Claude Lorius et l’Institut, une histoire polaire.
L’Institut polaire français a appris avec tristesse le décès de Claude Lorius. Profondément liée à la carrière de ce chercheur exceptionnel, l’histoire polaire française de la deuxième moitié de XXème siècle est parsemée par ses exploits : ses hivernages à la station Charcot, en terre Adélie, ses raids de 2 500 kilomètres par -50° C à la découverte de l’immense calotte glaciaire (inlandsis) ou encore son implication dans le grand programme européen de forage glaciaire EPICA : European Programme for Ice-Coring in Antarctica.
Claude Lorius a découvert l’Antarctique en 1957, alors jeune étudiant participant à l’Année Géophysique Internationale (AGI). Il a consacré ses travaux à l’étude de l’évolution du climat et de l’environnement atmosphérique à partir des archives glaciaires de l’Arctique et de l’Antarctique. En trente-huit ans, sa carrière a été ponctuée de dix-sept campagnes polaires, dont deux hivernages en Antarctique. Ses travaux sur les forages profonds dans les calottes glaciaires ainsi que sur les techniques d’analyses en laboratoire, qui ont fait l’objet d’un très grand nombre de publications scientifiques, ont permis aux équipes françaises d’occuper une place de premier plan dans la recherche polaire.
Fasciné par ce continent, Claude Lorius a défendu l’idée de terre internationale dédiée à la paix et à la science, à la recherche et à l’environnement. Le froid et la glace sont devenus les passions de l’homme et du scientifique, passions partagées avec son grand ami Paul-Émile Victor avec lequel il a œuvré pour la création de l’Institut polaire français.
Ce rôle primordial pour l’Institut a commencé dès la création de l’IFRTP, Institut français pour la recherche et la technologie polaire, en 1992 : Claude Lorius fut nommé président et a piloté le conseil d’administration aux côtés du directeur Roger Gendrin jusqu’en 1997. À cette époque, les statuts de l’Institut confiaient également au président du conseil d’administration le rôle de représentant de la France à l’international. Claude Lorius a rempli cette mission de manière particulièrement active notamment lorsqu’il a assuré la présidence du Comité scientifique de la recherche antarctique (SCAR) de 1986 à 1990.
Ses découvertes concernant la « lecture » des climats du passé à travers la composition des bulles d’air emprisonnées dans la glace et l’étroite corrélation entre les variations du climat au cours des cycles glaciaires – interglaciaires et la teneur en gaz à effet de serre de l’atmosphère sont aujourd’hui encore des éléments clés pour montrer l’importance d’une recherche polaire de pointe.
Claude Lorius aimait raconter cette histoire : « un soir en buvant un whisky, nous avons remarqué que les bulles emprisonnées dans les glaçons explosaient au contact du liquide. Nous nous sommes dit qu’il y avait peut-être une chance pour que ces bulles aient conservé intacte la composition de l’atmosphère. C’était vrai ».
Claude Lorius et ses collègues ont constaté qu’en regardant une carotte de glace par transparence, ils y apercevaient des bulles d’une taille de l’ordre du millimètre de diamètre. Ces bulles constituent des échantillons de l’atmosphère, scellées au moment de la formation de la glace. L’utilisation d’un microscope permit de découvrir de petites poussières de diamètre inférieur au micron (millième de millimètre) : ce sont les aérosols présents dans l’atmosphère au moment où la neige s’est déposée.
Éclairée en lumière polarisée, une lame mince de glace révèle des cristaux de l’ordre du millimètre, colorés en fonction de leur orientation, propriété cruciale pour la déformation de la glace. Les isotopes qui composent cette eau solide ont enregistré la température locale passée. La physique nous apprend que la proportion d’isotopes lourds, deutérium et oxygène 18, dans les molécules d’eau (H2O) constituant la glace, dépend notamment de la température à laquelle se forment les précipitations : des concentrations plus appauvries en isotopes lourds indiquent des périodes plus froides.
A partir d’un échantillon de glace qui couvre une durée différente selon la profondeur prélevée sur une carotte (de quelques années en surface à quelques siècles/millénaires au fond), le climat qui régnait et la composition de l’atmosphère lors de son dépôt sur la calotte polaire peuvent être découvert.
Dès 1975, Claude Lorius avait identifié les dômes et plus particulièrement celui dôme C comme un lieu parfait pour un carottage profond. Il y retournera en tant que chef de mission en 1977/1978 pour conduire le premier carottage profond piloté par la France : 902 mètres de profondeur représentant 40 000 ans d’archive climatique. Ce carottage a permis d’obtenir le tout premier enregistrement fiable, démontrant que la teneur en CO2 dans l’atmosphère en période glaciaire était inférieure à celle de la période interglaciaire qui suivit.
Les mesures satellitaires permettant une cartographie plus précise, le forage profond suivant EPICA et la station Concordia ont été établis sur le dôme topographique (à 70 km du premier forage). Le forage EPICA (projet Européen) a ainsi permis de caractériser le climat sur 800 000 ans.
Aujourd’hui le projet Beyond Epica, dont le but est de prélever des carottes de glaces vieilles de plus d’1,5 million d’années, prouve une nouvelle fois, si cela s’avérait encore nécessaire, la formidable intuition de Claude Lorius.
Les équipes de scientifiques qui partent chaque année en Antarctique assurent la continuité de ces recherches primordiales engendrées par Claude Lorius, l’Institut polaire français mettra tout en œuvre pour continuer à soutenir ces missions indispensables à la construction d’un futur qui prendrait enfin en compte ces connaissances sur le climat.
Les équipes de l’Institut polaire français expriment leurs sincères condoléances à la famille.
Patagonia sin salmoneras, Delight Lab / Patagonia sin salmoneras, Delight Lab
Le groupe Delight Lab, qui projetait des phrases avec de la lumière sur la Tour Téléphonique de Santiago durant le mouvement social populaire, a réalisé une intervention lumineuse à Puerto Natales appelant à prohiber la salmoniculture en Patagonie chilienne, comme cela s’est fait en Patagonie Argentine.
La nuit du dimanche 19 février, à la colline Dorotea de Puerto Natales dans la région de Magallanes, a été projeté un message lumineux qui disait : “Patagonie chilienne libre de salmonicultures. (l’Argentine l’a déjà fait)”.
L’intervention a été réalisée par le groupe Delight Lab, qui s’est rendue célèbre pour son activisme lumineux en projetant des phrases lumineuses sur la Tour Téléphonique durant les protestations du mouvement social populaire à Santiago.
La seconde partie de la phrase se réfère à la loi historique en vigueur en Argentine depuis 2021 et qui interdit l’élevage de saumons en Patagonie. Des organisations territoriales de Magallanes qui ont travaillé pendant des années dans la campagne pour une Patagonie sans salmonicultures ont remercié l’intervention et la diffusion de leur message.
Il s’agit d’une intervention de plus qu’ont réalisé les membres de ce studio audiovisuel lors de sa tournée au sud du Chili, durant laquelle ils ont participé à des conversations et réalisé des projections, annonçant les localisations de ces évènements sur les réseaux sociaux.
Les interventions du Delight Lab durant le mouvement social populaire sont celles qui leur a donné une notoriété massive, mais les créateurs du studio n’étaient pas éloignés de l’activisme social et environnemental. Ils ont réalisé depuis 2019 au moins des interventions notoires comme la projection de la phrase « Zone de sacrifice » sur la fumée d’une des entreprises thermoélectriques de la baie Quintero, ou celle du visage de Camilo Catrillanca sur la façade du Congrès à Valparaiso.
Les dix-sept parcs nationaux de la route des Parcs, au sud du Chili, constituent l’un des plus ambitieux efforts de conservation jamais entrepris : des dizaines d’espèces se réapproprient des territoires dévastés par l’homme. En bonne partie grâce aux dons de millionnaires américains, qui ont racheté puis donné ces terres à l’Etat.
On ne prend pas rendez-vous avec Alejandra Saavedra. Elle n’a ni internet ni téléphone. Pour la rencontrer, une seule solution : monter dans son 4×4, rouler une bonne heure sur une route de gravier dans l’une des plus belles vallées du monde, et chercher l’entrée d’un chemin au pied des Andes, juste avant la frontière avec l’Argentine. Au bout de ce bout du monde, une vieille bicoque. Et juste à côté, le motif de notre visite : des enclos remplis de nandous de Darwin.
Alejandra est garde forestière, et coordinatrice du centre de reproduction de ces petites autruches d’Amérique latine que le jeune Charles Darwin avait cherché sans succès à capturer, avant de réaliser, un soir de janvier 1834, qu’on venait de lui en servir une à dîner. Alejandra vit là, le plus souvent seule dans ce coin sublime mais battu par les vents, relayée toutes les deux semaines pour un break de quelques jours. La solitude ? Elle adore.
La suite de cet article est réservée aux abonnés : https://www.nouvelobs.com/ecologie/20221226.OBS67564/patagonie-l-autre-poumon-de-la-planete-se-refait-une-sante.html
C’est désormais officiel, notre expédition initiée par Lauriane Lemasson a été lauréate du programme « Mondes Nouveaux » du ministère de la culture français. Reçue à cette occasion au Palais de l’Elysée, notre fondatrice est plus que jamais déterminée à faire avancer la recherche sous les hautes latitudes, faisant appel cette fois aux connaissances des Samis pour compléter son approche géographique au sud de Hatitelen, plus connu sous le nom de détroit de Magellan.
Quelques images de la réception à l’Elysée, pour les lauréats du programme.
Expédition Cap Nord - Cap Horn : un projet lauréat du programme "Mondes Nouveaux" du ministère de la culture français ! 6Expédition Cap Nord - Cap Horn : un projet lauréat du programme "Mondes Nouveaux" du ministère de la culture français ! 7Expédition Cap Nord - Cap Horn : un projet lauréat du programme "Mondes Nouveaux" du ministère de la culture français ! 8
La suite prochainement… et une présentation du projet ici
Le mois dernier, les alpinistes chiliennes Nadine Lehrner, Isidora Llarena et Rebeca Caceres se sont offert une aventure de 19 jours à travers la calotte de glace nord de Patagonie au Chili, le tout ponctuée par l’ouverture d’une voie sur Cerro Arenales (3 437 m). #patagonie alpinisme
Par Thomas Vennin
[Patagonie alpinisme] Trois Chiliennes explorent la calotte glaciaire patagone et ouvrent au Cerro Arenales 14
Un énorme potentiel pour l’exploration et l’alpinisme
C’était l’une des expéditions de l’année 2022 estampillées Grit&Rock, fondation initiée par l’aventurière et femme d’affaire britannico-russe Masha Gordon, dont l’objectif est, depuis 2017, de soutenir les expéditions féminines à travers le monde. L’été dernier, déjà, les Américains Jeff et Priti Wright avaient bénéficié d’une bourse pour leur aventure dans la face nord du K7, au Pakistan. Pour leur projet sur le Cerro Arenales, les jeunes Chiliennes Nadine Lehrner, Isidora Llarena et Rebeca Caceres avaient, elles, reçu 2 000 $ de la fondation.
« La calotte glaciaire nord de Patagonie a un énorme potentiel pour l’exploration et l’alpinisme », peut-on lire dans un article publié dans l’American Alpine Journal en 2018. De quoi donner envie d’aller préparer son sac à dos. Situé au sud du Chili, dans la cordillère des Andes, la calotte de glace nord de Patagonie s’étend sur une centaine de kilomètres de long et cinquante de large, pour une superficie totale de plus de 4 000 km².
Troisième séjour sur la calotte glaciaire nord de Patagonie
Pour Nadine Lehrner, Isidora Llarena et Rebeca Caceres, l’aventure débute en janvier 2021, avec une première excursion à travers ce gigantesque champ de glace, ponctuée par une belle première sur le Cerro Nora (2 460 m). Prenant l’information de l’American Alpine Journal au pied de la lettre, le trio revient à l’automne suivant et gravit cette fois-ci la face nord-est du Cerro Silva (2 770 m), avant de buter sur le Cerro Arenales en raison du vent.
À l’automne 2022, les trois Chiliennes, qui jouent à domicile, reprennent la route du Campo de Hielo Norte avec l’idée d’une nouvelle tentative sur le Cerro Arenales, dont la première ascension date de 1958 et une expédition conjointement organisée par le club alpin japonais et la Chilean Federación de Andinismo. La seconde est l’œuvre d’Eric Shipton, la légende britannique, accompagné d’une poignée de locaux, en 1963.
Après plusieurs jours d’approche en kayak, à pied et à skis, Lehrner, Llarena et Caceres atteignent finalement le pied du Cerro Arenales et lancent leur ascension le 4 novembre, via la face nord de ce qui est en fait un volcan. Face aux crevasses qui barrent l’accès au sommet, elles envisagent un temps de faire demi-tour mais découvrent finalement une grande rampe, invisible depuis le camp de base, qui les mène jusqu’au champignon de glace sommital à travers un labyrinthe glacé parsemé de ponts de neige fragiles.
« Il est difficile de ne pas rêver d’y retourner. »
La tempête qui les cueille à la descente les oblige à passer plusieurs jours au frais dans une grotte de glace avant de retrouver skis, traineaux et kayaks pour le long chemin du retour vers la civilisation : « Les 19 jours que nous avons passés dans et autour de la calotte glaciaire nous ont énormément marquées en tant qu’alpinistes et en tant qu’humains. Notre ascension d’Arenales est le résultat de deux années de recherche, de planification, de formation et de travail acharné pour réaliser ce rêve. La traversée du champ de glace nous a amenées dans des endroits plus éloignés et inspirants que nous n’aurions pu l’imaginer, et il est difficile de ne pas rêver d’y retourner », peut-on lire dans leur communiqué publié par Grit&Rock.