Dans la Bahía Inútil (Chili) une équipe de scientifiques a découvert une sépulture infantile appartenant à la culture Selk’nam, avec des caractéristiques uniques. Le trousseau qui l’accompagne présente des objets méconnus, ainsi que des objets funéraires inhabituels dans cette région.
Article paru en espagnol et traduit par l’association Karukinka. Titre original (espagnol) : « Aparecen objetos desconocidos en la sepultura de un niño Selk’nam en Tierra del Fuego »
Couples mandibulaires de guanacos adultes faisant partie du mobilier funéraire unique / Photos fournies par Thierry Dupradou
Le peuple Selk’nam de la Terre de Feu était une tribu qui vivait à la pointe sud de l’Amérique du Sud. Elle était composée de chasseurs-cueilleurs nomades qui subsistaient à l’origine grâce aux guanacos sauvages, aux oiseaux, aux rongeurs, aux coquillages et aux pinnipèdes (phoques, otaries et morses) qu’ils chassaient. Au début du XXe siècle, les maladies infectieuses et un génocide perpétré par les colons britanniques, argentins et chiliens en ont anéanti la plupart.
Avec leurs voisins, les Haush, cette tribu était l’un des rares groupes de chasseurs-cueilleurs d’Amérique dont les moyens de subsistance étaient limités à une seule île. Ses archives archéologiques sont abondantes, mais on sait peu de choses sur ses pratiques mortuaires.
Une étude internationale, dirigée par l’Université de Magallanes à Punta Arenas (Chili), avec la participation de l’Institut de biologie évolutive (UPF-CSIC), a décrit l’enterrement d’un enfant de cette tribu aux caractéristiques uniques, située à Bahía Inútil. La datation au radiocarbone situe la sépulture au début de la période postcolombienne.
« Ni en Terre de Feu, chilienne ou argentine, un trousseau similaire n’avait pas été trouvé aux côtés des restes humains de chasseurs-cueilleurs terrestres. Les biens étaient beaucoup plus simples, mais en général il s’agissait de sépultures d’adultes », explique à Sinc Alfredo Prieto, chercheur à l’Université de Magallanes, qui a dirigé l’étude publiée dans la revue The Journal of Island and Coastal Archaeology.
Dans l’ouvrage, Prieto et son équipe décrivent les matériaux archéologiques trouvés à côté du squelette d’un enfant très bien conservé. Ce qui frappe, ce sont les objets funéraires qui l’accompagnent, inhabituels dans cette région.
« Il existe plusieurs éléments mystérieux dont nous ignorons l’utilité. On ne sait même pas s’il s’agit de copies ou d’outils utilisés à l’époque. Il peut s’agir par exemple de reproductions d’outils en bois qui n’ont jamais survécu. Nous ne pouvons rien oser là-dessus non plus. Certains d’entre eux simulent des outils familiers, comme des pinces à feu. D’autres, comme les boules à rainures ou les outils en pierre, on sait qu’ils ont été utilisés », ajoute le scientifique.
Crâne d’enfant. Il apparaît brisé suite à son émergence du tombeau qui avait été érodé / Photo fournie par Thierry Dupradou
Os regroupés par paires
Les restes de l’enfant étaient accompagnés de modèles uniques d’objets en os. Il s’agissait principalement de fragments de becs de manchots royaux (75 % des restes) et de mâchoires de guanaco disposés par paires pour ressembler à des becs, ce qui est inhabituel et jamais observé auparavant dans d’autres tombes. Le manchot royal fait partie de la mythologie Selk’nam.
L’abondance, la densité et la diversité des tombes témoignent d’un ensemble matériel et culturel complexe, ainsi que d’un savoir-faire technique jusqu’alors inédit chez ce groupe de chasseurs-cueilleurs.
« Les paires de mâchoires du guanaco sont remarquables. Elles sont apparues ensemble par paires et l’une d’entre elles possède même des preuves d’amarrage. En raison du type de coupe et de la taille, il semble que leur fonction était de les utiliser comme becs, ce qui est très étrange », explique Prieto. On ne trouve rien de tel dans la littérature archéologique, nulle part dans le monde.
Ils ont également trouvé des matières premières lithiques, légèrement gravées, ce qui est relativement rare dans ces sites. Beaucoup de ces éléments n’avaient jamais été observés dans les archives archéologiques ou ethnographiques de la Terre de Feu.
« Une étrange pièce évoquant une navette révélerait des techniques de tissage de filets, mais c’est le seul fragment dont la forme semble induire une fonction. De plus, toutes les pièces sont des ensembles de paires structurelles ; entre le pointu et le fissuré, ou entre l’ouvert et le fermé, constitués de matériaux divers. Comme nous perdons l’intégrité du placement initial, nous ne savons pas vraiment s’ils faisaient partie de « mécanismes » plus vastes », poursuit-il.
« Il existe plusieurs éléments mystérieux dont nous ne connaissons pas l’utilité », explique Alfredo Prieto.
Une génétique particulière
Selon les archives archéologiques, il semble que la population de Selk’nam dépassait à peine 1 500 personnes, sur un territoire de près de 48 000 km2. De plus, jusqu’à présent, les scientifiques ne peuvent pas déterminer si ces individus étaient les descendants directs des premiers groupes qui ont peuplé l’île, ou s’ils sont arrivés plus tard.
Les restes humains de l’enfant révèlent qu’ils appartenaient à un jeune adolescent dont l’alimentation était majoritairement terrestre. Les analyses ostéologiques n’ont montré aucun problème osseux ni pathologie, suggérant qu’il s’agissait d’un individu sans aucune anomalie. « Nous ne connaissons pas les causes du décès », ajoute l’expert.
Les informations ethnographiques indiquent que les décès d’enfants non dus à des accidents étaient incompréhensibles pour les Selk’nam, qui les imputaient généralement à un chaman d’un groupe ennemi et encourageaient les actes de vengeance.
Une autre particularité de cette découverte est qu’elle fournit la première preuve génétique du sous-haplogroupe mitochondrial D1g5 dans la population Selk’nam de la Terre de Feu. Ce fait pourrait indiquer que ses origines remontent à la première vague de colonisation humaine de l’Amérique du Sud.
« L’haplotype mitochondrial D1g5 n’a été décrit qu’en 2012, en partie parce qu’il a une répartition assez restreinte dans le sud de l’Amérique du Sud. Localement, dans le sud du Chili et en Patagonie, cela peut être assez courant. On estime qu’il a environ 15 000 ans, c’est-à-dire le résultat de l’arrivée de certains des premiers colonisateurs de l’Amérique et de leur dispersion ultérieure dans tout le cône sud », explique Carles Lalueza Fox, chercheur à l’Institut de biologie évolutive. à Sinc ( UPF-CSIC) et co-auteur de l’étude.
Lieu de découverte à côté de la côte de Bahía Inútil, Terre de Feu / Universidad de Magallanes
C’est la première fois qu’il est décrit en Terre de Feu, mais cela concorde avec la possibilité qu’il y ait eu des contacts avec les populations locales au nord du détroit de Magellan. « Cela correspond également aux indications de restes marins, puisque l’enfant a été retrouvé sur la côte du détroit et bien que les Selk’nam étaient des chasseurs-cueilleurs terrestres, cela indiquerait moins d’isolement que ne le supposent les témoignages ethnographiques et plus de contacts avec les populations voisines, « , argumente Lalueza Fox.
Son équipe séquence actuellement certains génomes d’autochtones de la Terre de Feu pour les intégrer dans le contexte de la diversité génomique du continent américain. « Il est possible que nous trouvions des preuves de sélection naturelle et d’adaptation au froid dans certains gènes liés au métabolisme », conclut-elle.
Seuls cinq autres haplogroupes d’ADNmt ont été découverts jusqu’à présent dans des échantillons provenant d’anciennes populations de cette région : celui de cet enfant Selk’nam, deux Yamana et deux Kawesqar.
Interaction avec d’autres cultures
L’enterrement témoigne d’interactions de grande envergure avec d’autres cultures, tant sur le continent qu’ailleurs sur l’île. Leurs voisins immédiats étaient d’autres groupes nomades, deux maritimes (Yamana et Kawesqar) et deux terrestres (Haush sur l’île et Aonikenk sur le continent).
Les Selk’nam n’étaient pas des marins, donc tous les objets de ce type trouvés dans la sépulture proviendraient de l’extérieur de la Terre de Feu, obtenus auprès de leurs voisins proches.
L’équipe séquence actuellement certains génomes des peuples autochtones de la Terre de Feu.
Les contacts directs et indirects avec ces groupes seraient cruciaux pour avoir accès à des animaux et à des matières premières exotiques, comme par exemple le nandou de Darwin (Rhea pennata), l’obsidienne verte ou les restes du mollusque D. magellanicum trouvés dans les sites de cette région. .
Le nandou de Darwin a disparu de la Terre de Feu à la fin du Pléistocène, et sa présence parmi les tombes signifie qu’il a probablement été importé de la steppe continentale.
De l’obsidienne avait déjà été découverte à Bahía Inútil, non loin de ce lieu de sépulture. D. magellanicum habite les profondeurs marines du détroit de Magellan et a probablement été collecté par voie maritime dans des bateaux. « Les Selk’nam n’étaient pas des marins », souligne Prieto.
Cet enterrement offre une fenêtre unique pour découvrir des aspects jusque-là inconnus de la société Selk’nam.
La sixième édition du festival Haizebegi, consacré aux « mondes de la musique » et aux sciences sociales, s’ouvre aujourd’hui à Bayonne. Pour son directeur, l’anthropologue Denis Laborde, l’étude des œuvres et des façons de faire de la musique offre un éclairage crucial sur les rapports sociaux.
Vous avez créé en 2014 à Bayonne un centre de recherche sur les musiques du monde (ARI) et le festival Haizebegi, qui mélange musique et recherche. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce festival? Denis Laborde1 : En langue basque, « haize begi » signifie « regard du vent ». La musique, comme le vent, ignore les frontières et porte témoignage. Elle dit quelque chose de celles et ceux qui la font, et elle constitue une magnifique porte d’entrée sur tous les univers de culture. Ce festival, que nous avons créé avec mes doctorants de l’EHESS, est unique en son genre. Il conjugue les sciences sociales (conférences, débats, colloques, publications) et la musique (concerts, films, expositions, danse).
Pour cette sixième édition, qui se déroulera jusqu’au 20 octobre, nous accueillons des musiciens syriens, cubains, argentins, kanaks, et des créateurs basques qui seront à l’honneur avec Rain of Music, un invraisemblable opéra pour robots, à la pointe des nouvelles technologies et composé dans le cadre d’un projet scientifique international. Nous accueillons aussi des Selk’nam et des Yagán de l’extrême sud de la Patagonie, grâce à l’ethnomusicologue Lauriane Lemasson qui leur consacre sa thèse. Ils viennent d’Ushuaïa, de Puerto Williams et du Cap Horn ; leurs ancêtres ont été exhibés dans des « zoos humains » lors de l’Exposition universelle de Paris en 1889, ou encore vendus aux enchères à Punta Arenas en 1895.
Pour évoquer cette mémoire douloureuse, nous organisons le 12 octobre une cérémonie de résilience : Lars Christian Koch, qui dirige le Phonogramm-Archiv de Berlin, leur remettra solennellement des copies des enregistrements sonores qui furent réalisés entre 1907 et 1923, par des missions ethnographiques allemandes en Terre de Feu. C’est une manière très symbolique de leur rendre la voix de leurs ancêtres.
Des Selk’nam ont été exhibés durant l’Exposition universelle de Paris en 1889. Nicolas Bancel et al.
Le festival, tel que nous le concevons, ne considère pas du tout la musique comme un instrument de divertissement : c’est un outil d’intelligibilité des sociétés humaines, qui fait de l’art de l’écoute une attitude de connaissance qui s’étend bien au-delà de la musique. C’est pourquoi un festival organisé par des chercheurs n’est pas la même chose qu’un festival organisé par des opérateurs culturels, ne serait-ce que parce que nous y associons un « programme » de 332 pages en forme de revue scientifique.
En quoi l’anthropologie de la musique consiste-t-elle ? D. L. : C’est une manière spécifique de saisir les « faits de musique ». Tout est parti d’une curiosité, d’une libido sciendi, et d’un désir de sauvetage, à quoi s’est ajouté un outil providentiel : l’écriture musicale sur portée de cinq lignes. Pendant plusieurs siècles, les transcriptions musicales permettent de « sauver » les musiques des autres ; les recueils et les chansonniers en portent témoignage.
Un festival organisé par des chercheurs n’est pas la même chose qu’un festival organisé par des opérateurs culturels.
Mais lorsque Thomas Edison invente son phonographe à cylindre, ce sont les sons que l’on conserve, et ce dès 1889. Que faire alors de ces rouleaux de cire ? On leur dédie de grandes phonothèques : à Vienne, Berlin ou encore Paris, avec les Archives de la paroles, créées par Ferdinand Brunot et Émile Pathé en 1911.
Les études sur les musiques de tradition orale se développent donc dans les musées. C’est une manière de préserver ce que l’on nommerait aujourd’hui un « patrimoine de l’humanité ». Puis les ethnomusicologues se posent des questions passionnantes : comment les répertoires s’inventent-ils, se stabilisent-ils, se diffusent-ils, s’influencent-ils ? Comment les transcrire, quelles sont leurs propriétés ? Comment peuvent-ils résonner en nous, susciter des pensées, des émotions, des états d’âme ? Comment mettent-ils les corps en mouvement dans la danse ou dans la transe ? Au-delà, nous pouvons analyser la façon dont des personnes se réunissent, font de la musique ensemble ; découvrir les significations culturelles qui leur sont attachées et la vie sociale de ceux qui fabriquent ces musiques.
Préparation des robots pour le spectacle Rain of Music, un opéra pour robots créé par les artistes et les informaticiens de l’Université du Pays basque, du Scrime et de l’ESTIA.
La musique a-t-elle une dimension universelle ou des significations diverses selon les cultures et les peuples ? D. L.: La musique a ceci en commun avec le langage qu’elle est une capacité de l’espèce humaine. Tous les êtres humains peuvent parler et faire de la musique. Il n’empêche que l’humanité parle des langues très différentes et joue des musiques distinctes. Les capacités humaines sont « phylogénétiquement déterminées et culturellement déterminantes », nous dit Dan Sperber3. C’est cela, l’universalisme de la musique. Mon chien Mugi essaie de parler, de chanter même. Je sens bien qu’il progresse, mais ça ne vient pas. J’ai dû renoncer : il lui manque une détermination phylogénétique.
Donc pour répondre à votre question : oui, la musique a une dimension universelle en ce sens que c’est une capacité commune à l’espèce humaine. Pour autant, être universaliste ne signifie pas que l’on cherche à construire une théorie générale de la musique qui vaudrait de tout temps et en tous lieux. Chaque occasion de musique est unique et nous l’étudions en tant que telle. Ensuite, nous mettons en série tous les cas étudiés, et nous voyons si nous pouvons généraliser, ou pas. Mais le souci de généralisation n’intervient qu’après les analyses in situ, sinon le regard est biaisé.
(…) Les personnes en déshérence peuvent être des porteuses de traditions qu’elles mettent en partage.
Pourriez-vous donner une illustration concrète, d’une étude que vous mèneriez actuellement par exemple ? D. L. : Depuis 2015, je m’intéresse aux pratiques musicales des personnes qui se trouvent en situation de migration forcée. Il y a désormais un fort afflux de migrants au Pays basque. Ils traversent la péninsule Ibérique et se retrouvent à Bayonne, où l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS vient d’installer notre institut ARI (pour Anthropological Research Institute on Music)4.
Cet afflux est remarquablement géré par la ville et par les bénévoles regroupés en associations. Il faut que cela se sache : le centre Pausa a accueilli 10 000 migrants en moins d’un an dans une dynamique extrêmement positive. Dans le cadre de l’institut, nous développons un programme pour comprendre ce qui se joue lorsque des migrants font de la musique dans ces lieux de répit.
Festival Haizebegi 2017, Ritos de la Tunda
À l’automne 2015 par exemple, le village de Baïgorry a accueilli pendant trois mois cinquante migrants venus de Calais : à la fin de l’hiver, ces migrants veulent remercier ce village qu’ils s’apprêtent à quitter. Ils demandent des instruments, on leur apporte un violon, une flûte, des percussions… Et cette « fête interculturelle » du 31 janvier va devenir pour les habitants un moment de sidération : chacun découvre que ces personnes en déshérence peuvent être des porteuses de traditions qu’elles mettent en partage. Cela change radicalement le regard que l’on porte sur elles. C’est à cela que nous nous intéressons, avec l’appui de l’Institut Convergences Migrations dont nous sommes partie intégrante.
Mais nous voulons aller plus loin. Si l’expression musicale transforme les représentations que nous nous faisons des migrants, pourquoi les chercheurs ne travailleraient-ils pas avec les institutions culturelles pour faire de la musique l’instrument d’une dignité retrouvée, voire un outil d’intégration ? C’est tout l’enjeu de l’extension aux pratiques artistiques du Programme national d’aide à l’accueil en urgence des scientifiques en exil (Pause) du Collège de France, auquel nous sommes associés. L’expertise acquise à Bayonne montre que cet enjeu est tout à fait considérable.
Une large partie de vos travaux portent aussi sur la création musicale et l’improvisation… D. L. : Cela me passionne ! On associe les musiques traditionnelles à la répétition à l’identique de schémas dont « la tradition » interdirait de sortir. Or, c’est tout le contraire ! L’histoire des traditions musicales est faite de moments de stabilisation des répertoires, puis de gestes déviants produits par des musiciens inventifs. La plupart de ces gestes passent inaperçus, d’autres créent des polémiques, d’autres enfin sont implémentés et modifient durablement les manières de faire. C’est de cette manière qu’une tradition reste elle-même, en changeant au fil du temps. Le cas de l’improvisation est un cas extrême. On a tendance à penser que tout se passe spontanément, qu’il suffit de laisser libre cours à son inspiration. Or, on ne s’improvise pas improvisateur…
Dans La Mémoire et l’Instant5, j’ai montré que ces poètes basques qu’on appelle bertsulari (faiseurs de vers) rencontrent peu de succès lorsqu’ils s’enferment dans leur paysage mental. Les meilleurs improvisateurs et les meilleures improvisatrices – car les femmes sont aujourd’hui les championnes – sont celles ou ceux qui entrent en communication avec le public. Ils intègrent ses réactions dans leurs improvisations et chaque spectateur a le sentiment d’en devenir un coauteur.
Haizebegi 2017
Vous étiez musicien avant de basculer dans la recherche. Comment avez-vous bifurqué ? D. L. : J’ai fait mes études au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. J’ai donc grandi dans ce monde très concurrentiel de la musique savante occidentale, un monde dans lequel on est déjà trop vieux à 14 ans ! Mon dernier engagement comme chef d’orchestre fut la direction des Crystal Psalms d’Alvin Curran à Radio France pour New Albion Records, une firme de San Francisco. Puis ce fut l’anthropologie. Je me suis alors départi de ces jugements de valeurs que j’avais intégrés à mesure de ces années, et le monde est devenu plus vaste.
Haizebegi 2015
Depuis, je cherche à investir dans la recherche scientifique les capacités créatives développées dans la pratique artistique. Dans ma pratique de l’anthropologie, je m’inspire de Bach qui envisageait la composition musicale par l’action. Bach n’était pas un théoricien en ce sens qu’il n’a jamais écrit de traité de fugue. Mais il a composé L’Art de la Fugue… auquel tous les traités se réfèrent comme à un chef-d’œuvre de l’esprit humain. C’est dans cette approche active que s’inscrit le festival Haizebegi.
Je suis de ceux qui cherchent à réinventer le métier de chercheur en sciences sociales. Je ne travaille donc pas à construire une théorie universelle de la musique, mais je fais de mon engagement dans le monde un exemplum. Alors non, je ne joue plus de piano, je ne compose plus, ni ne fabrique de musique. Mais c’est parce que nous sommes en situation d’urgence. L’anthropologie exige un engagement total. Ça vous prend la vie. ♦
1.Ethnologue, directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS, Denis Laborde est spécialiste d’anthropologie de la musique.
2.Ce projet fait collaborer les artistes de l’Université du Pays basque (Bilbao), les informaticiens du Scrime (LaBRI, unité CNRS/Université de Bordeaux, Bordeaux INP) et de Estia-Recherche à Bidart.
3.D. Sperber, Le Symbolisme en général, Paris, Hermann, 1974.
4.Basque Anthropological Research Institute on Music, Emotion and Human Societies. Équipe du Centre Georg Simmel (unité CNRS/EHESS).
5.La Mémoire et l’Instant. Les improvisations chantées du bertsulari basque, Donostia, Elkar, 2005, 349 p.
Quatre étudiants racontent leur incroyable expédition dans l’Antarctique
Par Maud Kenigswald Publié le 12/07/2019 à 09:49, mis à jour le 12/07/2019 à 17:46
L’équipe du projet Amazing Antarctique: de gauche à droite, Clément Tissot, Camille Amaz, Aurélie Schwartz, Robin Amaz, Frédéric, Floriane Eonnet, Jacques et Catherine Amaz.Camille Amaz
En février 2019, une équipe menée par quatre étudiants ingénieurs prenait le large pour un mois d’expérimentation scientifique en Antarctique. Six mois plus tard, de retour sur la terre ferme et forts de leur recul, ils racontent leur expédition.
Le 10 février dernier, un groupe supervisé par quatre élèves de l’IMT Mines-Albi quittait Ushuaia pour mettre le cap sur l’Antarctique, afin d’y mener une série d’expériences scientifiques. Néanmoins, leur aventure ne se circonscrit pas à ce mois passé hors du temps, elle comprend également l’année de préparation ainsi que le retour à la vie «réelle».
Ainsi, réunis sur un toit de Paris, les étudiants au cœur du projet se confient au Figaro Étudiant sur leurs péripéties: récit à quatre voix d’une épopée dans le Grand froid.
À l’origine, une soif de défis
Amazing Antarctique, c’est à l’origine quatre jeunes de 21 ans, étudiants ingénieurs à Albi: Aurélie, Clément, Floriane et Robin. Las de leur train-train quotidien, les amis se sont lancés à l’assaut du Sixième Continent, au service de la science.
Robin Amaz est à l’initiative du projet: depuis son plus jeune âge, ce Lyonnais est passionné de milieux froids et a fortiori, de sciences. Enfermé pendant ses deux années de classe préparatoire, Robin rêvait de grands espaces. Lors de sa troisième année d’études supérieures, à l’IMT Mines-Albi, il s’est lancé. Pour ce faire, il a dû constituer un groupe de choc autour de lui: Aurélie, Floriane et Clément, trois camarades de promo. Clément n’a pas hésité une seconde, voyant là une occasion de «montrer l’exemple». «Je voulais prouver qu’à 21 ans, on peut déjà accomplir des prouesses, scientifiques notamment» rapporte-t-il. Même discours pour Floriane, qui souhaitait également profiter de l’expédition «pour faire passer un message de prévention écologique».
Et le défi a commencé avant même la montée à bord du voilier: «Il s’agissait de préparer en un an une expédition que les professionnels mettent généralement cinq ans à orchestrer», raconte Robin. Une fois ce constat dressé, la course contre la montre est lancée. Il fallait donc être efficace, se répartir le travail. Pour pallier leur manque d’expérience dans le domaine, les quatre étudiants ont dû redoubler d’effort, sacrifiant tout leur temps libre à la préparation du projet. Cette année s’est donc écoulée à toute vitesse, avec la constitution du reste de l’équipe: outre les quatre élèves, le groupe comptait également Camille Amaz, biostatisticienne à Lyon, ainsi que trois «mécènes» – qui n’étaient autres que les parents de Robin et un proche de la famille Amaz – et les marins.
Départ destination ailleurs
Un jour de janvier 2019, il est déjà temps de quitter la France pour la Patagonie. Avant d’embarquer à bord du voilier, l’équipe a décidé de passer trois semaines ensemble, pour s’habituer à la promiscuité. Vingt jours plus tard, l’excitation au ventre, les huit aventuriers pénètrent dans ce qui va devenir leur fief pendant un mois, le voilier Podorange. Les équipiers découvrent les cabines, et doivent s’habituer sans broncher à faire fi de toute intimité pour (re)découvrir la vie en collectif: «Pas de portes, les cabines étaient séparées par des rideaux donc on entendait tout», explique Aurélie.
Appareillage pour le détroit de Drake, passage obligatoire pour accéder à l’Antarctique. Ce bras de mer séparant l’extrémité sud de l’Amérique du Sud et l’Antarctique est particulièrement redouté, y compris par les marins aguerris. Pour les étudiants, les quatre jours de traversée du Drake se sont apparentés à un véritable calvaire. Clément en garde des souvenirs amers: «On vivait avec un rythme de balancier non rythmé permanent, qui nous a tous rendus malades», décrit-il, les empêchant par là même d’avaler quelque aliment et les circonscrivant au seul espace de leur couchette.
Trois fois par jour, pendant deux heures, chaque binôme devait aller sur le pont pour vérifier qu’il n’y ait pas d’iceberg ou d’obstacles impromptus, que le sonar n’aurait pu repérer. «Ces tours de garde nous trempaient invariablement, on rentrait dans nos cabines frigorifiés», se rappelle Robin. L’occasion pour les étudiants d’expérimenter des mers particulièrement compliquées, et donc, d’entrer dans le «dur» de la navigation. Une fois arrivés en Antarctique, l’équipe n’a pas pris plus d’une nuit pour se reposer. L’objectif: commencer le travail scientifique au plus vite afin de mettre à profit leur environnement singulier.
Leur objectif: faire avancer science et consciences
En préparant leur expédition, la volonté des étudiants était claire: faire avancer science et consciences en rapportant des données permettant d’enrichir la réflexion sur le réchauffement climatique. Ils ont ainsi centré leurs recherches sur quatre domaines. Leur premier objet de recherche est l’étude des planctons, afin de fournir à Plankton Planet, une filiale du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) des échantillons de plancton de cette zone, ce dont ils manquent cruellement.
De plus, Robin, Aurélie, Clément et Floriane, ont souhaité, avec l’aide d’une biostatisticienne, «étudier la réaction du corps lorsqu’il évolue dans des conditions extrêmes pendant une durée prolongée», à l’instar de ce mois sur un voilier en Antarctique. Un troisième aspect de leur recherche se concentrait sur le microplastique afin d’en observer l’évolution dans ce périmètre depuis 2018, date des dernières expérimentations sur place. Enfin, les quatre jeunes se sont intéressés aux courants océaniques: la péninsule Antarctique constituant le point de jonction des trois océans, elle est le lieu parfait pour suivre la salinité, prendre des mesures de l’eau et faire des relevés quotidiens.
Un dur retour à la réalité
À l’issue de ce mois passé hors du temps, à concentrer uniquement son attention sur les sciences et l’environnement, il était déjà temps pour toute l’équipe de revenir sur la terre ferme, puis de rejoindre l’Hexagone. Le retour à la réalité fut brutal: «On a par exemple redécouvert la couleur verte, qui est inexistante en Antarctique: en débarquant du voilier, on a directement été se rouler dans l’herbe», rapportent Clément et Robin, le ton rieur.
Ce retour s’est révélé particulièrement stressant: les étudiants devaient à la fois rattraper leur retard, notamment à l’école mais aussi, organiser les conférences et plus généralement, s’occuper de l’après-expédition.
Désormais, les perspectives sont nombreuses pour ces étudiants. «Je compte organiser des ateliers à destination des enfants pour les informer sur les bons comportements à adopter pour ne pas polluer l’environnement», explique Robin. Le deuxième pan de leur action se situe sur le terrain scolaire puisqu’ils désirent accroître le nombre de projets sur l’écologie dans leur école, l’IMT Mines-Albi. Les idées fourmillent: ils souhaitent rendre leur campus zéro-plastique, mettre en place des ruches et des ateliers pour faire son savon, son shampooing ou encore son yaourt soi-même. Là encore, il s’agit d’encourager les étudiants à prendre leurs responsabilités vis-à-vis de la Terre. «L’avenir de la planète nous appartient», conclut Robin Amaz.
Des chercheuses en sciences sociales du CONICET partagent leurs études culturelles et leurs expériences liées aux langues des peuples autochtones d’Argentine.
Les langues autochtones d’Argentine
CONICET/DICYT Cancha, poncho, gaucho, morocho, carpa, vincha, pucho… Un grand nombre de mots de notre langage quotidien proviennent du quechua, une langue inca qui est en contact avec l’espagnol depuis cinq cents ans. Le quechua est une langue indigène dynamique, sous ses diverses formes, que l’on trouve dans certaines régions d’Argentine, de Bolivie, du Pérou, du Brésil, du Chili, de Colombie et d’Équateur. Mais ce n’est pas la seule : au moins quatorze langues indigènes sont parlées aujourd’hui en Argentine, sur les trente-cinq qui étaient parlées avant l’arrivée des Espagnols. Que sait-on d’elles ? Pourquoi est-il important de prendre soin d’elles, de les valoriser et de les promouvoir ?
« Dans notre pays, nous comptons 39 groupes autochtones – Mbyá-Guaraní, Mocoví, Pilagá, Toba-Qom, Wichí et Huarpe, entre autres – certains sont nombreux, d’autres plus restreints. Selon les estimations du dernier recensement de la population (INDEC, 2010), sur les 40 millions d’habitants, 2,4 % se déclarent autochtones, soit plus de 950 000 personnes », expliquent Ana Carolina Hecht, Noelia Enriz et Mariana García Palacios, anthropologues et chercheuses du CONICET.
Carolina étudie la socialisation linguistique, la vitalité et le déplacement de la langue Toba Qom dans différents espaces (familial, domestique, scolaire) dans les communautés urbaines Qom de la province de Buenos Aires del Chaco ; Noelia travaille avec les communautés Mbyá-Guaraní de Misiones, en étudiant les connaissances qui circulent à l’intérieur et à l’extérieur de l’école interculturelle bilingue, et Mariana analyse comment les enfants des quartiers Qom de Buenos Aires et du Chaco construisent leurs connaissances du monde social, en particulier leurs connaissances religieuses, dans des contextes communautaires et scolaires interculturels. Ensemble, ils participent au projet « Interculturalité et éducation dans les communautés Toba/Qom et Mbyá-Guaraní d’Argentine : une approche historique et ethnographique de la diversité ethnique et linguistique dans les écoles », qui fait partie du programme d’anthropologie et d’éducation de l’Université de Buenos Aires.
Leurs recherches les ont même amenés à vivre des expériences de cohabitation lors de travaux de terrain. « J’ai passé du temps avec la communauté avec laquelle je travaillais. Nous avons également fait de l’observation participante : nous avons pris part à des activités communautaires », explique Noelia. « Nous essayons de développer des activités que les communautés elles-mêmes demandent », ajoute Carolina, « par exemple, des conférences et des ateliers dans des écoles bilingues interculturelles et des instituts de formation des enseignants où nous discutons de l’interculturalité, des enfants autochtones, des langues en contact, de la diversité et des inégalités. »
Langues et territoires autochtones
Selon les scientifiques, les langues indigènes argentines sont celles qui proviennent de familles linguistiques originaires de notre territoire ; Parallèlement, il existe également d’autres langues parlées en Argentine qui ont été apportées par des migrants des pays voisins. « Les peuples autochtones sont toujours plus nombreux que les langues autochtones parce que de nombreux peuples ont cessé de parler leurs propres langues en raison de processus historiques d’invisibilité, de discrimination, de déni, d’assujettissement, entre autres facteurs », note Hecht.
Aujourd’hui, l’éventail des situations est très diversifié : des langues qui ne sont plus parlées, d’autres qui n’ont qu’une seule mémoire, des situations bilingues, des communautés indigènes où l’espagnol prédomine, des communautés où la langue indigène reste vitale dans la famille et la communauté. « Ces situations peuvent même affecter la même communauté : les enfants Qom qui parlent espagnol comme première langue et d’autres qui parlent espagnol comme deuxième langue », ajoute Mariana.
La population Mbyá est un cas très particulier. Il possède sa propre langue et vit à Misiones, une partie du Paraguay et du Brésil. La langue parlée permet à ses locuteurs de communiquer dans les trois pays en tant que lingua franca. Cependant, cela s’écrit différemment dans les trois territoires. « Dans l’un, c’est influencé par le portugais ; au Paraguay, par le guarani standard ; et ici, par l’espagnol », explique Noelia. Par exemple, ce qui ressemble à un « ch » chez nous s’écrit avec un « x » au Brésil. Cela illustre la complexité de la langue indigène.
L’énorme défi de l’école
Ce scénario complexe représente un défi majeur pour l’éducation interculturelle bilingue (EIB), une forme d’éducation qui garantit les droits constitutionnels des peuples autochtones. Comme le reflète la loi sur l’éducation nationale n° 26 206 (chapitre XI, article 52), l’EIB « favorise un dialogue mutuellement enrichissant de connaissances et de valeurs entre les peuples autochtones et les populations ethniquement, linguistiquement et culturellement différentes, et favorise la reconnaissance et le respect de ces différences ».
Cependant, les chercheurs constatent que ces situations disparates et nuancées auxquelles sont confrontées les langues autochtones ne sont pas toujours prises en compte dans les politiques éducatives. « La législation relative à l’EIB s’adresse davantage aux enfants autochtones vivant en milieu rural, parlant des langues autochtones et ayant très peu de contacts avec l’espagnol. Aujourd’hui, la situation la plus répandue concerne les enfants autochtones en milieu urbain, avec des niveaux variables de maîtrise de ces langues », explique Carolina.
Pour les chercheuses en sciences sociales, l’idéal serait que ces lois prennent en compte la diversité des réalités et des nuances sociales. L’éducation interculturelle bilingue devrait être un défi commun à tous ; une forme d’éducation pour toute la société argentine, et pas seulement pour les populations ethniquement définies ; et ainsi démontrer que l’Argentine est un pays multiculturel. De plus, nous devrions envisager des interventions impliquant les communautés elles-mêmes, et pas seulement des interventions extérieures.
Reconnaître l’histoire pour regarder vers le futur
« Ce n’est pas parce qu’un peuple ne parle plus activement sa langue aujourd’hui qu’il est moins autochtone », explique Carolina, qui évoque la dimension historique pour analyser cette question. Certains processus historiques ont déterminé les différentes situations que nous connaissons aujourd’hui. Si nous nous concentrons uniquement sur le présent, nous aurons tendance à privilégier les situations actuelles sans tenir compte des processus qui y ont conduit. Les liens entre langue et identité sont toujours très complexes, car même à l’école, de nombreuses personnes sont perçues comme moins autochtones parce qu’elles ne parlent pas la langue autochtone. « La langue est importante pour identifier les peuples, mais ce n’est pas le seul trait d’identification », ajoute Mariana.
Noelia demande : « Pourquoi ne pas préserver la richesse culturelle d’un pays ? Pourquoi la nier ? Pourquoi demander aux gens d’être différents ? La diversité est le patrimoine de l’Argentine. Rien n’indique que s’attaquer à la diversité ne soit pas préjudiciable à la société. De plus, dans ce cas précis, la diversité est liée aux origines de l’espace dans lequel le pays évolue actuellement, et ces populations sont antérieures aux États-nations. »
Pour prendre soin et protéger la diversité linguistique, « il faut d’abord des politiques d’aménagement linguistique et d’éducation qui découlent de cette situation complexe actuelle », résument-elles. Il serait donc intéressant de promouvoir davantage d’espaces où ces questions sont réfléchies et débattues, afin de démanteler des idées profondément ancrées dans le sens commun le plus répandu et, en fin de compte, de renforcer la législation sur l’éducation interculturelle bilingue afin qu’elle ne soit pas seulement un idéal mais qu’elle soit mise en pratique dans tout le pays.
Par Audrey Garric Publié le 08 avril 2019 à 17h00, modifié le 09 avril 2019 à 16h24
Vêlage (détachement d’une masse de glace) sur le glacier Hubbard, en Alaska, en août 2018. JIM MONE / AP
Partout sur le globe, les glaciers se dévêtent progressivement de leurs majestueux manteaux blancs aux nuances de bleu. Conséquence du réchauffement de l’atmosphère, ces sentinelles du climat ont perdu plus de 9 600 milliards de tonnes de glace au cours des cinquante dernières années. A eux seuls, ils ont entraîné une élévation du niveau de la mer de 2,7 cm sur la période, contribuant pour 25 % à 30 % de la hausse globale. Voilà les conclusions d’une étude parue dans Nature lundi 8 avril, extrêmement précise quant à l’observation des bouleversements qui affectent ces géants continentaux.
« Globalement, les glaciers perdent chaque année environ trois fois le volume de glace stocké dans l’ensemble des Alpes européennes », compare Michael Zemp, premier auteur de l’étude et glaciologue à l’université de Zurich (Suisse).
« Nos résultats montrent que les glaciers continentaux, notamment la Patagonie, l’Alaska ou les Alpes, sont ceux qui sont le plus affectés par le climat, davantage que les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique », qui ne font pas partie de l’étude, ajoute le second auteur, Emmanuel Thibert, glaciologue à l’université Grenoble Alpes et à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.
Pour mener cette étude, qui couvre dix-neuf des régions les plus englacées du globe, l’équipe internationale de chercheurs s’est fondée sur deux types de données recueillies entre 1961 et 2016 : des photographies aériennes et satellites de 19 000 glaciers du monde, permettant de calculer leurs pertes de masse sur de longues périodes ; et des observations de terrain (carottages, mesures de précipitations et de fonte) pour 450 d’entre eux, représentatifs de massifs entiers, afin de connaître leur variation et réponse annuelle au changement climatique.
Résultat : la perte de masse s’est accélérée au cours des trente dernières années, particulièrement lors de la décennie 2006-2016, pour atteindre 335 milliards de tonnes (gigatonnes, Gt) de glace perdues chaque année. Soit davantage que la fonte du Groenland (la suite de cet article est réservée aux abonnés)