Khol Hol Naa propose de nommer des rues de Río Grande avec des noms de femmes autochtones selknam (Critica Sur, 3/11/2020)

Khol Hol Naa propose de nommer des rues de Río Grande avec des noms de femmes autochtones selknam (Critica Sur, 3/11/2020)

Il s’agit d’une initiative présentée par la conseillère municipale Cintia Susñar, à la demande du groupe de femmes selknam « Khol Hol Naa ». Elle sera débattue en commission à partir de la semaine prochaine et vise à reconnaître « les femmes qui ont lutté et qui continuent de lutter pour les droits des peuples autochtones ».

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À travers un projet d’ordonnance, la conseillère municipale Cintia Susñar propose que l’on donne à un groupe de rues de Río Grande des noms de femmes autochtones selknam, répondant ainsi à une demande de l’Agrupación « Khol Hol Naa ».

Source: https://criticasur.com.ar/nota/28986/proponen_denominar_calles_de_rio_grande_con_nombres_de_mujeres_originarias_selknam/?rand=912 / traduit de l’espagnol par les bénévoles de l’association Karukinka

Parmi les arguments de sa proposition, Susñar affirme que « l’identité d’une ville se construit en valorisant ses origines », c’est pourquoi « dans le but de renforcer la culture de la ville, nous devons reconnaître, nommer et faire connaître les origines de notre culture, avec ses femmes qui ont été un pilier fondamental pour toute organisation de la société ».

En ce sens, l’élue considère que « nous devons encourager ce type d’actions afin que tous les représentants de notre ville reçoivent l’hommage et la reconnaissance qu’ils méritent », soulignant que « les premières femmes ont été des pionnières sur notre terre, et c’est ainsi que nous devons leur accorder la reconnaissance qu’elles méritent, afin de mettre en valeur leur travail, leur dévouement et leurs milliers de traces si fécondes dans notre quotidien ».

Par ailleurs, Susñar a mis en avant l’Agrupación « Khol Hol Naa », assurant qu’elle « travaille sans relâche pour que ses valeurs et principes soient transmis de génération en génération », ajoutant que « dans les temps que nous vivons, il est plus qu’important de donner la place qui revient aux femmes qui, par leurs efforts, ont forgé notre histoire ».

Six artères, actuellement sans nom, seront incluses dans le projet :

Calle s/n 418: Virginia Ángela Choquintel Napoleón
Calle s/n 438: Enriqueta Gastelumendi:
Calle s/n 439: Elvira Oray
Calle s/n 440: Rosario Imperial
Calle s/n 442: Herminia vera hilioyen
Calle s/n 443: Covadonga

La demande de Khol Hol Naa

Dans la note adressée à Susñar, les membres de l’Agrupación « Khol Hol Naa » (qui signifie « le retour des femmes » en langue selknam) ont indiqué que l’objectif est de « consolider le genre féminin et, surtout, nos racines », assurant que l’on cherche ainsi à rendre hommage « à toutes nos sœurs qui ont lutté et qui luttent encore pour les droits des peuples autochtones ».

« C’est pourquoi l’idée a toujours été de préserver et de sauvegarder la culture selknam, qui a été exclue pendant des années. Nous voulons faire valoir respectueusement notre histoire et celle de chacune de celles qui ont subi les pires atrocités et mauvais traitements », ont-elles indiqué.

Enfin, depuis l’entité, elles ont souligné que « compte tenu du contexte actuel de la ville, alors que nous célébrons notre centenaire, nous souhaitions demander cordialement de donner le nom de nos femmes autochtones à des rues, des places, des placettes, des ronds-points ou tout autre espace public ».

« Dans le contexte actuel, la femme a gagné une place méritée, réalisant d’importants progrès pour notre société, mais nous ne pouvons pas oublier nos sœurs qui ont lutté pour notre terre, où elles ont subi les pires actes de violence, d’abus et où elles ont été totalement vulnérables face à l’invasion », ont-elles affirmé.

Qui sont les femmes selknam proposées pour cet hommage ?

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Virginia Choquintel, du peuple selk’nam (Rio Grande Terre de Feu)

Virginia Ángela Choquintel Napoleón

est née le 20 juillet 1942 à la Mission salésienne de Río Grande, où elle a été pensionnaire, a effectué ses études primaires et a vécu une grande partie de sa vie. Elle a été témoin de la fin des peuples autochtones de la Terre de Feu, qui, à cette époque, ne comptaient plus que quelques survivants du génocide selknam, du métissage et des maladies importées par les Blancs.

Elle gardait très peu de souvenirs de son enfance. Elle se rappelait que son père, Natalio Choquintel, qui vivait dans une maison de la Mission salésienne, l’emmenait tous les après-midis faire du cheval. De sa mère, Magdalena Saenes, elle ne se souvenait de rien, car celle-ci avait succombé aux maladies apportées par les Occidentaux alors que Virginia n’avait que 4 ans. Virginia est décédée le 2 juin 1999 à Río Grande, à l’âge de 56 ans

Enriqueta Gastelumendi

« La India Varela » (1913-2004) est née un jour d’hiver, fille d’une mère selknam et d’un père basque espagnol. Elle a été femme, mère, grand-mère et, par-dessus tout, une femme qui nous a légué son art, ses œuvres ou, comme elle disait, « ses petits travaux » qui semblaient avoir une vie propre, cette vie transmise de l’identité fuégienne, incarnée dans le lenga, se transformant d’un arbre tombé en sang de la terre devenu art, sculptant différentes œuvres, par exemple : le Christ ona parmi tant d’autres créations. Enriqueta est décédée le 29 août 2004.

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Enriqueta Gastelumendi, femme autochtone et témoin de la culture selk’nam

Elvira Oray

Elle est née à Río Grande le 4 août 1934, fille d’Adela Parra (selknam) et de Ramón Oray, appartenant à la lignée de Lola Kiepja. À l’âge de 6 ans, elle fut amenée, avec le groupe de femmes de la famille, à vivre à la Mission salésienne, où elles furent ensuite séparées. Elvira a subi toutes sortes de violences, étant vulnérable du fait d’être « orpheline » et autochtone. À sa majorité, elle s’est mariée avec Sabino Salamanca et ils ont eu six enfants. Elle a travaillé à l’abattoir CAP et au Centre sportif municipal. Elle est décédée le 7 juillet 1987 à Río Grande

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Femmes selk’nam en haut de gauche à droite : Kiepja, Cecilia Oray dans les bras de Carmen Venegas; Anita Oray dans les bras d’Adela Parra et ? / En bas : Elvira Oray, Ejej et Leonor Oray. Photo prise à la fin du génocide selk’nam dans les années 1920 à la Mission Salésienne Rio Grande

Rosario Imperial

Selknam, propriétaire de la première pension de Río Grande, où séjournaient des gens de la campagne et des « paisanos » selknam. C’était un lieu où ils se réunissaient pour parler leur langue. Elle est décédée en 1970.

Rosario Imperial, femme selk nam ayant vécu à Rio Grande (Terre de feu argentine)

Herminia Vera Hilioyen

Herminia Vera Hilioyen, selknam, fille de Matilde Hilioyen (selknam) et d’Antonio Vera, est née le 27 octobre 1922 à l’estancia Viamonte, où elle a passé son enfance. Par la suite, elle a été envoyée à Punta Arenas pour commencer l’école primaire, puis elle est revenue à la Mission salésienne où on lui a dispensé l’enseignement de l’époque. Elle s’est mariée à 21 ans et a eu 10 enfants. Herminia a toujours gardé à l’esprit qu’elle avait traversé des périodes de discrimination, ce qui a conduit à ce que ses origines soient cachées. Elle était reconnue pour sa chaleur humaine et sa gentillesse envers toute personne qui dialoguait avec elle. Herminia est décédée le 5 juillet 2014

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Herminia Vera Hilioyen

Covadonga

Femme du peuple selknam, également connue sous le surnom de « chonga ». Elle a été arrachée à son habitat à l’âge de 10 ans pour être mise en servitude, se faisant aimer pour sa sympathie et sa gentillesse. Elle a appris à lire et à écrire, parlait allemand et espagnol. On la voyait très à l’aise et joyeuse avant sa mort soudaine (tuberculose) en 1899. Sa mort a toujours été entourée de doutes, car il a été découvert qu’elle transmettait des informations à un jeune cacique tehuelche.

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Covadonga, une des figures du génocide selknam ayant disparu à Punta Arenas (Chili)

« Sauvages », les victimes des zoos humains, ces oubliés de l’histoire

Sans pathos, ce documentaire (dédié aux zoos humains) décortique le racisme pseudoscientifique à l’origine de cette pratique qui persista jusqu’à la seconde guerre mondiale.

Par Pierre Lepidi Publié le 05 septembre 2020 à 20h00

Exhiber des « sauvages » derrière des grilles, c’était avant tout légitimer la colonisation et prouver la prétendue supériorité de l’homme blanc. Photo non datée, probablement fin du XIXe siècle.
Exhiber des « sauvages » derrière des grilles, c’était avant tout légitimer la colonisation et prouver la prétendue supériorité de l’homme blanc. Photo non datée, probablement fin du XIXe siècle. GROUPE DE RECHERCHE ACHAC/ARTE

ARTE – SAMEDI 5 SEPTEMBRE À 20 H 50 – DOCUMENTAIRE

A l’exception peut-être de Saartjie Baartman, mieux connue sous le pseudonyme de « Vénus hottentote », une jeune femme originaire d’Afrique du Sud arrivée en Europe en 1810 et dont le destin a été porté à l’écran par Abdellatif Kechiche dans Vénus noire (2010), l’histoire populaire n’a retenu aucun nom, aucun visage. Pendant tout le XIXe siècle et jusqu’à la seconde guerre mondiale, près de 35 000 personnes ont pourtant été exhibées dans des cirques ou lors d’expositions universelles et coloniales en Europe et aux Etats-Unis. Devant un public avide de sensations fortes et assoiffé d’exotisme, des hommes, des femmes et des enfants ont été présentés comme des bêtes sauvages ou des monstres sexuels.

Ce documentaire retrace la vie de Petite Capeline, Tambo, Moliko, Ota Benga ou Jean Thiam. Ils ont été arrachés au Congo, à la Guyane, à la Patagonie ou à l’Australie. Sans pathos, le film de Pascal Blanchard et Bruno Victor-Pujebet retrace leur vie grâce à d’innombrables archives (vidéos, affiches, films, cartes postales, articles de presse…), à des éclairages d’universitaires parmi lesquels l’anthropologue Gilles Boëtsch (CNRS) et des historiens comme Benjamin Stora et Sandrine Lemaire. A l’écran, le résultat final ressemble à un hommage aussi fort qu’émouvant.

Asservir et coloniser

« Vouloir se souvenir, ça ne veut pas dire vouloir culpabiliser les gens », prévient au début du documentaire Lilian Thuram, ancien pilier de l’équipe de France de football et président de la Fondation Education contre le racisme. Le film conserve le même esprit grâce, notamment, aux commentaires du rappeur et écrivain Abd Al Malik, qui accompagne les récits des « déracinés » et ceux de leurs descendants. L’évolution des zoos humains montre comment la société européenne est passée d’un racisme pseudoscientifique à un racisme de masse, les « sauvages » étant montrés comme des êtres inférieurs qu’il faut asservir et coloniser pour assurer leur développement.

Dans les années 1880, en Europe, il faut montrer d’authentiques « primitifs » dans les zoos, quitte à faire croire qu’ils sont cannibales. Le grand public veut ressentir le même frisson que les aventuriers lors de leurs expéditions lointaines. Petite Capeline a été capturée à l’âge de 2 ans avec dix membres de son village de Patagonie. Morte d’une broncho-pneumonie après quelques mois en France, elle est enterrée à deux pas du Jardin d’acclimatation, à Paris. Quant à sa famille, elle est exposée en Allemagne puis en Suisse. Deux membres survivront et reverront leur terre natale, mais en y rapportant un virus respiratoire qui décimera leur peuple.

Aux Etats-Unis, Phineas Barnum a construit sa fortune en présentant dans ses spectacles des femmes à barbe, des frères siamois, des obèses, mais aussi des aborigènes d’Australie ou des Pygmées du Congo. Ces derniers, en raison de leur petite taille, qui leur a pourtant permis de survivre dans les forêts d’Afrique centrale, ont longtemps été classés au dernier rang de l’espèce humaine.

En Allemagne, au début du XXe siècle, Carl Hagenbeck a été l’un des plus grands imprésarios d’Europe. Marchand d’animaux, il a aussi alimenté en « sauvages » des cirques, des ménageries et des jardins zoologiques. Un siècle après sa mort, en 1913, un zoo de Hambourg porte encore son nom. De hautes statues décorent la porte d’entrée. Elles représentent des hommes originaires de contrées lointaines au milieu d’animaux sauvages.

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Sauvages – Au cœur des zoos humains, de Pascal Blanchard et Bruno Victor-Pujebet (Fr., 2018, 90 min). www.arte.tv

Pierre Lepidi

Source: https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/09/05/sauvages-les-victimes-des-zoos-humains-ces-oublies-de-l-histoire_6051140_3246.html

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« Patagonie route 203 » : le road-trip fou d’Eduardo Fernando Varela (Le Monde, 27/8/2020)

Peuplé de créatures étranges, l’extrême sud de l’Amérique du Sud est le théâtre d’un voyage étourdissant de l’écrivain argentin.

https://www.lemonde.fr/livres/article/2020/08/27/patagonie-route-203-le-road-trip-fou-d-eduardo-fernando-varela_6050123_3260.html

Par Ariane Singer (Collaboratrice du « Monde des livres ») Publié le 27 août 2020 à 19h00

A travers la Patagonie.
A travers la Patagonie. CORNELIA DOERR/GO FREE/GRAPHICOBSESSION

« Patagonie route 203 » (La marca del viento), d’Eduardo Fernando Varela, traduit de l’espagnol (Argentine) par François Gaudry, Métailié, 358 p., 22,50 €, numérique 15 €.

La route pour seul horizon. Tel est le quotidien de Parker. A bord de son camion, ce chauffeur routier sillonne les vastes steppes de la Patagonie pour transporter, jusqu’aux ports de l’Atlantique, ses cargaisons de fruits exotiques de contrebande. Son vieux saxophone à ses côtés, cet homme au passé turbulent cherche à « vivre en paix une existence errante », tout en empruntant les artères secondaires, surveillées par des polices locales moins regardantes sur le contenu de son chargement, et « plus faciles à corrompre » que les autorités fédérales.

Lorsqu’une avarie mécanique le contraint à une halte imprévue dans un des hameaux qu’il traverse, Parker n’a d’autre choix que de prendre son mal en patience. Là, une visite à la fête foraine va changer le cours de son existence : tombé sous le charme de la femme du propriétaire des manèges, Maytén, juste avant que les forains ne lèvent le camp pour une destination inconnue, ce solitaire impénitent décide de la retrouver coûte que coûte. Et de reprendre la route, peu importe où celle-ci le mènera.

Bien loin de la démarche ethnologique du romancier Bruce Chatwin (1940-1989), parti dans la région saisir ses habitants les plus marginaux et ses espaces infinis (En Patagonie, Grasset, 1979), Eduardo Fernando Varela, scénariste pour la télévision et le cinéma, prend le parti d’un humour ravageur pour dérouler ce road-trip argentin. En témoignent les noms des lieux fictifs qu’il fait traverser à son protagoniste, tous plus loufoques les uns que les autres (Saline du désespoir, Montagne trouble, Pampa de l’enfer…)

Comique de répétition

Se riant des écrivains et des voyageurs attachés au mythe d’une Patagonie pétrie de légendes et peuplée d’excentriques, le romancier propose sa propre galerie de personnages bizarres, comme sortis d’une autre dimension. On croise ainsi un journaliste,

(la suite de l’article est réservée aux abonnés)

Les inventeurs de l’art de vivre (7/7). Jeanne Barret, première femme à avoir fait le tour du monde (L’Obs, 23/8/2020)

En embarquant en 1766 à bord d’un des bateaux de l’expédition Bougainville, Jeanne Barret, travestie en homme, est devenue l’une des premières exploratrices françaises. Experte en supercherie, mais aussi en herboristerie.

Decouverte des Louisiades par Louis Antoine, comte de Bougainville (1729-1811), 18eme siecle - Peinture de Ambroise Louis Garneray (1783-1857), 19eme siecle - Sevres, Manufacture De Porcelaine ©Photo Josse/Leemage (©Photo Josse/Leemage)
Decouverte des Louisiades par Louis Antoine, comte de Bougainville (1729-1811), 18eme siecle – Peinture de Ambroise Louis Garneray (1783-1857), 19eme siecle – Sevres, Manufacture De Porcelaine ©Photo Josse/Leemage (©PHOTO JOSSE/LEEMAGE)

Par Dorane Vignando

Publié le 23 août 2020 à 20h26· Mis à jour le 23 août 2020 à 20h28

Décembre 1766, rade de Rochefort, en Pays de la Loire : on s’active sur le pont de la flûte « l’Etoile », chargée à bloc de denrées de ravitaillement. Tous les regards se tournent vers ce grand navire dont la vapeur tamise le bleu du ciel. On parle de lui dans les tavernes, les maisons, les fermes, les presbytères. C’est la flûte « l’Etoile » qui s’apprête à faire voile pour le tour du monde ! Pour la première fois, un équipage français va se lancer dans cette expédition.

En retrait, un homme et son jeune valet attendent d’embarquer. Elancé et mince, l’homme, la quarantaine, a le regard sévère. Le jeune garçon à ses côtés est petit, trapu, les joues roses couvertes de tâches de son. Tous deux attendent de monter à bord pour ce périple de deux ans autour du globe, une grande expédition officielle voulue par le roi Louis XV, conduite par Louis Antoine de Bougainville. Au programme : exploration de nouvelles terres,…

La suite est réservée aux abonnés et mentionne la Patagonie, étape de ce tour du monde : https://www.nouvelobs.com/tendances/20200823.OBS32463/les-inventeurs-de-l-art-de-vivre-7-7-jeanne-barret-premiere-femme-a-avoir-fait-le-tour-du-monde.html

Nous vous recommandons la lecture de son portrait publié par :

Et surtout la lecture du livre dédié à cette femme et écrit par Christelle Mouchard “L’aventurière de l’Etoile” paru en 2020 aux éditions Tallandier (https://www.tallandier.com/livre/laventuriere-de-letoile/)

Le musée municipal “Virginia Choquintel” est reconnu comme membre du Circuit National des Musées Argentins (24/7/2020)

Source : https://info.riogrande.gob.ar/el-museo-municipal-virginia-choquintel-es-reconocido-como-integrante-del-circuito-nacional-de-museos-argentinos traduit de l’espagnol par Karukinka

Au cours de ses 21 années d’existence, l’enregistrement auprès de la Direction nationale des musées n’avait pas commencé. L’actuelle Direction Municipale a mené les démarches pertinentes afin de mettre en valeur cet espace culturel et historique emblématique de Río Grande.

La municipalité de Río Grande célèbre que, depuis le 22 juillet dernier, le musée municipal « Virginia Choquintel » fait partie du registre national des musées argentins.

Il convient de rappeler que le 1er juin dernier, le Musée municipal a célébré ses 21 ans d’histoire. Cette propriété, qui a été offerte par l’Association Rurale de Terre de Feu au milieu des années 80, grâce à l’initiative de voisins qui ont entrepris le « Centre Documentaire Historique », est aujourd’hui en cours de rénovation et d’actualisation.

Bien que l’institution existe depuis 21 ans, son enregistrement auprès de la Direction nationale des musées n’avait jamais commencé auparavant. C’est pourquoi, depuis le début de cette année, l’actuelle Direction Municipale a entamé les démarches pertinentes pour que ledit espace adhère au Registre des Musées Argentins.

À cet égard, le sous-secrétaire à la Culture, Carlos Gómez, a indiqué qu’« il est de la plus haute importance pour le maire Martín Pérez et pour cette administration de réévaluer le patrimoine culturel que possède la ville, en tenant compte du fait qu’elle est en route vers le centenaire ». ” et a ajouté que “les principaux objectifs de la décision adoptée étaient précisément de valoriser le patrimoine local conservé dans le Musée et de redonner du sens à cet espace culturel et historique de Río Grande”.

Le Registre des Musées Argentins (RMA) vise à rendre visible la communauté muséale sur tout le territoire national, en contribuant à la construction d’espaces d’échange entre les institutions et en travaillant en collaboration avec la Direction Nationale des Musées, les autorités patrimoniales et autres musées du pays.

Dans ce sens, le sous-secrétaire a souligné que “l’appartenance au RMA nous donne la possibilité, à travers sa plateforme en ligne, d’être consultés par les professionnels d’autres musées, ainsi que par ceux qui souhaitent nous rendre visite et nous connaître”.

“Cette initiative, fondamentale pour ouvrir un écran sur le monde, recrée la possibilité de faire connaître nos collections, les activités culturelles développées à partir du Musée municipal ‘Virginia Choquintel’, ainsi que les programmes éducatifs et tous les services offerts tout au long de l’année”, a-t-il noté.

De même, Gómez a souligné qu’« un autre avantage de l’intégration du RMA est que nous ferons également partie du Registre des musées ibéro-américains -RMI- de l’Observatoire ibéro-américain des musées ».

Enfin, le responsable a exprimé que “du Sous-secrétariat à la Culture de la Municipalité nous aspirons à générer différentes actions avec la mission fondamentale d’intégrer, d’interagir en permanence avec d’autres institutions de la zone et d’offrir à nos visiteurs un échantillon d’excellence”.

Les personnes intéressées à accéder au site où le Musée municipal « Virginia Choquintel » est publié dans le cadre du Registre national des musées argentins peuvent le faire à : https://rma.cultura.gob.ar/#/app/museos/ver /index /onglet/733

Communauté indigène selk’nam Rafaela Ishton, à propos de l’autoreconnaissance et du respect (Enlace24.com, 21 juillet 2020)

Compte tenu des griefs et des mensonges que certains médias sont prêts à propager sans vérifier ni se soucier d’enquêter, la communauté Selk’nam Rafaela Ishton est obligée d’informer que notre président Rubén Maldonado a reconnu à temps que, lorsqu’ils se formaient en tant que communauté, il croyait que sa grand-mère Alkan était Haush mais plus tard, en enquêtant sur la version de Don Segundo Arteaga, ils ont confirmé qu’elle était Selk’nam avec des documents fiables.

[Source : https://enlace24.com/web/2020/07/21/comunidad-indigena-rafaela-ishton-acerca-del-autoretrabajo-y-el-respeto/]

Comme le rappelait Maldonado dans une note publiée par La Prensa Austral il y a plusieurs années : « Mon arrière-grand-mère était Cristina Alkan, née dans la région du lac Kami (Fagnano) en 1873 et décédée à l’âge de 70 ans ; ma grand-mère était Matilde Illioyen, née en 1904 à Bahía Thetis ; Elle est décédée en 1923, à l’âge de 26 ans. Matilde avait épousé le Chilien Manuel Antonio Vera Mayorga, originaire d’Osorno qui, dès l’âge de 14 ans, avait été élevé par des prêtres de Río Grande et de l’union duquel Alejandro, Nolberto et Herminia, ma mère, étaient nés, la dernière en 1922 dans le Haruwen de Saipot. Les documents d’Herminia Vera corroborent son origine Selk’nam.

Absolument personne ne peut refuser à une personne le droit à la reconnaissance en tant que peuple autochtone. Mais il est indispensable que le peuple le reconnaisse comme membre pour pouvoir le rejoindre et jouir des droits qui lui appartiennent en tant que tels.

Tous les membres de la communauté Rafaela Ishton ont enquêté sur leurs racines, leurs liens familiaux, leurs souvenirs et leurs histoires de leurs ancêtres et ont même fourni des documents pour confirmer leur ascendance après s’être reconnus et avoir décidé de rejoindre notre peuple.

En ce sens, nous avons tous dû recourir aux registres des Salésiens, car, à l’époque où s’est produit le génocide de notre peuple, il n’y avait ni registres d’état civil ni cimetières publics, et l’Église se chargeait de les enregistrer à travers des livres. et les actes de naissance et de décès, ainsi que les baptêmes et les mariages.

Le cas de Rubén Maldonado est à l’opposé de celui de notre bien-aimée Enriqueta Gastelumendi de Varela, qui, lors de la formation de la communauté Rafaela Ishton, s’est reconnue comme Selk’nam, même s’il a été prouvé que ses racines étaient Haush, non seulement à cause de la revue historique de son passé, mais surtout parce que cela est confirmé par sa foi baptismale.

Cependant, son comportement impeccable avec le reste des anciens qui ont commencé la lutte pour récupérer les terres et son esprit d’unité et de camaraderie ont été décisifs pour qu’elle soit considérée comme une de plus parmi nous.

Nous pensions que cela était clair jusqu’à ce que ses arrière-petites-filles Antonela et Daniela Guevara commencent à insister pour être les autorités de la communauté, alors qu’il est clair que les indigènes Haush ne sont ni légalement ni éthiquement en mesure de diriger une communauté selk’nam de nom.

À plusieurs reprises, elles ont été informées de cette situation et malgré cela, en usant de leur comportement irrespectueux habituel et en faisant appel à la bassesse et au mensonge, elles ont réussi à intégrer le Conseil Participatif Indigène avec notre sœur Mirta Salamanca, mandat qui a expiré à la fin de l’année dernière, année d’une triste tendance aux plaintes concernant les attaques, les menaces, les incendies et les négociations engagées au nom de notre communauté. Tout cela dans le dos de tout le monde, comme “le timbre de bétail” récemment découvert au nom de la communauté, pour lequel le gouvernement provincial doit enquêter sur son utilité.

Afin de dissiper tout soupçon, nous réitérons que ces mêmes personnes, qui ont pris vendredi la délégation gouvernementale en utilisant le nom de notre peuple, ont été expulsées en janvier de cette année, non pas pour leur statut de Haush, mais pour leur mauvaise conduite, leur manque de respect pour les personnes âgées et pour avoir menacé et intimidé les frères de la communauté et pour avoir effectué des démarches, traité avec les autorités et obtenu des avantages en utilisant le nom de notre communauté et en s’arrogeant un pouvoir qu’ils n’ont pas.

De même, en cas de doute, nous réaffirmons que la Communauté Rafaela Ishton a son propre statut juridique, dispose d’un conseil d’administration renouvelé en 2016 et d’un Conseil des Anciens composé de personnes qui ont rendu possible la communauté Selk’nam, son existence aujourd’hui, formée, reconnue et régularisée en vertu de la loi blanche en tant que telle. Elle n’a donc besoin d’aucun CPI pour la gouverner.

Toutes ces infractions très graves sont documentées et nous avons déposé toutes les plaintes nécessaires auprès des autorités compétentes, et nous continuerons à le faire jusqu’à ce que nous puissions garantir que ces personnes reçoivent la punition qu’elles méritent pour avoir sali notre nom et celui de nos aînés qui ont obtenu tous les avantages dont bénéficie aujourd’hui notre peuple.

Enfin, nous faisons savoir à l’ensemble de la communauté et à la presse que le respect de nos aînés de la communauté selk’nam est supérieur à tout mandat. Celui qui entend quelqu’un dire du mal de ses frères et surtout de ses aînés, par ses paroles, saura qu’il n’est pas des nôtres.

“Au Chili, avec les derniers cow-boys de Patagonie” (Le Figaro, 17/07/2020)

https://www.lefigaro.fr/international/au-chili-avec-les-derniers-cow-boys-de-patagonie-20200703

Au Chili, avec les derniers cow-boys de Patagonie

Par Alexandra Fuller et Vincent Jolly

Publié le 03/07/2020 à 05:00

REPORTAGE – Aux confins des fjords chiliens, dans un territoire aussi indomptable que les bêtes qui y vivent, des hommes partent braver les éléments pour capturer le bétail le plus sauvage d’Amérique du Sud. Une tradition qui tend à disparaître devant l’arrivée du tourisme de masse. Un travail photographique exposé jusqu’en octobre au Festival Photo La Gacilly, dans le Morbihan.

C’est une histoire de sang, de courage et de tradition. Et comme dans beaucoup de ce genre d’histoire, des chevaux et des cavaliers émérites en sont les principaux acteurs. Reste que ces hommes risquent quotidiennement de perdre leurs bras, leurs jambes – quand ce n’est pas leur vie. Une telle histoire ne peut se dérouler ailleurs que dans un paysage profondément sauvage ; un lieu si lointain qu’il est presque impossible de s’y aventurer par des moyens ordinaires. Un endroit qui n’apparaît pas sur la plupart des cartes. Une région que l’on ne trouve que si l’on sait où chercher.

Pour cette histoire, c’est d’abord Sutherland qu’il nous faut trouver: un bras de terre au sud du Chili, dans la Patagonie australe. Aucune route n’y mène. Aucun campement n’a été établi à proximité. Au nord, Sutherland est bordé par le Parc national Torres del Paine ; et au-delà, les infranchissables champs de glace qui séparent la Patagonie chilienne du reste du pays. À l’ouest, une myriade de petites îles éparpillées…

Décès de Don Bernardino Pantoja Imperial, selk’nam de la communauté Rafaela Ishton (Infofueguina, 26/6/2020, “Falleció hoy antiguo poblador y descendiente de pueblos originarios”)

Il s’agit de Don Bernardino Pantoja, un homme très apprécié de la communauté de Selk’nam. Son départ physique a eu lieu ce vendredi, et sur les réseaux sociaux, on se souvient avec appréciation de lui comme d’un personnage très aimé.

Falleció hoy antiguo poblador y descendiente de pueblos originarios

Par Redaction Infofueguina vendredi 26 juin 2020 · 21:22. Traduit de l’espagnol par l’association Karukinka

Source : https://www.infofueguina.com/social/2020/6/26/fallecio-hoy-antiguo-poblador-descendiente-de-pueblos-originarios-48125.html

La communauté Fuégienne et Selk’nam a exprimé ses regrets et ses adieux après le départ physique de Bernardino Pantoja Imperial, ce vendredi 26 juin.

En plus d’être un ancien habitant (“antiguo poblador”), Don Bernardino était membre de la communauté autochtone Rafaela Ishton Selk’nam de Río Grande et du club sportif et culturel Général San Martín.

“Aujourd’hui est un jour très touchant pour toute notre communauté Selk’nam, le grand-père Bernardino Pantoja Imperial nous quitte pour rejoindre le grand Kashpek”, ont-ils exprimé sur les réseaux sociaux après avoir appris la nouvelle.

“Aujourd’hui, un ancien résident et grand athlète, Bernardino Pantoja Imperial R.I.P., surnommé le “Roi du Dribble”, nous a quitté physiquement. Ceux qui se souviennent de lui dans sa jeunesse le considèrent comme un grand athlète, dans le football, dans la boxe. Nous l’accompagnons avec tous ceux qui ajoutent leur silence à son silence…”, ont-ils ajouté.

“Je n’ai pas de mots pour remercier tant d’amour, de gentillesse, d’hospitalité, ses enseignements et les conversations relatives à notre peuple et à ses ancêtres”, ont-ils exprimé.

Podcast Patagonie “Les Baladeurs” (Les Others) : Les ombres de la Terre de Feu (Lauriane Lemasson) #31 par Camille Juzeau

Podcast Patagonie “Les Baladeurs” (Les Others) : Les ombres de la Terre de Feu (Lauriane Lemasson) #31 par Camille Juzeau




À l’extrême sud du continent sud-américain se trouve la Terre de feu, une terre composée d’îles réparties entre l’Argentine et le Chili longtemps baptisée « bout du monde ». En 2013, la chercheuse Lauriane Lemasson part en expédition en autonomie complète pour enregistrer les sonorités des paysages. Dans cette quête entêtante, la jeune femme espère trouver les traces d’occupations des peuples amérindiens qui vivaient là il y a près de 12 000 ans. #podcast patagonie

Une géographie du “bout du monde”

À l’extrême sud de l’Amérique du Sud, au sud du détroit de Magellan, la Terre de Feu constitue un chapelet d’îles partagées entre le Chili et l’Argentine, battues par les vents du Pacifique et de l’Atlantique. Longtemps considérée par les Européens comme « finisterre », elle offre un relief de steppes balayées par les rafales, de forêts primaires, de montagnes abruptes et de canaux glaciaires que sillonnent aujourd’hui quelques navires de recherche ou voiliers d’expédition. Cette géographie austère façonne l’imaginaire du podcast : dès les premières minutes, la narration convoque le fracas des rafales, le mugissement des vagues et les silences minéraux des plateaux battus par la bruine australe.

Une expédition en autonomie complète

En 2013, Lauriane Lemasson, alors jeune chercheuse en ethnomusicologie, décide de parcourir la Terre de Feu à pied pendant trois mois, sans assistance extérieure. Son objectif : saisir l’empreinte sonore de territoires désertés par la colonisation, cataloguer la signature acoustique de lagunes, forêts anémophiles, falaises littorales et vallées empreintes d’échos lointains. L’autonomie, souligne Camille Juzeau, n’est pas un simple gage de liberté ; c’est la condition d’une immersion prolongée qui bannit les moteurs, s’accommode de pénuries et accepte l’errance comme méthode d’exploration. Cette posture “low impact” correspond à la tradition d’ethnographie sonore in situ : l’enregistreur portatif devient journal de bord et laboratoire de terrain simultanément.

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Lauriane Lemasson lors de l’expédition scientifique en autonomie complète en Terre de Feu argentine (2013)

Paysages sonores : enregistrer l’inaudible

Le cœur scientifique de l’expédition réside dans la captation de ce que l’on nomme en écologie sonore le soundscape : la combinaison de sons biophoniques (faune), géophoniques (vents, rivières, brisants) et anthropophoniques (traces humaines). Lauriane Lemasson utilise différents types de microphones pour capter les résonances du vent dans les lengas, le ressac sur les blocs de basalte, les cris des caracaras et la rumeur grave des colonies de lions de mer. Ces archives servent d’abord la recherche musicologique ; elles constituent surtout une mémoire vibrante d’écosystèmes fragiles soumis au réchauffement accéléré des latitudes australes.

Sur la piste des peuples Yagan et Selk’nam

Au-delà de la curiosité acoustique, l’ethnomusicologue nourrit un désir de rencontre avec l’histoire longue des premiers habitants : les Yagan (ou Yámana) nomades marins et les Selk’nam (ou Ona) chasseurs-pêcheurs de la steppe. Entre les xixe et xxe siècles, ces peuples furent décimés par la violence coloniale et les maladies. Lauriane Lemasson espère déceler, dans les vestiges matériels et sonores, les traces survivantes de leur présence plurimillénaire. Elle découvre ainsi des traces de campements, des coastal middens d’amas coquilliers, des pointes de flèches et autres objets lithiques laissés à même le sol. Ces témoignages deviennent des balises affectives, figeant la rumeur de vies disparues dans la mémoire sonore de la steppe.

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Marcher pour se perdre : une méthode de terrain

Camille Juzeau insiste sur l’importance de la “dérive” volontaire au sein d’un espace sans sentier balisé. Faute de cartes détaillées, Lauriane Lemasson avance à l’estime, laissant la topographie guider le rythme des jours. Cette errance délibérée fait écho aux méthodes expérientielles chères aux géographes de l’extrême qui privilégient l’intuition, le corps-outil et la perception multisensorielle. À force de marche solitaire, l’exploratrice atteint l’état de « pilote automatique », un flux de conscience où chaque craquement de bois ou battement d’ailes devient signifiant : l’oreille précède l’œil, le micro remplace le compas.

Histoire enfouie et archéologie sensible

La Terre de Feu recèle une archéologie encore largement méconnue ; les fouilles programmées y sont rares, l’accès coûteux. Lemasson mentionne dans le podcast la découverte de harpon heads, de boleadoras et d’outils lithiques taillés, souvent affleurant le sol aride. Ces objets, témoins d’une occupation remontant parfois à 12 000 ans, rappellent la complexité des systèmes socio-techniques des Yagan et Selk’nam. L’archéologie “sensible” adoptée ici ne prélève pas de vestiges ; elle préfère les inventorier, les photographier, les contextualiser, puis laisser la terre refermer son secret, afin de respecter la souveraineté patrimoniale autochtone.

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Hêtre fuégien sur la rive nord du canal Beagle (Terre de Feu argentine, 2013)

Écoute et mémoire : envers et contre le silence

Dans la narration, l’enregistrement devient acte politique : sauver le timbre d’un lieu avant qu’il ne s’altère sous la pression touristique ou climatique. Lemasson capte, par exemple, le craquement d’une langue de glace se désagrégeant au fond d’une caleta, l’écho d’un souffle d’otarie traversant le fjord, les rafales chargées d’air antarctique. Chaque empreinte sonore se mue en archive, transmissible aux chercheurs, artistes et communautés locales. Le podcast souligne ainsi la nécessité de préserver les paysages acoustiques comme patrimoine immatériel, au même titre que les objets muséaux.

Narration immersive de Camille Juzeau

Réalisatrice aguerrie, Camille Juzeau tisse un récit mêlant interviews et field recordings de Lauriane Lemasson avec les compositions d’Alice-Anne Brassac. Le montage superpose voix off, confidences de l’exploratrice et nappes sonores captées sur le terrain, créant une dramaturgie hypnotique. Par cette technique, l’auditeur traverse la steppe sous le vent, partage les haltes nocturnes dans la tente, entend les gouttes ruisseler sur la toile. Ce dispositif immersif incite à une écoute active des territoires évoqués.

Résonances contemporaines

L’expédition de 2013 prend un relief nouveau à l’heure où la Terre de Feu subit la pression minière, l’implantation de fermes aquacoles et le tourisme d’aventure de masse. Les données sonores collectées constituent dès lors une ligne de base pour mesurer l’évolution future du paysage acoustique. Par ailleurs, le renouveau des revendications autochtones (loi Lafkenche au Chili, renégociations territoriales en Argentine) confère au travail de Lemasson une dimension militante : restituer la présence des Yagan et Selk’nam en dehors des discours muséifiés. Cette expédition est aussi le point de départ, l’année suivante, de la fondation de l’association Karukinka.

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Baie Lapataia (Terre de Feu argentine, 2013)

Invitation à l’écoute active

« Les ombres de la Terre de Feu » rappelle qu’écouter est un acte de présence au monde, qu’un micro tendu vers l’horizon capte autant l’immensité d’un territoire que la fragilité d’une culture. À travers la marche solitaire, l’enregistrement minutieux et le dialogue avec l’invisible, Lauriane Lemasson révèle les strates sonores d’une Patagonie archéologique, poétique et politique. Le podcast, porté par la plume sensible de Juzeau, invite chacun à devenir “audionome” : observateur attentif des bruissements planétaires.

Au-delà du récit d’aventure, l’épisode 31 des Baladeurs se présente comme une archive sensible de la Terre de Feu, conjuguant démarche scientifique, hommage aux peuples autochtones et plaidoyer pour la préservation de paysages sonores menacés. À l’écoute, on comprend que les ombres du passé vibrent encore dans les vents australs, que chaque pas dans la steppe réveille une mémoire enfouie, et que la quête d’un “son exact” est aussi la quête d’un lien juste entre l’humain et son environnement. Finalement, cette aventure rappelle que l’exploration n’est pas seulement affaire de conquêtes géographiques ; elle est aussi, et surtout, une recherche d’harmonie avec les espaces que l’on traverse et les histoires que l’on y écoute. Chaque souffle de vent enregistré, chaque coquillage craquant sous les semelles, chaque silence nocturne relayé par le micro devient alors un pont lancé entre science, art et mémoire, invitant les auditeurs à marcher eux aussi, intérieurement, vers ces ombres sonores qui peuplent encore la Terre de Feu.

Mort de Jean Raspail, écrivain et explorateur (Le Figaro, 13/6/2020)

https://www.lefigaro.fr/culture/mort-de-jean-raspail-ecrivain-et-explorateur-auteur-du-controverse-camp-des-saints-20200613

Mort de Jean Raspail, écrivain et explorateur, auteur du «Camp des Saints»

Par Michaël Naulin Publié le 13/06/2020 à 14:22, mis à jour le 16/06/2020 à 18:52

DISPARITION – L’écrivain, journaliste et explorateur est mort samedi 13 juin à l’âge de 94 ans à l’hôpital Henry-Dunant à Paris, a appris Le Figaro. Adoré par certains, maudit par d’autres, l’auteur de Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie et du Camp des Saints a marqué la littérature française de son univers.

Le consul général de Patagonie n’est plus. Écrivain, explorateur, aventurier, poète… Jean Raspail a marqué la littérature française du XXe siècle. Avant d’être aventurier des mots, l’homme a parcouru les terres isolées. Épaisse moustache, sourcils broussailleux, visage taillé au couteau, Jean Raspail était un être obstiné, fier de ses positions, assumant de ses profonds yeux bleus sa foi catholique et son attachement à la monarchie. Un écologiste royaliste, utopiste et aventurier. Jean Raspail était un romantique.

« À considérer les cheminements intérieurs de la vie, c’est là que je suis né, à l’âge de vingt-trois ans et neuf mois, par un matin glacial de printemps de l’année 1949 »Jean Raspail, «L’île Bleue»

Né le 5 juillet 1925 à Chemillé-sur-Dême en Indre-et-Loire, Jean Raspail est un enfant de la bourgeoisie. Son père est président des Grands Moulins de Corbeil et directeur général des mines de la Sarre. Pourtant, malgré les écoles privées et une éducation stricte, le jeune Raspail a des envies d’ailleurs. Trop jeune pour s’engager dans la Résistance, il devra attendre 1949 pour prendre le large. «À considérer les cheminements intérieurs de la vie, c’est là que je suis né, à l’âge de vingt-trois ans et neuf mois, par un matin glacial de printemps de l’année 1949», écrira-t-il dans L’île Bleue (Robert Laffont, 1990).

Le pêcheur de lune de 23 ans quitte alors son monde de confort pour l’aventure. Une équipée de jeunesse annonciatrice de 30 ans de voyages autour du globe, auprès des peuples menacés et aux confins des terres hostiles. Il a posé son sac en Terre de Feu, aux Antilles, en Alaska, au bord du lac Titicaca ou encore à Macao et en a rapporté des guides et des récits. Aventurier des mots et des terres isolées, ses premiers livres sont des reportages. Son premier vrai roman, Le Vent des pins, sort chez Juillard en 1958. Récit rédigé à la suite d’un voyage au Japon. De ces aventures, Raspail tira une quasi-biographie, un monument. Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, (Albin Michel, grand prix du roman de l’Académie en 1981). Histoire d’un jeune homme de Tourtoirac partit, vers 1860, conquérir la lointaine Patagonie. Raspail s’en amuse et s’autoproclame consul général de Patagonie. Des lecteurs lui écrivent pour lui demander d’être naturalisés patagons, ils veulent partager cet état d’esprit. Le mythe est né.

Le sulfureux Camp des Saints

Raspail écrit pour s’évader. Défenseur des causes perdues, il publie en 1986, Qui se souvient des hommes, suite à ses séjours chez les Alacalufs, peuple en Terre de feu annihilé et menacé d’extinction par le progrès. Son œuvre séduit par sa force, son obstination, et gagne de nouveaux lecteurs à chaque génération. Elle divise aussi. En 1973, l’écrivain publie ce qui deviendra un brûlot: Le Camp des Saints (Robert Laffont). Roman apocalyptique dans la France de 2050, confrontée à l’arrivée massive de migrants sur ses côtes. Prophète? Il s’en défendait. Les polémiques, elles, proliférèrent.

En 2011, le livre est réédité. L’auteur y ajoute une préface coup de poing, intitulée «Big Other». Dans cette même réédition, il ajoute en annexe toutes les pages tombant sous le coup de la loi. Le PDG de Robert Laffont, Leonello Brandolini, précise alors dans un avant-propos que son opinion n’est pas celle de l’auteur qu’il publie. L’auteur est associé à l’extrême droite, ses propos sont dénoncés. Daniel Schneidermann signera une tribune au vitriol contre l’auteur avec en titre: «Appeler racistes les racistes». Les lecteurs tranchèrent: 132.000 exemplaires vendus à ce jour.

Après Le Camp des saints, l’homme publiera une vingtaine d’ouvrages, beaucoup moins polémiques. L’âme utopiste du voyageur avait repris ses droits. Il revenait sur ses voyages à la rencontre des peuples oubliés. Un imaginaire romanesque fertile salué en 2003 par le Grand prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre. Ironique pour celui qui avait le sentiment de ne jamais avoir eu «la carte» auprès du milieu littéraire. Même le 9e art a dessiné ses traits émaciés et sa moustache éternelle. Le dessinateur Jacques Terpant adapte ses romans d’aventures. L’auteur de Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie fait même une apparition dans le 19e Tome des aventures du célèbre milliardaire Largo Winch. Le dessinateur, impressionné par son physique so british, lui a emprunté ses traits pour un personnage.

La monarchie au cœur

La fleur de lys. Raspail l’arborait fièrement sur ses cravates. Son œuvre en était tout aussi couverte. Le fameux Sire (1991) (qui narre le sacre de Philippe Pharamond de Bourbon en 1999), Le Jeu du roi (1976), Le Roi au-delà de la mer (2000), ont nourri cet amour pour la monarchie. Profondément chrétien, l’homme tenait à ses convictions. Dans son appartement, les ouvrages des guerres de Vendée rappelaient son attachement royaliste. Le 21 janvier 1993, il organisa contre vents et marées une commémoration des 200 ans de la mort de Louis XVI, place de la Concorde, en présence de l’ambassadeur des États-Unis Walter Curley. En 1971, Raspail avait publié le Jeu du roi, roman où il évoquait un homme rêvant de son royaume évanoui en regardant la mer. Bravant les tempêtes, l’écrivain a tenu le cap, a continué à dire et écrire ce en quoi il croyait, sans fléchir. Le consul de Patagonie est mort, vive le consul!

3 livres de Jean Raspail à avoir lu:

Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, Albin Michel, 1981

Le Camp des saints, Robert Laffont, 1973

Qui se souvient des hommes…, Robert Laffont, 1986