Chili : découverte exceptionnelle de plus de 100 espèces marines (Sciences & Vie, 26/02/2024)

Une expédition en haute mer au large des côtes chiliennes a récemment révélé des découvertes exceptionnelles, bouleversant notre compréhension de la biodiversité marine.

Des chercheurs du Schmidt Ocean Institute (SOI) ont cartographié de vastes étendues d’océan et ont documenté plus de 100 nouvelles espèces ainsi que la découverte de quatre montagnes sous-marines jusqu’alors inconnues. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives sur la vie marine et soulignent l’importance de protéger ces écosystèmes précieux.

52 000 kilomètres carrés explorés

Une mission d’exploration menée par le Schmidt Ocean Institute a permis des découvertes révolutionnaires au large des côtes chiliennes. Entre le 8 janvier et le 11 février, les chercheurs ont utilisé le navire de recherche Falkor pour cartographier près de 52 800 kilomètres carrés d’océan, se concentrant sur les crêtes de Nazca et Salas y Gómez, ainsi que les parcs marins Juan Fernández et Nazca-Desventuradas.

Un trésor de biodiversité marine   

L’expédition a abouti à la découverte de quatre montagnes sous-marines, dont la plus imposante, baptisée Solito, s’élève à 3 530 mètres de hauteur. De plus, plus de 100 espèces marines inconnues ont été identifiées, dont des oursins oblongs, des éponges complexes, des coraux en spirale, et même un homard aux yeux globuleux. Par la suite, des échantillons seront analysés par les biologistes afin de confirmer qu’elles n’étaient pas encore répertoriées parmi les espèces déjà connues. Ces découvertes représentent une avancée significative dans notre connaissance des profondeurs marines.

On s’attend toujours à trouver de nouvelles espèces dans ces zones reculées et peu explorées, mais les quantités que nous avons trouvées, en particulier pour certains groupes comme les éponges, sont époustouflantes” a déclaré Javier Sellanes directeur du groupe de chercheurs. 

L’importance de la conservation des écosystèmes marins

Les montagnes sous-marines jouent un rôle crucial dans les écosystèmes océaniques en tant que points chauds de biodiversité. La découverte de nouveaux monts sous-marins au large du Chili souligne l’importance de protéger ces habitats marins précieux. En effet, ces écosystèmes sont vulnérables aux activités humaines telles que le chalutage et l’exploitation minière en haute mer. Les données recueillies fournissent un aperçu précieux de la biodiversité marine et éclairent les stratégies de préservation.

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La rédaction S&Vie

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« Liverpool » : l’errance fantomatique d’un marin descendu à terre (Le Monde, 4/8/2009)

La quatrième réalisation de l’Argentin Lisandro Alonso, a pour décor la Terre de Feu

Par Isabelle Regnier Publié le 04 août 2009 à 15h10, modifié le 23 juillet 2010 à 11h40 

En 1960, Michelangelo Antonioni (1912-2007) créait la stupéfaction avec L’Avventura en faisant disparaître son personnage principal, Claudia (Monica Vitti), à la moitié du film. Près d’un demi-siècle plus tard, comme si le cinéma avait tellement muté, sous tant de formes différentes, qu’il en avait oublié ce geste, il y a encore (à nouveau ?) de l’audace à l’accomplir. Dans Liverpool, quatrième long métrage de l’Argentin Lisandro Alonso, l’évaporation après cinquante minutes d’un personnage qui avait pratiquement occupé chacun des plans du film produit ainsi un chancellement salutaire de la perception, un questionnement stimulant sur ce que peut le cinéma.

Il ne s’agit pas de placer ce film sur le même plan que le chef-d’oeuvre d’Antonioni, mais plutôt de relever l’ambition qui anime son auteur. Porté par une foi ascétique dans les puissances primitives de son art, Lisandro Alonso, 34 ans, qui s’est fait connaître en 2001 avec le très aride La Libertad, continue de creuser, sans concession, la même veine minérale. Par le soin qu’il apporte au cadre, au son (ce qui fut son premier métier sur les plateaux de cinéma), il insuffle à ses décors une vitalité crépitante, en anime jusqu’à l’élément le plus trivial. Les personnages s’y meuvent comme les composantes d’un tout qui les dépasse, chaque mouvement de leur corps, chaque expression de leur visage se chargeant sous son regard d’une formidable puissance fictionnelle.

Aussi ne faut-il pas longtemps pour qu’un suspense se crée autour de Farrel (Juan Fernandez), loup de mer solitaire prématurément vieilli par les embruns et l’alcool blanc. De l’arrière-plan flouté où il apparaît dans un bar, caché par deux adolescents plantés devant un écran, il gagne peu à peu le centre du cadre. Quelques longs plans fixes auront montré entre-temps, dans une économie narrative remarquable, l’intérieur du cargo sur lequel Farrel travaille, l’atmosphère à bord, autant que l’état de solitude et d’alcoolisme avancé qui caractérise le personnage.

Le premier vrai dialogue intervient alors, qui résume à peu près toute l’intrigue : Farrel dit au capitaine son souhait de descendre à terre à la prochaine escale – non pas Liverpool, comme on pourrait s’y attendre, mais Ushuaïa, en Terre de Feu. Sa mère vit dans la région, il ne l’a pas vue depuis vingt ans et voudrait vérifier si elle est toujours vivante.

Ce qui se passe ensuite est de l’ordre du prodige. Braquée sur le visage de Farrel, accoudé de nuit à la rambarde du bateau, tirant sur une cigarette alors que scintillent sous ses yeux les lumières de la petite ville portuaire, la caméra enregistre les mouvements de ses traits comme les variations d’un paysage sous l’effet du vent. Un éclat dans ses yeux, l’esquisse d’un sourire, le mouvement d’un sourcil… Une émotion passe, forte, qui lie pour de bon le personnage au spectateur. Sans que rien soit dévoilé de son mystère, sa dimension s’est étoffée d’un coup. Il devient héros romantique avec une histoire, une blessure, un projet dont on ne sait rien des tenants et des aboutissants mais dont l’intensité affective fait vibrer l’écran. Accroché à ce drôle de type mutique, on s’attend à en savoir un peu plus. Sur sa mère, sur lui, sur les raisons de leur séparation… Rien de tel n’adviendra pourtant.

Dans sa note d’intention, le cinéaste décrit sa méthode de travail comme visant avant tout à « laisser les choses apparaître ». Et il ne fait rien d’autre. Fraîchement débarqué dans cette ville fantomatique, Farrel y distille sa présence au fil de la trajectoire qu’il improvise en tétant régulièrement le goulot de sa bouteille.

Il passe, sans échanger un mot avec qui que ce soit, d’un coin de rue informe à un restaurant, d’un bar à putes à un local désaffecté où il s’endort, révélant au fur et à mesure, de manière presque palpable, quelque chose de l’esprit des lieux. Au matin, par une température visiblement bien inférieure à 0.0C, il embarque à l’arrière d’un semi-remorque, son corps continuant d’interagir, tout au long du trajet, avec le paysage.

Le marin arrivera finalement au hameau familial, un trou paumé dans un océan de neige, miné par une pauvreté désolante. Le temps de découvrir une mère agonisante, une soeur dont il ignorait l’existence, de rôder quelques heures comme une bête indésirable, il repart, laissant le film se poursuivre sans lui, tenu par les seules traces de son passage.

Ce n’est qu’à la lumière de celles-ci que le titre du film auquel on ne pensait plus livre sa signification : inscrit sur un porte-clés, ce mot, « Liverpool », surgit dans le dernier plan du film comme un gisement de rêves et de possibles, à la fois dérisoire et infini.


Film argentin de Lisandro Alonso. Avec Juan Fernandez, Giselle Irrazabal, Nieves Cabrera. (1 h 24.)

Isabelle Regnier

https://www.lemonde.fr/cinema/article/2009/08/04/liverpool-l-errance-fantomatique-d-un-marin-descendu-a-terre_1225590_3476.html