Ce mardi, le gouvernement national a décrété la fin de l’urgence territoriale indigène, abrogeant la loi 26160 et ses extensions. Cette mesure, formalisée par le décret 1083/2024, met en échec la protection des terres traditionnellement occupées par les communautés indigènes d’Argentine et donne le feu vert aux expulsions, donnant la priorité aux intérêts privés et étatiques sur les droits des peuples indigènes.
Source : https://argentina.indymedia.org/2024/12/10/el-despojo-legalizado-el-estado-anula-la-ley-26160-y-deja-a-las-comunidades-indigenas-sin-proteccion/ Traduit de l’espagnol par l’association Karukinka
Dépossession légalisée : l'État a annulé la loi 26160 et laisse les communautés indigènes sans protection (10/12/2024 par TeleSISA) 2
Cette décision représente un revers historique dans la lutte pour la reconnaissance et la défense des territoires ancestraux. La loi 26160, adoptée en 2006, est apparue comme une réponse à des décennies de dépossession, de marginalisation et de violence envers les communautés autochtones. Son objectif était de suspendre les expulsions et de réaliser une enquête territoriale pour garantir la sécurité juridique des territoires. Cependant, l’État n’a jamais respecté cette obligation de manière globale, laissant des milliers de communautés dans une situation de vulnérabilité permanente.
Le discours officiel : délégitimation et racisme structurel
Le gouvernement a justifié l’abrogation de la loi en arguant qu’elle générait une « insécurité juridique » et affectait les droits des « propriétaires légitimes ». Dans les considérants du décret, les communautés ont été qualifiées de « fragmentées », les accusant de faire un « usage abusif » de la réglementation. Ces déclarations délégitiment non seulement les droits territoriaux des peuples autochtones, mais perpétuent également les récits racistes qui criminalisent la lutte pour la terre.
En outre, une prétendue augmentation des conflits territoriaux a été soulignée, attribuant la responsabilité aux communautés autochtones sans mentionner le rôle de l’extractivisme, des politiques néolibérales et de la violence structurelle qui ont intensifié ces affrontements. Le discours gouvernemental rend invisibles des décennies de résistance pacifique et d’organisation communautaire contre un système qui donne la priorité aux intérêts commerciaux et au pillage des ressources naturelles.
La violence de la dépossession : expulsions et impunité
Avec l’abrogation de la loi 26160, des expulsions massives sont autorisées et affectent non seulement les communautés autochtones, mais également leurs modes de vie, leurs visions du monde et la préservation du territoire en tant qu’espace de vie collective. Ces expulsions sont, par essence, une forme de violence d’État qui répond aux intérêts du capital immobilier, minier et agroalimentaire.
Les organisations autochtones et de défense des droits de la personne ont souligné que cette mesure augmenterait les conflits sociaux et approfondirait les inégalités structurelles qui affectent les peuples autochtones. Le droit à la terre n’est pas seulement une question juridique, mais aussi une lutte pour l’autodétermination et la survie culturelle dans un contexte de colonisation persistante.
Un combat qui transcende le décret
L’abrogation de la loi 26160 ne fera pas taire les voix des communautés autochtones, confrontées à la dépossession, à la criminalisation et au génocide depuis l’arrivée des colonisateurs. Aujourd’hui plus que jamais, la nécessité de continuer à lutter pour la pleine reconnaissance des territoires ancestraux est réaffirmée, d’exiger que l’État respecte les droits consacrés dans la Constitution nationale et les traités internationaux et de dénoncer les politiques qui perpétuent l’exclusion et le racisme structurel.
Depuis les territoires, les communautés résistent : parce que la terre n’est pas qu’une ressource, elle est vie, mémoire et avenir.
Les scientifiques soupçonnaient depuis longtemps qu’une île volcanique de l’Atlantique Sud renfermait un lac de lave. Pour l’étudier, ils ont dû s’aventurer dans l’un des lieux les plus reculés de la planète.
Le mont Michael émerge du brouillard qui nappe l’île Saunders. Bien que située dans l’une des régions volcaniques les plus actives du monde – à environ 2400 km de la pointe de l’Amérique du Sud –, celle-ci est rarement visitée par les chercheurs. PHOTOGRAPHIE DE Renan Ozturk
Sur une crête couverte de glace, à environ 900 m au-dessus de la houle furieuse de l’océan Atlantique Sud, Emma Nicholson prend une profonde inspiration derrière son respirateur, vérifie son baudrier et s’engage dans la bouche béante d’un volcan en activité.
Il est un peu plus de 16 heures sur le sommet battu par les vents du mont Michael, point culminant de l’île Saunders. Située dans l’archipel inhabité des Sandwich du Sud, celle-ci est l’un des endroits les plus isolés de la planète – à environ 800 km de la station de recherche permanente la plus proche, en Géorgie du Sud, et à plus de 1 600 km du moindre trafic maritime. En fait, les personnes se trouvant le plus près de la jeune femme et de ses compagnons d’aventure sont les sept astronautes de la Station spatiale internationale, qui passe à quelque 400 km au-dessus d’eux toutes les quatre-vingt-dix minutes. Après des années de préparation et un voyage tortueux de 2 250 km dans des mers tumultueuses et truffées d’icebergs, la volcanologue de 33 ans est sur le point de devenir la première scientifique à explorer l’intérieur du cratère du mont Michael. Elle espère y recueillir de nouveaux indices sur les processus à l’œuvre dans les entrailles de la planète. Mais le volcan ne livre pas facilement ses secrets.
À première vue, l’intérieur du cratère semble sans danger. Emma Nicholson et son partenaire de recherches, João Lages, descendent prudemment à l’aide d’une corde d’escalade – tous deux comprennent que, quelque part en contrebas, ce terrain apparemment sûr pourrait se transformer en une paroi de glace instable. Au fil de leur descente, le vent se calme et des pans de ciel bleu apparaissent. La volcanologue découvre à travers son masque un cercle de parois quasi verticales de roche et de glace recouvertes de cendres.
Équipés d’un ordinateur et d’une caméra thermique, João Lages et Emma Nicholson s’enfoncent encore plus profondément dans la montagne. Au-dessous d’eux, la pente douce débouche brusquement sur le vide, sans qu’ils parviennent à distinguer le fond du cratère. En regardant autour d’elle, la scientifique prend toute la mesure de l’environnement où elle se trouve : un lieu qui porte les marques de l’une des plus grandes démonstrations de puissance de la nature.
Des manchots peuplent les pentes couvertes de cendres de l’île Saunders, l’une des onze que compte l’archipel des Sandwich du Sud. Le site est un lieu de reproduction essentiel pour plus de 3 millions de manchots papous, Adélie et à jugulaire, et de gorfous macaronis. PHOTOGRAPHIE DE Renan Ozturk
Pour un volcanogue, être le premier à plonger son regard dans un gouffre obscur menant vers les profondeurs de la planète représente le moment le plus attendu d’une carrière. Une seule chose échappe à la scientifique, celle-là même qui l’a amenée dans ce lieu perdu : où se trouve le lac de lave ?
Une traction rassurante s’exerce sur son baudrier. La corde, Emma Nicholson le sait, est reliée à un point d’ancrage des plus fiables, au sommet : la guide de montagne Carla Pérez, devenue en 2019 la première femme à gravir l’Everest et le K2 la même année. La traction est un petit rappel à son adresse pour qu’elle fasse attention à elle et n’aille pas trop loin.
Le 2 Février 1775, le capitaine britannique James Cook se tenait avec lassitude sur le bastingage de l’arrière de son navire, le Resolution, et contemplait une île morne et enneigée. Le navigateur était en mer depuis deux ans et demi pour sa deuxième expédition, et le paysage sinistre correspondait à son état d’esprit. « La plus horrible côte du monde », déclara-t-il à propos de l’archipel qu’il baptisa îles Sandwich du Sud, en hommage à l’un de ses soutiens, le comte de Sandwich. Ces îles, écrivit-il, sont « condamnées par la nature […] à ne jamais recevoir la chaleur des rayons du soleil ».
Il fallut attendre des décennies pour que les scientifiques comprennent que l’une d’entre elles, l’île Saunders, possédait sa propre source de chaleur. Et, même à cette époque, ce lieu glacé et balayé par les vents, situé au milieu de nulle part, n’intéressait personne.
Depuis la timonerie de l’Australis, la volcanologue britannique Emma Nicholson observe le paysage à l’approche de l’île Saunders. Une tentative manquée de gagner le sommet de son volcan, en 2019, lui avait laissé le sentiment d’un « travail inachevé ». PHOTOGRAPHIE DE Renan Ozturk
« Comme les îles Sandwich du Sud sont difficiles d’accès et qu’il est compliqué d’y débarquer et d’y travailler, il faut vraiment avoir de bonnes raisons pour y aller », résume John Smellie, professeur de géologie à l’université de Leicester, en Angleterre. L’archipel, formé par le déplacement de la plaque tectonique sud-américaine sous la plaque des Sandwich, est pourtant l’un des environnements les plus simples du monde pour l’étude de la volcanologie.
« C’est une véritable usine à croûte terrestre, poursuit l’universitaire. On peut examiner ce qui se passe dans les magmas depuis leur formation jusqu’à leur remontée à la surface… parce que les variables y sont très peu nombreuses. »
John Smellie est l’une des rares personnes à avoir visité l’île Saunders. Lors d’une expédition en 1997, il était en train de prélever des échantillons à son extrémité nord, quand il a remarqué que le panache du mont Michael était anormalement dense. « On aurait dit qu’il soufflait et haletait, et ces caractéristiques m’ont surpris », raconte-t-il. Cela lui a rappelé le mont Erebus, un volcan en Antarctique abritant un lac de lave permanent. Le scientifique et un de ses amis du British Antarctic Survey ont cherché à identifier une signature thermique correspondant au cratère sommital du mont Michael, grâce à un radiomètre embarqué à bord d’un satellite. Ayant observé des températures moyennes de 300 °C, tous deux ont supposé qu’ils avaient bien affaire à un lac de lave, l’un des phénomènes les plus rares de la volcanologie.
Le photographe Ryan Valasek nage en combinaison étanche, non loin de l’Australis. L’équipe a pu compter sur cet équipement pour se protéger des eaux glaciales de l’Atlantique Sud, dont les températures peuvent plonger en dessous de zéro. PHOTOGRAPHIE DE Renan Ozturk
Bien que le monde compte environ 1 350 volcans potentiellement actifs, la présence actuelle d’un lac de lave permanent n’est attestée que dans huit d’entre eux. En général, après une éruption, la lave exposée à l’atmosphère refroidit et forme un bouchon de roche compact, emprisonnant la chaleur et les gaz à l’intérieur (et risquant de déclencher une nouvelle explosion). Mais, dans les volcans à conduit ouvert, la cheminée qui relie la surface à la chambre magmatique en profondeur n’est pas obstruée. Pour qu’un lac de lave se forme, la pression doit être assez forte pour pousser la lave jusqu’à la surface. Et pour qu’il subsiste, la pression doit continuer à s’exercer, et le rapport entre la chaleur provenant de l’intérieur de la colonne de magma et le taux de refroidissement doit être parfaitement équilibré, afin de maintenir la lave en fusion. Pour John Smellie, c’est le mot « capricieux » qui décrit le mieux les niveaux de pression pompant la lave dans le cratère du mont Michael : « Elle va et vient, peut-être pendant des mois, mais nos recherches montrent qu’elle continue à s’exercer aussi pendant des mois. »
Parce que ces volcans à conduit ouvert permettent aux scientifiques d’échantillonner et d’analyser les gaz et la lave, ils sont considérés comme un laboratoire essentiel pour mieux comprendre les éruptions volcaniques et aider à les prévoir et à en limiter les risques.
En 2019, une autre équipe de volcanologues a utilisé des données satellitaires à haute résolution pour actualiser la découverte de John Smellie et détecté une anomalie de plus de 9 940 m2 de large à la surface du cratère. Comme Smellie, ils en ont déduit qu’il s’agissait d’un lac de lave. Leur étude a attiré l’attention d’une nouvelle professeure de volcanologie de l’University College de Londres, Emma Nicholson. Qui savait très bien que, si précise que soit l’imagerie satellitaire, le seul moyen de confirmer – et d’étudier –la présence d’un lac de lave était de gravir le mont Michael et de collecter des échantillons dans le cratère. Le fait qu’aucun géologue de terrain n’ait travaillé sur l’île Saunders depuis vingt ans a nourri sa motivation.
L’équipe érige des murs de neige pour protéger les tentes des vents violents. L’eau potable représentait un plus grand défi pour elle, qui avait prévu de faire fondre de la neige. Or celle-ci s’est avérée souillée par des composés chimiques provenant du volcan. PHOTOGRAPHIE DE Renan Ozturk
« Plus jeune, j’adorais me perdre, errer, explorer », raconte la volcanologue. Ses parents, tous deux de fervents randonneurs, l’ont encouragée à suivre sa passion pour l’aventure. Lors d’un séjour aux États-Unis avec sa famille, quand elle avait 6 ans, une excursion à la découverte du volcan du mont Saint Helens a été déterminante pour son parcours. « Tous les arbres étaient encore couchés dans une seule direction, se souvient-elle. Il y avait des cendres partout, même plus de dix ans après l’éruption. Je me rappelle avoir voulu comprendre quelles forces avaient bien pu créer ce paysage. »
En 2020, Emma Nicholson a rejoint une expédition d’étude des îles Sandwich du Sud. Après avoir jeté l’ancre au large de l’île Saunders, elle a tenté, avec d’autres scientifiques, la première ascension du mont Michael. Mais les mauvaises conditions météorologiques ont contraint l’équipe à faire demi-tour – un crève-coeur pour la volcanologue.
En novembre dernier,j’ai retrouvé celle qui était entre-temps devenue Exploratrice pour National Geographic dans les îles Malouines, pour un nouveau voyage sur l’île Saunders. La jeune femme avait monté une expédition pour réaliser la première ascension du mont Michael et la première étude de terrain de son cratère. L’Australis, voilier à moteur à coque en acier, nous attendait à quai à Port Stanley.
Notre expédition aurait semblé ridiculement petite au capitaine Cook. Ben Wallis, 43 ans, le capitaine australien, et deux autres membres d’équipage étaient à la manoeuvre. Emma Nicholson, avec ses collègues João Lages, 30 ans, géochimiste et volcanologue, et Kieran Wood, 37 ans, ingénieur en aérospatiale et spécialiste des drones déjà présent lors de l’expédition de 2020, formaient l’équipe scientifique. Le photographe Renan Ozturk, 43 ans, dirigeait une équipe de quatre personnes chargées de la communication. Enfin, Carla Pérez, 39 ans, alpiniste équatorienne et l’une des rares femmes à avoir atteint le sommet de l’Everest sans oxygène, devait conduire l’expédition pendant les phases d’ascension et de redescente du mont.
Le mont Michael crache un mélange de gaz, alors que l’équipe s’apprête à débarquer du matériel sur l’île. Le capitaine de l’Australis suit de près la météo de l’Atlantique Sud, précisant qu’ils n’ont guère le droit à l’erreur : « Personne ne peut venir vous chercher en cas de problème. » PHOTOGRAPHIE DE Renan Ozturk
Ben Wallis avait déjà emmené l’Australis dans les îles Sandwich du Sud. L’expérience avait été éprouvante. « Je préfère ne pas en parler », me dit-il sur le moment. Il n’était pas le seul à redouter cette partie de l’océan. Notre route frôlerait le passage de Drake, entre la pointe de l’Amérique du Sud et l’Antarctique, là où les océans Pacifique et Atlantique se rencontrent et forment les eaux les plus dangereuses de la planète. À cette latitude, aucune masse continentale ne vient entraver le vent ou les courants et la hauteur des vagues peut atteindre jusqu’à 12 m.
Des semaines après que je lui avais posé la question pour la première fois, le laconique capitaine a fini par me livrer un récit haletant : celui d’une traversée au cours de laquelle il avait survécu en pleine mer à une tempête dont les vents avaient dépassé les 145 km/h sur son anémomètre – avant qu’il cesse de le consulter.
Depuis plus de vingt ans qu’il naviguait sur des petits bateaux autour de la péninsule Antarctique, il effectuait régulièrement quatre ou cinq traversées aller-retour du passage de Drake chaque été. Mais il lui avait fallu plusieurs années, reconnaissait-il, avant de se sentir prêt pour entreprendre un nouveau voyage vers les îles Sandwich du Sud.
« Ce qui [les] rend différentes, c’est qu’elles sont hors du monde », m’expliqua Ben Wallis. En d’autres termes, ce chapelet d’îles se trouvait hors de portée des avions basés à terre, et peu de navires traversaient la région. Ce qui signifiait qu’« il n’y a personne pour venir vous chercher en cas de problème », conclut-il.
Quand nous avons pris la mer,le premier jour, les vents étaient faibles. Nous en avons donc profité pour nous détendre sur le pont, simplement couverts de coupe-vent. Mais, chaque jour, la température fraîchissait légèrement et nous y passions moins de temps. Au cinquième jour de notre traversée, l’île de Géorgie du Sud était en vue. L’endroit était autrefois un centre prospère de chasse à la baleine.
La guide de montagne Carla Pérez conduit les membres de l’équipe sur les derniers mètres de l’ascension qui fait d’eux les premiers à fouler le sommet du mont Michael. Derrière elle, Emma Nicholson transporte un appareil conçu pour échantillonner et mesurer les gaz volcaniques émis par le cratère. PHOTOGRAPHIE DE Renan Ozturk
Après un bref arrêt au port de Grytviken, où nous nous sommes enregistrés auprès des autorités britanniques qui gèrent le sanctuaire marin de la Géorgie du Sud et des îles Sandwich du Sud, nous avons quitté l’abri protecteur des côtes géorgiennes pour nous enfoncer plus avant dans l’Atlantique Sud. Des icebergs commençaient à apparaître à l’horizon. À l’aide du radar et protégés par la coque en acier du voilier, nous avons zigzagué dans le dédale formé par ces énormes écueils luisants, jusqu’à ce que, dans l’après-midi de notre huitième jour en mer, l’île Saunders surgisse brusquement du brouillard.
Minuscule croissant de 8 km de long émergeant de l’océan Atlantique Sud, l’île ne présente aucun mouillage sûr. Notre meilleure option restait la baie Cordelia, qui offre une protection minimale contre le vent et la houle, mais qui est aussi bordée de hauts-fonds que les cartes marines qualifient de « mauvais » et de « non hydrographiés ».
Alors que nous nous dirigions vers la terre, les nuages qui enveloppaient l’île étaient en train de se dissiper et nous avons pour la première fois aperçu le mont Michael : l’apparence basse, ramassée et presque parfaitement symétrique d’une montagne qui, sans offrir un spectacle grandiose, n’en était pas moins imposante.
Ben Wallis a fait passer l’Australis sous les falaises qui surplombent l’extrémité nord de la plage et a jeté l’ancre. Notre temps était compté : selon lui, nous pouvions rester seize jours tout au plus avant que les conditions météo nous obligent à partir. La tonne d’équipement stockée en toute sécurité dans le gaillard d’avant a été répartie entre nos cabines exiguës ; le matériel serait transporté en canot pneumatique jusqu’à la plage le lendemain matin.
Enveloppés par le brouillard et fouettés par le vent et la neige au sommet du mont Michael, Emma Nicholson (à gauche) et l’ingénieur en aérospatiale Kieran Wood utilisent un ordinateur portable connecté à une caméra thermique pour rechercher des indices de la présence de lave à l’intérieur du cratère. PHOTOGRAPHIE DE Renan Ozturk
Pendant les préparatifs, le photographe Ryan Valasek poussa soudain un cri depuis le pont : « Regardez-moi ça ! » Nous avons tous rejoint la timonerie : un nuage scintillant en forme de soucoupe apparut dans le ciel nocturne au-dessus du mont Michael. Mes yeux ont d’abord distingué des taches rouges et violet foncé dans la nuit étoilée. Le Soleil s’était couché depuis déjà deux heures. J’ai alors réalisé lentement que la lumière provenait de l’intérieur du volcan. Tandis que nous scrutions le ciel, la palette de couleurs semblait changer graduellement : le rouge brique vira à l’écarlate, puis à l’orange, le violet foncé s’adoucissant jusqu’à devenir pourpre. Dehors, les mains agrippées au bastingage, Emma Nicholson tremblait à la fois de froid et d’excitation. Le spectacle incandescent auquel nous assistions, projeté sur la face inférieure d’un nuage, fut la première manifestation concrète de ce qu’elle était venue chercher à l’autre bout du monde : de la lave.
Le matin, nous nous sommes levés tôt et avons revêtu des combinaisons étanches par-dessus plusieurs couches de polaire, pour résister aux températures glaciales de l’eau. Bien que la mer fut suffisamment calme pour nous permettre de sortir du canot pneumatique de 4 m de l’Australis et d’atteindre le rivage sans difficulté, le ressac était encore assez puissant pour risquer de submerger le bateau chaque fois que nous débarquions notre chargement.
D’énormes éléphants de mer australs et des phoques de Weddell plus petits reposaient au ras de l’eau, tandis que des milliers de manchots papous, de manchots à jugulaire et de pétrels géants occupaient les collines brunes et grises désolées séparant la mer des pentes enneigées de la montagne. Une cacophonie de criaillements résonnait à nos oreilles. Pour éviter toute guerre de territoire avec la faune, nous avons décidé d’établir notre camp de base sur un champ de neige peu profonde, à 750 m de la plage.
Ce soir-là, l’île Saunders nous a révélé son premier obstacle. En bordure du camp, João et Emma testaient l’acidité de la neige, que nous avions l’intention de faire fondre pour obtenir de l’eau buvable. Les résultats ont laissé Emma sans voix. L’eau de l’île – du moins, dans les environs immédiats du camp – n’était pas potable.
Une vague charriant des morceaux de glace déferle sur Renan Ozturk, alors qu’un canot l’attend pour le ramener vers l’Australis. La météo a en effet contraint des membres de l’équipe à nager au-delà des brisants pour quitter l’île.
PHOTOGRAPHIE DE Matt Irving
Lors de la première nuitsur place, alors qu’elle était allongée à côté de Carla dans leur tente, les idées n’ont cessé de trotter dans la tête d’Emma. L’absence d’eau potable obligerait à mettre fin à l’expédition si une autre source d’eau ne pouvait être trouvée. Mais cette neige souillée faisait aussi partie des raisons pour lesquelles elle était revenue sur l’île Saunders.
Environ un dixième de l’humanité vit dans un rayon de 96 km autour d’un volcan et est confronté à toute une série de risques potentiels liés à l’activité volcanique. Tout aussi menaçants que les éruptions, mais pourtant bien moins étudiés, figurent les effets à long terme de la consommation d’eau et de l’inhalation d’air contaminés par les volcans à conduit ouvert, qui expulsent souvent un mélange de gaz. La vapeur d’eau et les dioxydes de carbone et de soufre constituent en général plus de 90 % du panache d’un volcan. Mais, quand la lave est proche de la surface, elle émet aussi du fluor, du chlore et du brome – des éléments très acides. Les pentes de neige du mont Michael constituent une zone de prélèvements idéale pour évaluer l’impact de tels volcans sur la nappe phréatique. « Il n’y a pas de sources externes de pollution », a souligné Emma Nicholson, expliquant que presque « tous les produits chimiques mesurés dans la neige ou les eaux souterraines viennent du volcan ».
Une meilleure compréhension de ce processus pourrait permettre d’aider les populations vivant dans ces environnements à trouver des solutions à long terme, notamment en matière de traitement de l’eau et d’alertes ciblées sur la qualité de l’air. Mais, pour étudier correctement ce phénomène durant les quelques jours dont elle disposait sur l’île Saunders, la volcanologue devrait prélever systématiquement des échantillons sous le panache de fumée depuis l’intérieur du cratère jusqu’au sommet du volcan.
Le lendemain, Carla constitua une équipe pour remédier au problème d’eau potable. En canot pneumatique, l’équipage transporta près de 500 l d’eau produite par le dessalinisateur de l’Australis jusqu’à la plage, que l’équipe de Carla achemina sur 750 m jusqu’au camp. Pendant ce temps-là, Emma, Kieran et moi avons passé la journée à explorer la montagne et à prélever des échantillons de neige.
Cette nuit-là, dans sa tente, dont la toile claquait sous le vent, Emma Nicholson fit soigneusement fondre chaque échantillon de neige, y ajoutant ensuite de l’acide nitrique pour en préserver la composition en vue de son étude en laboratoire – une opération délicate avec un produit chimique hautement corrosif utilisé à l’intérieur d’un abri secoué par les rafales.
Sous sa tente, Emma Nicholson ajoute un stabilisateur chimique pour préserver les échantillons d’eau recueillis sous le panache du volcan qu’elle étudiera dans son laboratoire. On en sait peu sur les risques sanitaires à long terme liés à l’exposition aux éléments à l’état de traces libérés par les volcans à conduit ouvert. PHOTOGRAPHIE DE Renan Ozturk
Le lendemain, nous avons effectuénotre première tentative d’ascension du mont Michael. Alors que nous nous trouvions à 60 m du sommet, un signal d’alarme aigu nous transperça les oreilles malgré le rugissement du vent. Emma et Carla portaient des capteurs pour nous avertir de la présence de dioxyde de soufre. Nous avons enfilé les encombrants respirateurs sous nos lunettes de ski et avons poursuivi l’ascension.
À mesure que nous grimpions, les conditions météo se détérioraient. Le vent se renforçait, et d’épais nuages recouvraient la montagne. Kieran tenta de lancer un drone équipé d’un capteur thermique, qui se retrouva immédiatement pris dans des vents tourbillonnants, avant d’être récupéré en hâte. D’autres équipements souffrirent aussi : plusieurs appareils photo rendirent l’âme et un GPS portable se dérégla.
« Nous devons nous encorder », m’a crié Carla, indiquant que l’opération était nécessaire au cas où des crevasses seraient dissimulées sous la neige. Nous nous sommes tous attachés à la corde et j’ai conduit le groupe dans la pénombre.
Après avoir tâtonné sur une trentaine de mètres dans la tempête, il m’a semblé trouver le bord du cratère, mais, entre les vents de 100 km/h et l’épais brouillard, je n’arrivais pas à voir plus loin que ma main. Le reste du groupe m’a rejoint. Emma a sorti de son sac un instrument de la taille d’une mallette auquel étaient fixés plusieurs petits bouts de tuyaux flexibles : il s’agissait d’un capteur qui enregistrerait les principaux gaz du panache. Kieran a poursuivi son ascension pour reconnaître les lieux.
Dix minutes après avoir disparu dans le nuage, il est revenu, tout sourire : « C’est beaucoup mieux là-haut. Je crois que j’ai trouvé le sommet. »
Emma Nicholson et João Lages observent l’intérieur du cratère du mont Michael. Les parois abruptes et les couches de cendres témoignent d’éruptions antérieures. « Il est clair qu’il a eu un passé bien plus explosif que ce que nous voyons aujourd’hui », note la volcanologue. PHOTOGRAPHIE DE Renan Ozturk
Un peu plus tard, nous nous sommes tous serrés dans les bras, sur le point culminant de la montagne. Le ciel était bleu, mais d’épais nuages remplissaient le cratère, semblable à un chaudron de sorcière. L’idée d’en explorer l’intérieur dans ces conditions – ou d’attendre que le temps se lève – semblait absurde.
Nous avions accompli la première ascension, mais nous n’avions toujours aucune idée de ce que le volcan renfermait.
Le jour suivant, nous nous sommes entassés dans une tente pour examiner les prévisions et discuter des options. Par radio depuis l’Australis, Ben nous informa qu’un système dépressionnaire arrivant dans quelques jours provoquerait des « conditions de mer dangereuses » – c’était la première fois que nous l’entendions utiliser cette expression. Nous espérions rester quelques jours de plus, mais il était temps de quitter l’île Saunders. Pourtant, Emma tenait absolument à retourner au sommet. Entre les pannes d’équipement et les conditions extrêmes, elle n’avait pu recueillir avec Kieran qu’une petite quantité de données. « Nous n’avons toujours pas résolu le mystère de l’existence d’un lac de lave au sommet du mont Michael », a souligné la volcanologue. Et puis elle n’avait pas collecté suffisamment d’échantillons de glace et de gaz pour pourvoir étudier l’influence du volcan sur l’eau.
Malgré tout, il restait une lueur d’espoir : une accalmie était prévue avant l’arrivée du prochain système dépressionnaire. Nous avons alors décidé de diviser l’équipe en deux : Kieran et moi lèverions le camp pendant que Carla reconduirait Emma, Renan et João au sommet. Si tout se passait bien, ils descendraient directement du sommet jusqu’à la plage, où le canot nous ramènerait à l’abri, à bord de l’Australis.
La traction de Carla sur la corde atteint Emma au moment où elle tente d’obtenir une vue dégagée du fond du cratère du mont Michael, espérant apercevoir une tache orange lumineuse en contrebas. Même si elle désire ardemment confirmer la présence du lac de lave, il reste d’autres tâches scientifiques importantes à accomplir, notamment les prélèvements de gaz. L’équipe a placé le dispositif d’échantillonnage dans la partie la plus épaisse du panache, afin d’enregistrer les concentrations de gaz les plus élevées, qui fourniront une mine de données.
Des collègues de João, à l’université de Palerme, ont mis au point le capteur pour un tel cas de figure et, alors qu’il installe le dispositif au bord du cratère, le chercheur, d’ordinaire réservé, pousse un hurlement perçant, entre cri d’extase et cri de guerre.
Carla Pérez regarde le coucher du soleil depuis l’Australis, alors que le voilier tangue dans des vagues de 4,5 m. Le trajet retour de l’île Saunders à Port Stanley, dans les Malouines, aura duré onze jours. L’équipage a dû affronter les vents dominants et une mer agitée. PHOTOGRAPHIE DE Renan Ozturk
Un peu avant, Renan Ozturk a décidé lui aussi de se risquer à faire voler le drone une dernière fois, malgré les vents imprévisibles. Alors qu’il s’efforce encore de manoeuvrer le petit appareil, l’écran du contrôleur de vol dévoile au même moment le fond noirci du cratère. Le vent s’est calmé, et voici qu’il apparaît : le neuvième lac de lave actif du monde.
L’ovale rougeoyant ressemble plus à une mare, mais Emma peut enfin pousser un soupir de soulagement : « C’est manifestement de la lave proche de la surface, explique la volcanologue, qui alimente le panache de gaz que nous sommes en train de mesurer. » Pendant ce temps, loin en contrebas, un reflet gris recouvre la mer. Des morceaux de banquise ayant dérivé au nord depuis l’Antarctique cernent la baie Cordelia. Certains ont la taille de petits rochers, d’autres sont aussi gros que des réfrigérateurs. « Il y a mieux comme conditions », commente par radio Dave Roberts, le second de Ben Wallis.
Comme il est trop dangereuxde débarquer l’annexe sur la plage, Kieran et moi, vêtus de nos encombrantes combinaisons étanches, tirons notre matériel à travers les déferlantes jusqu’au canot pneumatique ancré non loin du rivage. Pendant des heures, l’équipage fait de nombreux allers-retours pour transborder nos équipements sur l’Australis. Enfin, Emma, Carla, Renan et João nous rejoignent sur la plage pour nous annoncer la nouvelle de la découverte du lac de lave. Mais nous n’avons pas le temps de célébrer l’événement.
Une heure avant le coucher du soleil, alors que la plage est plongée dans la pénombre, nous réalisons que nous allons devoir quitter l’île à la nage. Plus tôt pendant le voyage, j’avais plaisanté sur cette possibilité – mais à ce moment précis, cela ne faisait plus rire personne.
L’un après l’autre, les membres de l’équipe enjambent les morceaux de glace, puis, entre deux vagues aussi hautes qu’eux, tentent de nager jusqu’au canot pneumatique. Au moment où nous ne sommes plus que trois sur la plage, il fait nuit noire. Un petit point lumineux danse dans le noir d’encre : ce sont Ben et Dave qui nous attendent dans le canot, au-delà des brisants. Ils sont à moins de 30 m, mais, dans l’obscurité, avec les vagues et le champ de mines des morceaux de glace, j’ai l’impression que des kilomètres nous séparent.
« Nous sommes prêts à vous récupérer », grésille la voix de Ben dans la radio. Je glisse celle-ci dans ma combinaison étanche, puis nous nous prenons par les bras João, notre cameraman Matt Irving et moi, et entrons dans l’eau. Après quelques pas, une vague puissante nous renverse. Je bois la tasse. À peine remonté à la surface, me voilà embarqué par la houle vers la vague suivante. La tête de nouveau sous l’eau, j’espère ne pas me faire assommer par un bloc de glace. Le froid me mord le visage. En rouvrant les yeux, je distingue le mont Michael qui se dessine dans le ciel nocturne, mais le halo irréel qui l’entourait jusque-là a disparu.
Maladroitement, je nage comme je peux en direction du point lumineux. Puis je sens les mains de Dave, des mains de marin incroyablement fortes, m’extraire de l’eau et me déposer sur le fond du canot qui tangue. Ben remet alors les gaz et nous emmène. Direction l’Australis – et la maison.
Marche du Contrafestejo, 12 octobre 2024. Photo : Nicolás Parodi / Page 12
Le gouvernement entend éliminer l’urgence territoriale autochtone qui suspend les expulsions et promeut des projets de consultation des communautés autochtones et de droit de la propriété qui exigent que les communautés aient un statut juridique pour reconnaître leurs droits. Dans le même temps, il abroge le registre qui fournit lesdites entités juridiques et sanctionne le régime d’incitation aux grands investissements visant à promouvoir l’extractivisme dans les territoires autochtones. La triade est implacable : capital financier, (dé)régulation territoriale et suspension du statut juridique comme verrou. Ce qui est nouveau, ce n’est pas le fond, mais les formes : la rapidité de la cruauté. Par Alexia Campos* |Débats Indígènes.
Source : https://www.anred.org/un-desprecio-sin-descanso-la-ofensiva-de-milei-contra-los-derechos-indigenas/ Traduit de l’espagnol par l’association Karukinka
« Il n’y a pas de répit, vieux » « Chaque jour, une nouvelle mauvaise décision », lit-on dans les groupes WhatsApp qui rassemblent militants indigènes et indigénistes. Le gouvernement a abrogé la résolution 4811/96 qui réglementait le Registre national des communautés autochtones, un instrument administratif destiné à enregistrer le statut juridique des communautés. Cet enregistrement est un droit et non une obligation, vu et compte tenu du caractère préexistant des peuples autochtones reconnu par la Constitution nationale. La résolution suspend également toutes les demandes en attente des communautés et « invite » les juridictions provinciales à célébrer les accords visant à unifier les critères d’inscription. De cette manière, l’Exécutif National n’enregistrera plus les communautés, se détachant ainsi de ses obligations légales.
Quelques jours plus tard, on divulgue un projet de décret signé par le chef de l’Unité du Cabinet Consultatif du Ministère de la Sécurité, qui propose d’abroger l’état d’urgence concernant la possession et la propriété des terres traditionnellement occupées par les communautés indigènes du pays. Cette mesure affecte la loi 26.160, votée en 2006, qui suspend l’exécution des ordonnances, des actes procéduraux ou administratifs, dont le but est l’expulsion ou la vacance des terres indigènes. La loi avait été prolongée par décret à trois reprises et à nouveau en 2021 par Alberto Fernández, compte tenu de l’effondrement imminent de la loi faute d’accord au Parlement. Ce décret est valable jusqu’en novembre 2025, mais le gouvernement Milei a déjà écrit sa chute bureaucratique imminente.
La loi d’urgence 26 160 est un outil clé permettant aux peuples indigènes d’empêcher qu’ils soient expulsés de leurs terres. Photo de : Silvana Colombo
La défense du sacré
Deux jours seulement après la fin du procès, ils ont communiqué les motifs de la condamnation des membres de la communauté Lof Lafken Winkul Mapu. Ce sont les événements survenus en novembre 2017 autour de la récupération territoriale réalisée par la communauté des terres relevant du domaine des Parcs Nationaux. Ils sont condamnés à deux ans de prison pour le délit d’« usurpation par dépossession », considérant que la communauté a empêché l’accès à la propriété par les forces de sécurité et les Parcs Nationaux. Nous sommes confrontés aux mêmes événements où la Préfecture a assassiné d’une balle dans le dos le jeune militant mapuche Rafael Nahuel. Il avait 22 ans. Mais il y a toujours une raison plus profonde.
Après un processus de renforcement spirituel et de levée du rewe (site cérémonial et sacré du peuple Mapuche), les membres de la communauté Lafken Winkul ont pris la décision de récupérer leur territoire pour une problématique qui nous précède tous, même eux : l’une des les membres ont été choisis par les ancêtres pour servir d’autorité spirituelle.
La communauté Winkul a entamé le processus de récupération des terres du domaine des Parcs Nationaux car le rewe, leur site cérémoniel, devait y être implanté. Il s’agit de terres contestées par les gouvernements, les évêchés, les hommes d’affaires locaux et les intérêts immobiliers.
« Je n’ai pas choisi ce rôle, mais un autre machi m’a découvert avant ma naissance. Dès le ventre de ma mère, j’ai eu ce rôle désigné. Quand le moment est arrivé, j’ai commencé à me préparer pour mon rôle ; C’est un esprit machi que je ne peux pas nier ou ignorer. Le lien avec le lieu existait bien avant le début du dossier», raconte Betiana Colhuan dans la caserne militaire transformée en salle d’audience.
Le machi est l’une des autorités politiques et spirituelles du peuple mapuche. Son rôle est d’assurer la santé physique et spirituelle de la communauté et de ses membres, ainsi que le soin du territoire qui nécessite le lien avec les êtres non humains qui le protègent. La communauté Winkul a entamé le processus de récupération territoriale des terres du domaine des Parcs Nationaux car le rewe, leur site cérémoniel, devait y être implanté. Il s’agit de terres disputées par différents acteurs : gouvernements, évêchés, hommes d’affaires locaux et intérêts immobiliers. Ce sont les nouveautés et les forces qui ont marqué les lieux.
La machi Betiana Colhuan avec d’autres référentes mapuches de la communauté Lafken Winkul assignées à résidence au Centre Mapuche de Bariloche en octobre 2022. Photo : Eugenia Neme / lavaca
Des projets de loi qui violent les droits
Deux projets de loi sur la propriété des communautés indigènes (PCI) sont en cours de promotion au Congrès national. D’une part, le projet 2390-D-2024 a été présenté par la députée Roxana Monzón, du parti Unión por la Patria ; D’autre part, le projet 0331-D-2024 a été promu par le représentant Gerardo Milman du parti Proposition Républicaine. Bien que les deux partis politiques aient une idéologie, une histoire et une tradition opposées, ils s’accordent sur l’apparente urgence de réglementer l’accès aux terres des peuples autochtones.
Le projet Monzón régule des droits déjà inclus dans le système juridique actuel et n’avance pas dans l’apport de solutions et de sécurité juridique aux problèmes historiques subis par les peuples et communautés autochtones : pression immobilière, pillage des ressources naturelles, dépossessions et expulsions arbitraires. Elle ne reconnaît pas non plus le territoire dans son aspect large puisqu’elle ne le couvre pas dans toutes ses dimensions et caractéristiques (espace aérien, sous-sol et gestion des ressources naturelles). En outre, il limite la reconnaissance des biens communautaires indigènes au processus d’enregistrement de la personnalité juridique de la communauté lorsque le cadre juridique établit que la personnalité est déclarative et non constitutive. Le projet ne dit rien non plus sur les modalités d’acquisition du PCI et reste muet sur les sites sacrés et de cultes.
Bien qu’il définisse et aborde le territoire sur la base de normes internationales, le projet de Milman contient des articles problématiques concernant l’accès des personnes à la terre. L’article 15 donne au pouvoir exécutif le pouvoir de demander l’expulsion judiciaire des communautés en cas de dissolution ou d’annulation du statut juridique. De son côté, l’article 14 dispose : « Le membre d’une communauté attributaire d’un terrain qui l’abandonne ne peut revendiquer aucun droit sur les biens communautaires. » Ce qui précède ne répond pas aux situations de fait qui se produisent dans les territoires autochtones face à l’avancée de la frontière productive, à l’installation de grands projets extractifs et aux situations de pauvreté et de violence qui permettent des migrations forcées. De plus, cela contredit les normes internationales qui déterminent que les droits territoriaux ne prescrivent pas, tant que subsiste le lien spirituel avec la terre (arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme Yakye Axa vs. Paraguay).
Les communautés indigènes du Salar del Hombre Muerto résistent judiciairement à l’avancée de l’exploitation minière du lithium sur leur territoire ancestral. Photo : Susi Maresca / Vice
Un verrou sur la reconnaissance et l’exercice des droits
Le 28 octobre 2024, le gouvernement de la province de Río Negro a présenté un projet qui est rapidement devenu loi : « Procédure de convocation pour réaliser la consultation préalable, libre et informée des communautés indigènes qui se trouvent dans la zone d’influence et qui ont un statut juridique reconnu par l’autorité provinciale. Nous sommes confrontés à un protocole de consultation (sans consultation) qui fixe un délai de 40 jours, en contradiction avec les normes internationales actuelles qui exigent que les processus soient culturellement appropriés et respectent les époques, les institutions et les formes de gouvernement.
Par ailleurs, le travail du coordinateur du Parlement Mapuche-Tehuelche de Río Negro, Orlando Carriqueo, explique que seulement 40% des communautés qui habitent la province ont un statut légal. Ce qui précède n’est pas un fait mineur lorsqu’on analyse les projets législatifs du PCI et de la consultation, qui nécessitent un statut juridique pour reconnaître les droits collectifs des peuples et des communautés. En abrogeant le registre d’enregistrement, le gouvernement construit un verrou institutionnel concernant la reconnaissance et l’exercice des droits. Rien de plus anticonstitutionnel et loin des standards internationaux.
« Ce projet a mal abouti car c’est une décision unilatérale sans dialogue interculturel. Le projet a été rédigé par le gouverneur avec certaines sociétés minières pour promouvoir l’industrie extractive et restreindre les droits des communautés », explique le werken.
Selon le protocole, les décisions du processus de consultation ne seront pas contraignantes et seront basées sur l’Affidavit de bonnes pratiques qui doit être présenté par le propriétaire du projet. Ainsi, tout le processus de consultation reposera sur ladite déclaration, qui devra contenir le minimum d’informations et de documentation. « Ce projet a mal abouti car c’est une décision unilatérale sans dialogue interculturel. Le projet a été rédigé par le gouverneur avec certaines sociétés minières pour promouvoir l’industrie extractive et restreindre les droits communautaires et collectifs. Nous avons fait deux présentations en déclarant que c’est clairement inconstitutionnel», expliquent les travailleurs du Parlement Mapuche-Tehuelche.
Les projets de loi PCI, le protocole de consultation et l’abrogation de l’urgence territoriale indigène qui suspend les expulsions, sont élaborés dans un contexte où le gouvernement a réussi à transformer en loi le régime d’incitation aux grands investissements (RIGI). Ce sont de formidables avantages fiscaux pour les entreprises afin de stimuler les investissements dans le pays. Il garantit la stabilité monétaire, financière et douanière pendant 30 ans, ainsi que l’absence d’obligation de liquider sur le marché les bénéfices obtenus après quatre ans. Les spécialistes mettent en garde contre l’élimination de la matrice productive industrielle comme effet à moyen terme, transformant l’Argentine en un simple exportateur de matières premières, qui se trouvent pour la plupart dans des territoires indigènes.
Le Werken de la Coordination du Parlement Mapuche-Tehuelche de Río Negro Orlando Carriqueo explique que seulement 40% des communautés qui habitent la province ont un statut légal. Photo de : Al Margen
Face à l’offensive : organisation, audace et temps
Le 11 novembre, l’Argentine a été le seul pays de l’ONU à voter contre une résolution sur les droits des peuples indigènes. Sur la base des principes du Programme 2030, plusieurs pays ont promu une résolution qui reconnaît la nécessité impérative pour les peuples autochtones de participer aux programmes de développement, de paix, de sécurité et de justice. Le document met l’accent sur le renforcement de la protection et de la promotion des droits humains des personnes, ainsi que sur l’obligation des entreprises de les respecter, sur la base du principe de responsabilité sociale et environnementale. Interrogé sur le vote négatif, Milei a déclaré que son gouvernement s’opposait à toute action allant à l’encontre de la liberté et de la souveraineté nationale.
En réponse, le mouvement indigène organisé a publié une déclaration intitulée « Un vote contre cela n’efface pas notre préexistence ni nos droits », dans laquelle ils dénoncent une politique d’État d’« effacement et d’anéantissement » des peuples indigènes d’Argentine. Ils soulignent que le vote contre ne dispense pas le pays de respecter et de se conformer à chacun des engagements internationaux ratifiés qui génèrent une obligation internationale.
La matrice de l’État argentin a toujours été génocidaire, colonialiste, raciste et capitaliste. La nouveauté réside plutôt dans l’avancée du mépris sans répit et sur tous les fronts possibles, obstruant et affaiblissant l’espace de réaction.
Les violations des droits décrites dans cette chronique se sont produites entre septembre et novembre 2024. En Argentine, nous vivons aujourd’hui dans un état d’alerte permanent, où des incendies incontrôlés se produisent chaque jour. L’urgence devient une structure structurante. L’immédiat façonne les processus organisationnels et la vie personnelle, générant un climat de vertige, de frustration, de désespoir et de confusion permanente. Une certaine manière de se rapporter au présent, et donc au passé et au futur, s’impose d’en haut. Le projet économique du Gouvernement a pour objectif idéologique et politique de neutraliser la résistance en brisant le cadre épistémique d’une vision généalogique et processuelle de l’histoire, et toute possibilité d’imaginer et de construire un horizon émancipateur.
Ce qui est nouveau, ce n’est pas la politique de pillage et d’accumulation par la dépossession accumulée auprès de l’appareil institutionnel du pouvoir. La matrice de l’État argentin a toujours été génocidaire, colonialiste, raciste et capitaliste. La nouveauté réside plutôt dans l’avancée du mépris sans répit et sur tous les fronts possibles, obstruant et affaiblissant l’espace de réaction. Une stratégie de guerre typique de la légalité. À ce jour, la communauté Winkul continue de résister au territoire récupéré. Il n’y a pas de temps pour l’urgence. Le passé, le présent et le futur se produisent simultanément. Demain, nous nous attendons à un nouvel incendie. Il y a des éclairs qui éclairent le chemin.
Alexia Campos est avocate et titulaire d’une Maîtrise en Anthropologie Sociale (CIESAS). De plus, elle est activiste et défenseuse des droits humains. Mail: alexiacamposbasualdo@gmail.com
Mi-novembre, nous voici au mouillage dans la baie de Praia, la capitale de l’archipel du Cap Vert, pays indépendant depuis 1971. La descente vers le sud est déjà bien entamée puisque nous sommes désormais à la latitude de Dakar (Sénégal).
L’arrivée s’est faite de nuit en longeant les îles de part et d’autre sans les voir. Nous pensions croiser des pêcheurs ou apercevoir des phares mais rien, seuls de rares halos lumineux au loin nous donnaient l’indication de présences humaines et pas un nuage pour annoncer les îles. Nous en avons conclu que ces îles étaient préservées de la pollution lumineuse et peu habitées. Cette arrivée, aux lueurs de la ville endormie et dans le plus grand calme, s’est faite sans même réveiller les équipers calés dans leurs couchettes. Avant d’aller se reposer, nous jetons un oeil au grand drapeau du Cap Vert qui surplombe une falaise située face au navire. Quelques chiens se répondent dans le lointain, rappelant à Toupie qu’elle n’est maintenant plus seule à des milles à la ronde !
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Pendant la première journée, l’équipage reste à bord, après une grasse matinée bien méritée et en attendant les formalités d’entrée dans le pays accomplies. En début d’après-midi, sous une chaleur écrasante malgré le vent, un nouvel équipier nous rejoint : François. C’est la deuxième fois qu’il vient faire un stage à bord puisqu’il était de l’équipe Pornichet-Dublin en avril dernier. Cette fois avec des températures toutes autres, il est ravi de retrouver sa cabine tribord et l’équipage du Milagro ! Nous fêtons ça en improvisant des mojitos avec un rhum des Canaries.
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Puis il faut commencer à remettre en ordre le navire : gros ménage, lessives et avitaillement en nourriture. Damien et Lauriane se chargent des formalités administratives. Elles sont multiples puisqu’il faut se présenter à la police maritime, puis à l’immigration. Les bureaux n’étant pas toujours ouverts et aucun horaire indiqué, l’attente se fait parfois longue ! En rentrant de ces démarches, Lauriane nous trouve un improbable « taxi privé » qui simplifiera grandement nos déplacements : Djonni ! Entre musique à fond et conduite parfois en mode rallye dans les rues de Praia, il y a de l’ambiance !
Nous passons quelques jours à Praia pour se reposer et s’acclimater à la chaleur. Le spinnaker qui avait quelques égratignures suite à sa baignade imprévue est réparé (couture + scotch à voile) afin d’être à nouveau utilisé lors de la transatlantique. Deux équipiers rentrent en France avant qu’Etienne ne nous rejoigne depuis Bilbao.
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Juliane, la montagnarde du bord, grimpe à plusieurs reprises en haut du mât pour vérifier la poulie et la sortie de mât avant de passer une nouvelle drisse toute neuve en dyneema (encore merci Toni!). Ce qui s’avère simple présenté en quelques mots a quand même été plus pénible que prévu. Le mât de Milagro fait 21m et, la drisse précédente ayant cassé, le restant était retombé dans le mât sans pouvoir servir de guide à la nouvelle. D’où l’idée de faire descendre un petit bout avec un plomb à son extrémité. Sauf qu’à deux reprises le plomb bloque au niveau des barres de flèches et impossible de le remonter ou descendre. Après quelques essais la petite caméra du bord ne nous donne pas non plus de réponse au « pourquoi ça bloque » et finalement, après une petite sieste, Damien tente un énième passage et cette fois ça fonctionne : la nouvelle drisse est en place et pile dans les temps pour prendre l’annexe direction le petit bistrot de la plage afin de boire une Strela Kriola bien fraîche.
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Comme chaque soir nous débarquons les pieds dans l’eau (et parfois plus avec la houle) et sommes accueillis par le petit groupe d’hommes et leur meute de chiens qui vivent sur cette plage et veillent, contre petite rémunération, sur notre annexe. Le jour précédent l’arrivée d’Etienne nous aurons la chance de dîner avec une tourterelle blottie au calme dans les mains de Lauriane (elle et les oiseaux…) et au son de la musique cap-verdienne, dont vous pourrez écouter un petit extrait ici (pour les mélomanes exigeants, c’est une prise de son avec le téléphone…).
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Le lendemain nous partons au marché municipal, celui situé sur le Plateau et qui regorge de personnes, de bruits, de produits inconnus et de parfums. Les fruits et légumes sont exposés mais aucun prix n’est affiché ! Notre chauffeur de taxi privé ne nous ayant pas suivi et notre portugais étant plus que rudimentaire, le prix payé après calcul du change nous paraît totalement prohibitif, à nous l’étiquette de touristes ! Nous repartons les sacs remplis de produits locaux : maracuja, farine de manioc, fleurs d’hibiscus séchées (pour le bissap), graines de baobab, pommes-cannelle… Au retour, Djonni, notre chauffeur de taxi, viendra à bord et sera refait de pouvoir faire un réel Instagram depuis le pont du navire : la jeunesse ici a les mêmes préoccupations que sur le vieux continent! Comme à chaque aller-retour nous nettoyons méticuleusement tout pour éviter qu’un passager clandestin potentiellement envahissant ne prenne place : le cafard. Ils sont nombreux, à la nuit tombée, à se faufiler un peu partout autour de nous, d’où notre grande crainte d’en embarquer malencontreusement un à bord.
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Un dernier grand coup de ménage est fait pour nettoyer l’intégralité du bateau pendant que les formalités de sortie du territoire sont faites et nous levons l’ancre en direction du sud de l’île Santiago pour passer la nuit. Le lendemain matin, après baignade évidemment (l’eau est à 28 degrés…), nous partons en direction de l’île Brava (4000 habitants) pour un dernier stop avant le Brésil et en laissant dans notre sillage l’île volcanique Fogo.
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Cette petite île est réputée pour être l’une des plus belles du Cap Vert et nous confirmons bien que la baie de Tantum est somptueuse avec ses barques colorées et le village de pêcheurs qui la surplombent. Après pêche d’une magnifique carangue par Etienne, nous nous mettons en route. L’arrivée dans le village se mérite, avec une descente de l’annexe à la nage (impossible de débarquer l’annexe avec la houle) et une montée sèche sous un soleil de plomb. De là nous nous rendons dans le centre du village et demandons comment rejoindre Nova Sintra, la « ville » principale, pour visiter et tenter de trouver quelques produits frais encore, ceux du marché pourrissant déjà les uns après les autres… En l’espace d’un quart d’heure nous nous retrouvons comme des sardines en boîte dans le minibus scolaire, entourés d’enfants étrangement silencieux : notre présence les rend muets ce qui fait bien rire le chauffeur. Nous voyons défiler les kilomètres sur des routes escarpées et pavées. Plus nous gagnons en altitude plus la végétation devient luxuriante, avec des manguiers, papayers, ipomées, yuccas, ficus et grands hibiscus. Nous arrivons à destination une demi-heure plus tard et découvrons LA boisson cap-verdienne : l’Actimalt. Bien frais sur le chemin du retour, c’est un régal ! Puis ce sera retour sur la plage chargés comme des mules et un chargement de l’annexe assez épique, tous en maillots et aidés par les pêcheurs pour passer un à un les sacs de nourriture. Après une bonne nuit nous levons l’ancre accompagnés par les voeux de bon voyage des pêcheurs que nous croisons au sortir de la baie et avec l’envie de revenir au Cap Vert plus longuement car entre les paysages et l’accueil des habitants, cette étape est vraiment à ne pas manquer.
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Rdv d’ici quelques jours depuis l’autre hémisphère : sous le soleil du Brésil à Salvador de Bahia!
1 100 km en Antarctique pour mieux comprendre l’évolution de la calotte glaciaire
Les processus physiques à l’œuvre dans la formation des nuages et des précipitations de neige au-dessus de la calotte polaire Antarctique sont encore mal connus.
Co-piloté par le CNRS, le CEA, l’EPFL et l’École polytechnique, le projet AWACA déploiera une instrumentation innovante sur le terrain, appuyée par l’Institut polaire français, afin de mieux caractériser le cycle de l’eau atmosphérique au-dessus de l’Antarctique.
Ces mesures seront utiles pour mieux prévoir le devenir de la calotte glaciaire antarctique dans un climat plus chaud.
De début décembre 2024 à mi-janvier 2025 seront déployés l’ensemble des systèmes d’observation du projet AWACA en Antarctique. Autonomes et capables d’opérer en continu pendant trois ans dans des conditions climatiques extrêmes, ces instruments novateurs seront installés le long d’un axe de 1 100 km entre les stations Dumont d’Urville et Concordia. Ils permettront d’étudier pour la première fois à cette échelle les processus météorologiques impliqués dans l’accumulation de neige en Antarctique afin de mieux prévoir l’évolution de la calotte glaciaire sur les 100 prochaines années. Cette mission ambitieuse est supervisée par des scientifiques du CNRS, du CEA, de l’École polytechnique de Paris et de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Le déploiement de ces instruments, véritable défi logistique, est géré par les équipes de l’Institut polaire français. Ces travaux bénéficient du soutien financier du Conseil européen de la recherche.
El grito de la tierra (le cri de la terre) se réunira la semaine prochaine à Tolhuin : le samedi 7 décembre à 19h au resto bar « Punto de Encuentro ».
Le programme de cet événement artistique comptera avec la présence de la Dr. Soledad Finck et de la Communauté Côtière de Terre de Feu (Grande Île de Tierra del Fuego) qui présenteront une table de conscientisation relative à l’environnement.
Ensuite, plusieurs artistes fuéguiens, musiciens (Freddy Gallardo, Karina Valdéz, No Hay Sistema) et poètes (Franco Riquelme, Sol Rodríguez, Sol Araujo, Jere Maumary, Joaquín Rizzuti et Alejandro Pinto), présenteront leurs créations, en parallèle des expositions de Lioren Burgo Wallner et Jesu Gómez et des présentations d’entreprises locales (Soma, Kau Kren Artesanías, HI-CA, Punto de Encuentro, Klóketen Tintea).
Un rendez-vous à ne pas manquer si vous êtes en Terre de Feu !
Le juge fédéral Rafecas estime que le procès pour la vérité initié par Lamngen Ivana Huenelaf contre la politique d’extermination impliquée par la campagne « Conquête du désert » doit être traité devant la Justice Fédérale de Neuquén.
La plainte a été déposée par Ivana Noemi Huenelaf, une femme indigène Mapuche Tehuelche, de son propre chef et conjointement avec son avocat parrain, l’avocat Fernando Cabaleiro. Dans sa présentation, elle demande qu’un procès pour la vérité soit initié pour enquêter sur la commission d’événements qui entreraient dans le cadre légal du « génocide », commis par l’État argentin au cours des années 1878 et 1890, durant ce qui a été appelé la politique d’État « Conquête du Désert », définissant ledit processus comme un objectif systématique, planifié et prémédité d’extermination de tous les membres des peuples indigènes Mapuche, Tehuelche, Pampa et Ranquel qui habitaient les territoires de la région bio patagonienne-pampéenne.
Il y est indiqué que ce plan « comprenait des fusillades, des disparitions et des abandons de populations indigènes, la coercition illégale, la torture, des actes cruels et inhumains visant à causer la mort ou des atteintes graves à l’intégrité physique et mentale, le recrutement de femmes, de personnes âgées, de garçons, de filles et d’adolescents avec transferts et déplacements forcés vers des camps de concentration, discipline, dépersonnalisation et annulation de la langue, de la culture et des croyances, vol de leur identité ancestrale, désintégration et séparation des communautés pour éviter les naissances au sein des familles indigènes, appropriation des mineurs puis soumission à la servitude, traite des êtres humains, voire esclavage.
Elle affirme également que « Bien que les auteurs intellectuels et matériels de tous les crimes commis dans le cadre de la campagne de « Conquête du désert » soient morts, l’État argentin est responsable des conséquences néfastes, atroces, perverses et sanguinaires qu’il a représentées et représente dans la mémoire vivante de chaque membre des peuples Mapuche, Tehuelche, Ranquel et Pampa, une situation qui s’aggrave inévitablement car il n’y a pas eu de justice ni même de reconnaissance explicite par l’État argentin du génocide. Cette campagne a signifié, avec la politique négationniste constante des droits des peuples indigènes à la vérité et à la réparation historique, à leur propre identité, à la récupération de leurs territoires ancestraux et au développement de la personnalité et de la vision du monde indigènes, des droits de l’homme dont la violation persiste malgré le texte constitutionnel.
En ce sens, elle demande qu’un jugement déclaratoire soit rendu en référence à l’ensemble du processus appelé «Conquête du Désert» comme génocide et que la juridiction soit ordonnée par les mesures ordonnatoires et les actes réparateurs qui correspondent à la loi.
Ensuite, elle met en lumière divers travaux de recherche qui documentent le génocide que représente la « conquête du désert », impliquant des recherches et des thèses de doctorat réalisées par des historiens, des anthropologues, des sociologues, des politologues, qui abordent la question indigène dans notre pays, « qui ont fait il est possible d’analyser, de réviser et de systématiser les données et les documents qui se réfèrent audit sujet, permettant ainsi de reconstruire et de révéler fidèlement et objectivement des faits qui font partie des processus historiques qui ont été intégrés, réduits au silence, non racontés devant la suprématie des récits officiels émanant des institutions étatiques elles-mêmes, dans le but inacceptable de présenter la conquête du désert comme un projet civilisationnel (y compris dans les contenus curriculaires des niveaux moyen et universitaire du système éducatif public) ), et qu’à la lumière de la pleine validité des droits de l’homme, la Constitution nationale de l’Argentine elle-même, en vigueur depuis 1853, a une entité génocidaire claire et incontestable.
Ensuite, comme toile de fond, elle se réfère au massacre de Napalpí, qui, dans le procès pour la vérité, a déclaré la responsabilité de l’État national argentin « dans le processus de planification, d’exécution et de dissimulation dans la commission du crime d’homicide aggravé de cruauté » « avec pulsions de perversité brutale » (art. 80, inc. 2 du C.P-selon la rédaction de 1921-) dans la réitération de faits qui se concurrencent et la réduction à la servitude (art. 140 CP) en réitération d’événements qui se font concurrence, tous deux en compétition réelle (art. 55 du CP.) -, par lesquels entre 400 et 500 personnes des peuples Moqovit et Qom ont été assassinées lors de la concentration de Napalpí, situé sur le territoire national du Chaco.
Concernant la compétence territoriale, elle souligne que « bien que nous soyons confrontés à la présence de plusieurs événements atroces survenus dans plusieurs juridictions (dont la Ville autonome de Buenos Aires), nous considérons qu’ils font partie d’un plan génocidaire systématique, formant un plexus d’action qui a pour origine les actes de l’État émanant du Pouvoir Exécutif National, c’est-à-dire les instructions données par le Président de la Nation Nicolás Avellaneda lui-même et par le Ministre de la Guerre de la Nation Julio Argentino Roca avec siège à la ville de Buenos Aires pour l’exécution des expéditions qui faisaient partie de la Conquête du Désert”, en sollicitant l’unification de l’enquête des faits devant cette juridiction.
« L’événement signalé a atteint un point où il n’y a aucun élément dans cette juridiction qui justifie la poursuite de l’enquête dans la ville autonome de Buenos Aires, étant entendu que c’est la Justice fédérale de la province de Neuquén qui doit se concentrer sur l’étude de cette affaire. Je considère que toute preuve qui pourrait être développée dans ces archives (telles que les archives appartenant à la province où auraient eu lieu les événements, la vérification des antécédents des archives des peuples indigènes à travers un système de recensement effectué avant ladite province, les actes de naissance (et certificats qui prouvent ces liens, entre autres) auront leur épicentre dans la province de Neuquén », a déclaré le juge Rafecas.
Nous ne vous parlerons pas du beurre qui était en rupture de stock à bord, >3kg ont été écoulés depuis St Nazaire et nous sommes passés à deux doigts d’aborder des navires que nous croisions sur la route pour récupérer une plaquette !
Nous sommes partis des Canaries tout début novembre après avoir laissé à quai nos 2 p’tits suisses et Laurent qui s’en sont retournés à leurs mères patries et Juliane, une étudiante de 21 ans, est venue compléter l’équipage jusqu’au Brésil. L’équipage qui était jusqu’alors majoritairement masculin est devenu féminin.
[Cap au Sud #5] Stage haute mer de Radazul (Tenerife, Canaries) à Praia (Cap Vert) 74
Après un départ au moteur faute de vent, nous avons récupéré la veine de vent (n’y voyez pas un manque du métier de Aude, c’est bien le terme technique). Nous marchons au portant; c’est à dire avec un vent arrière ou de travers, ce qui rend le bateau relativement plat en dépit d’un roulis persistant. La houle est d’1-1,5m ce qui rend la vie à bord plus confortable que les semaines précédentes. Et le soleil continue d’égayer nos journées!! On est bien bien bien comme le dit l’expression !
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La meilleure preuve que nous allons bien est la consistance de nos assiettes. Du poulet riz nous passons au poulpe à la galicienne et aux empanadas préparés par Lauriane, un maigre à la cuisson parfaite concocté par Damien, des fajitas végétariennes et pancakes à la banane réalisés par Juliane… bref, les présentations et richesses des menus sont bien visibles ! Et nous profitons de la faible zone de trafic pour prendre nos repas tous ensemble, tout en gardant un œil attentif à la veille.
Poulpe à la galicienneEmpanadas banane-chocolatEmpanadas aux encornets et empanadas au fromage
Le manque de beurre aux cristaux de sel, qui pourrait faire sourire voire même rire, est en soit un véritable problème : nous ne pouvons plus faire de crêpes, de gâteaux ou de scones! Mais surtout, retrouver du beurre salé sous les tropiques est peu probable ! Allons-nous pouvoir continuer… ?
Le vent étant bien stable, nous sortons le spinnaker. Pour tous ceux qui ont eu à gréer cette voile, vous en connaissez la signification : beau temps, belle mer et surtout, surtout elle doit être hissée pour longtemps ! Pari réussi car nous faisons de longs bords sous spi, dépassant même les 180mn en 24h. (10-15 nœuds de vent) Il faut préciser que les empannages demandent un peu de logistique et de forces dans les bras! 90 kg de voile à hisser sur chaque bord (il y a 1 drisse par bord), et repasser le bras (il est unique car il n’est pas possible de faire passer la voile devant les 2 voiles d’avant à poste).
Hisse la chaussette ! Spinnaker du voilier Milagro
Après avoir passé la barre des 300 milles nautiques nous séparant de l’arrivée, au petit matin, durant le quart qui ouvre le jour, un grand POUM est entendu et le bateau ralentit brusquement, passant de 8,5 à 4 nœuds. Juliane, Lauriane et Aude qui étaient de quart se regardent pour donner une signification à ce bruit totalement inhabituel. Lauriane monte sur le pont et un : « Damien, on n’a plus de spi ! » résonne dans le carré. À notre grande surprise le spi est à l’eau, le long de la coque de Milagro ! Nous voici lancés dans une manœuvre qui durera moins d’une heure. Ne pas se précipiter, chercher comment récupérer ce spi encore retenu par les points d’amure et d’écoute. Un peu de réflexion est nécessaire; l’artimon est affalé, il nous faut empanner pour ne pas que le bateau passe sur le spi, ce qui rendrait la récupération sérieusement plus complexe. Ce serait une très mauvaise idée d’allumer le moteur, au risque d’ajouter des problèmes au problème en coinçant par exemple un bout ou la voile dans l’hélice… Il faut donc barrer avec la houle et le vent, sans voile à poste, pour maintenir une certaine distance entre le franc bord et la voile. Décision est prise de larguer l’écoute pour récupérer la voile par l’avant du navire. Après des efforts assez intenses (180m² de voile, quand même…), le spi est dans son sac et l’ensemble des bouts sont à bord, l’artimon est de nouveau hissé, le yankee et la trinquette déroulés et la route reprend, un peu moins vite certes mais elle reprend. Un café coule, nous sommes tous les quatre contents de la tournure des événements : une leçon de voile grandeur nature ! Il est certain que garder son calme est d’une grande aide dans ce genre de situation.
Une quarantaine de grands dauphins viennent jouer à l’étrave, quelques poissons volants sont visibles et d’autres s’échouent sur le bateau, une Océanite du Cap Vert vient aussi jouer les passagères clandestines plusieurs heures sur le pont durant la nuit du samedi au dimanche 10 novembre… mais toujours pas de baleine, ceci malgré nos demandes répétées au capitaine !
Océanite du Cap Vert – Juliane GoninetGrand dauphin – Juliane Goninet
La nuit reste une partie de plaisir, les constellations égayent toujours nos quarts. Parfois, le ciel est plus voilé mais les étoiles filantes restent bien visibles. C’est aussi l’occasion de croiser des cargos qui laisse Milagro pensif. En effet, nous croisons des navires de 300 m de long et cela nous invite à réfléchir à ce qu’ils transportent pour notre consommation: gaz, pétrole et objets de pacotille; les écolos nombreux à bord se sentent un peu dépassés par cette vision. Inutile de préciser qu’une collision avec ce type de navire nous laisserait aucune chance! La vielle est donc bien nécessaire d’autant plus qu’ils apparaissent à l’AIS parfois bien après que leurs nombreuses lumières soient visibles. En revanche, les équipiers de quart hallucinent avec les sons improbables qui sortent de la VHF en veille sur le canal 16 ! Miaulements, rires,… tout y passe !
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François, qui nous rejoint au Cap Vert, apporte un livre sur l’astronomie et sur la navigation de secours : nous allons comprendre le cycle de la Lune qui nous laisse encore pensifs : de rapide apparition et pas de logique dans la progression des quarts et de la position. Ce quart est aussi l’occasion de constater la chance que nous avons d’être là où nous sommes, présents à nous. C’est de la régalade! Avancer sous spi à 7 – 8 nœuds dans le clair de lune et avec une chaleur qui s’améliore est une réelle chance. Les quarts de nuits sont aussi propices aux discussions de fond et les échanges sont plus profonds. Chanceuses durant leur quart nocturne en commun, Juliane et Lauriane ont pu voir les voiles de Milagro illuminées par une chute de météorite !
Quant au quart du matin, après un passage « froid », nous assistons au lever du jour : petit à petit mais assez rapidement la lueur du jour devient clarté et enfin jour. Les couleurs sont changeantes : d’une nuit sombre jaillit doucement un éclat de lumière, le gris s’éclaircit devenant jaune orangé puis enfin jaune… et le soleil fait son apparition. Les premiers rayons du soleil réchauffent : cela veut aussi dire qu’il est l’heure du petit dej sur le pont en admirant ce spectacle.
Il faut tout de même faire un point poisse dans ce décor de rêve : – D’abord l’humidité de nuit qui transperce. Nous devenons poisseux! Ça passe ce n’est pas très grave puisque le teck du bateau n’est mouillé que jusqu’à 11h le matin. Les planches de natations sont d’excellents sous fesses pour ne pas mouiller notre séant dans cette humidité! En passant sous le 20ème degré nord, cela s’arrange, nous pouvons faire les quarts en shorts. – Le toilette avant qui était bouché! Nous vous avions passé ce détail dans les précédents récits mais pour qui a navigué, une histoire « toilette » est obligatoire. Toujours est-il que Damien a eu le courage, à défaut du plaisir, d’aller déboucher pour la 4ème fois la pompe dans lequel se coinçait les tampons de la lunette des wc. Les tampons sont aujourd’hui vissés et nous avons mission de veiller à ce que les 4 restent bien en place!!
Arrivée de nuit dans la baie de Praia, le réveil se fait au son de la ville : voitures, chiens et coqs se relaient… entendus depuis le mouillage pour un retour en douceur à terre. Rapidement nous nous mettons à l’ouvrage pour pouvoir repartir dans les prochains jours : Milagro se transforme en laverie et l’avitaillement en produits frais fait le bonheur de nos papilles avides de découverte de nouvelles saveurs.
Le voilier Milagro dans la baie de Praia (Cap Vert)
PS : On nous demande dans l’oreillette l’origine de notre équipier à antennes : Parebat’. C’est un escargot écossais (un petit gris des îles Hébrides s’il vous plaît) arrivé tout seul en juillet dernier, sur le pont du bateau qui était pourtant au mouillage. Découvert un soir, il était prévu qu’il retrouve la terre ferme le lendemain matin… Sauf qu’entre-temps, Toupie a eu la bonne idée de se coucher sur lui dans le cockpit… lui rompant la coquille. En conséquence, Lauriane a pris en pitié ce gastéropode voué à une fin sans suspense si remis à terre… et elle lui a fourni le régime alimentaire visant à la réparation de sa coquille avant de le libérer (farine, coquille d’œuf broyée et verdure variée). La convalescence étant finalement assez longue, il a lui aussi embarqué pour la Patagonie où il ne sera pas possible de le relâcher faute de congénères dans ces contrées…
La construction d’une route au milieu de la plus grande colonie de manchots de Magellan avait tué des centaines de ces oiseaux et détruit autant de nids en 2021, choquant profondément le pays. L’accusé pourrait être condamné à de la prison ferme.
Pour la première fois en Argentine se tient un procès pour dégâts à l’environnement et cruauté envers les animaux. Les faits remontent à l’automne 2021 lorsqu’un éleveur de bétail, propriétaire d’un terrain situé à côté de la plus grande colonie au monde de manchots de Magellan, a tracé une piste au milieu de la réserve, détruisant près de 200 nids et tuant des centaines d’œufs et d’animaux. L’homme vient d’être reconnu coupable, la sentence sera prononcée lundi.
C’est le neveu de l’éleveur qui avait découvert le carnage et alerté les autorités. En pleine période de reproduction, des manchots ont été enterrés vivants dans leurs nids avec leurs poussins. Selon les biologistes qui se sont rendus dans la réserve après la découverte des faits, les adultes survivants, totalement déboussolés, essayaient en vain de réanimer leurs petits.
Après le départ de Vigo nous traçons notre route direction les Canaries, et plus précisément l’île de Tenerife. Les prévisions de l’AEMET (agence météorologique espagnole) pour les zones qui nous concernent ces prochaines 48h sont :
FINISTERRE : Ouest – Nord Ouest 5 à 6 occasionnellement 7 la nuit au Sud Ouest de la zone. Mer forte à très forte, augmentant à l’aube à l’extrême nord de la zone. Houle Nord Ouest 3 à 4m, localement 5m. Averses et orages localement.
PORTO : Nord Ouest 5 à 6, temporairement 7 à l’aube. Mer forte à très forte durant la nuit. Houle Nord Ouest 3 à 4m. Averses occasionnelles.
JOSEPHINE : Nord – Nord Est 5 à 6 tournant Nord Ouest 6 au nord. Mer très agitée augmentant forte au nord est de la zone. Averses occasionnelles.
Nous partons très vite au large de l’Espagne puis du Portugal. Il faut nous éloigner d’une petite zone sans vent située à la côte au sud de Vigo, tout en nous préservant d’atteindre une zone de gros temps située plus à l’ouest. Par conséquent, nous voguons avec comme points de repère 2 longitudes : entre 9°30 et 10°30 Ouest. La houle est toujours très forte. Sauf imprévu, nous garderons les 4m de creux pendant quelques jours ! Cette fois-ci, contrairement au golfe de Gascogne, elle est mieux supportée! Bonne nouvelle pour nous :)
Sous artimon, yankee et trinquette, la vitesse de Milagro oscille entre 5,5 et 7 nœuds, avant que le vent s’installe avant la tombée de la nuit, nous faisant réduire un peu le yankee pour filer à plus de 8 nœuds, cap au 210°. L’absence de la Grand Voile nous permet de gagner en stabilité tout en gardant une bonne vitesse. Nous actualisons nos infos météo sur le site de l’Organisation Météorologique Mondiale (WMO) pour plusieurs zones de la METAREA II, dont voici la teneur :
PORTO : Nord – Nord Ouest 4 à 6, virant Nord ensuite. Mer forte à très forte. Houle Nord Ouest
SAO VICENTE : Nord Ouest 5 à 6, virant Nord ensuite. Mer forte à très forte. Houle Nord Ouest.
En fin de nuit le samedi 26 octobre le vent devient variable et nous oblige à manœuvrer à plusieurs reprises avant que, passé le petit-déjeuner les premiers grains pointent le bout de leurs nez à l’étrave… avec des rafales à 35-40 nœuds, nous varions régulièrement la surface de voile pour garder un confort relatif par mer très forte. Le trafic à l’approche du rail de Lisbonne (DST : Dispositif de Séparation du Trafic) augmente, nous obligeant à accentuer la veille sur le pont et à l’AIS. Les averses s’enchaînent en milieu de nuit… « Alors, heureuse ? » Deux mots prononcés dans le cockpit sous des seaux d’eau suffiront à nous faire rire un bon moment… Au petit matin le rail est derrière nous et un vent régulier de 25-30 nœuds nous fait évoluer au portant et réaliser plusieurs empannages dans la journée, sous artimon et yankee. L’après-midi le beau temps revient et les BN au chocolat sont de sortie dans le cockpit !
La météo pour les prochaines 24h (même source que précédemment) sont:
SAO VICENTE: Nord 4 à 5, localement 6 à l’ouest de la zone, tournant Nord – Nord Est à l’aube. Mer forte. Houle Nord Ouest.
CASABLANCA: à l’ouest de la zone Nord 5 à 6, tournant Nord Est ensuite. Mer forte au nord ouest.
MADEIRA: Nord – Nord Est 5 à 6. Mer forte. Houle Nord.
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La fin de journée et la nuit se déroulent donc avec 20-30 nœuds de vent, à une vitesse de 8-9 nœuds, avec de jolies pointes à 11 nœuds, cap au 215°. Quelques éclairs lointains illuminent le ciel étoilé. La Voie Lactée, en l’absence de pollution lumineuse autre que le traceur du poste de barre et nos feux de navigation, nous semble par moment à portée de main ! Nous repérons les constellations principales : Orion, le Taureau, les Pléiades, le Cygne, Draco, Delfinus, Cassiopée… tout en restant très vigilants car le trafic de cargo reste bien visible au loin sur notre bâbord. Dans les échanges entre les équipiers, c’est toujours les nuits sous les étoiles qui reviennent dans le top des activités. La voûte étoilée, le coucher de soleil et le lever de Lune en berceau, la contemplation de la création pour les croyants, de la beauté fascinante de ce qui nous entoure pour les autres, et savoir que nous sommes les seuls à voir que nous voyons à cet instant. La journée c’est plutôt s’émerveiller des poissons et cétacés qui accompagnent notre sillage. Tout cela contrebalance bien « l’inconfort » du bateau. Le prix à payer est faible et la joie est grande et profonde. En début de matinée la houle diminue et avec 15-20 nœuds de vent chacun sent revenir le calme… temporairement !
De nouveau les prévisions nous promettent du vent :
CASABLANCA : Nord – Nord Est 5 à 6, tournant Ouest 5 à 6 à la fin. Mer forte et visibilité temporairement mauvaise sous averses orageuses.
MADEIRA : Nord – Nord Est 5 à 6 diminuant 4 à 5 à la fin. Rafales. Mer forte. Houle Nord.
Le lundi 28 octobre ressemble donc pour beaucoup au jour précédent, avec en prime des rafales plus fortes dépassant par moment les 35 nœuds. Durant la nuit nous passons sous la barre es 400mn nous séparant de Santa Cruz de Tenerife et la diminution de la houle se trouvant désormais derrière nous rend la navigation vraiment plus confortable. En milieu de matinée les conditions sont vraiment idylliques : 17-23 nœuds de vent et 7,5 nœuds de vitesse, sous un grand ciel bleu.
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En fin d’après-midi c’est sous le seuil des 300mn que nous passons, le 2ème ris de l’artimon est largué et les prévisions laissent présager que ces conditions vont perdurer.
La vie reprend à bord. Certains trouvent le temps long, d’autres se réjouissent de ces parenthèses offertes car il est rare d’avoir autant de temps pour soi. Nous en profitons pour lire, contempler la mer et les nuages, regarder les étoiles et la lune, combler certaines lacunes en astronomie, prendre le temps d’être présent à soi en respectant son rythme, sa fatigue et ses envies tout en faisant attention à la vie en collectivité. Il faut bien avoir en tête que toutes les actions prennent plus de temps en mer. Un simple riz – poulet – poireaux qui prend maximum 1h à terre demande au moins 2h en mer. Alors ralentir et anticiper devient une nécessité. Le temps s’écoule autrement à bord, « au temps suspend ton envol ».
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Les journées du 30 et 31 octobre se suivent et se ressemblent, les sourires sont sur tous les visages et la navigation de « plaisance » est cette fois bien illustrée par les conditions qui nous entourent. Nous fêtons l’anniversaire d’une équipière : petit buffet et crème au chocolat maison, avec « LA » bougie évidemment! En fin de journée nous déduisons la présence de la terre à l’horizon grâce aux nuages qui la surplombe et à 21h30 ce 31/10 nous sommes à 75 milles nautiques de Santa Cruz de Tenerife. Le vent faiblit drastiquement (<5 nœuds), nous obligeant à mettre en route le moteur. Celle que nous avons devinée une nuit entière guidés par son phare prend forme. La chaleur de la terre s’en ressent, le vent se fait plus faible. Ce lever du jour, dans la pétole et escortés par plusieurs globicéphales, s’accompagne de nuages lenticulaires sur les sommets et de magnifiques couleurs sur le massif montagneux du nord de l’île (Anaga) et le sommet du Teide, volcan et point culminant de l’île (~3700m). Toupie hume l’air, truffe pointée vers la Terre, de nouvelles odeurs synonymes du retour de ballades différentes que le tour du pont de Milagro.
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A l’arrivée au port, d’un coup, les bruits semblent intenses, vifs, agressifs. Le large manque déjà. Le temps de passer à l’heure espagnole (nous étions restés sur l’heure française de manière à garder le rythme les quarts) et le rangement du bateau s’amorce; nettoyage du pont, frotter les tapis, faire la lessive, faire les courses (chou blanc, nous sommes le 1er novembre dans un pays catholique).
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Quelques heures plus tard, nous voici autour d’une belle tablée pour fêter le départ de 3 joyeux lurons (les deux petits suisses qui s’en retournent à leurs montagnes, Philippe et Jean-Michel, et Laurent l’alsacien). Tous trois laissent place à Juliane, venue des Alpes, et à François, qui nous attend sous peu au Cap Vert, et qui nous accompagneront tous deux jusqu’au Brésil.
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