Une équipe de scientifiques écoute la faune marine du continent blanc en immergeant des micros dans ses profondeurs. Une aventure fascinante.
Dans les profondeurs de l’Antarctique, des microphones immergés recueillent des sons de « vaisseaux spatiaux » et une variété de bourdonnements « impressionnants », explique la scientifique colombienne Andrea Bonilla, à l’écoute de la vie sous-marine lors d’une expédition aux confins du continent blanc.
À 500 mètres de profondeur
La biologiste de l’université Cornell de New York immerge à 500 mètres de profondeur des hydrophones enveloppés de titane qui enregistreront une année entière ces ondes sonores des profondeurs.
Une fois déchiffrées, elles permettront de comprendre le comportement des mammifères marins et leurs déplacements pendant l’hiver austral, lorsque l’Antarctique devient presque inhabitable.
« Il y a ici des espèces dont le son est impressionnant, littéralement comme dans Star Wars, on dirait des vaisseaux spatiaux. Très peu d’oreilles ont le privilège de les entendre », déclare la scientifique de 32 ans à bord de l’ARC Simon Bolivar, un navire de la marine colombienne.
Tension et excitation
Titulaire d’un doctorat en acoustique marine, Andrea Bonilla et les autres scientifiques à bord de la 10e expédition colombienne dans l’Antarctique récupèrent également les micros déposés l’an passé lors d’une mission opérée par la marine turque.
Guidé par des coordonnées GPS, le bateau entre dans la zone de rencontre. Pour remonter l’hydrophone à la surface, Andrea Bonilla déclenche la libération de l’ancre qui le retenait immergé. Toute l’équipe scrute alors longuement pendant huit minutes de tension palpable les eaux calmes jusqu’à l’apparition, dans la joie, d’un petit drapeau déployé en surface.
Ses collègues la félicitent chaleureusement et elle se dit soulagée. « Je suis super excitée parce que c’était la première fois que nous faisions cette manœuvre dans ces eaux. […] Tout s’est super bien passé », se réjouit la scientifique colombienne.
Mesurer l’impact de l’activité humaine
Une fois sur la terre ferme, elle analysera un an d’enregistrements. « Dans un environnement marin, le son est fondamental », affirme-t-elle. Car le bruit ou les perturbations auditives peuvent affecter la communication des espèces ou entraver le déroulement normal d’activités naturelles telles que la chasse.
Photo d’illustration Sipa/Chine Nouvelle
Ces recherches entendent également mesurer l’impact de l’activité humaine et de la pollution auxquelles sont exposés les mammifères dans un des endroits les mieux préservés de la planète.
« Zone marine protégée »
Un autre objectif est de soutenir la proposition, promue par le Chili et l’Argentine depuis 2012, de faire de la péninsule Antarctique « une zone marine protégée ». Andrea Bonilla travaille avec des spectrographes qui représentent visuellement les fréquences sonores. Les moyennes et hautes fréquences enregistrent des animaux de différentes tailles.
Ses découvertes ne serviront pas seulement à surveiller les mammifères marins, mais aussi à la recherche géophysique : les micros captent les basses fréquences émises par les mouvements telluriques et la fonte des glaces.
Manchots et baleine
Non loin du navire, une colonie de manchots marche sur un bloc de glace géant en forme de toboggan tandis qu’au-dessus des eaux profondes, les chercheurs observent une baleine à bosse qui prend une de ses dernières respirations avant que l’hiver ne la fasse fuir vers les eaux plus chaudes de l’océan Pacifique.
Photo d’illustration Sipa/Chine Nouvelle
« Ma première rencontre avec une baleine a été avec une baleine qui chantait, et je pense que cela a changé ma vie », se souvient la scientifique.
Après s’être nourries pendant des mois dans la péninsule Antarctique et dans le détroit de Magellan au Chili, des milliers de ces grands mammifères se retrouvent pour se reproduire entre juin et octobre dans un corridor marin qui s’étend du sud du Costa Rica au nord du Pérou.
Des chants harmonieux
Mais « il y a aussi des espèces qui ne vivent qu’ici », souligne-t-elle, comme les phoques de Weddell et les léopards de mer, qui émettent des chants aigus de différentes tonalités, des compositions harmonieuses qui fournissent des informations sur leur comportement.
Andrea Bonilla se prépare à un nouveau largage d’hydrophone et attache le drapeau rouge au sommet de la bonbonne de titane qui servira à la repérer au milieu des eaux à son retour l’année prochaine. Au cours de l’expédition, trois microphones ont été immergés, deux dans le détroit de Bransfield et un dans le passage de Drake.
Le gouverneur de la Terre de Feu AIAS (Antarctique et Îles de l’Atlantique Sud), Gustavo Melella, accompagné de la présidente de la Direction provinciale des routes, Ileana Zarantonello, a visité les travaux achevés du pont Radman sur la rivière Rasmussen, sur la route complémentaire B, essentielle pour permettre le passage de la frontière internationale de Bellavista qui reliera l’Argentine au Chili. La visite a été accompagnée par le chef de cabinet du ministre, Agustín Tita, le secrétaire des Malouines, de l’Antarctique, des Îles de l’Atlantique Sud et des Affaires internationales, Andrés Dachary et le législateur Federico Greve. Des personnels de la Gendarmerie Nationale ont également participé
Les travaux comprenaient la réalisation des remblais, l’installation et le montage de 6 grands ponceaux, ainsi que la structure et le mur de soutènement.
À cet égard, Melella a exprimé que « c’est un travail magnifique, très nécessaire pour un pas vers le Chili et qui est lié au développement et au tourisme, après qu’il soit resté si longtemps inactif ».
« Il est également important de souligner l’excellent travail réalisé par tout le personnel des routes provinciales, des fonctionnaires qui ont réfléchi à un travail et qui l’ont réalisé avec une très grande capacité technique, mais surtout avec un grand engagement. Cela les remplit de fierté et nous aussi », a-t-il ajouté.
De même, le Gouverneur a souligné que « ce travail est le produit d’un Etat actuel qui met à la disposition des résidents les meilleures infrastructures pour promouvoir dans ce cas ce qui touche au tourisme, au développement et à la connectivité routière ».
Pour sa part, la Présidente des Routes Provinciales, Ileana Zarantonello, a indiqué que « nous sommes vraiment fiers d’avoir réalisé ce travail très important et aussi très heureux que le Gouverneur nous ait rendu visite et ait pu être, plus que tout, avec tous les travailleurs qui « ont participé pour rendre cela possible.»
« Les principaux travaux effectués concernent une chaîne de six ponceaux et de nombreux travaux de déplacement du sol en dessous. Contrairement à d’autres travaux réalisés dans le passé, dans ce cas, les travaux d’ingénierie ont été réalisés et planifiés par l’ingénieur José Caldera, afin d’assurer la durabilité et la sécurité du pont pendant une longue période », a-t-il expliqué.
Enfin, le responsable a soutenu que « tout ce qui concerne la connectivité contribue à la croissance de n’importe quel lieu, car dans ce cas nous parlons d’un pont qui nous permettra d’accueillir le tourisme, ce qui est très important pour la Terre de Feu ».
Publié hier, l’article suivant témoigne d’une étape fondamentale pour la communauté yagan et le musée dédié à leur culture situé à Puerto Williams.
Traduction de l’espagnol par l’association Karukinka
Le Musée Anthropologique Martin Gusinde de Puerto Williams initie une nouvelle étape avec une nouvelle présentation et un nouveau nom: à partir d’aujourd’hui il s’appelle le Musée Territorial Yagan Usi – Martín González Calderón, et sa muséographie se centre sur cette culture ancestrale et sur l’établissement de ponts entre la vision du passée et la communauté actuelle.
Une nouvelle vision du musée et du travail communautaire a été le marqueur de la ré inauguration à Puerto Williams du musée le plus austral du monde, avec un nouveau nom et une exposition permanente renouvelée. A partir d’aujourd’hui, l’espace connu initialement comme Musée Anthropologique Martin Gusinde s’appellera Musée Territorial Yagan Usi – Martín González Calderón, dénomination en cohérence avec la nouvelle exposition, centrée sur la culture de ce peuple ancestral qui habite l’extrême austral du Chili et de l’Argentine depuis sept mille ans.
La cérémonie a été dirigée par la déléguée présidentielle de Puerto Williams, María Luisa Muñoz; la secrétaire du Patrimoine Carolina Pérez Dattari; la directrice nationale du Service du Patrimoine Culturel (Serpat) Nélida Pozo Kudo; le maire de Cabo de Hornos Patricio Fernández, et plusieurs familles de la Communauté Indigène Yagan de la Baie Mejillones, avec leur représentant Luis Gómez Zarraga.
Le directeur du musée, Alberto Serrano, a fait remarqué que cette transformation relève de la dimension territoriale, comme Martín González Calderón, membre de la Communauté Indigène Yagan de la Baie Mejillones à Villa Ukika et référent de l’art de la navigation ancestrale en canoë et de la culture traditionnelle Yagan. Martín González Calderón a réalisé maints efforts et initiatives orientées vers la diffusion de son savoir ancestral et a collaboré étroitement avec le musée. Résultat de la pandémie de Covid-19, il est décédé le 18 octobre 2020, victime, comme beaucoup de ses ancêtres, des maladies introduites.
La secrétaire Carolina Pérez a fait remarqué que « nous sommes très heureux de pouvoir faire partie de cette étape qui permettra de reconnaître la communauté Yagan et dans laquelle se réouvre un espace patrimonial pour les citoyens. Nous espérons que le projet muséographique qui a été travaillé pendant deux ans par l’équipe de la Sous-Direction Nationale des Musées, et qui incorpore une présentation avec une vision territoriale, se convertira en un espace de rencontre pour les habitants et habitantes de la région ».
Pour sa part, la directrice nationale du Serpat, Nélida Pozo, a jouté que « cet espace est maintenant imprégné d’une vision surgie du territoire lui-même, de la main de la communauté Yagan de la Baie Mejillones, en pleine conscience et avec la certitude que nous sommes en présence d’une culturel ancestrale vivante, qui se pense, se projette et revitalise, et, en même temps, qui nous parle d’une nouvelle manière de penser les musées, comme des institutions accessibles et inclusives, qui encouragent la diversité et la durabilité avec la participation des communautés ».
La vision territoriale et culturelle de la nouvelle exposition
La proposition de rénovation muséographique a involucré un long processus de dialogue et de recherche avec les communautés résidentes et avec la Communauté Indigène Yagan de la Baie Mejillones, dans le but de préserver la mémoire locale et tous les éléments qui la compose historiquement et contemporainement. De ce fait, ce fût la communauté elle-même qui sollicita le changement du nom de cet espace.
Le nouveau parcours muséographique a pour protagoniste le peuple Yagan, et rend compte des modes de vie et des processus historiques, sociaux et culturels expérimentés par la communauté, étant aussi étudié l’apport culturel de l’archipel, et l’objectif de contribuer aux processus de revitalisation de la communauté, tout en dédiant des espaces de réflexion et de dialogue au sujet des processus de colonisation par la culture occidentale et l’Etat chilien à l’extrême sud du pays.
La nouvelle narration crée constamment des ponts entre l’ancestral et le contemporain, pour connecter les traditions avec les nouvelles générations. En outre, durant toute la présentation, sont utilisés des mots de yagankuta [langue yagan] pour revitaliser la langue et le patrimoine immatériel. De plus, elle incorpore la perspective du genre pour donner de la visibilité aux barrières que la communauté indigène et les kipayamalim [les femmes yagan] ont affronté.
Au premier étage se déploie un tour par le Yagan Usi (le territoire yagan) durant lequel les collections arquéologiques et ethnographiques abordent le peuplement de l’Archipel du Cap Horn, situé durant l’Holocène Moyen il y a approximativement 6500 ans BP. Les caractéristiques du territoire dialoguent avec l’existence humaine à travers les vestiges arquéologiques, la navigation, la chasse, la vannerie, l’artisanat, les rituels et la présence du yagankuta, une langue qui refuse de disparaître.
Parmi les différents objets, la muséographie fait remarquer la restitution de 29 objets de la collection Martin Gusinde provenant du Musée National d’Histoire Naturelle et de 32 pièces de vannerie yagan comme des paniers, cordages et filets de pêche élaborés en jonc par Cristina Calderón Harbán, Julia González Calderón, Claudia González Vidal, Marta Balfor Clemente, et beaucoup d’autres femmes et artisanes qui ont cultivé cette technique ancestrale. La vannerie, élément de la culture matériel et immatérielle, reflète une importante connexion entre les savoirs de la nature, le climat, la récolte de matières premières et les points de tressage qui ont été transmis durant des générations.
Le public des visiteurs, en plus de voir ces objets, pourra observer une infographie qui expose différents type de paniers et de techniques de fabrication, écouter un enregistrement audiovisuelle et apprendre les mots de la yagankuta [la langue yagan] qui renforcent la mémoire collective.
Au deuxième étage continue le récit avec Poluaóala Shanatara (les étrangers arrivent) dont les collections de caractère historiques présentent les transformations et vicissitudes qui ont été vécues dans la région depuis le XVIème siècle et jusqu’à présent. Les processus d’immigration des expéditions européennes, nord-américaines et le peuplement impulsé par les états argentin et chilien installent un contexte de rencontres, conflits et conséquences pour la culture indigène locale. Dans cette salle, en plus de comprendre les processus de contact (découverte, exploration et colonisation) il est aussi possible de s’approcher de la biodiversité magallanique avec la présentation de plus de 30 espèces de taxidermie qui illustrent la faune et le paysage le plus austral du Chili.
L’exposition est aussi remarquable de par ses caractéristiques technologiques et son design, comptant avec des plateformes interactives, des espaces audiovisuelles et des espaces d’écoute.
« L’assemblée a approuvé dans une troisième procédure un projet issus de députées et députés qui permet d’incorporer ce peuple dans la liste des ethnies reconnues par l’Etat.
Le Chili intègre le peuple selk'nam à la liste des peuples indigènes reconnus par l'Etat (source: site internet de la chambre des députés chiliens, le 4 septembre 2023) 6
Pour pouvoir passer à l’Exécutif pour sa promulgation en tant que loi, il restait un projet (bulletin 12862) qui incorpore le peuple Selk’nam aux ethnies indigènes reconnues par l’Etat.
Ceci a été rendu possible grâce à l’approbation par l’assemblée de la Chambre des modifications de la proposition demandées par le Sénat. Les amendements en question étaient surtout de caractère formel plutôt que de contenu.
Lors de la première procédure, la Chambre avait opté pour un texte qui spécifiait l’inclusion de ce peuple dans la norme de la loi 19.253, au sujet de la Protection, de la Promotion et du Développement des Indigènes. Le Sénat a préféré se référer à cette norme et reformuler sa rédaction en incluant dedans les Selk’nam.
Sur ce plan, la disposition est devenue ainsi :
« L’Etat reconnaît comme principaux peuples ou ethnies indigènes du Chili les Mapuches, Aimara, Rapa Nui ou Pascuense; Atacameño, Quechua, Colla, Diaguita, Chango du nord du pays, Kawashkar ou Alacalufe, Yámana ou Yagán des canaux australs, et les Selk’nam. L’Etat valorise leur existence comme part essentielle des racines de la Nation chilienne, tout comme son intégrité et son développement, en accord avec leurs coutumes et valeurs. »
L’initiative est née d’une motion présentée en août 2019. L’ont apportée Claudia Mix (Comunes), Emilia Nuyado (PS), Camila Rojas (Comunes), Andrés Longton (RN), Jorge Rathgeb (RN) et Cristóbal Urruticoechea (PREP). S’y ajoutèrent également les ex-députés Jaime Bellolio, Gabriel Boric, Amaro Labra et Gabriel Silber.
Justice pour les Selk’nam
Durant le débat, la motion originale a été présentée par trois de ses auteurs : Claudia Mix, Cristóbal Urruticoechea et Emilia Nuyado. De plus, sont intervenus les indépendants Hernan Palma et Carlos Bianchi.
De manière unanime, les députés ont donné leur soutien à la proposition. Ils firent remarquer l’importance de faire un geste de justice et de restitution des droits aux survivants d’une ethnie qui s’est retrouvée au bord de l’extermination.
Dans ce cadre, plusieurs ont dirigé leurs propos et leurs regards vers les tribunes pour valoriser le travail des dirigeants des communautés Selk’nam qui ont lutté durant des années pour concrétiser cette reconnaissance légale.
Il a aussi été mis en lumière la particularité de ce peuple, avec un mode de vie unique à l’extrême sud de notre pays. Dans le même temps, a été déplorée la complicité de l’Etat chilien, entre la deuxième moitié du XIXe siècle et les débuts du XXe siècle, lors de la chasse acharnée des indigènes de ce groupe ethnique. Parmi les raisons de ce génocide il y a celle de l’appropriation de terres pour l’élevage ovin.
De plus, est intervenue la ministre du Développement Social, Javiera Toro, qui a souligné qu’aujourd’hui se répare une dette historique avec ce peuple. Elle a aussi valorisé le fait que soit inclue dans la norme le concept de peuple et non seulement d’ethnie.
Dans la Bahía Inútil (Chili) une équipe de scientifiques a découvert une sépulture infantile appartenant à la culture Selk’nam, avec des caractéristiques uniques. Le trousseau qui l’accompagne présente des objets méconnus, ainsi que des objets funéraires inhabituels dans cette région.
Article paru en espagnol et traduit par l’association Karukinka. Titre original (espagnol) : « Aparecen objetos desconocidos en la sepultura de un niño Selk’nam en Tierra del Fuego »
Couples mandibulaires de guanacos adultes faisant partie du mobilier funéraire unique / Photos fournies par Thierry Dupradou
Le peuple Selk’nam de la Terre de Feu était une tribu qui vivait à la pointe sud de l’Amérique du Sud. Elle était composée de chasseurs-cueilleurs nomades qui subsistaient à l’origine grâce aux guanacos sauvages, aux oiseaux, aux rongeurs, aux coquillages et aux pinnipèdes (phoques, otaries et morses) qu’ils chassaient. Au début du XXe siècle, les maladies infectieuses et un génocide perpétré par les colons britanniques, argentins et chiliens en ont anéanti la plupart.
Avec leurs voisins, les Haush, cette tribu était l’un des rares groupes de chasseurs-cueilleurs d’Amérique dont les moyens de subsistance étaient limités à une seule île. Ses archives archéologiques sont abondantes, mais on sait peu de choses sur ses pratiques mortuaires.
Une étude internationale, dirigée par l’Université de Magallanes à Punta Arenas (Chili), avec la participation de l’Institut de biologie évolutive (UPF-CSIC), a décrit l’enterrement d’un enfant de cette tribu aux caractéristiques uniques, située à Bahía Inútil. La datation au radiocarbone situe la sépulture au début de la période postcolombienne.
« Ni en Terre de Feu, chilienne ou argentine, un trousseau similaire n’avait pas été trouvé aux côtés des restes humains de chasseurs-cueilleurs terrestres. Les biens étaient beaucoup plus simples, mais en général il s’agissait de sépultures d’adultes », explique à Sinc Alfredo Prieto, chercheur à l’Université de Magallanes, qui a dirigé l’étude publiée dans la revue The Journal of Island and Coastal Archaeology.
Dans l’ouvrage, Prieto et son équipe décrivent les matériaux archéologiques trouvés à côté du squelette d’un enfant très bien conservé. Ce qui frappe, ce sont les objets funéraires qui l’accompagnent, inhabituels dans cette région.
« Il existe plusieurs éléments mystérieux dont nous ignorons l’utilité. On ne sait même pas s’il s’agit de copies ou d’outils utilisés à l’époque. Il peut s’agir par exemple de reproductions d’outils en bois qui n’ont jamais survécu. Nous ne pouvons rien oser là-dessus non plus. Certains d’entre eux simulent des outils familiers, comme des pinces à feu. D’autres, comme les boules à rainures ou les outils en pierre, on sait qu’ils ont été utilisés », ajoute le scientifique.
Crâne d’enfant. Il apparaît brisé suite à son émergence du tombeau qui avait été érodé / Photo fournie par Thierry Dupradou
Os regroupés par paires
Les restes de l’enfant étaient accompagnés de modèles uniques d’objets en os. Il s’agissait principalement de fragments de becs de manchots royaux (75 % des restes) et de mâchoires de guanaco disposés par paires pour ressembler à des becs, ce qui est inhabituel et jamais observé auparavant dans d’autres tombes. Le manchot royal fait partie de la mythologie Selk’nam.
L’abondance, la densité et la diversité des tombes témoignent d’un ensemble matériel et culturel complexe, ainsi que d’un savoir-faire technique jusqu’alors inédit chez ce groupe de chasseurs-cueilleurs.
« Les paires de mâchoires du guanaco sont remarquables. Elles sont apparues ensemble par paires et l’une d’entre elles possède même des preuves d’amarrage. En raison du type de coupe et de la taille, il semble que leur fonction était de les utiliser comme becs, ce qui est très étrange », explique Prieto. On ne trouve rien de tel dans la littérature archéologique, nulle part dans le monde.
Ils ont également trouvé des matières premières lithiques, légèrement gravées, ce qui est relativement rare dans ces sites. Beaucoup de ces éléments n’avaient jamais été observés dans les archives archéologiques ou ethnographiques de la Terre de Feu.
« Une étrange pièce évoquant une navette révélerait des techniques de tissage de filets, mais c’est le seul fragment dont la forme semble induire une fonction. De plus, toutes les pièces sont des ensembles de paires structurelles ; entre le pointu et le fissuré, ou entre l’ouvert et le fermé, constitués de matériaux divers. Comme nous perdons l’intégrité du placement initial, nous ne savons pas vraiment s’ils faisaient partie de « mécanismes » plus vastes », poursuit-il.
« Il existe plusieurs éléments mystérieux dont nous ne connaissons pas l’utilité », explique Alfredo Prieto.
Une génétique particulière
Selon les archives archéologiques, il semble que la population de Selk’nam dépassait à peine 1 500 personnes, sur un territoire de près de 48 000 km2. De plus, jusqu’à présent, les scientifiques ne peuvent pas déterminer si ces individus étaient les descendants directs des premiers groupes qui ont peuplé l’île, ou s’ils sont arrivés plus tard.
Les restes humains de l’enfant révèlent qu’ils appartenaient à un jeune adolescent dont l’alimentation était majoritairement terrestre. Les analyses ostéologiques n’ont montré aucun problème osseux ni pathologie, suggérant qu’il s’agissait d’un individu sans aucune anomalie. « Nous ne connaissons pas les causes du décès », ajoute l’expert.
Les informations ethnographiques indiquent que les décès d’enfants non dus à des accidents étaient incompréhensibles pour les Selk’nam, qui les imputaient généralement à un chaman d’un groupe ennemi et encourageaient les actes de vengeance.
Une autre particularité de cette découverte est qu’elle fournit la première preuve génétique du sous-haplogroupe mitochondrial D1g5 dans la population Selk’nam de la Terre de Feu. Ce fait pourrait indiquer que ses origines remontent à la première vague de colonisation humaine de l’Amérique du Sud.
« L’haplotype mitochondrial D1g5 n’a été décrit qu’en 2012, en partie parce qu’il a une répartition assez restreinte dans le sud de l’Amérique du Sud. Localement, dans le sud du Chili et en Patagonie, cela peut être assez courant. On estime qu’il a environ 15 000 ans, c’est-à-dire le résultat de l’arrivée de certains des premiers colonisateurs de l’Amérique et de leur dispersion ultérieure dans tout le cône sud », explique Carles Lalueza Fox, chercheur à l’Institut de biologie évolutive. à Sinc ( UPF-CSIC) et co-auteur de l’étude.
Lieu de découverte à côté de la côte de Bahía Inútil, Terre de Feu / Universidad de Magallanes
C’est la première fois qu’il est décrit en Terre de Feu, mais cela concorde avec la possibilité qu’il y ait eu des contacts avec les populations locales au nord du détroit de Magellan. « Cela correspond également aux indications de restes marins, puisque l’enfant a été retrouvé sur la côte du détroit et bien que les Selk’nam étaient des chasseurs-cueilleurs terrestres, cela indiquerait moins d’isolement que ne le supposent les témoignages ethnographiques et plus de contacts avec les populations voisines, « , argumente Lalueza Fox.
Son équipe séquence actuellement certains génomes d’autochtones de la Terre de Feu pour les intégrer dans le contexte de la diversité génomique du continent américain. « Il est possible que nous trouvions des preuves de sélection naturelle et d’adaptation au froid dans certains gènes liés au métabolisme », conclut-elle.
Seuls cinq autres haplogroupes d’ADNmt ont été découverts jusqu’à présent dans des échantillons provenant d’anciennes populations de cette région : celui de cet enfant Selk’nam, deux Yamana et deux Kawesqar.
Interaction avec d’autres cultures
L’enterrement témoigne d’interactions de grande envergure avec d’autres cultures, tant sur le continent qu’ailleurs sur l’île. Leurs voisins immédiats étaient d’autres groupes nomades, deux maritimes (Yamana et Kawesqar) et deux terrestres (Haush sur l’île et Aonikenk sur le continent).
Les Selk’nam n’étaient pas des marins, donc tous les objets de ce type trouvés dans la sépulture proviendraient de l’extérieur de la Terre de Feu, obtenus auprès de leurs voisins proches.
L’équipe séquence actuellement certains génomes des peuples autochtones de la Terre de Feu.
Les contacts directs et indirects avec ces groupes seraient cruciaux pour avoir accès à des animaux et à des matières premières exotiques, comme par exemple le nandou de Darwin (Rhea pennata), l’obsidienne verte ou les restes du mollusque D. magellanicum trouvés dans les sites de cette région. .
Le nandou de Darwin a disparu de la Terre de Feu à la fin du Pléistocène, et sa présence parmi les tombes signifie qu’il a probablement été importé de la steppe continentale.
De l’obsidienne avait déjà été découverte à Bahía Inútil, non loin de ce lieu de sépulture. D. magellanicum habite les profondeurs marines du détroit de Magellan et a probablement été collecté par voie maritime dans des bateaux. « Les Selk’nam n’étaient pas des marins », souligne Prieto.
Cet enterrement offre une fenêtre unique pour découvrir des aspects jusque-là inconnus de la société Selk’nam.