètres, dessinée par les architectes navals de VPLP et Olivier Petit, sera le bateau avitailleur du Polar Pod, sa prochaine expédition. Sa « cathédrale », comme il a surnommé ce projet de navire vertical, qui l’occupe depuis plus de dix ans. A partir de 2024, le Polar Pod doit accomplir deux tours du monde sur trois ans en dérivant autour de l’Antarctique, au service d’une ambitieuse mission scientifique.

Autour de la table – et, pour quelques-uns, en visio –, la discussion est hypertechnique, portant sur les voiles, escaliers… de Persévérance. L’aventurier et médecin de 75 ans prend régulièrement la parole pour préciser ses besoins, poser des questions concrètes, donner son avis. A quelques mètres de là, sa femme, Elsa Pény-Etienne, accompagnatrice de ses projets depuis vingt-cinq ans et impliquée dans l’architecture intérieure du voilier, est plongée dans des nuanciers, pour choisir les aménagements intérieurs.

Entre deux ravitaillements du Polar Pod en hommes et en matériel, tous les deux mois, Persévérance accueillera des passagers passionnés par cette exploration océanique. Une ressource financière bienvenue, en complément des partenaires, pour amortir les coûts du navire, propriété de Septième Continent, la société d’armateurs de Jean-Louis Etienne (la construction du Polar Pod est, elle, financée par l’Etat, avec l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’Ifremer, comme maître d’ouvrage).

CAP de tourneur fraiseur

Pour qui comme lui a sillonné mers, terres et même airs, selon les époques, une telle réunion de chantier pourrait paraître un brin austère. « J’aime ces moments de technologie, ça structure et j’y trouve

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« Sauvages, au cœur des zoos humains », de Barnum aux expositions universelles (L’Obs, 5/4/2022)

« Sauvages, au cœur des zoos humains » (arte)
« Sauvages, au cœur des zoos humains » (ARTE)

Pascal Blanchard et Bruno Victor-Pujebet racontent comment ces manifestations populaires ont propagé le mythe de l’inégalité des races et justifié le fait colonial.

Par Guillaume Loison

Publié le 5 avril 2022 à 17h00·Mis à jour le 5 avril 2022 à 17h45

Zoo humain, l’expression est certes anachronique – elle est apparue dans les années 2000 -mais elle sied parfaitement à ces manifestations populaires nord-américaines et européennes qui, du début du XIXe siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, ont mis en scène diverses ethnies issues des empires coloniaux dans des foires et autres expositions universelles. Par-delà l’humiliation publique et les mauvais traitements – la plupart des individus exhibés périssaient de froid, de maladie -, le spectacle propagea le racisme autant qu’il justifia l’investissement des politiques coloniales de l’époque.

Baromètre de la pensée raciste

Avec une foule impressionnante d’images d’archives, ce documentaire fouillé, pédagogique et émouvant retrace l’évolution de ce phénomène oublié, du moins négligé par une génération d’historiens ( « Comme tout ce qui se rapporte à la culture populaire » , précise-t-on ici). Des premières attractions du forain Phineas Barnum, prince du « freak show » américain – où Aborigènes et Pygmées, fondus dans une troupe de handicapés occidentaux, étaient assimilés à des monstres humains -, à ces cartes postales vivantes, entre la crèche géante et le parc d’attractions livrant au visiteur blanc un folklore exotique dévitalisé au début du XXe siècle, le zoo humain n’est pas un genre monolithique. C’est au contraire un baromètre ultra-précis de la pensée raciste, de ses tréfonds primitifs à son polissage relatif : après avoir fantasmé ces populations comme cannibales, il s’agit par la suite de les érotiser, puis de les présenter comme assimilables à la civilisation.

L’autre atout du film tient à sa manière de mettre en relief une poignée de destins individuels, démarche qui prend à rebours le principe d’effacement du zoo humain. De « Petite Capeline », enfant de 2 ans issue de Patagonie succombant à une bronchite au Jardin d’Acclimatation – place forte du genre en France -, à cet Aborigène dont on retrouve, des décennies après sa mort, la dépouille momifiée au sous-sol d’une entreprise de pompes funèbres de Cleveland, tous recouvrent ce soir un éclair de dignité.

Mardi 5 avril à 20h55 sur Arte. Documentaire de Pascal Blanchard et Bruno Victor-Pujebet (2018). 1h30. (Disponible en replay jusqu’au 3 juin 2022 sur Arte.tv).

Par Guillaume Loison

“Au Chili, les glaciers «indicateurs» du réchauffement climatique” (Le Figaro 23/02/2022)

https://www.lefigaro.fr/flash-actu/au-chili-les-glaciers-indicateurs-du-rechauffement-climatique-20220223

Par Le Figaro avec AFP

Publié le 23/02/2022 à 19:27

Une fissure barre le glacier San Rafael et un iceberg haut comme un immeuble de dix étages s’effondre dans le lac. Dans l’extrême sud du Chili, les glaciers sont un «indicateur par excellence» des effets du réchauffement climatique, rappellent les scientifiques.

Une centaine d’icebergs flottent à la surface du lac San Rafael, situé dans la région d’Aysen, à 1700 km au sud de Santiago. Il y a 150 ans, le glacier du même nom couvrait deux tiers du lac. Il a désormais reculé de 11 km à l’intérieur de la vallée et n’est plus visible sur le lac. Au total 39 glaciers composent le Campo de Hielo Norte (Champ de glace nord de Patagonie), qui forme avec le Campo de Hielo Sur (Champ de glace sud) la troisième plus grande masse de glace du monde après l’Antarctique et le Groenland, selon les scientifiques chiliens.

«Inondation par débordement de lac glaciaire»

La fonte des glaciers est un phénomène naturel que le changement climatique accélère de manière «significative», rappelle à l’AFP Jorge O’Kuinghttons, chef de l’Unité régionale de glaciologie à la Direction générale des eaux (DGA). «Les glaciers sont un indicateur par excellence du changement climatique», souligne Alexis Segovia, 42 ans, un autre chercheur de cette unité. Il rappelle que le phénomène constaté dans la région d’Aysen est visible dans la quasi-totalité des 26.000 glaciers du Chili : seuls deux ont augmenté de surface.

Des données confirmées par l’Agence spatiale européenne, selon laquelle les glaciers de la Patagonie, à la fois au Chili et en Argentine, reculent plus vite que n’importe où ailleurs dans le monde. Alexis Segovia souligne aussi qu’il s’agit d’un cercle vicieux car les surfaces glacées «renvoient une grande quantité des radiations qui arrivent sur la Terre». Si cette surface continue à se réduire, la planète «va se réchauffer plus vite».

Autre signe, l’inondation de zones qui auparavant n’étaient pas touchées par le phénomène. «La chute d’icebergs génère une immense inondation appelée ”inondation par débordement de lac glaciaire”», explique Jorge O’Kuinghttons. «Des secteurs sont inondés qui ne l’étaient pas auparavant», l’eau grossissant les fleuves de la région et pouvant affecter les zones urbaines et infrastructures situées plus en aval.

Sur un autre lac de la région, le lac General Carrera, deuxième lac d’Amérique du Sud, que se partagent le Chili et l’Argentine, Santos Catalan, qui gagne sa vie en élevant vaches et moutons, navigue quotidiennement à bord d’une barque sur les eaux d’un fjord dominé par le glacier Cordon Contreras. Il gagne ainsi un complément d’argent grâce au transport des touristes. Le sexagénaire est le témoin des changements qui s’opèrent : «Il y a quinze ou vingt ans, il a commencé à neiger très peu et cela fond de plus en plus car la chaleur est très forte», dit-il, à la barre du bateau. À tout moment, «un effondrement de glace peut se produire et tout balayer», prévient le marin, qui vit ce changement en première ligne.

Chili: étude du changement climatique dans les eaux du “bout du monde” (L’Obs – AFP, 29/12/2021)

Par AFP

Publié le 29 décembre 2021 à 8h25· Mis à jour le 29 décembre 2021 à 22h25

Santiago du Chili (AFP) – Dans l’extrême sud du Chili, une expédition scientifique tente de mesurer l’impact mondial du changement climatique dans les eaux préservées de ce “bout du monde” et appelle à des “décisions concrètes” pour la sauvegarde des océans.

Retardée d’un an en raison de la pandémie, l’expédition à bord du navire océanographique de la marine chilienne “Cabo de Hornos” a sillonné neuf jours fin décembre les eaux du détroit de Magellan et du canal de Beagle, entre Chili et Patagonie argentine.

Cette région de l’Etat de Magallanes présente un intérêt particulier en raison de la faible acidité et de la moindre teneur en sel et en calcium des eaux qui la baignent, par comparaison aux autres mers et océans du globe, en particulier dans les zones les moins profondes.

L’étude de ces eaux est donc essentielle car, avec la fonte de nombreux glaciers de Patagonie qui déversent de grandes quantités d’eau douce dans les océans Atlantique et Pacifique, elle préfigure les conditions qui devraient apparaître dans d’autres systèmes marins au cours des prochaines décennies.

“Nous ne savons pas comment les organismes, et en particulier les micro-organismes” présents dans l’eau “vont réagir” à mesure qu’augmente la température moyenne sur la Terre, admet le responsable scientifique de la mission, José Luis Iriarte.

L’expédition a ainsi fait 14 étapes pour prélever des échantillons d’eau à différentes profondeurs et jusqu’à 200 mètres.

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Des prélèvements de sol profond, parfois à plus de 300 mètres, ont également été effectués, de même que des collectes d’algues et de mollusques.

“Nous sommes la voix de ce que la nature ne peut pas dire”, estime Wilson Castillo, un étudiant en biochimie de 24 ans, l’un des 19 scientifiques à bord. “En tant que scientifiques, nous avons beaucoup à apporter, surtout dans un scénario de changement climatique”, estime-t-il.

La mission scientifique a accordé une attention particulière aux “marées rouges”, ces proliférations d’algues toxiques qui tuent les poissons et cétacés et génèrent des toxines vénéneuses pour les mollusques.

Elles ont été enregistrées pour la première fois à Magallanes il y a un demi-siècle et ont depuis été responsables de la mort de 23 personnes et de l’empoisonnement de plus de 200 autres.

– “Dépassés” –

L’approche de baleines était également au centre de la mission. Scrutant des heures durant l’horizon, le biologiste marin Rodrigo Hucke recherchait leur présence pour lancer un petit bateau à moteur à leur rencontre.

Son but : tenter de prélever des excréments des cétacés pour étudier d’éventuels changements dans leur régime alimentaire. Mais cette tâche difficile s’est avérée infructueuse.

Avant de retourner dans leurs laboratoires, les scientifiques insistent sur la nécessité d’actions politiques pour faire face à l’urgence climatique.

“Les plans régionaux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique sont dépassés par rapport à ce qui se passe dans l’environnement”, alerte José Luis Iriarte.

Pour Rodrigo Hucke, l’un des principaux problèmes est historiquement le manque d’ambition pour la sauvegarde des océans, qui couvrent 70% de la surface de la planète.

Il espère que la prochaine conférence des Nations unies sur le changement climatique, la COP27 en Egypte, marquera un véritable changement de cap dans ce domaine.

“Il faut que tout cela change en 2022 et que des décisions concrètes soient prises pour avancer vers de profondes politiques de changement dans la façon dont nous, les humains, faisons les choses”, a déclaré M. Hucke.

Scrutant les eaux limpides, il s’inquiète que cette région reculée du Chili ne devienne “l’un des derniers bastions de la biodiversité sur Terre”.

Source : https://www.nouvelobs.com/topnews/20211229.AFP6064/chili-etude-du-changement-climatique-dans-les-eaux-du-bout-du-monde.html

Entre Vendée Globe et Terre de Feu, c’est quoi penser le sauvage demain ? Marc Thiercelin et Lauriane Lemasson aux Rencontres de la prospective sportive (Musée de l’Homme, 24/11/2021)

Invitation de François Bellanger

On en parle ce mercredi de 11h45 à 12h45 lors des deuxièmes Rencontres de la Prospective Sportive organisée au musée de l’Homme autour de la question “Et si le sauvage devenait le nouvel horizon du sport ?”  

Nos invités :

– Lauriane LEMASSON, ethnomusicologue qui parcourt la Patagonie sur les traces des populations natives.

– Marc THIERCELIN – navigateur, auteur de la série “À la rencontre des peuples des mers.”

C’est gratuit et ouvert à tous.

Pour s’inscrire, .

https://transit-city.blogspot.com/2021/11/entre-vendee-globe-et-terre-de-feu-cest.html

Festival Agir pour le vivant 2021 : “l’habiter colonial aujourd’hui”, table ronde organisée par Séverine Kodjo-Grandvaux, avec Achille Mbembe, Parfait Akana et Lauriane Lemasson (25/08/2021)

“L’habiter colonial aujourd’hui”

(Arles, Chapelle du Méjan, le 25/08/2021 de 10h30 à 12h00)

 

Achille Mbembe, Philosophe, politologue et historien, professeur à l’université du Witwatersrand de Johannesburg.

Lauriane Lemasson, Chercheuse en ethnomusicologie, acoustique et géographie à Sorbonne Université et fondatrice de l’association Karukinka.

Parfait Akana, Sociologue, anthropologue et éditeur.

Table ronde animée par Séverine Kodjo-Grandvaux, Philosophe et journaliste.

Colonisation, extraction et captation illimitée des richesses de la Terre, exploitation des forces vitales humaines, le système capitaliste s’est développé sur un rapport instrumental et de domination du tout-vivant. Culture de masse, consumérisme, diktat de l’urgence, crises (écologique, humanitaire, économique, sanitaire…), burn out, repli identitaire, restriction des libertés, surveillance généralisée, fragilisation des démocraties deviennent les maîtres maux de nos sociétés. 

Comment sortir de cette relation mortifère au vivant et vibrer au monde ? Comment, à l’ère du présentisme, du tout-urgent, réinvestir le temps long de la création de soi, de la fabrication d’imaginaires émancipateurs et de la mise en résonance afin d’esquisser des manières d’habiter le monde et l’univers qui permettent de recouvrer des temporalités intimes enfouies, de vibrer aux différents rythmes du monde, de renouer avec soi et son élan vital ? D’éprouver le vivant et de frissonner de nouveau avec le monde ?