Ce vendredi, le premier événement officiel commémorant la Journée du génocide selk’nam a eu lieu à Río Grande. Les autorités provinciales et locales, les législateurs, les conseillers, les membres du peuple Selk’nam et les résidents de la province y ont participé.
Traduit de l’espagnol par l’association Karukinka. Titre original “Se llevó a cabo en Río Grande el primer acto oficial en conmemoración del Día del Genocidio Selk’nam”. Source : https://www.tierradelfuego.gob.ar/blog/2022/11/25/se-llevo-a-cano-en-rio-grande-el-primer-acto-oficial-en-conmemoracion-del-dia-del-genocidio-selknam/
L’année dernière, l’anniversaire de la Journée du génocide de Selk’nam a été institué par une loi de l’Assemblée législative de la Terre de Feu (AIAS), faisant du 25 novembre un jour de deuil provincial.
Dans son discours, la secrétaire aux Droits de l’Homme et à la Diversité, Abigail Astrada, a déclaré que “grâce au fait que l’année dernière la loi qui a établi la Journée des Aborigènes Fuégiens a été modifiée, nous célébrons aujourd’hui le premier acte officiel de la Journée du Génocide de Selk’nam”. « Il s’agit d’une étape importante pour la communauté et pour l’ensemble de la province. »
“Nous laissons derrière nous une journée de célébration et commémorons une journée de deuil provincial, en mémoire de nos peuples autochtones et en reconstruction de notre histoire fuégienne”, a-t-elle ajouté.
De même, la responsable a déclaré que « nous savons bien que le peuple Selk’nam est originaire de la Terre de Feu et qu’il continue d’habiter les terres de l’État argentin. Les Selk’nam ont été victimes de la colonisation, de la misère et de la privation de leurs droits humains, comme en témoignent les enlèvements d’indigènes Selk’nam emmenés en Europe pour être exposés dans des zoos humains. “C’était l’une des atteintes à leurs droits.”
« Nous suivons le chemin de la réparation et de la visibilité du peuple Selk’nam, en le reconnaissant comme sujets vivants, comme gardiens de notre patrimoine culturel, comme sujets de droits. Ce sont ces familles qui ont résisté au génocide en Terre de Feu et qui sont avec nous aujourd’hui », a-t-elle souligné.
Enfin, Astrada a souligné que “le peuple Selk’nam est vivant et que le plus important est qu’il a résisté et continue de résister à la violation de ses droits”.
Pour sa part, Miguel Pantoja, membre de la communauté Selk’nam, a déclaré : « Je tiens à remercier toutes les personnes impliquées dans la réforme de la loi, elles étaient nombreuses et je suis sûr que devant nous, derrière nous et à nos côtés se trouvent les anciens.
« Pour nous, c’est un jour de deuil. Un jour comme aujourd’hui, un massacre s’est produit, qui n’était ni le premier ni le dernier. Ce n’était pas seulement un jour, mais trois décennies du pire génocide. Des crimes contre l’humanité ont été commis et n’ont pas encore été reconnus”, a-t-il déclaré, assurant que “je veux simplement rappeler que nous sommes un peuple vivant, car il existe un paradigme selon lequel nous sommes un passé sans présent, que nous existons dans des vitrines et dans les musées. Ce n’est pas le cas, nous sommes ici et nous avons besoin de promouvoir des politiques publiques plus nombreuses et meilleures pour que nous ayons une meilleure réalité.”
Pour conclure, María Salamanca, une femme Selk’nam, a déclaré que « nous sommes à 136 ans des actes commis par les explorations de ces territoires. Je tiens à remercier ceux qui ont travaillé à cette reconnaissance. Cela fait mal d’accepter que cela soit arrivé à mon peuple. Cependant, nous sommes présents ici.”
« Je voudrais demander que la reconnaissance de ce génocide soit maintenue à jamais. Nous allons rester vivants pour toujours dans nos enfants et petits-enfants, car nous portons le sang Selk’nam”, a-t-elle expliqué.
L’événement s’est terminé par des interventions artistiques.
Lauriane Lemasson, musicienne et ethnomusicologue, va réaliser un «portrait sonore de région» dans le cadre du forum du Parlement des Liens organisé à Uzès.
par Didier Arnaud publié le 11 octobre 2022 à 15h43. Lien : https://www.liberation.fr/forums/le-nom-du-lieu-est-le-premier-son-quon-associe-a-notre-lieu-de-vie-20221011_VXFMHZ6WK5DUZPURZ2X6GWWPYM/
Avec quels mots répondre aux grands défis de notre temps ? Pour y répondre, trois jours de débats à Uzès (Gard), du 14 au 16 octobre 2022, organisés par le Parlement des Liens et Libération.
Lauriane Lemasson est musicienne, photographe et… ethnomusicologue, spécialiste de l’étude des musiques du monde, des sons et de leur signification. Dans le cadre du Parlement des Liens à Uzès, avec son collègue Antonin-Tri Hoang, elle va réaliser un «portrait sonore de la région» en captant la musicalité des paysages, des rivières, de certains bois ou forêts avec des espèces remarquables… Dans un second temps, elle travaillera sur le patrimoine historique. Il s’agit de comprendre la vie à Uzès ces vingt dernières années, en récoltant des témoignages autour des projets en cours, passés et à venir. Ici, la région est vallonnée, la roche calcaire. Il y a des vignes et de l’olive. On y pratique des métiers comme la taille de pierre ou la céramique. La région est un gros vivier d’artistes et d’artisans céramistes, détaille Lauriane Lemasson qui ajoute : «L’intérêt d’un portrait sonore de région, c’est aussi d’y inclure les langues locales. On n’obtiendrait pas les mêmes résultats ailleurs.»
Si la musicologue note la «diminution drastique du nombre de locuteurs», elle insiste aussi sur cette revendication nouvelle qui «passe par la langue». «Les gens n’ont plus cette honte du parler rural vis-à-vis du parler urbain, comme le basque et le breton. Il existe un intérêt toujours plus grand pour la préservation et l’enseignement de ces dialectes, qui vont nous expliquer les lieux dans lesquels on vit. Le nom du lieu est le premier son qu’on associe à notre lieu de vie. On arrive à comprendre pourquoi tel nom est associé à tel endroit. La carte et la manière dont on nomme le lieu font partie de notre héritage et sont des éléments qui restent.»
La musicologue a longtemps travaillé en Patagonie, où l’une des premières volontés des colons a été d’empêcher la sauvegarde de la langue autochtone. «On ne s’exprime pas de la même manière si on retire cette richesse-là en vous imposant un autre système de pensée.» L’uniformisation et appauvrissement linguistique, «ce sont des savoirs qui se perdent».
Par Flora Genoux (Cabulco, Pargua, Puerto Varas (Chili), envoyée spéciale) Publié le 07 octobre 2022 à 06h12, modifié le 07 octobre 2022 à 09h09
Le Chili est le deuxième producteur mondial de saumon, après la Norvège. Ses exportations ont bondi ces dix dernières années.
Sur l’océan gris, lisse comme un drap, quatorze enclos verts : des cages submergées où les saumons sont engraissés. De nouveau, après un bras de mer, sur une eau rendue bleue, cette fois, par un ciel patagonique aux revirements capricieux : dix, puis douze enclos, plus au large. Le long de la même côte, toujours, une usine de fabrication d’aliments pour poissons d’où émane une odeur âcre. Dans la région de Los Lagos (Les Lacs, 1 000 kilomètres au sud de Santiago), l’industrie du saumon d’élevage est omniprésente : la porte d’entrée de la Patagonie chilienne constitue son cœur historique et, en quête d’eaux pour asseoir sa croissance, elle a continué de s’étaler jusqu’à l’extrême sud, dans la région de Magallanes.
Colossal, le secteur représente près de la moitié des exportations alimentaires du pays, selon un rapport du Consejo del salmon (Conseil du saumon, l’une des organisations patronales du saumon). Il s’agit même du deuxième produit d’exportation, après le cuivre, la locomotive d’une économie chilienne aujourd’hui en perte de vitesse (la croissance est attendue à 1,8 % cette année puis 0 % en 2023, sur fond d’inflation). Le marché est florissant : les ventes à l’étranger de saumons et de truites ont bondi de 33 % entre 2012 et 2021, représentant près de 650 000 tonnes et plus de 5 milliards de dollars en 2021, selon Salmon Chile (Saumon Chili, l’autre organisation patronale du secteur, rassemblant 60 % de la production).
La suite de l’article est réservée aux abonnés : https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/10/07/au-chili-la-folle-croissance-de-l-industrie-du-saumon-visee-pour-ses-consequences-sur-l-environnement_6144772_3234.html
Lauriane Lemasson est photographe, ethno-musicologue et chercheuse rattachée à la Sorbonne. Depuis une expédition scientifique réalisée en 2013 pour étudier les paysages sonores et les peuples ancestraux de la Grande Île de Terre de Feu, elle est animée par une quête : faire reconnaitre l’existence des peuples du détroit d’Hatitelem (les Yagan, les Haush et les Selknam), dont les représentants ont été exterminés par les colons européens, ou assimilés de force à la culture hispanique d’Argentine et du Chili. Il est urgent de faire reconnaitre la vérité sur ces peuples, de faire connaitre leur négation par l’histoire officielle, et la spoliation de leurs terres – Elle joue un rôle de passeur, d’accompagnateur de ces peuples; et utilise l’art comme moyen de sensibiliser, comme porte d’entrée pour faire naitre de l’empathie. Elle garde un espoir de changement avec la nouvelle génération, et le revouveau indigène à l’œuvre
Les vestiges archéologiques de l’une des enclaves défensives et productives établies par la Couronne espagnole entre 1779 et 1810 sur la péninsule de Valdés révèlent un établissement précaire, témoin de la présence espagnole en Patagonie.
Plan et description du port de la baie San José, 1779. / Fundacao Biblioteca Nacional Rio de Janeiro (Brésil). Collection De Angelis. Cartographie ARC.023,06,022
CONICET/DICYT Dans le cadre des réformes bourboniennes, le roi Charles III décide de protéger et de renforcer sa présence dans les territoires indigènes d’Amérique. Ce projet de colonisation comprenait l’établissement de quatre enclaves sur la côte atlantique de la Patagonie. Une équipe de recherche archéologique multidisciplinaire du CONICET étudie les vestiges des colonies de Fuerte San José et Puesto de la Fuente, érigées entre 1779 et 1810 sur la péninsule de Valdés (province de Chubut), afin de comprendre leurs modes de vie, la complexité des relations interethniques entre les colons et les populations indigènes, et les stratégies de survie dans des contextes de pénurie et d’hostilité. « Ce qui reste dans les entrepôts est extrêmement abîmé (farine devenue terreau, sacs infestés de vers). Cet entrepôt est fortement infesté de rats, car il a été construit en premier, et ils dévorent toute la farine et les légumineuses », peut-on lire dans l’un des documents recueillis par les enquêteurs.
Les archéologues Silvana Buscaglia, de l’Institut multidisciplinaire d’histoire et de sciences humaines (IMHICIHU, CONICET), et Marcia Bianchi Villelli, de l’Institut de recherche sur la diversité et les processus de changement (IIDyPCa, UNRN-CONICET), travaillent depuis plus de vingt ans sur l’étude de la colonisation espagnole de la côte patagonienne. Depuis 2014, ils ont ajouté à leur équipe Solana García Guraieb, de l’Institut national d’anthropologie et de pensée latino-américaine (INAPL), et Augusto Tessone, de l’Institut de géochronologie et de géologie isotopique (INGEIS, CONICET-UBA). Au fil des ans, les membres de l’équipe ont publié de nombreux ouvrages sur la colonisation du Fort San José.
« Le Fort San José présente des caractéristiques particulières qui le distinguent des autres enclaves établies dans la région. C’était un établissement précaire, annexe du Fort Nuestra Señora del Carmen. Peu après, face au besoin d’eau douce, fut créé le Puesto de la Fuente, un établissement productif complémentaire situé près de la Salina Grande, à environ 30 kilomètres du fort. Les deux établissements étaient habités par une petite population militaire qui se relayait chaque année ; ils durèrent trente et un ans, jusqu’à ce qu’en 1810, des tensions avec les populations indigènes provoquent une attaque qui se solda par la mort de la moitié de ses occupants », explique Buscaglia.
Selon l’équipe de recherche, il existe une documentation abondante concernant le caractère et les intentions de la Couronne espagnole lorsqu’elle s’est établie dans certains sites qu’elle considérait comme stratégiques.
« Les colonies furent conçues comme des enclaves frontalières car elles avaient une fonction explicitement défensive. Elles visaient à renforcer la présence espagnole contre l’avancée anglaise dans la région, à fournir un abri dans les ports naturels et à soutenir l’exploitation des ressources marines et salines disponibles dans la région. Puisque la Couronne centralisait l’approvisionnement des populations et que leur seul lien avec le Río de la Plata était maritime, elles servaient également à intégrer les ports au système d’échange colonial », explique Bianchi Villelli.
Pour comprendre certaines des caractéristiques des personnes qui vivaient au fort, Solana García Guraieb et Augusto Tessone ont utilisé la bioarchéologie, qui leur permet de comprendre le profil biologique des populations du Fort San José.
« Nous avons pu recueillir de nombreuses informations grâce à des études ostéologiques et biochimiques. Nous avons découvert un cimetière et avons pu comparer des documents sur le profil biologique des habitants, hommes et adultes, ainsi que sur leur état de santé précaire. L’occupation était marquée par des maladies comme le scorbut. L’analyse des isotopes stables a révélé des caractéristiques alimentaires et indiqué une diversité d’origines parmi ses habitants, incluant peut-être des régions des Caraïbes », explique García Guraieb.
En ce qui concerne les relations interethniques, les chercheurs soulignent leur nature complexe et variable ainsi que le dynamisme et la reconfiguration constante des liens interculturels à travers l’espace et le temps. « Ainsi, dans le cas du Fort San José, nous observons que, d’un point de vue discursif, les références à la péninsule Valdés révèlent une lacune importante jusqu’en 1787, du moins dans le corpus documentaire recueilli aux Archives nationales. Durant les dernières années de l’occupation du Fort, les documents décrivent les populations indigènes comme majoritairement hostiles, et leurs contacts avec les habitants du Fort sont associés à des agressions physiques, des décès et des vols », explique Buscaglia.
Le Fort, qui ne l’était pas
Lors de leurs premières visites sur le site, les chercheurs ont consulté des cartes et diverses sources d’information et ont détecté des divergences entre elles. Par exemple, devant l’île aux Oiseaux (isthme Florentino Ameghino dans la péninsule de Valdés), se trouve aujourd’hui une réplique de ce qui aurait été la chapelle du Fort San José, construite pour le tourisme et pour commémorer l’exploit colonisateur. Cependant, au fur et à mesure que l’enquête progressait, il s’est avéré que cette construction était en réalité inspirée de la chapelle coloniale de la Citadelle de Montevideo (Uruguay). En raison d’une confusion dans les archives entre la batterie de Montevideo et le fort de Patagonie, tous deux portant le même nom, les cartes du Río de la Plata ont été attribuées à tort à la péninsule de Valdés. « Nous étions sur le terrain, examinant les plans et constatant une divergence significative avec le récit. Les installations réelles de San José étaient construites avec des matériaux précaires. C’était un fort fait de branches et de peaux, avec des abris, des vivres et une pénurie d’eau potable », décrit Bianchi Villelli.
C’est l’un des nombreux exemples de ce type de contraste entre les récits historiques traditionnels et les preuves historiques et archéologiques : « La perspective de l’archéologie historique, qui intègre, d’une part, l’examen critique de l’information documentaire et, d’autre part, une approche interdisciplinaire de l’étude de différentes lignes d’analyse archéologique et bioarchéologique, nous permet de réévaluer les discours traditionnels sur un processus complexe et multidimensionnel comme le colonialisme en Patagonie », souligne Buscaglia.
Un protocole de bonnes pratiques pour la protection du patrimoine culturel Yagan
Le peuple Yagan, communauté ancestrale des canaux de Patagonie, a développé en 2017 un protocole révolutionnaire pour protéger son patrimoine culturel. Cette initiative, menée par la Communauté Indigène Yagan de Bahía Mejillones en collaboration avec la Subdirección Nacional de Pueblos Originarios du Servicio Nacional del Patrimonio Cultural du Chili, représente un modèle de respect des droits indigènes et de préservation culturelle.
Contexte et fondements juridiques
Le protocole s’appuie sur la Convention 169 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail), ratifiée par le Chili en 2009, qui reconnaît le droit à l’intégrité culturelle des peuples indigènes. Comme le stipule l’article 5 de cette convention : “deberán reconocerse y protegerse los valores y prácticas sociales, culturales, religiosos y espirituales propios de dichos pueblos”. (devront être reconnues et protégées les pratiques sociales, culturelles, religieuses et spirituelles propres à ces peuples)
Une définition collective du patrimoine culturel
La communauté Yagan définit son patrimoine culturel comme “l’ensemble des connaissances, pratiques et expressions culturelles, traditionnelles et contemporaines”, incluant :
La langue yagan
La navigation ancestrale
L’alimentation traditionnelle
Les artisanats
Les chants et danses
Les sites sacrés et de signification culturelle
La mémoire et l’histoire collective
Les matières premières nécessaires aux pratiques traditionnelles
Le territoire historique et contemporain
Les principales directives du protocole
1. Reconnaissance de l’existence d’un peuple vivant
Le protocole affirme clairement que le peuple Yagan est “un pueblo milenario, con 7.000 años de presencia aproximadamente en nuestro territorio” (“un peuple millénaire, avec approximativement 7000 ans de présence dans notre territoire”). Il rejette catégoriquement l’utilisation du qualificatif “último” (dernier) pour désigner les membres de la communauté, soulignant leur vitalité culturelle continue malgré les persécutions historiques.
2. Contrôle de la narration historique
Toute référence officielle à l’histoire du territoire et du peuple Yagan doit considérer la mémoire collective de la communauté et obtenir son autorisation. Pour le tourisme notamment, les guides doivent être des membres de la communauté Yagan.
3. Consentement pour les enregistrements
Tout enregistrement (audio, vidéo, photographique) de membres de la communauté ou de leur patrimoine nécessite un “consentement collectif et/ou individuel, préalable, libre et informé”.
4. Protection de l’artisanat
Les artisanats d’origine yagan ne peuvent être élaborés et commercialisés que par les membres du peuple, préservant ainsi l’authenticité et l’économie culturelle.
5. Restitution des patrimoines
Le protocole exige la restitution de tous les objets, enregistrements et documents patrimoniaux détenus par des institutions nationales ou internationales, car “ils appartiennent de droit à notre peuple” (“por derecho le pertenecen a nuestro pueblo”).
Défis contemporains et revendications
Navigation ancestrale
Le protocole dénonce l’interdiction actuelle de la navigation ancestrale : “actualmente se nos prohíbe la navegación ancestral, lo que constituye una transgresión de una práctica cultural” (“actuellement la navigation ancestrale nous est interdite ce qui constitue une transgression d’une pratique culturelle”). Cette restriction représente une violation des droits culturels établis par la Convention 169 de l’OIT.
Protection territoriale
La communauté exige la protection des ressources hydrobiologiques et phytogénétiques de leur territoire traditionnel, incluant la collecte de joncs et d’écorces d’arbres pour l’artisanat.
Consultation préalable
Tout projet pouvant affecter le patrimoine culturel yagan doit suivre des protocoles stricts de consultation, avec un préavis minimum de sept jours pour toute réunion communautaire.
L’association française Karukinka joue un rôle crucial dans la diffusion de ces protocoles auprès des communautés francophones et anglophones. Depuis plus d’une décennie, Karukinka mène des expéditions scientifiques et artistiques en Patagonie, en faisant de son mieux pour avancer dans le respect des communautés yagan, selk’nam et haush.
Actions de Karukinka en faveur du patrimoine Yagan
Documentation culturelle : Collecte, digitalisation et archivage de sons de lieux, témoignages, chants et récits yagan
Cartographie linguistique : Identification de plus de 600 toponymes en langues yagan
Sensibilisation internationale : Organisation de rencontres, conférences et expositions en Europe
Projets collaboratifs : Programme “Voces de las Abuelas” pour la restitution d’archives ethnographiques
Formation et éducation : Ateliers de sensibilisation sur les droits culturels des peuples autochtones
Importance de la diffusion internationale
Karukinka communique activement sur ces protocoles pour sensibiliser les chercheurs, artistes, et institutions francophones et anglophones aux bonnes pratiques en matière de patrimoine culturel indigène. Cette démarche vise à :
Prévenir l’appropriation culturelle : Informer les acteurs internationaux des protocoles à respecter
Faciliter les collaborations éthiques : Établir des ponts entre yagans et institutions européennes
Soutenir les revendications : Amplifier la voix de personnalités yagan à l’international
Éduquer les publics : Sensibiliser aux enjeux de préservation culturelle en Patagonie et en Europe
Vers une reconnaissance internationale
Ce protocole yagan constitue un modèle pour d’autres communautés indigènes mondiales. Il démontre comment les peuples autochtones peuvent reprendre le contrôle de leur narration culturelle et établir des cadres de collaboration respectueux avec les institutions externes.
L’engagement de Karukinka dans la diffusion de ces protocoles s’inscrit dans une démarche plus large de décolonisation des pratiques de recherche et de valorisation des savoirs indigènes. En informant les communautés francophones et anglophones de ces protocoles, l’association contribue à créer un environnement international plus respectueux des droits culturels des peuples autochtones.
Le Protocole de Bonnes Pratiques pour la Protection du Patrimoine Culturel Yagan représente bien plus qu’un document administratif : c’est une déclaration d’indépendance culturelle, un guide pour des relations équitables, et un modèle de résistance pacifique face à la colonialité persistante.
Grâce au travail de diffusion mené par des associations comme Karukinka, ces protocoles peuvent inspirer de nouvelles formes de collaboration internationale, basées sur le respect, la réciprocité et la reconnaissance des droits des peuples autochtones à contrôler leur propre patrimoine culturel.
La préservation du patrimoine yagan n’est pas seulement une question locale : c’est un enjeu global qui nous interpelle tous sur notre relation au patrimoine culturel de l’humanité et notre responsabilité collective dans sa préservation et la décolonisation de nos modes d’interaction.
Durant l’été, les médias francophones publiques proposent une série de portraits de ceux qui travaillent en hauteur. Pour ce nouvel épisode, on se hisse très haut à la découverte de la passion de Sean Villanueva OʹDriscoll, lʹun des meilleurs grimpeurs au monde. Ce Belge de 41 ans, né de parents espagnol et irlandais, a réussi lʹannée dernière un exploit: franchir seul les six aiguilles du mythique Fitz Roy en Patagonie. Six jours en totale autonomie, dans lʹune des montagnes les plus isolées du monde. Il est également lauréat, en équipe, du Piolet dʹor, la plus prestigieuse récompense pour un alpiniste. Nos collègues de la RTBF l’on rencontré. Céline Biourge nous dresse son portrait. Un reportage réalisé avec Amélie Bruers, Adrian Platon et Christophe Bernard.
Samedi dernier 2 juillet au matin, chiliens et argentins, navigateurs, kayakistes, activistes, référents d’organisations sociales et membres des communautés Yagán et Kawesqar se sont réunis au centre de la ville d’Ushuaia pour célébrer l’anniversaire de la sanction de la Loi 1.355, laquele régulant l’élevage de saumons en Terre de Feu et Atlantique Sud, interdisant le développement de cette industrie en mer et positionnant le pays comme le premier à prendre une décision de telle ampleur pour la protection de l’environnement et incorporant à la création des politiques publiques la participation citoyenne et la vision des peuples autochtones sur le soin à porter à la nature.
Durant cette journée ont participé le Club Nautique AFASyN et des embarcations de la communauté nautique de Terre de Feu, le programme marin “Sin Azul No Hay Verde” (sans bleu il n’y a pas de vert), Canal Fun, Patagonia, le chef Lino Adillon, Greenpeace Andin, la Société Civile pour l’Action Climatique de Magallanes, des représentants des Communautés Yagáns de Ushuaia et de Navarino et des représentants de la Communauté Kawesqar.
David Alday, représentant de la communauté Yagán de Navarino, afirma “Dans cette partie de la planète nous avons démontré que les limites n’existent pas pour maintenir et prendre soin de notre environnement et de ce qui y habite. La connexion avec notre cosmovision est tellement essentielle que nous ne doutons pas pour nous activer et agir, pour protéger ce qui est notre vie, nos écosystèmes, chargés d’un regard patrimonial ancestral unique au monde. Pour cela notre travail doit être à la hauteur dans des zones de protection comme l’extrême austral, aussi bien au Chili qu’en Argentine. En célébrant cette année de la loi qui interdit l’élevage de saumon du côté argentin, cela signale que le travail réalisé n’a pas été vain, que les convictions et l’effort social est puissant et véridique, avec de solides arguments qui amènent à manifester le bon sens qui nous communqiue la protection de nos espaces et environnements débordants de vie et de nature vierge.”
Lors d’un événement sans précédent en mai 2021, argentins et chiliens réunirent le Canal Beagle, déroulant une banderole pour demander la sanction de la loi qui régule l’élevage de saumons en Argentine et renforcer la réclamation commune de protéger le Canal et les écosystèmes marins du bout du monde. Cette année, pour célébrer cette décision et continuer de réunir les efforts pour la protection de chaque côté du Canal, la communauté s’est à nouveau réunie. Maintenant que l’industrie serait en train de se réactiver à Puerto Williams, et, d’un autre côté, soutenir la cause des frères chiliens qui sollicitent que le gouvernement freine l’avancée de la salmoniculture.
«C’est très émouvant de revivre l’énorme triomphe atteint en Terre de Feu où grâce aux organisations, la communauté locale et les législateurs, il a été réussi unanimement de protéger le Canal de Beagle, icône de la province. C’est un véritable exemple de comment faire les choses correctement, avec un débat ouvert et participatif, et en comprenant qu’en protégeant l’environnement nous protégeant aussi la société dans son ensemble. Le Canal de Beagle doit être protégé de manière intégrale et c’est pour cela qu’ajourd’hui, à un an de cette loi historique, nous exigeons du gouvernement chilien qu’il rejette toutes les concessions en cours à Puerto Williams, l’information technique est déjà disponible pour poser les fondements de cette décision. Il faut suivre l’exemple du côté argentin qui peut célébrer ses bonnes décision” déclaré Estefanía González, Coordinatrice du programme Océans de Greenpeace Andin.
Les salmonicultures menacent la biodiversité, la santé des habitants et le développement économique. En 2019, le village chilien Puerto Williams, en face de la ville d’Ushuaia, fût pionnier à protéger le Beagle et expulsant les élevages de saumons de sa région.
A la différence du Chili où cette industrie a occupé de nombreux territoires, la province fuéguienne est l’unique lieu du pays où l’industrie du saumon pourrait s’installer. Avec l’approbation de la Loi l’année dernière, la Terre de Feu est devenu le premier lieu du monde à interdire l’industrie avant qu’elle ne s’installe, se convertissant ainsi en exemple de la protection d’un modèle économique et productif durable, qui respecte les traditions culturelles et les pratiques artisanales qui génèrent de véritables emplois et revenus issus du tourisme et de la commercialisation de produits locaux. Cette décision a eu un impact mondial, car de nombreuses communautés côtières du monde qui souffrent des impacts de l’industrie demandent également que les cages soient retirées de la mer.
« La division entre le Chili et l’Argentine est loin d’être une réalité, elle est évidente dans les territoires allant de l’Amérique du Nord à la Patagonie. Les régions ont une dynamique qui dépasse les limites politiques. La nature et la culture sont étroitement liées et le thème des fermes de saumon du canal Beagle a été un moment fort. Ces dernières années, la situation est devenue plus que claire grâce aux actions menées ensemble ; Nous ne voulons pas d’industries destructrices, nous voulons travailler de plus en plus unis pour un avenir durable, lié à la dynamique de la nature, à travers la revalorisation de la culture des peuples autochtones, des activités comme le tourisme naturel et tout ce qu’offre la région. En 2021, cette union a permis au gouvernement argentin de comprendre ce que les élevages de saumons signifient pour son peuple, aujourd’hui l’État chilien doit le comprendre », a déclaré David Lopez Katz, membre du programme marin Sin Azul No Hay Verde.
Aujourd’hui, les communautés chiliennes demandent que les élevages de saumons quittent les zones protégées et les lieux où vivent les communautés autochtones qui voient leur mode de vie et leur développement affectés. Ils exigent également que toute expansion de l’industrie soit stoppée en rejetant de nouveaux projets et en arrêtant l’augmentation des niveaux de production. Qu’ils se retirent progressivement des zones fragiles comme les fjords et les canaux et enfin que le gouvernement sanctionne les entreprises et les centres qui ont provoqué ou subissent des catastrophes environnementales par la perte de concessions.
Depuis qu’ils ont commencé à exiger un canal Beagle exempt d’élevages de saumons, les Chiliens ont réussi à obtenir que la Cour d’appel de Punta Arenas arrête le démarrage des travaux de production de l’entreprise salmonicole Nova Austral dans le canal Beagle, situé dans la région de Magallanes. Ils ont également retiré les cages déjà installées et prêtes à être produites et ont réussi à faire expirer les concessions aquacoles accordées jusque-là. En outre, ils ont stoppé l’expansion de l’industrie dans la région de Magallanes à travers différentes actions en justice. Dans le cas de Puerto Williams, la revendication est de pouvoir avancer avec l’Espace Marin Côtier pour les Peuples Autochtones (ECMPO) de la communauté Yagán, qui constitue une manière efficace et concrète de protéger cette zone de différentes menaces comme l’élevage du saumon.
Le Chili est en alerte depuis 2018 en raison de la menace constante des concessions encore administrativement actives dans le Beagle. Quatre ont été expulsées, mais huit restent, détenues par l’action de la communauté indigène à travers la présentation d’une demande ECMPO, qui permet de solliciter l’administration et paralyse en même temps tout projet existant.
Cette histoire ne s’arrête pas avec la sanction de la loi 1 355. La vision collective et globale de notre place dans le monde et de la nécessité de la protéger s’est renforcée face à sa menace imminente. La mer est une et la communauté argentine et chilienne restera unie dans la poursuite de sa conservation. La Terre de Feu a pris une décision pionnière qui est aujourd’hui célébrée par ceux qui la vivent et par le reste du monde qui veut suivre son chemin.
Le document appartenant à Edgardo Esteban, fait prisonnier par les Britanniques en 1982 à l’issue de la capitulation de Buenos Aires, une blessure toujours à vif dans le pays, avait été repéré sur un site de vente aux enchères au Royaume-Uni.
Par Flora Genoux (Buenos Aires, correspondante) Publié le 11 mai 2022 à 03h20, modifié le 11 mai 2022 à 09h43
Edgardo Esteban, ému, brandit sa carte militaire, à l’issue d’une cérémonie de remise officielle, organisée au ministère des affaires étrangères, à Buenos Aires, le 21 avril 2022. INSTAGRAM @EDGARDOJESTEBAN
LETTRE DE BUENOS AIRES
Les yeux brillants, Edgardo Esteban, 59 ans, brandit sa carte d’identité militaire, le point final à « un puzzle de quarante ans », selon ses déclarations, à l’issue de cette cérémonie filmée, organisée au ministère des affaires étrangères, à Buenos Aires, le 21 avril. Sur le précieux papier, une photo de lui en noir et blanc, en tenue de soldat. Il a 18 ans et les cheveux coupés à ras, à son grand dam – ce fan de Queen préférait les porter longs, comme la jeunesse de cette époque. Le tampon de l’armée est apposé, au-dessus de la mention de son groupe sanguin, A +, et de la date de la délivrance du document, le 2 juin 1981.
L’Argentine est alors en pleine dictature militaire, depuis le coup d’Etat de 1976, et c’est cette pièce d’identité que le jeune Edgardo Esteban porte sur lui quand il décide de rejoindre, comme soldat, l’archipel des Malouines, en avril 1982, à environ 500 km des côtes de la Patagonie argentine, un peu « comme une aventure », comme « s’[il allait] sur la Lune ». Avant de découvrir, à même pas 20 ans, « le mot mort », durant cette guerre qui oppose pendant soixante-quatorze jours, du 2 avril au 14 juin, l’Argentine au Royaume-Uni. Sous contrôle britannique depuis 1833, auparavant argentines, ces îles ont toujours été revendiquées par Buenos Aires. En 1982, la junte militaire, alors malmenée par une économie moribonde, voit là l’occasion de fédérer le pays autour d’une cause commune. Bilan : 649 morts côté argentin, 254 côté britannique. Une défaite qui accélère la chute de la dictature et le retour à la démocratie, en 1983.
« Je suis un homme qui aime la vie, mais cette blessure de la guerre, que je pensais fermée, s’est ouverte de nouveau avec intensité. [Ce document] me ramène à son souvenir », confie Edgardo Esteban, journaliste, actuellement directeur du Musée des Malouines et de l’Atlantique Sud, à Buenos Aires. Une carte d’identité volatilisée pendant des décennies, qui a voyagé à son insu depuis cet archipel situé à 12 000 km de Londres jusqu’au Royaume-Uni, avant de…
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Dix petites anarchistes / Vertigo / 6 min. / le 28 avril 2022
En 1873, dix ouvrières de Saint-Imier s’embarquent pour le bout du monde. Leur but: fonder une communauté libre. “Dix petites anarchistes”, roman signé Daniel de Roulet, est désormais un spectacle de la Compagnie Mezza-Luna à découvrir en tournée romande.
“Ni Dieu, ni maître, ni patron, ni mari!”Le roman, très réaliste, emporté par le souffle du large et des grandes révoltes, est signé Daniel de Roulet, auteur suisse, publié chez Buchet Chastel en 2018. Le spectacle, rondement mené avec paroles, musiques, chants et danses, nous le devons à la Compagnie romande Mezza-Luna, coutumière de projets hors des sentiers battus du théâtre.
Dans le formidable livre “Dix petites anarchistes”, on découvre cette odyssée partie du Vallon de St-Imier en 1873 à travers la voix de l’unique survivante de la communauté. Sur scène, toutes les héroïnes sont bien présentes pour raconter chacune leur aventure. Comédiennes ou musiciennes incarnent la fabuleuse histoire de Valentine, Colette, Juliette, Emilie, Jeanne, Lison, Adèle, Blandine, Germaine et Mathilde. Ces dix ouvrières n’avaient pas froid aux yeux. Cette aventure au féminin n’est pas à l’eau de rose. Plutôt dans les tons rouge-sang. La révolution à l’autre bout du Monde, ce n’était pas pour les mauviettes.
Du Jura à la Patagonie
La troupe a pris ses quartiers de répétitions et de première à Mézières, sous le vaste plafond boisé du théâtre du Jorat. Cette superbe salle en bois a quelque chose d’un vaste atelier d’usine (elle fut inaugurée en 1908) ou d’une halle de réunion au temps du révolutionnaire Bakounine.
Si les dix petites anarchistes parlent souvent de leur oignon, ce n’est pas pour causer cuisine, mais montres de poche. Ces dix ouvrières de Saint-Imier travaillaient dans l’horlogerie. Une injustice de trop les a poussées à tourner l’aiguille en direction de l’Argentine. La route en chantant les paroles de Mathilde: “Le Jura semble un tombeau qui nous voile l’Helvétie. Un ciel plus vaste et plus beau brille en Patagonie (…) Pour vivre sans trop souffrir, du Vallon il nous faut sortir.” De la souffrance, elles en trouveront aussi dans les confins, les dix petites anarchistes. Mais au moins, elles auront lutté pour leur liberté et obtenu leur indépendance.
Une épopée mythologique
“Dix petites anarchistes” est une sacrée mécanique. Avec une distribution 100% féminine mélangeant et les âges et les disciplines artistiques. En coulisses, même parti pris féministe. Résultat, ce spectacle est poussé par ce même vent collectif et engagé qui agite les pages du roman.
La narratrice principale se nomme Valentine Grimm. Comme les frères Grimm. Alors oui, cette histoire est avant tout un conte, une épopée mythologique. Avec toutefois son fond de vérité historique sur les mouvements sociaux qui ont secoué les vallées jurassiennes au temps des grandes utopies socialistes. Et qui sait, comme le fait remarquer Heidi Kipfer, porteuse de ce projet: “L’histoire est toujours écrite du point de vue masculin et mal documentée du point de vue féminin, possible dès lors que des femmes ont tenté, pour de vrai, à l’époque, de créer leur communauté anarchiste à l’autre bout du Monde.”
Thierry Sartoretti/ld
“Dix petites anarchistes”, en tournée: Lausanne, Théâtre 2.21, du 3 au 8 mai 2022; Martigny, l’Alambic, le 12 mai; Gland, Théâtre de Grand Champs, les 13 et 14 mai.