Les inventeurs de l’art de vivre (7/7). Jeanne Barret, première femme à avoir fait le tour du monde (L’Obs, 23/8/2020)

En embarquant en 1766 à bord d’un des bateaux de l’expédition Bougainville, Jeanne Barret, travestie en homme, est devenue l’une des premières exploratrices françaises. Experte en supercherie, mais aussi en herboristerie.

Decouverte des Louisiades par Louis Antoine, comte de Bougainville (1729-1811), 18eme siecle - Peinture de Ambroise Louis Garneray (1783-1857), 19eme siecle - Sevres, Manufacture De Porcelaine ©Photo Josse/Leemage (©Photo Josse/Leemage)
Decouverte des Louisiades par Louis Antoine, comte de Bougainville (1729-1811), 18eme siecle – Peinture de Ambroise Louis Garneray (1783-1857), 19eme siecle – Sevres, Manufacture De Porcelaine ©Photo Josse/Leemage (©PHOTO JOSSE/LEEMAGE)

Par Dorane Vignando

Publié le 23 août 2020 à 20h26· Mis à jour le 23 août 2020 à 20h28

Décembre 1766, rade de Rochefort, en Pays de la Loire : on s’active sur le pont de la flûte « l’Etoile », chargée à bloc de denrées de ravitaillement. Tous les regards se tournent vers ce grand navire dont la vapeur tamise le bleu du ciel. On parle de lui dans les tavernes, les maisons, les fermes, les presbytères. C’est la flûte « l’Etoile » qui s’apprête à faire voile pour le tour du monde ! Pour la première fois, un équipage français va se lancer dans cette expédition.

En retrait, un homme et son jeune valet attendent d’embarquer. Elancé et mince, l’homme, la quarantaine, a le regard sévère. Le jeune garçon à ses côtés est petit, trapu, les joues roses couvertes de tâches de son. Tous deux attendent de monter à bord pour ce périple de deux ans autour du globe, une grande expédition officielle voulue par le roi Louis XV, conduite par Louis Antoine de Bougainville. Au programme : exploration de nouvelles terres,…

La suite est réservée aux abonnés et mentionne la Patagonie, étape de ce tour du monde : https://www.nouvelobs.com/tendances/20200823.OBS32463/les-inventeurs-de-l-art-de-vivre-7-7-jeanne-barret-premiere-femme-a-avoir-fait-le-tour-du-monde.html

Nous vous recommandons la lecture de son portrait publié par :

Et surtout la lecture du livre dédié à cette femme et écrit par Christelle Mouchard “L’aventurière de l’Etoile” paru en 2020 aux éditions Tallandier (https://www.tallandier.com/livre/laventuriere-de-letoile/)

Le musée municipal “Virginia Choquintel” est reconnu comme membre du Circuit National des Musées Argentins (24/7/2020)

Source : https://info.riogrande.gob.ar/el-museo-municipal-virginia-choquintel-es-reconocido-como-integrante-del-circuito-nacional-de-museos-argentinos traduit de l’espagnol par Karukinka

Au cours de ses 21 années d’existence, l’enregistrement auprès de la Direction nationale des musées n’avait pas commencé. L’actuelle Direction Municipale a mené les démarches pertinentes afin de mettre en valeur cet espace culturel et historique emblématique de Río Grande.

La municipalité de Río Grande célèbre que, depuis le 22 juillet dernier, le musée municipal « Virginia Choquintel » fait partie du registre national des musées argentins.

Il convient de rappeler que le 1er juin dernier, le Musée municipal a célébré ses 21 ans d’histoire. Cette propriété, qui a été offerte par l’Association Rurale de Terre de Feu au milieu des années 80, grâce à l’initiative de voisins qui ont entrepris le « Centre Documentaire Historique », est aujourd’hui en cours de rénovation et d’actualisation.

Bien que l’institution existe depuis 21 ans, son enregistrement auprès de la Direction nationale des musées n’avait jamais commencé auparavant. C’est pourquoi, depuis le début de cette année, l’actuelle Direction Municipale a entamé les démarches pertinentes pour que ledit espace adhère au Registre des Musées Argentins.

À cet égard, le sous-secrétaire à la Culture, Carlos Gómez, a indiqué qu’« il est de la plus haute importance pour le maire Martín Pérez et pour cette administration de réévaluer le patrimoine culturel que possède la ville, en tenant compte du fait qu’elle est en route vers le centenaire ». ” et a ajouté que “les principaux objectifs de la décision adoptée étaient précisément de valoriser le patrimoine local conservé dans le Musée et de redonner du sens à cet espace culturel et historique de Río Grande”.

Le Registre des Musées Argentins (RMA) vise à rendre visible la communauté muséale sur tout le territoire national, en contribuant à la construction d’espaces d’échange entre les institutions et en travaillant en collaboration avec la Direction Nationale des Musées, les autorités patrimoniales et autres musées du pays.

Dans ce sens, le sous-secrétaire a souligné que “l’appartenance au RMA nous donne la possibilité, à travers sa plateforme en ligne, d’être consultés par les professionnels d’autres musées, ainsi que par ceux qui souhaitent nous rendre visite et nous connaître”.

“Cette initiative, fondamentale pour ouvrir un écran sur le monde, recrée la possibilité de faire connaître nos collections, les activités culturelles développées à partir du Musée municipal ‘Virginia Choquintel’, ainsi que les programmes éducatifs et tous les services offerts tout au long de l’année”, a-t-il noté.

De même, Gómez a souligné qu’« un autre avantage de l’intégration du RMA est que nous ferons également partie du Registre des musées ibéro-américains -RMI- de l’Observatoire ibéro-américain des musées ».

Enfin, le responsable a exprimé que “du Sous-secrétariat à la Culture de la Municipalité nous aspirons à générer différentes actions avec la mission fondamentale d’intégrer, d’interagir en permanence avec d’autres institutions de la zone et d’offrir à nos visiteurs un échantillon d’excellence”.

Les personnes intéressées à accéder au site où le Musée municipal « Virginia Choquintel » est publié dans le cadre du Registre national des musées argentins peuvent le faire à : https://rma.cultura.gob.ar/#/app/museos/ver /index /onglet/733

Communauté indigène selk’nam Rafaela Ishton, à propos de l’autoreconnaissance et du respect (Enlace24.com, 21 juillet 2020)

Compte tenu des griefs et des mensonges que certains médias sont prêts à propager sans vérifier ni se soucier d’enquêter, la communauté Selk’nam Rafaela Ishton est obligée d’informer que notre président Rubén Maldonado a reconnu à temps que, lorsqu’ils se formaient en tant que communauté, il croyait que sa grand-mère Alkan était Haush mais plus tard, en enquêtant sur la version de Don Segundo Arteaga, ils ont confirmé qu’elle était Selk’nam avec des documents fiables.

[Source : https://enlace24.com/web/2020/07/21/comunidad-indigena-rafaela-ishton-acerca-del-autoretrabajo-y-el-respeto/]

Comme le rappelait Maldonado dans une note publiée par La Prensa Austral il y a plusieurs années : « Mon arrière-grand-mère était Cristina Alkan, née dans la région du lac Kami (Fagnano) en 1873 et décédée à l’âge de 70 ans ; ma grand-mère était Matilde Illioyen, née en 1904 à Bahía Thetis ; Elle est décédée en 1923, à l’âge de 26 ans. Matilde avait épousé le Chilien Manuel Antonio Vera Mayorga, originaire d’Osorno qui, dès l’âge de 14 ans, avait été élevé par des prêtres de Río Grande et de l’union duquel Alejandro, Nolberto et Herminia, ma mère, étaient nés, la dernière en 1922 dans le Haruwen de Saipot. Les documents d’Herminia Vera corroborent son origine Selk’nam.

Absolument personne ne peut refuser à une personne le droit à la reconnaissance en tant que peuple autochtone. Mais il est indispensable que le peuple le reconnaisse comme membre pour pouvoir le rejoindre et jouir des droits qui lui appartiennent en tant que tels.

Tous les membres de la communauté Rafaela Ishton ont enquêté sur leurs racines, leurs liens familiaux, leurs souvenirs et leurs histoires de leurs ancêtres et ont même fourni des documents pour confirmer leur ascendance après s’être reconnus et avoir décidé de rejoindre notre peuple.

En ce sens, nous avons tous dû recourir aux registres des Salésiens, car, à l’époque où s’est produit le génocide de notre peuple, il n’y avait ni registres d’état civil ni cimetières publics, et l’Église se chargeait de les enregistrer à travers des livres. et les actes de naissance et de décès, ainsi que les baptêmes et les mariages.

Le cas de Rubén Maldonado est à l’opposé de celui de notre bien-aimée Enriqueta Gastelumendi de Varela, qui, lors de la formation de la communauté Rafaela Ishton, s’est reconnue comme Selk’nam, même s’il a été prouvé que ses racines étaient Haush, non seulement à cause de la revue historique de son passé, mais surtout parce que cela est confirmé par sa foi baptismale.

Cependant, son comportement impeccable avec le reste des anciens qui ont commencé la lutte pour récupérer les terres et son esprit d’unité et de camaraderie ont été décisifs pour qu’elle soit considérée comme une de plus parmi nous.

Nous pensions que cela était clair jusqu’à ce que ses arrière-petites-filles Antonela et Daniela Guevara commencent à insister pour être les autorités de la communauté, alors qu’il est clair que les indigènes Haush ne sont ni légalement ni éthiquement en mesure de diriger une communauté selk’nam de nom.

À plusieurs reprises, elles ont été informées de cette situation et malgré cela, en usant de leur comportement irrespectueux habituel et en faisant appel à la bassesse et au mensonge, elles ont réussi à intégrer le Conseil Participatif Indigène avec notre sœur Mirta Salamanca, mandat qui a expiré à la fin de l’année dernière, année d’une triste tendance aux plaintes concernant les attaques, les menaces, les incendies et les négociations engagées au nom de notre communauté. Tout cela dans le dos de tout le monde, comme “le timbre de bétail” récemment découvert au nom de la communauté, pour lequel le gouvernement provincial doit enquêter sur son utilité.

Afin de dissiper tout soupçon, nous réitérons que ces mêmes personnes, qui ont pris vendredi la délégation gouvernementale en utilisant le nom de notre peuple, ont été expulsées en janvier de cette année, non pas pour leur statut de Haush, mais pour leur mauvaise conduite, leur manque de respect pour les personnes âgées et pour avoir menacé et intimidé les frères de la communauté et pour avoir effectué des démarches, traité avec les autorités et obtenu des avantages en utilisant le nom de notre communauté et en s’arrogeant un pouvoir qu’ils n’ont pas.

De même, en cas de doute, nous réaffirmons que la Communauté Rafaela Ishton a son propre statut juridique, dispose d’un conseil d’administration renouvelé en 2016 et d’un Conseil des Anciens composé de personnes qui ont rendu possible la communauté Selk’nam, son existence aujourd’hui, formée, reconnue et régularisée en vertu de la loi blanche en tant que telle. Elle n’a donc besoin d’aucun CPI pour la gouverner.

Toutes ces infractions très graves sont documentées et nous avons déposé toutes les plaintes nécessaires auprès des autorités compétentes, et nous continuerons à le faire jusqu’à ce que nous puissions garantir que ces personnes reçoivent la punition qu’elles méritent pour avoir sali notre nom et celui de nos aînés qui ont obtenu tous les avantages dont bénéficie aujourd’hui notre peuple.

Enfin, nous faisons savoir à l’ensemble de la communauté et à la presse que le respect de nos aînés de la communauté selk’nam est supérieur à tout mandat. Celui qui entend quelqu’un dire du mal de ses frères et surtout de ses aînés, par ses paroles, saura qu’il n’est pas des nôtres.

“Au Chili, avec les derniers cow-boys de Patagonie” (Le Figaro, 17/07/2020)

https://www.lefigaro.fr/international/au-chili-avec-les-derniers-cow-boys-de-patagonie-20200703

Au Chili, avec les derniers cow-boys de Patagonie

Par Alexandra Fuller et Vincent Jolly

Publié le 03/07/2020 à 05:00

REPORTAGE – Aux confins des fjords chiliens, dans un territoire aussi indomptable que les bêtes qui y vivent, des hommes partent braver les éléments pour capturer le bétail le plus sauvage d’Amérique du Sud. Une tradition qui tend à disparaître devant l’arrivée du tourisme de masse. Un travail photographique exposé jusqu’en octobre au Festival Photo La Gacilly, dans le Morbihan.

C’est une histoire de sang, de courage et de tradition. Et comme dans beaucoup de ce genre d’histoire, des chevaux et des cavaliers émérites en sont les principaux acteurs. Reste que ces hommes risquent quotidiennement de perdre leurs bras, leurs jambes – quand ce n’est pas leur vie. Une telle histoire ne peut se dérouler ailleurs que dans un paysage profondément sauvage ; un lieu si lointain qu’il est presque impossible de s’y aventurer par des moyens ordinaires. Un endroit qui n’apparaît pas sur la plupart des cartes. Une région que l’on ne trouve que si l’on sait où chercher.

Pour cette histoire, c’est d’abord Sutherland qu’il nous faut trouver: un bras de terre au sud du Chili, dans la Patagonie australe. Aucune route n’y mène. Aucun campement n’a été établi à proximité. Au nord, Sutherland est bordé par le Parc national Torres del Paine ; et au-delà, les infranchissables champs de glace qui séparent la Patagonie chilienne du reste du pays. À l’ouest, une myriade de petites îles éparpillées…

Décès de Don Bernardino Pantoja Imperial, selk’nam de la communauté Rafaela Ishton (Infofueguina, 26/6/2020, “Falleció hoy antiguo poblador y descendiente de pueblos originarios”)

Il s’agit de Don Bernardino Pantoja, un homme très apprécié de la communauté de Selk’nam. Son départ physique a eu lieu ce vendredi, et sur les réseaux sociaux, on se souvient avec appréciation de lui comme d’un personnage très aimé.

Falleció hoy antiguo poblador y descendiente de pueblos originarios

Par Redaction Infofueguina vendredi 26 juin 2020 · 21:22. Traduit de l’espagnol par l’association Karukinka

Source : https://www.infofueguina.com/social/2020/6/26/fallecio-hoy-antiguo-poblador-descendiente-de-pueblos-originarios-48125.html

La communauté Fuégienne et Selk’nam a exprimé ses regrets et ses adieux après le départ physique de Bernardino Pantoja Imperial, ce vendredi 26 juin.

En plus d’être un ancien habitant (“antiguo poblador”), Don Bernardino était membre de la communauté autochtone Rafaela Ishton Selk’nam de Río Grande et du club sportif et culturel Général San Martín.

“Aujourd’hui est un jour très touchant pour toute notre communauté Selk’nam, le grand-père Bernardino Pantoja Imperial nous quitte pour rejoindre le grand Kashpek”, ont-ils exprimé sur les réseaux sociaux après avoir appris la nouvelle.

“Aujourd’hui, un ancien résident et grand athlète, Bernardino Pantoja Imperial R.I.P., surnommé le “Roi du Dribble”, nous a quitté physiquement. Ceux qui se souviennent de lui dans sa jeunesse le considèrent comme un grand athlète, dans le football, dans la boxe. Nous l’accompagnons avec tous ceux qui ajoutent leur silence à son silence…”, ont-ils ajouté.

“Je n’ai pas de mots pour remercier tant d’amour, de gentillesse, d’hospitalité, ses enseignements et les conversations relatives à notre peuple et à ses ancêtres”, ont-ils exprimé.

Podcast Patagonie “Les Baladeurs” (Les Others) : Les ombres de la Terre de Feu (Lauriane Lemasson) #31 par Camille Juzeau

Podcast Patagonie “Les Baladeurs” (Les Others) : Les ombres de la Terre de Feu (Lauriane Lemasson) #31 par Camille Juzeau




À l’extrême sud du continent sud-américain se trouve la Terre de feu, une terre composée d’îles réparties entre l’Argentine et le Chili longtemps baptisée « bout du monde ». En 2013, la chercheuse Lauriane Lemasson part en expédition en autonomie complète pour enregistrer les sonorités des paysages. Dans cette quête entêtante, la jeune femme espère trouver les traces d’occupations des peuples amérindiens qui vivaient là il y a près de 12 000 ans. #podcast patagonie

Une géographie du “bout du monde”

À l’extrême sud de l’Amérique du Sud, au sud du détroit de Magellan, la Terre de Feu constitue un chapelet d’îles partagées entre le Chili et l’Argentine, battues par les vents du Pacifique et de l’Atlantique. Longtemps considérée par les Européens comme « finisterre », elle offre un relief de steppes balayées par les rafales, de forêts primaires, de montagnes abruptes et de canaux glaciaires que sillonnent aujourd’hui quelques navires de recherche ou voiliers d’expédition. Cette géographie austère façonne l’imaginaire du podcast : dès les premières minutes, la narration convoque le fracas des rafales, le mugissement des vagues et les silences minéraux des plateaux battus par la bruine australe.

Une expédition en autonomie complète

En 2013, Lauriane Lemasson, alors jeune chercheuse en ethnomusicologie, décide de parcourir la Terre de Feu à pied pendant trois mois, sans assistance extérieure. Son objectif : saisir l’empreinte sonore de territoires désertés par la colonisation, cataloguer la signature acoustique de lagunes, forêts anémophiles, falaises littorales et vallées empreintes d’échos lointains. L’autonomie, souligne Camille Juzeau, n’est pas un simple gage de liberté ; c’est la condition d’une immersion prolongée qui bannit les moteurs, s’accommode de pénuries et accepte l’errance comme méthode d’exploration. Cette posture “low impact” correspond à la tradition d’ethnographie sonore in situ : l’enregistreur portatif devient journal de bord et laboratoire de terrain simultanément.

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Lauriane Lemasson lors de l’expédition scientifique en autonomie complète en Terre de Feu argentine (2013)

Paysages sonores : enregistrer l’inaudible

Le cœur scientifique de l’expédition réside dans la captation de ce que l’on nomme en écologie sonore le soundscape : la combinaison de sons biophoniques (faune), géophoniques (vents, rivières, brisants) et anthropophoniques (traces humaines). Lauriane Lemasson utilise différents types de microphones pour capter les résonances du vent dans les lengas, le ressac sur les blocs de basalte, les cris des caracaras et la rumeur grave des colonies de lions de mer. Ces archives servent d’abord la recherche musicologique ; elles constituent surtout une mémoire vibrante d’écosystèmes fragiles soumis au réchauffement accéléré des latitudes australes.

Sur la piste des peuples Yagan et Selk’nam

Au-delà de la curiosité acoustique, l’ethnomusicologue nourrit un désir de rencontre avec l’histoire longue des premiers habitants : les Yagan (ou Yámana) nomades marins et les Selk’nam (ou Ona) chasseurs-pêcheurs de la steppe. Entre les xixe et xxe siècles, ces peuples furent décimés par la violence coloniale et les maladies. Lauriane Lemasson espère déceler, dans les vestiges matériels et sonores, les traces survivantes de leur présence plurimillénaire. Elle découvre ainsi des traces de campements, des coastal middens d’amas coquilliers, des pointes de flèches et autres objets lithiques laissés à même le sol. Ces témoignages deviennent des balises affectives, figeant la rumeur de vies disparues dans la mémoire sonore de la steppe.

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Marcher pour se perdre : une méthode de terrain

Camille Juzeau insiste sur l’importance de la “dérive” volontaire au sein d’un espace sans sentier balisé. Faute de cartes détaillées, Lauriane Lemasson avance à l’estime, laissant la topographie guider le rythme des jours. Cette errance délibérée fait écho aux méthodes expérientielles chères aux géographes de l’extrême qui privilégient l’intuition, le corps-outil et la perception multisensorielle. À force de marche solitaire, l’exploratrice atteint l’état de « pilote automatique », un flux de conscience où chaque craquement de bois ou battement d’ailes devient signifiant : l’oreille précède l’œil, le micro remplace le compas.

Histoire enfouie et archéologie sensible

La Terre de Feu recèle une archéologie encore largement méconnue ; les fouilles programmées y sont rares, l’accès coûteux. Lemasson mentionne dans le podcast la découverte de harpon heads, de boleadoras et d’outils lithiques taillés, souvent affleurant le sol aride. Ces objets, témoins d’une occupation remontant parfois à 12 000 ans, rappellent la complexité des systèmes socio-techniques des Yagan et Selk’nam. L’archéologie “sensible” adoptée ici ne prélève pas de vestiges ; elle préfère les inventorier, les photographier, les contextualiser, puis laisser la terre refermer son secret, afin de respecter la souveraineté patrimoniale autochtone.

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Hêtre fuégien sur la rive nord du canal Beagle (Terre de Feu argentine, 2013)

Écoute et mémoire : envers et contre le silence

Dans la narration, l’enregistrement devient acte politique : sauver le timbre d’un lieu avant qu’il ne s’altère sous la pression touristique ou climatique. Lemasson capte, par exemple, le craquement d’une langue de glace se désagrégeant au fond d’une caleta, l’écho d’un souffle d’otarie traversant le fjord, les rafales chargées d’air antarctique. Chaque empreinte sonore se mue en archive, transmissible aux chercheurs, artistes et communautés locales. Le podcast souligne ainsi la nécessité de préserver les paysages acoustiques comme patrimoine immatériel, au même titre que les objets muséaux.

Narration immersive de Camille Juzeau

Réalisatrice aguerrie, Camille Juzeau tisse un récit mêlant interviews et field recordings de Lauriane Lemasson avec les compositions d’Alice-Anne Brassac. Le montage superpose voix off, confidences de l’exploratrice et nappes sonores captées sur le terrain, créant une dramaturgie hypnotique. Par cette technique, l’auditeur traverse la steppe sous le vent, partage les haltes nocturnes dans la tente, entend les gouttes ruisseler sur la toile. Ce dispositif immersif incite à une écoute active des territoires évoqués.

Résonances contemporaines

L’expédition de 2013 prend un relief nouveau à l’heure où la Terre de Feu subit la pression minière, l’implantation de fermes aquacoles et le tourisme d’aventure de masse. Les données sonores collectées constituent dès lors une ligne de base pour mesurer l’évolution future du paysage acoustique. Par ailleurs, le renouveau des revendications autochtones (loi Lafkenche au Chili, renégociations territoriales en Argentine) confère au travail de Lemasson une dimension militante : restituer la présence des Yagan et Selk’nam en dehors des discours muséifiés. Cette expédition est aussi le point de départ, l’année suivante, de la fondation de l’association Karukinka.

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Baie Lapataia (Terre de Feu argentine, 2013)

Invitation à l’écoute active

« Les ombres de la Terre de Feu » rappelle qu’écouter est un acte de présence au monde, qu’un micro tendu vers l’horizon capte autant l’immensité d’un territoire que la fragilité d’une culture. À travers la marche solitaire, l’enregistrement minutieux et le dialogue avec l’invisible, Lauriane Lemasson révèle les strates sonores d’une Patagonie archéologique, poétique et politique. Le podcast, porté par la plume sensible de Juzeau, invite chacun à devenir “audionome” : observateur attentif des bruissements planétaires.

Au-delà du récit d’aventure, l’épisode 31 des Baladeurs se présente comme une archive sensible de la Terre de Feu, conjuguant démarche scientifique, hommage aux peuples autochtones et plaidoyer pour la préservation de paysages sonores menacés. À l’écoute, on comprend que les ombres du passé vibrent encore dans les vents australs, que chaque pas dans la steppe réveille une mémoire enfouie, et que la quête d’un “son exact” est aussi la quête d’un lien juste entre l’humain et son environnement. Finalement, cette aventure rappelle que l’exploration n’est pas seulement affaire de conquêtes géographiques ; elle est aussi, et surtout, une recherche d’harmonie avec les espaces que l’on traverse et les histoires que l’on y écoute. Chaque souffle de vent enregistré, chaque coquillage craquant sous les semelles, chaque silence nocturne relayé par le micro devient alors un pont lancé entre science, art et mémoire, invitant les auditeurs à marcher eux aussi, intérieurement, vers ces ombres sonores qui peuplent encore la Terre de Feu.

Mort de Jean Raspail, écrivain et explorateur (Le Figaro, 13/6/2020)

https://www.lefigaro.fr/culture/mort-de-jean-raspail-ecrivain-et-explorateur-auteur-du-controverse-camp-des-saints-20200613

Mort de Jean Raspail, écrivain et explorateur, auteur du «Camp des Saints»

Par Michaël Naulin Publié le 13/06/2020 à 14:22, mis à jour le 16/06/2020 à 18:52

DISPARITION – L’écrivain, journaliste et explorateur est mort samedi 13 juin à l’âge de 94 ans à l’hôpital Henry-Dunant à Paris, a appris Le Figaro. Adoré par certains, maudit par d’autres, l’auteur de Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie et du Camp des Saints a marqué la littérature française de son univers.

Le consul général de Patagonie n’est plus. Écrivain, explorateur, aventurier, poète… Jean Raspail a marqué la littérature française du XXe siècle. Avant d’être aventurier des mots, l’homme a parcouru les terres isolées. Épaisse moustache, sourcils broussailleux, visage taillé au couteau, Jean Raspail était un être obstiné, fier de ses positions, assumant de ses profonds yeux bleus sa foi catholique et son attachement à la monarchie. Un écologiste royaliste, utopiste et aventurier. Jean Raspail était un romantique.

« À considérer les cheminements intérieurs de la vie, c’est là que je suis né, à l’âge de vingt-trois ans et neuf mois, par un matin glacial de printemps de l’année 1949 »Jean Raspail, «L’île Bleue»

Né le 5 juillet 1925 à Chemillé-sur-Dême en Indre-et-Loire, Jean Raspail est un enfant de la bourgeoisie. Son père est président des Grands Moulins de Corbeil et directeur général des mines de la Sarre. Pourtant, malgré les écoles privées et une éducation stricte, le jeune Raspail a des envies d’ailleurs. Trop jeune pour s’engager dans la Résistance, il devra attendre 1949 pour prendre le large. «À considérer les cheminements intérieurs de la vie, c’est là que je suis né, à l’âge de vingt-trois ans et neuf mois, par un matin glacial de printemps de l’année 1949», écrira-t-il dans L’île Bleue (Robert Laffont, 1990).

Le pêcheur de lune de 23 ans quitte alors son monde de confort pour l’aventure. Une équipée de jeunesse annonciatrice de 30 ans de voyages autour du globe, auprès des peuples menacés et aux confins des terres hostiles. Il a posé son sac en Terre de Feu, aux Antilles, en Alaska, au bord du lac Titicaca ou encore à Macao et en a rapporté des guides et des récits. Aventurier des mots et des terres isolées, ses premiers livres sont des reportages. Son premier vrai roman, Le Vent des pins, sort chez Juillard en 1958. Récit rédigé à la suite d’un voyage au Japon. De ces aventures, Raspail tira une quasi-biographie, un monument. Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, (Albin Michel, grand prix du roman de l’Académie en 1981). Histoire d’un jeune homme de Tourtoirac partit, vers 1860, conquérir la lointaine Patagonie. Raspail s’en amuse et s’autoproclame consul général de Patagonie. Des lecteurs lui écrivent pour lui demander d’être naturalisés patagons, ils veulent partager cet état d’esprit. Le mythe est né.

Le sulfureux Camp des Saints

Raspail écrit pour s’évader. Défenseur des causes perdues, il publie en 1986, Qui se souvient des hommes, suite à ses séjours chez les Alacalufs, peuple en Terre de feu annihilé et menacé d’extinction par le progrès. Son œuvre séduit par sa force, son obstination, et gagne de nouveaux lecteurs à chaque génération. Elle divise aussi. En 1973, l’écrivain publie ce qui deviendra un brûlot: Le Camp des Saints (Robert Laffont). Roman apocalyptique dans la France de 2050, confrontée à l’arrivée massive de migrants sur ses côtes. Prophète? Il s’en défendait. Les polémiques, elles, proliférèrent.

En 2011, le livre est réédité. L’auteur y ajoute une préface coup de poing, intitulée «Big Other». Dans cette même réédition, il ajoute en annexe toutes les pages tombant sous le coup de la loi. Le PDG de Robert Laffont, Leonello Brandolini, précise alors dans un avant-propos que son opinion n’est pas celle de l’auteur qu’il publie. L’auteur est associé à l’extrême droite, ses propos sont dénoncés. Daniel Schneidermann signera une tribune au vitriol contre l’auteur avec en titre: «Appeler racistes les racistes». Les lecteurs tranchèrent: 132.000 exemplaires vendus à ce jour.

Après Le Camp des saints, l’homme publiera une vingtaine d’ouvrages, beaucoup moins polémiques. L’âme utopiste du voyageur avait repris ses droits. Il revenait sur ses voyages à la rencontre des peuples oubliés. Un imaginaire romanesque fertile salué en 2003 par le Grand prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre. Ironique pour celui qui avait le sentiment de ne jamais avoir eu «la carte» auprès du milieu littéraire. Même le 9e art a dessiné ses traits émaciés et sa moustache éternelle. Le dessinateur Jacques Terpant adapte ses romans d’aventures. L’auteur de Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie fait même une apparition dans le 19e Tome des aventures du célèbre milliardaire Largo Winch. Le dessinateur, impressionné par son physique so british, lui a emprunté ses traits pour un personnage.

La monarchie au cœur

La fleur de lys. Raspail l’arborait fièrement sur ses cravates. Son œuvre en était tout aussi couverte. Le fameux Sire (1991) (qui narre le sacre de Philippe Pharamond de Bourbon en 1999), Le Jeu du roi (1976), Le Roi au-delà de la mer (2000), ont nourri cet amour pour la monarchie. Profondément chrétien, l’homme tenait à ses convictions. Dans son appartement, les ouvrages des guerres de Vendée rappelaient son attachement royaliste. Le 21 janvier 1993, il organisa contre vents et marées une commémoration des 200 ans de la mort de Louis XVI, place de la Concorde, en présence de l’ambassadeur des États-Unis Walter Curley. En 1971, Raspail avait publié le Jeu du roi, roman où il évoquait un homme rêvant de son royaume évanoui en regardant la mer. Bravant les tempêtes, l’écrivain a tenu le cap, a continué à dire et écrire ce en quoi il croyait, sans fléchir. Le consul de Patagonie est mort, vive le consul!

3 livres de Jean Raspail à avoir lu:

Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, Albin Michel, 1981

Le Camp des saints, Robert Laffont, 1973

Qui se souvient des hommes…, Robert Laffont, 1986

Au Chili, la traque du castor, la plaie qui met en péril les forêts de Patagonie (L’Obs – AFP, 22/4/2020)

Publié le 22 avril 2020 à 10h00·Mis à jour le 22 avril 2020 à 13h00

Puerto Williams (Chili) (AFP) – Armé de son fusil, Miguel Gallardo fait face à une tâche colossale: traquer le castor, introduit dans la région dans les années 1940 et devenu depuis une plaie qui menace les forêts de la Patagonie chilienne.

A partir des 10 couples introduits en 1946, on compte aujourd’hui quelque 100.000 individus dans la zone de la Terre de feu, partagée entre le Chili et l’Argentine. Marcelo, lui, ne parvient à en abattre qu’une soixantaine à chaque saison.

“Le castor est très mignon, très intelligent, mais malheureusement, les dommages qu’il est en train de causer sur la végétation indigène et la faune sont énormes”, déclare à l’AFP ce chasseur qui a 15 ans d’expérience et organise aussi des visites touristiques sur l’Ile Navarino, à proximité de Puerto Williams, à l’extrême sud du Chili.

Avec leurs puissantes dents et leurs talents de bâtisseurs, le castors se sont parfaitement acclimatés à ce nouvel habitat, totalement dépourvu de prédateurs.

“Il faut les éradiquer, mais il ne s’agit pas non plus d’arriver et de leur tirer dessus dans l’eau et qu’ils y pourrissent”, ajoute ce chasseur, qui récupère les spécimens abattus pour utiliser leur fourrure “de très bonne qualité et assez chaude”.

En 1946, des militaires argentins ont rapporté d’Amérique du Nord dix couples de castors du Canada (castor canadensis) dans le but de monter une affaire de peaux et de fourrures en Terre de feu. Mais cela n’a finalement pas marché et ces castors ont été relâchés dans la nature.

Les deux pays voisins effectuent depuis les années 1980 des campagnes de contrôle pour tenter de réduire les populations de ces rongeurs, par des pièges ou des abattages. En face, les ONG de protection de l’environnement, comme l’Union de défense du droit animal de Punta Arenas, dénoncent la cruauté de ces méthodes ainsi que leur manque d’efficacité.

“Les défenseurs des animaux, je les comprends; je comprends que tuer un être vivant, un petit animal intelligent, c’est douloureux. Mais malheureusement, si nous ne prenons pas de mesures concernant le castor, nous allons nous retrouver sans forêt et sans végétation”, met en garde Miguel Gallardo.

– 23.000 hectares dévastés –

“Penser à éradiquer le castor n’est en rien un combat contre le castor mais un besoin de protéger le patrimoine naturel de notre pays”, abonde Charif Tala Gonzalez, responsable du département de conservation des espèces au ministère de l’Environnement.

En quelques années, ces rongeurs semi-aquatiques au pelage marron qui peuvent mesurer jusqu’à un mètre et peser 32 kilos ont fini par coloniser tout l’archipel de la Terre de feu.

Outre qu’il n’a pas de prédateurs naturels dans cette partie du globe, le castor vit en général longtemps, de 10 à 12 ans, durant lesquels il peut avoir 5 à 6 petits chaque année.

Cet animal est connu pour construire des barrages à partir de la végétation existante. Il installe ensuite sa tanière au milieu de la retenue qui se forme alors.

Cette montée des eaux fait mourir la végétation indigène et le peu d’arbres qui survivent sont abattus par les castors pour renforcer leur construction. Ils raffolent particulièrement des lengas centenaires, également appelés hêtres de la Terre de feu, et des coihues, connus sous le nom de hêtres de Magellan.

“La forêt ne peut pas se défendre (…) Tout ce qui reste au milieu de l’eau meurt, car nos forêts ne sont pas préparées à l’excès d’eau”, explique Miguel, le chasseur.

Les autorités chiliennes estiment que depuis leur introduction, les castors ont dévasté plus de 23.000 hectares de végétation indigène, entraînant un manque à gagner évalué à 62,7 millions de dollars à cause de la destruction du bois.

Ils ont également eu un effet sur l’ensemble de la flore et la faune de la zone, leurs barrages provoquant des inondations qui ont coupé des routes, des zones de pâturage et de culture.

“Les écosystèmes de la Patagonie sont uniques (…) Pour qu’ils redeviennent pleinement des forêts, nous parlons en centaines d’années, si les conditions sont réunies”, souligne Charif Tala Gonzalez.

Source : https://www.nouvelobs.com/topnews/20200422.AFP5823/au-chili-la-traque-du-castor-la-plaie-qui-met-en-peril-les-forets-de-patagonie.html

“Disparition de l’écrivain chilien Luis Sepulveda à l’âge de 70 ans” (AFP-Le Figaro, 16/04/2020)

https://www.lefigaro.fr/flash-actu/disparition-de-l-ecrivain-chilien-luis-sepulveda-a-l-age-de-70-ans-20200416

Disparition de l’écrivain chilien Luis Sepulveda à l’âge de 70 ans

Par Le Figaro avec AFP

Publié le 16/04/2020 à 11:22, mis à jour le 16/04/2020 à 12:40

L’auteur du Vieux qui lisait des romans d’amour est décédé en Espagne de suites du Covid-19

L’écrivain chilien Luis Sepúlveda, né le 4 octobre 1949 à Ovalle, est décédé en Espagne du covid-19, ont annoncé ses éditeurs. «L’écrivain Luis Sepulveda est mort à Oviedo. L’équipe de Tusquets Editores regrette profondément sa perte», a écrit le groupe éditorial espagnol dans un communiqué.

L’auteur de 70 ans avait ressenti les premiers symptômes le 25 février alors qu’il revenait d’un déplacement au Portugal et rentrait aux Asturies où il habitait avec son épouse. «Le personnel soignant a tout fait pour lui sauver la vie mais il n’a pas surmonté la maladie. Mes plus sincères condoléances à sa femme et à sa famille», a assuré sur Twitter le président de la région des Asturies, Adrian Barbon.

L’auteur avait milité très jeune dans les jeunesses communistes puis dans une branche du Parti socialiste. Ce qui lui avait valu d’être arrêté en 1973 par le régime du général Augusto Pinochet. Emprisonné pendant deux ans et demi, il avait finalement vu sa peine commuée en exil et avait quitté en 1977 le Chili où il n’est jamais revenu s’installer. Retrouvant sa première femme, la poétesse Carmen Yañez, torturée sous la dictature chilienne, l’écrivain s’établit en 1996 à Gijón, dans les Asturies.

Son premier roman, Le Vieux qui lisait des romans d’amour, publié en 1992 et traduit en trente-cinq langues et adapté au grand écran en 2001, lui avait apporté une renommée internationale. Un autre de ses grands succès fut Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler (1996), à destination des «jeunes de 8 à 88 ans» qui a donné lieu à un film d’animation.

Son œuvre, fortement marquée par l’engagement politique et écologiste ainsi que par la répression des dictatures des années 1970, mêle le goût du voyage et son intérêt pour les peuples premiers. Luis Sepúlveda, qui a aussi eu une activité, toutefois marginale, de scénariste et de réalisateur, est également l’auteur du Neveu d’Amérique (Patagonia express, 1996), des Roses d’Atacama (Historias marginales, 2001) ou de La fin de l’histoire (El fin de la historia, 2016).

Je ne suis pas un optimiste à 100 %, je suis optimiste à 50 %… Ou 70 %! Je pense que le futur sera meilleur que le présent

Luis Sepulveda

Écrivain qui avait foi en l’homme, Luis Sepulveda se montrait aussi optimiste que possible malgré les épreuves qu’il avait traversé dans la vie. «Si nous n’avons pas une perspective du futur, la vie n’a aucun sens, expliquait-il au Figaro en 2009. Quand on comprend le passé, on peut mieux comprendre le présent. Quand on comprend le présent, on peut avoir une vision du futur. Je ne suis pas un optimiste à 100 %, je suis optimiste à 50 %… Ou 70 %! Je pense que le futur sera meilleur que le présent…» Promoteur d’un vivre ensemble militant, attentif aux causes environnementales, il savait bien que «la vie est dure», pour beaucoup, partout. Mais ses engagements suivaient une ligne de conduite claire. «Tout ce que nous faisons pour transformer cette réalité se fait, paradoxalement, d’un point de vue optimiste. Même si cela se termine par une défaite, et, en général, cela se termine souvent par une défaite! Comme le dit un ami mexicain: De défaite en défaite, nous irons jusqu’à la victoire finale.»

1949 Naissance à Ovalle (Chili). À quinze ans, adhère aux Jeunesses communistes.

1973 Emprisonné à la suite du coup d’État du général Pinochet.

1982-1996 Vit à Hambourg. Grand reporter dans la presse allemande et correspondant pour Greenpeace.

1989 Le vieux qui lisait des romans d’amour. Traduit chez Métailié en 1992. Le Monde du bout du monde.

1994 Un nom de torero.

1996 S’établit en Espagne, à Gijón (Asturies).

2000 Les Roses d’Atacama.

2009 L’ombre de ce que nous avons été.

Vagues, vents, animaux… En Patagonie, elle collecte les sons d’un monde oublié (Géo Aventure, par Sébastien Desurmont, 6 mars 2020)

Vagues, vents, animaux… En Patagonie, elle collecte les sons d’un monde oublié (Géo Aventure, par Sébastien Desurmont, 6 mars 2020)

https://www.geo.fr/aventure/vagues-vents-animaux-en-patagonie-elle-collecte-les-sons-dun-monde-oublie-198494

Ethno-acousticienne, Lauriane Lemasson se passionne pour les relations que tissent les peuples avec leur environnement sonore. Un métier qui la pousse à défier, micro en main, les rudes étendues de Patagonie. Avec un objectif : mieux comprendre les dynamiques de peuplement et les sources d’inspiration culturelles des Amérindiens qui occupaient ces confins avant d’être décimés.

Un pays de silence et d’espaces infinis. Dans cette pampa de la Patagonie argentine qui s’étale comme si elle ne devait jamais s’arrêter, les hommes sont rares et peu bavards. Inutile de demander sa route. Car, à part quelques moutons hirsutes qui semblent eux-mêmes se demander ce qu’ils fichent là, il n’y a plus âme pour répondre en ces lieux.

De toutes les façons, en deçà des 53° Sud, une fois passé le remuant détroit de Magellan, il n’existe guère qu’une seule vraie route terrestre sur ce gigantesque archipel qu’est la Terre de Feu : la Ruta n° 3, ruban couleur réglisse serpentant du nord au sud pour relier le bourg de Rio Grande au port d’Ushuaia. Pour le reste, cet antipode parmi les moins peuplés du cône sud-américain se résume à de vastes steppes tavelées de lacs sombres, des montagnes imprenables et des forêts jetées aux marges de l’océan.

Tout à pied

Et pour ne rien arranger, partout, des arbustes tarabiscotés, à demi-couchés, torturés par les bourrasques, des broussailles indémêlables, des lignes de barbelés rouillés et d’interminables barrières qui semblent se liguer pour fermer l’accès aux immenses estancias privées quadrillant encore la majeure partie de ce territoire. Voilà pour le décor : un vide aussi sidérant qu’hostile. Et pas de comité d’accueil.

C’est pourtant dans cette contrée compliquée que Lauriane Lemasson, 30 ans, a choisi de se perdre, seule, des mois durant, uniquement à pied et en dehors de la grande route balisée. Cette jeune bretonne au caractère bien trempé a enjambé les obstacles et les interdits histoire d’aller “là où personne ne va plus”, à l’exception des gauchos. Bref un vagabondage en bonne et due forme. Et en autonomie complète, harnachée d’un sac à dos de 25 kilos dans lequel Lauriane a fait entrer son réchaud à essence, des provisions lui permettant de tenir sans ravitaillement entre sept et dix-neuf jours selon la durée des déplacements, sa toile de tente, son duvet, son fidèle appareil photo Leica, ses carnets de notes, mais surtout une kyrielle de micros et d’instruments d’enregistrement.

Une boussole et une carte

Oubliant régulièrement de se chercher un abri pour le soir – “de toutes les façons, bien souvent, il n’y en avait pas”, se souvient-elle – notre marcheuse infatigable n’avait même pas de GPS lors de sa première échappée, juste une boussole et une bonne vieille carte au 750 000e. Objectif de ses sorties à la dure ? “Capter les sons des paysages patagons”, répond-elle très sérieusement. Drôle de quête, étrange programme.

Car ici, à part les rafales qui sifflent parfois à vous en rendre sourd, mutisme et contemplation sont de mise. “Très vite, on s’aperçoit que cet espace est habité par mille petits bruits qui esquissent bel et bien ces paysages sonores que je traque”, reconnaît Lauriane. De timides cris d’oiseaux, le grincement plaintif des arbres dans la tempête, le grognement des lions de mer, le craquement lointain des glaciers… Le moindre écho devient pour notre exploratrice une manière de compagnie.

Violence des éléments

“Lors de mon premier voyage à travers la Grande Ile de Terre de Feu, se souvient- elle, sur un total de trois mois et demi de pérégrination, je n’ai croisé, en dehors des zones urbaines, que trois personnes : deux estancieros, des employés des élevages qui n’en revenaient pas de voir une Française se balader seule dans les parages, et un vieil Argentin, un retraité avec qui je suis devenue amie. Aujourd’hui décédé, ce dernier vivait isolé et m’a accueillie chez lui sans hésitation un jour de très mauvais temps…”

Pluie, neige, tempête, grand soleil, chaleur harassante ou frimas remontant de l’Antarctique… Cette région a toujours affronté la violence des éléments et ses sortilèges. Avant sa découverte par l’Occident, lors de l’expédition de Magellan en 1512, sur les portulans médiévaux, on résumait d’ailleurs le coin en quelques indications incertaines : “brouillards”, “fin du monde”, “anti-terre”. Mais il en faut plus pour dérouter notre baroudeuse. Car Lauriane n’est pas qu’une aventurière. Et encore moins un genre de Don Quichotte au féminin, courant derrière d’impossibles moulins.

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Dans la baie de Tres Bazos, un des rares moments d’accalmie en trois mois d’expédition en Patagonie. Le soir même, la tempête fera rage. © Lauriane Lemasson

Une thèse en ethnomusicologie et acoustique

Doctorante à la Sorbonne, elle mène ses explorations sonores dans le cadre d’une très sérieuse thèse pluridisciplinaire en ethnomusicologie et acoustique. Un travail de recherche inédit qu’elle a entamé à partir de 2011 et qui s’appuie sur une intuition de départ qu’elle vérifie au fil de ses incursions en Terre de Feu : “Mes explorations entre Rio Grande et Ushuaia, dans la réserve provinciale Corazón de la Isla, près du lac Fagnano, ou encore sur le canal de Beagle et à travers la réserve de biosphère du cap Horn reposent sur une conviction. Les sons des lieux peuvent encore nous apprendre des choses sur les peuples amérindiens qui les ont occupés jadis. A condition d’écouter attentivement ce qu’ils ont à nous dire”, détaille-t-elle. De même que chaque recoin de la planète possède son odeur particulière, ses couleurs et ses températures, une ambiance tient aussi à l’acoustique.

«Chacun a pu en faire l’expérience, souligne la scientifique. Selon que vous soyez devant une montagne, dans une forêt, dans un désert ou au centre d’un théâtre antique, le paysage sonore influence la façon dont on occupe et perçoit un lieu. C’est cela que j’essaie de comprendre en y ajoutant le filtre de l’histoire, de la géographie et de l’anthropologie.» Partant de là, analyser la dimension acoustique d’un site archéologique, d’un ancien campement amérindien ou encore d’un sanctuaire dans lequel se déroulaient jadis des rituels chamaniques permet de mieux en expliquer le passé, voire de reconstituer une partie de l’environnement et de la culture de ceux qui y vécurent.

Micro en main, oreilles à l’affût

L’universitaire a parcouru plus de 2 000 kilomètres à pied. Avec pour simple Graal le souhait de réentendre la rumeur des premiers peuples fuégiens, ces autochtones patagons qui sont aujourd’hui de parfaits inconnus pour le grand public. «La plupart des livres et des articles à leur sujet affirment que ces Amérindiens arrivés en Terre de Feu il y a plus de 10 000 ans ont disparu depuis belle lurette, s’insurge Lauriane. Or, dès mon premier voyage, j’ai compris que la réalité était tout autre : des descendants de ces peuples indigènes exterminés par les colons européens ou assimilés de force à la culture hispanique sont encore bien vivants, que cela soit en Argentine ou au Chili. Pas plus que leur culture et leurs langues, menacées certes de disparition imminente à force d’être bafouées, n’ont été effacées des mémoires.»

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Ici , les vestiges d’une hutte cérémonielle (Hain). Les Selknams auraient choisi l’emplacement en fonction des propriétés acoustiques du lieu. © Lauriane Lemasson

A partir de ce constat, la quête de la jeune chercheuse prit un tour plus urgent encore. Soutenue dans ses recherches par l’ethnologue et explorateur arctique Jean Malaurie, figure mythique de l’aventure en terre extrême, Lauriane multiplia les prises de sons et les tests acoustiques. Elle débusqua, sur ce territoire désormais vidé de ses premiers occupants, des campements oubliés, ainsi que 2 500 emplacements de huttes. Elle reconstitua même les anciens toponymes, en langue amérindienne, de ces lieux qui n’avaient plus pour noms que ceux que leur avaient donnés les Espagnols. Tout ce travail de fourmi permet aujourd’hui à Lauriane d’avancer que dans ces sociétés ancestrales, entièrement tournées vers la nature, les chants chamaniques et les rites s’inspiraient principalement des sons émis par les animaux, les arbres, les vagues, les vents…

A la rencontre des Yagans

L’ethno-acousticienne est aussi partie à la rencontre des derniers locuteurs des langues yagan, haush ou selknam, en Argentine et au Chili. De quoi redonner vie à ce que racontaient au début du siècle dernier les rares anthropologues à s’être intéressés à ces indigènes. Tel le missionnaire Martin Gusinde qui, dans les années 1920, oublia vite sa mission évangélisatrice pour s’immerger avec passion dans le quotidien des tribus. En 2018, lors d’un nouveau voyage, c’est précisément vers les Yagans étudiés par Gusinde que Lauriane décida d’orienter ses recherches. Cap cette fois sur le canal de Beagle (Onashaga en langue yagan). A l’inverse des chasseurs-cueilleurs que furent les Selknams et les Haushs, les Yagans, eux, vivaient sur l’eau. Des nomades des canaux, se déplaçant sur de longues pirogues et se nourrissant surtout de la récolte de coquillages, lesquels étaient, selon les récits anciens, extraits des profondeurs glaciales par des femmes plongeuses quasi nues… Changement d’ambiance. L’expédition se déroule cette fois dans une Terre de Feu maritime, remuante et plus venteuse encore que les fois précédentes. L’Atlantique et le Pacifique s’y rencontrent frontalement, ce qui produit souvent des conditions météo dantesques.

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La région autour d’Ushuaia (Argentine) faisait partie du territoire yagan. Lauriane y réalise un enregistrement sur le site d’un ancien campement, identifiable grâce à des amas de coquillages. © Lauriane Lemasson

Un peu plus au sud du canal de Beagle se trouve le point de passage du cap Horn, réputé pour être la «patrie officielle du mal de mer»… Et puis, il y a ces fameuses caletas, des fjords aux côtes spongieuses et aux arbres couverts de longs cheveux de lichens, des replis creusés il y a des millénaires par les glaciers. Ces labyrinthes sinuent en allant vers l’ouest, après Ushuaia, puis le long de la façade pacifique de la Patagonie chilienne et jusqu’à l’archipel de Chiloé. «La navigation est le seul moyen si l’on veut accoster sur les îlots et les criques qui essaiment un peu partout, rappelle Lauriane. Mon idée première était de déambuler en canoë à la manière des Yagans, mais techniquement l’expédition était trop complexe et très risquée.» Elle s’embarque donc comme équipière sur un voilier avec une famille française, pour une croisière de trois mois. Approvisionnement et appareillage à Ushuaia, puis traversée des eaux frontalières hautement surveillées par l’armada chilienne pour une première escale dans le port le plus austral du monde : Puerto Williams, sur l’île chilienne de Navarino, un haut lieu de la cul­ture yagan. De là, cap à l’ouest pour zigzaguer à travers les deux bras du Beagle et explorer les rives à pied afin d’y recenser les campements.

Pour ce périple, l’acousticienne a amélioré ces outils d’investigation sonore. Des micros capables d’enregistrer dans toutes les directions, des enre­gistreurs derniers cris, des protocoles millimé­trés et… une simple boîte en bois ! Acheté dans une quincaillerie d’Ushuaia, l’objet est au format d’un car­ton de chaussures. En tapant sur son couvercle, comme sur un tambour, il produit un bruit sec et fort, lequel résonnera dans le vide. De quoi tester l’écho d’un lieu et analyser la circulation du son dans un site donné. Inspiré du protocole élaboré en 1967 par François Canac (un scientifique français ayant travaillé notamment sur l’acoustique des amphithéâtres romains), ce genre de test avec une boîte permet de mieux comprendre les sites occupés jadis par les premiers habitants.

Une découverte cruciale

Après avoir quitté le bateau, Lauriane est de retour dans les steppes pour deux mois encore de recherche solitaire. Puis, en avril dernier, lors de sa dernière expé­dition, c’est au centre de la Grande Ile de Terre de Feu qu’elle fait sa découverte la plus importante. Direction le site Ewan I, autrefois utilisé par les Selknams pour le rituel initiatique des jeunes adultes dit du Hain. Etudié par le laboratoire d’anthropologie et d’archéologie du Cadic (Centre austral d’investigations scientifiques d’Ushuaia), le lieu abrite une hutte cérémonielle toujours sur pied et datée de 1905. «Là, raconte Lauriane, j’ai pu procéder à des tests acoustiques pour comprendre l’emplacement de cette hutte. Situé en lisière d’une ancienne clairière, Ewan I fonctionne en effet comme un amphithéâtre où les sons (chants, paroles, cris) sont absorbés, conduits ou déviés par le relief. Il est probable que ces effets ne relevaient pas d’un hasard mais étaient considérés dans le choix du lieu du rituel pour en assurer le bon déroule­ment.» De quoi éclairer d’un jour nouveau la thèse uni­versitaire de l’acousticienne. «On pourra demain expliquer d’autres lieux sacrés en analysant la façon dont ils résonnent», s’enthousiasm­e t-elle en pensant déjà à son prochain voyage. Il sera pour bientôt, et peut-­être à bord de son propre petit voilier. «Je rêve de traverser l’At­lantique», souffle notre Bretonne. Avant de mettre, à nouveau, le cap au sud. Vers ce pays fuégien qui a encore tant de nuances sonores à lui murmurer.

➤ Plus d’infos sur le site internet de l’association Karukinka