“Petits éloges de l’ailleurs, de Jean Raspail: une vie à la rencontre des peuples en danger de mort” (Le Figaro, 23/02/2022)

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Par Christian Authier

Publié le 23/02/2022 à 16:00

CRITIQUE – Le romantisme des causes perdues et l’esprit d’enfance de l’écrivain et explorateur français palpitent dans Petits éloges de l’ailleurs.

Pour en saisir le premier degré, l’appel des horizons lointains et le goût du jeu, il faut sans doute découvrir l’œuvre de Jean Raspail (1925-2020) dans ses jeunes années, quand l’insouciance de l’enfance n’est pas encore trop loin et que les préoccupations de l’âge adulte s’invitent sur la pointe des pieds, quand les préjugés et les mauvaises réputations ne gâchent pas le bonheur de la rencontre. Ainsi, Le Camp des saints, le roman le plus célèbre de l’écrivain, paru en 1973, dans lequel il imagine la France et l’Europe submergées par des millions de migrants, apparaît alors comme une dystopie aux allures de western à la Sam Peckinpah plutôt qu’en roman culte prophétique – ce qu’il est devenu, notamment pour une certaine extrême droite, au fil du temps. Mais, au final, peu importe le moment pourvu que la découverte advienne et que les livres soient lus.

On conseillera donc autant aux néophytes qu’aux fidèles de Raspail Petits éloges de l’ailleurs, copieux volume remarquablement préfacé…

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Mort de Jean Raspail, écrivain et explorateur (Le Figaro, 13/6/2020)

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Mort de Jean Raspail, écrivain et explorateur, auteur du «Camp des Saints»

Par Michaël Naulin Publié le 13/06/2020 à 14:22, mis à jour le 16/06/2020 à 18:52

DISPARITION – L’écrivain, journaliste et explorateur est mort samedi 13 juin à l’âge de 94 ans à l’hôpital Henry-Dunant à Paris, a appris Le Figaro. Adoré par certains, maudit par d’autres, l’auteur de Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie et du Camp des Saints a marqué la littérature française de son univers.

Le consul général de Patagonie n’est plus. Écrivain, explorateur, aventurier, poète… Jean Raspail a marqué la littérature française du XXe siècle. Avant d’être aventurier des mots, l’homme a parcouru les terres isolées. Épaisse moustache, sourcils broussailleux, visage taillé au couteau, Jean Raspail était un être obstiné, fier de ses positions, assumant de ses profonds yeux bleus sa foi catholique et son attachement à la monarchie. Un écologiste royaliste, utopiste et aventurier. Jean Raspail était un romantique.

« À considérer les cheminements intérieurs de la vie, c’est là que je suis né, à l’âge de vingt-trois ans et neuf mois, par un matin glacial de printemps de l’année 1949 »Jean Raspail, «L’île Bleue»

Né le 5 juillet 1925 à Chemillé-sur-Dême en Indre-et-Loire, Jean Raspail est un enfant de la bourgeoisie. Son père est président des Grands Moulins de Corbeil et directeur général des mines de la Sarre. Pourtant, malgré les écoles privées et une éducation stricte, le jeune Raspail a des envies d’ailleurs. Trop jeune pour s’engager dans la Résistance, il devra attendre 1949 pour prendre le large. «À considérer les cheminements intérieurs de la vie, c’est là que je suis né, à l’âge de vingt-trois ans et neuf mois, par un matin glacial de printemps de l’année 1949», écrira-t-il dans L’île Bleue (Robert Laffont, 1990).

Le pêcheur de lune de 23 ans quitte alors son monde de confort pour l’aventure. Une équipée de jeunesse annonciatrice de 30 ans de voyages autour du globe, auprès des peuples menacés et aux confins des terres hostiles. Il a posé son sac en Terre de Feu, aux Antilles, en Alaska, au bord du lac Titicaca ou encore à Macao et en a rapporté des guides et des récits. Aventurier des mots et des terres isolées, ses premiers livres sont des reportages. Son premier vrai roman, Le Vent des pins, sort chez Juillard en 1958. Récit rédigé à la suite d’un voyage au Japon. De ces aventures, Raspail tira une quasi-biographie, un monument. Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, (Albin Michel, grand prix du roman de l’Académie en 1981). Histoire d’un jeune homme de Tourtoirac partit, vers 1860, conquérir la lointaine Patagonie. Raspail s’en amuse et s’autoproclame consul général de Patagonie. Des lecteurs lui écrivent pour lui demander d’être naturalisés patagons, ils veulent partager cet état d’esprit. Le mythe est né.

Le sulfureux Camp des Saints

Raspail écrit pour s’évader. Défenseur des causes perdues, il publie en 1986, Qui se souvient des hommes, suite à ses séjours chez les Alacalufs, peuple en Terre de feu annihilé et menacé d’extinction par le progrès. Son œuvre séduit par sa force, son obstination, et gagne de nouveaux lecteurs à chaque génération. Elle divise aussi. En 1973, l’écrivain publie ce qui deviendra un brûlot: Le Camp des Saints (Robert Laffont). Roman apocalyptique dans la France de 2050, confrontée à l’arrivée massive de migrants sur ses côtes. Prophète? Il s’en défendait. Les polémiques, elles, proliférèrent.

En 2011, le livre est réédité. L’auteur y ajoute une préface coup de poing, intitulée «Big Other». Dans cette même réédition, il ajoute en annexe toutes les pages tombant sous le coup de la loi. Le PDG de Robert Laffont, Leonello Brandolini, précise alors dans un avant-propos que son opinion n’est pas celle de l’auteur qu’il publie. L’auteur est associé à l’extrême droite, ses propos sont dénoncés. Daniel Schneidermann signera une tribune au vitriol contre l’auteur avec en titre: «Appeler racistes les racistes». Les lecteurs tranchèrent: 132.000 exemplaires vendus à ce jour.

Après Le Camp des saints, l’homme publiera une vingtaine d’ouvrages, beaucoup moins polémiques. L’âme utopiste du voyageur avait repris ses droits. Il revenait sur ses voyages à la rencontre des peuples oubliés. Un imaginaire romanesque fertile salué en 2003 par le Grand prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre. Ironique pour celui qui avait le sentiment de ne jamais avoir eu «la carte» auprès du milieu littéraire. Même le 9e art a dessiné ses traits émaciés et sa moustache éternelle. Le dessinateur Jacques Terpant adapte ses romans d’aventures. L’auteur de Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie fait même une apparition dans le 19e Tome des aventures du célèbre milliardaire Largo Winch. Le dessinateur, impressionné par son physique so british, lui a emprunté ses traits pour un personnage.

La monarchie au cœur

La fleur de lys. Raspail l’arborait fièrement sur ses cravates. Son œuvre en était tout aussi couverte. Le fameux Sire (1991) (qui narre le sacre de Philippe Pharamond de Bourbon en 1999), Le Jeu du roi (1976), Le Roi au-delà de la mer (2000), ont nourri cet amour pour la monarchie. Profondément chrétien, l’homme tenait à ses convictions. Dans son appartement, les ouvrages des guerres de Vendée rappelaient son attachement royaliste. Le 21 janvier 1993, il organisa contre vents et marées une commémoration des 200 ans de la mort de Louis XVI, place de la Concorde, en présence de l’ambassadeur des États-Unis Walter Curley. En 1971, Raspail avait publié le Jeu du roi, roman où il évoquait un homme rêvant de son royaume évanoui en regardant la mer. Bravant les tempêtes, l’écrivain a tenu le cap, a continué à dire et écrire ce en quoi il croyait, sans fléchir. Le consul de Patagonie est mort, vive le consul!

3 livres de Jean Raspail à avoir lu:

Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, Albin Michel, 1981

Le Camp des saints, Robert Laffont, 1973

Qui se souvient des hommes…, Robert Laffont, 1986

“Patagonie, terre d’exil et de jeu” (Le Figaro, 9 avril 2015)

https://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2015/04/09/10001-20150409ARTFIG00405-patagonie-terre-d-exil-et-de-jeu.php

Patagonie, terre d’exil et de jeu

Par Etienne de Montety

Publié le 09/04/2015 à 19:47, mis à jour le 09/04/2015 à 21:36

L’œuvre romanesque de l’écrivain Jean Raspail a donné naissance à un royaume imaginaire : la Patagonie. Des milliers de Français, parmi lesquels Didier Decoin, Michel-Édouard Leclerc ou Jean-Laurent Cochet, revendiquent aujourd’hui cette nationalité. Une manière décalée de résister aux temps présents.

Dans le recueil de romans de l’écrivain Jean Raspail, que vient de réunir la prestigieuse collection «Bouquins», sous le titre Là-bas, au loin, si loin, on peut lire à la fin de son plus grand livre: «Par les temps qui courent et par les temps qui viennent, je tiens désormais pour honneur de me déclarer patagon. Du cimetière de Tourtoirac, en Dordogne, où Antoine de Tounens a transporté son gouvernement et siège pour la fin des temps, j’ai reçu mes lettres de créance, moi Jean Raspail, consul général de Patagonie…»

Une phrase de roman, dira-t-on, sans conséquence, donc. Et pourtant, aujourd’hui, ils sont environ 5000 à se revendiquer patagons, dans le sillage de Raspail. Dans la France de François Hollande, ils ne forment pas un parti, ni une association de 1901. Ils ne sont pas non plus un lobby mais sont bien plus puissants: car ils sont unis par un commun état d’esprit, une sorte de confrérie du cœur. La mythologie patagonne est née en 1976. Jusqu’alors, Jean Raspail était essentiellement…

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Jean Raspail, membre d’honneur de l’association Karukinka, nous répond

Compte-tenu de l’attention portée à nos projets par le Consul Général de Patagonie, nous avons officiellement nommé l’écrivain Jean Raspail membre d’honneur de notre association lors de notre assemblée générale du 3 juin 2014. Il en a été informé dans notre lettre du 6 juin 2014.

Ci-dessous, la lettre de réponse de Jean Raspail à Karukinka, ici représentée par Lauriane Lemasson. Vous ne manquerez pas la petite allusion à nos expéditions futures dont il sera informé régulièrement.

Lettre_JeanRaspail_26062014

L’écrivain Jean Raspail place Karukinka sous le haut-patronage du Consulat Général de Patagonie

Le 18 mai 2014, l’écrivain français Jean Raspail a officiellement placé les projets de Karukinka sous le haut-patronage du Consulat Général de Patagonie. Toute notre équipe est très heureuse de partager cette nouvelle avec vous.

Explorateur, journaliste, écrivain… C’est un homme fasciné par le Grand Sud qui nous fait l’honneur de soutenir nos projets.

De 1951 à 1952, alors âgé de 26 ans, Jean Raspail  rallia la Terre de Feu à l’Alaska en voiture et rédigea un premier récit d’aventure en 1952. Une cinquantaine d’années plus tard, il retourna sur les traces de son périple, en terre fuégienne, à la recherche des souvenirs de sa jeunesse et du passé perdu de la Patagonie des années 50. En résulte alors un témoignage fascinant et riche de références historiques sur ce bout du monde balayé par les vents (Adios Tierra del Fuego, 2001).

Parmi ses oeuvres, nous ne pouvons trop vous conseiller la lecture de Qui se souvient des hommes… (Editions Robert Laffont, Paris, 1986 – Prix Chateaubriand, Charles-Oulmont, Gutenberg et Livre Inter), Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie (Editions Albin Michel, Paris, 1981 – Grand prix du roman de l’Académie française) et Adios Tierra del Fuego (Albin Michel, Paris, 2001 –  Prix Jean Giono).

Qui se souvient des hommes moi-antoine-de-tounens-roi-de-patagonie AdiosTierradelFuego

Nous remercions chaleureusement Monsieur Jean Raspail, Monsieur Tulli et le Consulat Général de Patagonie pour l’attention portée à notre association. Comme demandé, nous les tiendrons régulièrement informés de l’avancement de nos projets.