Là où rêves et rencontres deviennent expéditions et itinéraires partagés

Une association sur le terrain, de la Patagonie à l’Arctique

Il y a des idées qui naissent sur une carte, d’autres sur les bancs d’un amphi — mais Karukinka est née sur la route, dans le froid, entre les rafales du vent austral et les silences vibrants des forêts de la Terre de Feu. Elle est née d’une première aventure en Patagonie, un pas après l’autre, de rencontres improbables, d’un enregistreur tendu vers les paysages sonores, puis tendu vers la voix de ceux que l’on disait disparus.

L’histoire de Karukinka s’écrit à la fois sur les cartes marines qu’au détour des regards échangés : c’est l’histoire d’un rêve devenu réel parce que plusieurs y ont cru assez fort pour le porter ensemble, chacun à sa manière. Elle incarne cette part d’émerveillement que chacun porte, sans toujours oser l’explorer, cette conviction qu’on peut arpenter le monde autrement..

« C’est le rêve un peu fou de quelqu’un qui pense qu’il n’y a pas de limites, et de quelques autres assez fous pour penser que cette personne a raison. »

Une marche d’aventure en Patagonie, une voix et un déclic devenu cap

Karukinka est née d’un pas, d’un micro, d’un regard curieux posé sur le monde. En 2013, Lauriane Lemasson traverse seule la Terre de Feu, accompagnée par les vents australs mais aussi les voix autochtones que beaucoup croyaient éteintes et les mémoires selknam, yagan et haush détricotées par l’Histoire officielle. Ce qu’elle découvre n’est pas seulement géographique : c’est une mémoire vivante, cachée dans les gestes, les chants et les mots oubliés.

Ce n’est pas une enquête à distance : sur le terrain, la science s’ancre dans l’émotion, la rigueur dans la rencontre. L’ethno-acoustique, ici, ce n’est pas qu’un outil : c’est la clé pour révéler la richesse cachée du monde, rendre audible l’inaperçu.

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De cette odyssée naît une idée simple et puissante : et si l’on pouvait créer un espace commun où sciences, arts et traditions se croisent ? Où l’exploration n’est plus conquête, mais dialogue ? Où la curiosité et l’humilité marchent ensemble ?

En janvier 2014, l’association Karukinka est officiellement fondée. Elle porte le nom que les Selk’nam donnent à leur terre : « Karukinka » – la Terre de Feu, « la dernière terre des hommes ». Le symbole est fort : ici, tout commence à la fin du monde.

« Quand on représente une cause (presque) perdue, il faut sonner de la trompette, sauter sur son cheval et tenter la dernière chance, faute de quoi l’on meurt de vieillesse triste au fond de la forteresse oubliée que personne n’assiège plus parce que la vie s’en est allée ailleurs. » Jean Raspail, Le roi au-delà de la mer.

Des rêves sur la carte, des gens autour de la table

Au départ, ils sont une poignée. Lauriane, quelques proches, puis des marins, des artistes, des chercheurs, des rêveurs, des engagés. Chacun s’investit comme il peut, après le boulot, avec modestie et sans jamais cesser d’y croire à fond.

Des écrivains soutiennent et deviennent parrains de l’aventure dès 2014 : Jean Raspail et Jean Malaurie. Les étagères se remplissent, les cartes se noircissent d’annotations, les projets prennent forme.

Mais Karukinka, ce n’est pas juste de la science ou du militantisme. C’est un lieu vivant entre les savoirs et les vécus, un espace fluide où tout le monde peut prendre part, un pied sur la terre, l’autre à bord, et le cœur entre les deux.

Autour de cette vision se rassemblent des personnes singulières. Autour d’elle se tissent d’autres vocations, d’autres vies, d’autres histoires. Karukinka agrège des personnes qu’on ne réunit jamais ailleurs.

À bord du voilier Milagro, c’est une boulangère qui apprend à reconnaître le souffle des baleines, un informaticien qui découvre le maniement de la voile, un ado argentin qui, pour la première fois, comprend que son histoire a un écho jusqu’en Europe ; une ethnologue qui rêve de réécrire les cartes ; un marin qui découvre le silence des fjords comme une prière ; une grand-mère selknam qui transmet la mémoire de son peuple, pour que d’autres puissent l’entendre.

Karukinka est une communauté peuplée de chercheurs, d’artistes, d’autochtones, de jeunes, d’anciens, de marins et de rêveurs. C’est une mosaïque mouvante, et chacun y dépose une pierre : science, cuisine, dessin, botanique, mécanique, contes, parfois même leurs doutes ou leur silence. Tous sont liés par un fil invisible : la volonté de s’émerveiller ensemble, d’apprendre sincèrement, de prendre soin du monde — et les uns des autres.

Une science vivante, incarnée, racontée

Car Karukinka, c’est aussi une base scientifique nomade. On y explore les liens entre l’humain et l’environnement, avec rigueur mais sans arrogance. On enregistre les sons du vivant. On cartographie les noms que les cartes officielles ont oubliés.

Les activités scientifiques sont profondes, sensibles, ancrées dans le terrain, transversales, à mille lieues des laboratoires aseptisés :

  • Paysages sonores de la Patagonie et de l’Arctique (plus de 500h d’archives sonores).
  • Cartographie linguistique et toponymique de 3 000 lieux terrestres et marins collectés (selk’nam, yagan, haush).
  • Recherches embarquées en ethnologie et bioacoustique dans les fjords du détroit de Magellan au Cap Horn.
  • Le programme “Voces de las abuelas”, un vaste projet de collecte et de retour des archives ethnographiques à ceux à qui elles appartiennent. On ne vole pas la mémoire, on la rend, on la partage.
  • Des ateliers, des embarquements mixtes, où tout le monde devient passager clandestin des sciences : botanistes, marins novices, conteuses, lycéens, acousticiens, pêcheurs, rêveurs…

Ici, les disciplines ne s’additionnent pas, elles s’emboîtent dans un récit sensible, tissé collectivement. 

Un bateau comme camp de base et outil d’action internationale

Personne ne s’étonne que la science ici se fasse sur un voilier. En 2023, grâce au soutien des membres de l’association, Karukinka acquiert Milagro, un ketch suédois de 20 mètres. Chargé de réservoirs et de rêves, il devient un camp de base flottant, un refuge, un repère, une école de voile, un studio de création.

En 2023, Cap Nord – Cap Horn est lancé. Un projet fou, en partie financé par le dispositif Mondes Nouveaux (Ministère de la Culture), qui sillonne l’océan de l’Arctique aux confins de la Patagonie. Au total >20 000 milles nautiques sont réalisés en deux ans pour relier les voix boréales et australes. À bord : des scientifiques, des autochtones, des novices, des passionnés des mots, du lointain et des vagues.

On y croise à bord des personnes singulières :

  • Lauriane, fondatrice de Karukinka et chercheuse de l’inattendu, qui ne cesse d’apprendre et de croiser les disciplines avec exigence pour faire jaillir l’inédit et l’imaginaire. Avec elle, la seule limite semble être ce qui n’a pas encore été imaginé !
  • Damien, dont la rigueur n’a d’égale que le sens du partage, capable de rassurer sur une mer déchaînée ou de faire comprendre l’importance des détails dans chaque manœuvre. Quand il s’engage dans un projet, c’est avec corps et âme et si possible beaucoup de vent et de la glace.
  • Sébastien, soutien indéfectible de l’association et des projets fous depuis le début. Il est géologue de formation et passionné d’exploration et d’expéditions engagées depuis tout petit. Il lui arrive de râler quand les conditions climatiques sont rudes mais il ne cesse d’en redemander et de bien nous faire rire.
  • José, yagan, mémoire vive de son peuple, qui offre ce qu’aucune archive ne pourra jamais saisir : le ton, le sourire, la nuance d’une intonation, le sens de l’humour autant que celui du temps long et de l’observation, et des parties de pêche mémorables.
  • Mirtha, selknam, la grand-mère passeuse de la mémoire collective de sa famille et plus généralement de l’histoire de son peuple. Elle incarne la transmission et la lutte pour la vérité des faits, autant que la joie de vivre et de rire.
  • Les anonymes qui osent monter à bord sans savoir qu’ils deviendront, à leur tour, découvreurs : étudiants, artistes, familles, curieux – chacun, le temps d’une expédition, retrouvant cette petite part d’explorateur qui sommeillait en eux.

Car Milagro n’est pas un bateau de compétition, ni de prestige. C’est un navire d’apprentissage, de lenteur et d’ouverture. 

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Une manière de vivre et d’agir

Karukinka repose sur un modèle éthique, modeste et résilient :

  • Formations nautiques accessibles.
  • Partenariats ouverts avec universités, musées, écoles, artistes.
  • Une flotte en croissance
  • Financements mixtes : subvention culturelle, appels à projets, cotisations et solidarité.

Mais au-delà des chiffres, c’est un lieu de transformation. Ceux qui montent à bord repartent différents :

“Karukinka c’est, le temps d’un voyage ou d’un itinéraire au long cours, s’autoriser à se sentir un peu plus vivant »

Ce que Karukinka propose au monde :

  • Redonner voix aux oubliés.
  • Transmettre un monde habitable qu’on observe avec attention.
  • S’émerveiller comme des enfants qui savent déjà, et réapprendre comme des adultes qui écoutent.
  • Créer un espace d’exploration où science et humanité sont inséparables.
  • Des rencontres improbables avec ceux que l’on ne pensait jamais rencontrer.

Et demain ?

Les projets de Karukinka se déroulent dans le temps long et se déploient :

  • Des bases scientifiques mobiles, deux voiliers, entre Arctique et Antarctique.
  • Des passionnés et projets embarqués dans les deux hémisphères.
  • Des traductions multilingues pour rendre aux peuples leurs archives et faire connaître les actualités de la Patagonie au public francophone et anglophone.
  • Une cartographie sensorielle des côtes reculées du sud du détroit de Magellan.
  • Des résidences en territoires Sami, Selk’nam et Yagan en 2027.
  • L’accès libre en 2028 à toutes les données collectées depuis 2014 : sons, cartes, observations, récits.
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Karukinka n’est pas une destination : c’est un mouvement

En une décennie, Karukinka est passée d’une marche solitaire en Terre de Feu à une organisation reconnue, dotée d’un navire océanique  et d’un agenda scientifique‐artistique Nord/Sud. Son originalité tient au tissage constant de trois fils : la recherche empirique, la création partagée et le soutien concret aux peuples autochtones.

La trajectoire de Karukinka démontre qu’une ONG de taille modeste peut faire levier à l’échelle globale en associant navigation indépendante, réseaux académiques et échanges culturels. Les projets « Voces de las abuelas » et « Cartographie autochtone » ouvrent désormais un second cycle : celui de la transmission des savoirs indigènes et de la co-construction d’une mémoire vivante entre Karukinka et les communautés du grand Sud.

Karukinka, ce n’est pas seulement une traversée, une association ou un projet. C’est un rêve réalisé à plusieurs, à la croisée des disciplines, des générations, des langues et des pensées. Un espace de respiration, d’expédition, de réparation… un appel à habiter poétiquement le monde, à ne plus séparer savoir et mystère, ni science et bienveillance.

Karukinka, c’est finalement une aventure partagée où la science se nourrit de l’humain, où l’humain se redécouvre par la science. C’est un espace où l’on vient apprendre, transmettre, s’étonner, et repartir — différent, mais le cœur plus vaste, fort de nouvelles amitiés, d’un savoir reçu… et de la certitude que la vraie découverte, c’est la rencontre.

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