« Pas de justice environnementale sans justice sociale » (Bleu Tomate, 26/08/2023)

Arles accueille du 21 au 27 août, la 4e édition du festival Agir pour le Vivant. Projections, conférences, ateliers, balades ou cafés citoyens : autant d’occasions de faire émerger une société du vivant. « Nous serons un peuple quand ? » Tel était le thème de la conférence qu’a suivi Bleu Tomate.

Quels sont les liens entre le climat et le racisme, le colonialisme ou la pauvreté ? Pour Fatima Ouassak, politologue et militante écologiste, « il existe en France un processus de désancrage des populations assignées à certains territoires, qui subissent spoliation et dévastation. On leur répète que cette terre n’est pas la leur, et ils ne sont pas considérés légitimes à discuter des projets qui les concernent ».

Déficit de démocratie ici…

La militante de citer en exemple l’installation de data centers ou de nouvelles autoroutes.  Egratignant au passage certains artistes ou militants écologistes prompts à soutenir les luttes lointaines mais peu engagés pour les quartiers et leurs habitants racisés.

affiche Agir pour le Vivant 2023
"Pas de justice environnementale sans justice sociale" (Bleu Tomate, 26/08/2023) 4

Une parole non reconnue et non entendue également sous d’autres cieux. Lauriane Lemasson est ethnomusicologue. Elle travaille depuis des années avec les peuples de la Terre de Feu. Survivants d’un génocide qui les a vus disparaitre à 95%, ils ont été classés à l’époque entre les animaux et les humains, donc « sous-humanisés ». Les colons se sont accaparé leurs territoires, voués aux estancias d’élevage.

… Et ailleurs

Et même si le droit international reconnait aujourd’hui le droit des peuples sur leurs territoires, ils ont beaucoup de mal à monter des dossiers pour prouver leur antériorité sur ces espaces qui leur sont aujourd’hui interdits.

La jeune chercheuse donne l’exemple d’un gigantesque projet de fabrication d’hydrogène et d’ammoniac (dit vert, car à partir de l’énergie éolienne). Aucune concertation avec les représentants des peuples autochtones, mis devant le fait accompli.

La responsabilité du colonialisme

« Le colonialisme rime avec la destruction de la planète » explique Arturo Escobar. Le célèbre anthropologue, chercheur-activiste voit quatre moments dans son histoire. La découverte de l’Amérique du XVe au XVIIe siècle, avec la destruction non seulement des peuples eux-mêmes, mais aussi de leur culture et de leurs connaissances.

justice sociale et environnementale en débat à Arles

Une assistance fournie a suivi les interventions avec intérêt ici à la Chapelle du Méjan ©JB

Puis au XVIIIe, s’impose une vision scientifique qui sépare l’humain de la nature et les blancs européens des autres humains auxquels on ne reconnait justement pas de conscience.

Avec le XIXe siècle vient le capitalisme, économique mais aussi comme un concept de vie. Il voit l’humain individualiste, agressif et compétitif. Au XXe enfin, la pensée libérale arrive au bout de son cycle. Elle affiche « un cosmos patriarcal, séparatiste et dominateur sur l’autre », explique le scientifique.

Alors, quand fait-on peuple ?

Fort de ces constats, quelles solutions ? Chacun des intervenants a apporté sa pierre à la réflexion, devant un public nombreux, dans une chapelle du Méjan surchauffée par la canicule extérieure.

Fatima Ouassak l’exprime comme un cri : « On a besoin d’autonomie, de liberté, laissez-nous respirer ! On est chez nous, on veut transmettre notre langue, notre culture, notre religion, c’est notre droit ».

Dans ces territoires où la classe ouvrière et les personnes racisées ont si peu accès au débat démocratique et renoncent souvent au bulletin de vote, « on doit avoir des partis, des syndicats, des collectifs », poursuit la militante écologiste engagée à Bagnolet. Et se saisir du pouvoir politique, car « les AMAP, le tri et les jardins partagés on fait déjà, mais cela ne suffit pas ».

Agir pour le Vivant à Arles août 2023

Le thème du festival en 2023 : « Climat et inégalités sociales »

La 2e conquête du désert

En Patagonie et bientôt en Finlande avec les Samis, Lauriane Lemasson agit, sac à dos. Elle documente les territoires pour aider les communautés à faire valoir leurs droits. Ici, elle trouve les traces d’un lieu rituel, là une montagne connue pour être repère entre deux migrations saisonnières. L’ethnomusicologue étudie les rapports entre les sons, les habitants et les territoires.

Sentir-penser pour penser-agir

Pour Arturo Escobar, il faut changer de paradigme et penser différemment. Il met pour cela en avant le concept de « sentir-penser », (créé par le sociologue colombien Orlando Fals-Borda). « Il revient à chacun de nous à présent d’apprendre à sentir-penser avec les territoires, les cultures et les connaissances des peuples ». Manière pour l’anthropologue, de se connecter avec les flux de l’univers.

Sa réponse à la pensée libérale est de travailler à plusieurs mondes.    « Un non à la globalisation, et plusieurs oui ». Oui aux luttes ancrées, enracinées dans les territoires, aux alternatives locales et radicales, aux actions des collectifs en réseaux. En citant la lutte contre l’extractivisme, Arturo Escobar rappelle que la technologie numérique est particulièrement gourmande de minerais extraits dans le Sud global.

Cap Nord – Cap Horn : une première étape exposée à Arles

Dans le cadre de la 3e édition du festival « Agir pour le Vivant », l’expédition cap Nord – cap Horn sera mise à l’honneur, avec un vernissage de l’exposition sonore et photographique prévue le 22 août à 16h30 à la chapelle du Méjan.

La première étape de cette expédition a été réalisée grâce au soutien du programme Mondes Nouveaux (Ministère de la Culture) et cette exposition présentera, sous forme de rétrospective, les travaux menés au nord de la Norvège et au sud de la Patagonie, sous l’égide de l’association Karukinka.

Lauriane, Damien et Toupie seront présents à Arles pour présenter ces travaux, avec une participation de Lauriane lors du débat « Nous serons un peuple quand? » le jeudi 24 août à la chapelle du Méjan et en compagnie d’Arturo Escobar et de Fatima Ouassak.

Au plaisir de vous rencontrer lors de cette manifestation!

Passage de Davvenjárga, le cap Nord, à la voile le 09/08/2023 !

Après s’être approché à quelques dizaines de milles nautiques de la frontière russo-norvégienne nord, l’équipage a fait cap à l’ouest pour franchir toutes voiles dehors et pour la deuxième fois le Kinarodden, le point le plus septentrional de l’Europe continentale, puis pour la première fois cette fois Davvenjárga, le cap Nord, suivi du Knivskjellodden, la pointe la plus au nord, devançant quelque peu le cap Nord. 

Une nouvelle étape de l’expédition a donc été franchie, avec des conditions de navigation parfaites. Nous avons même pu voir le navire grâce à la webcam en temps réel et à 360°. Les captures d’écran pâtissent du manque de résolution mais couplées aux données MarineTraffic, nous avons bien pu voir qu’ils étaient là, seul voilier au milieu des navires de pêche ! 

L’équipage est en pleine forme et se réjouit de vous partager le fruit de ses recherches en terres samis lors de son retour en France à la fin du mois.

Ils nous ont transmis quelques images et nous en ajouterons en fonction de leurs envois.

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North Cape to Cape Horn, an artistic and research sailing expedition to better understand the links between indigenous peoples and their territories (VoyageVirage, 22/07/2023)

Source: https://www.voyagevirage.com/all-posts/north-cape-to-cape-horn-an-artistic-and-indigenous-science-expedition

Over a decade ago, National Geographic Magazine reported that one language dies every 14 days. By the next century, nearly half of the roughly 7,000 languages spoken on Earth will likely disappear. More than a thousand are listed as critically or severely endangered. Currently, there are over 500 known extinct languages, but we can imagine Earth has already lost far many more. As we lose languages, we lose oral songs and stories, which are filled with regenerative wisdom, indigenous sciences and traditional ecological knowledge. Ultimately, we lose our connection to places as they become devoid of meaning and positive human presence.

The ongoing collapse of the world’s biodiversity is more than just an apt metaphor for the crisis of language extinction. The disappearance of a language deprives us of knowledge no less valuable than some future miracle drug that may be lost when a species goes extinct. Small languages, more than large ones, provide keys to unlock the secrets of nature, because their speakers tend to live in proximity to the animals and plants around them, and their talk reflects the distinctions they observe. When small communities abandon their languages and switch to English or Spanish, there is a massive disruption in the transfer of traditional knowledge across generations—about medicinal plants, food cultivation, irrigation techniques, navigation systems, seasonal calendars. – Russ Rymer, Vanishing Voices, National Geographic Magazine, July 2012.

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North Cape to Cape Horn Sailing Expedition
©Karukinka Association

We are thrilled to introduce you to our dear friends, French ethnologist, adventurer and founder of the Karukinka Association Lauriane Lemasson and sailor Damien Treutenaere (Damien was previously our family’s sailing coach), who will soon embark on an important artistic and research expedition Cap Nord to Cap Horn, sailing to Norway’s North Cape then on to Cape Horn in Argentina to study with the Saami of northern Norway and the Yagan, Haush and Selk’nam peoples of the southern Strait of Magellan.

One of the objectives of the expedition is to understand the links between the ‘joik’ (song) and places, and to imagine with them a cartographic form that would place the human being at the center, as a giver of meaning to these now wild spaces. In lands where indigenous peoples have mostly been forced off their custodial lands or wiped out completely, the tireless work of Lauriane over the past decade, along with the help of local informants, exploration and archival work, is helping to give meaning to territories emptied of their primary meaning and of human presence.

This extraordinary expedition will start from Brittany and head north towards Norway. After passing through Scotland to prepare for the northern expedition with Tim Ingold (professor emeritus at the University of Aberdeen), the two-person Karukinka team will voyage up to North Cape, passing through Tromsö and the countless islands that make up the Norwegian coast, to meet the local inhabitants and the indigenous Saami during their fishing and reindeer herding season.

The team will then take a break to return to Arles in the the south, for the fourth edition of the Agir pour le Vivant festival for an exhibition and conference program, before setting sail towards Patagonia with their compass set to an arrival in Ushuaia where they will study with the Yagan, Haush and Selk’nam territories for the first time.

This two-year expedition will take place aboard a steel cutter designed 50 years ago by Louis Van de Wiele, renovated explicitly for the expedition by Lauriane and Damien.

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Photo Credit: ©Lauriane Lemasson / Karukinka Association

The entire expedition will take the team to the Canary Islands, Cape Verde, Senegal, Gambia, Guinea-Bissau, Brazil, Uruguay and Argentina. Finally, the expedition will be followed by an exhibition and conferences during the fifth edition of the Agir pour le Vivant festival in August 2024, but also by the writing of a book covering the entire project and with the background of the genesis of Lauriane’s research and expeditions carried out in Patagonia since 2011.

About Karukina Association

Karukina means ‘the last land of men’ in the Selk’nam language. The Selk’nam have been inhabiting the far south of the American continent for about 12,000 years, having passed through the Bering Strait during the great migrations. They traveled thousands of kilometers to reach the ultimate territory of the Great Island of Tierra del Fuego, crossing the icy Hatitelen, later renamed the Strait of Magellan.

After a first scientific expedition carried out in 2013, in total autonomy for several months in the selk’nam, haush and yagan ancestral territories of Tierra del Fuego, which are now deserted, Lauriane Lemasson founded the Karukina association. Aware of the many challenges that lie ahead in order to better understand the links between indigenous peoples and their territories, the association is dedicated to promoting a team spirit made up of exchanges, cooperation and mutual aid with indigenous peoples, often victims of the worst effects of colonization in the north and south of our planet.