Aujourd’hui sort à Santiago « Tanana » un long-métrage qui montre un habile charpentier de marine construisant son bateau et partant naviguer, comme ses ancêtres, au cœur de l’archipel du cap Horn.
Il aura fallut cinq ans pour obtenir ce documentaire d’une grande beauté scénique et surprenant d’intimité.
Dans « Tánana » (2016, 74 minutes), l’anthropologue Alberto Serrano et le réalisateur Cristóbal Azócar témoignent de comment Martín González Calderón (62 ans) est retourné naviguer dans les îles de Tierra del Fuego, sur un bateau à voile, celui qu’il a construit face à la caméra.
Neveu de Cristina Calderón, la dernière locutrice yagán, le personnage principal se souvient avec beaucoup de nostalgie qu’enfant, il a visité tous les canaux et toutes les îles.
Martin Gonzalez Calderon (photo : Alberto Serrano/Cristobal Azocar)
« Nous avons eu l’idée de voyager dans ces lieux où il n’avait jamais pu revenir, mais aussi de partager cette réalité avec son contexte. Le discours de l’extinction domine tout mais en vérité il y a des nuances. Même lorsque l’installation du Parlement européen et de l’Etat chilien a été très violente, tout n’a pas disparu d’un coup. L’héritage yagan est vivant; et il y a des personnes comme Don Martin qui continue de parcourir les archipels de manière traditionnelle » dit Serrano, directeur du Musée Martin Gusinde et vivant à Puerto Williams.
Il utilisèrent le format digital Full-HD et le tournage dura quatre mois. Ils ont filmé tout le processus de construction du bateau, soit quatre mois depuis le choix des arbres et un important témoignage de la grande maîtrise du protagoniste dans l’art de la charpente marine. Et puis, quand il leva les voiles, les réalisateurs le suivirent pendant quinze jours. Ainsi, ils voyagèrent dans des îles où plus personne ne vit et où les maisons sont devenues des ruines. Ils furent étonnés par les peintures rupestres et les lieux secrets. « Par sa géographie, c’est un lieu unique, très extrême. En hiver il n’y a pas de jour et il n’y a pas de nuit en été. J’apprécie beaucoup la faune: les oies, baleines et dauphins sont à portée de main. Et les condors volent au ras de la mer. », ajouta Azócar.
Les histoires du protagoniste sont concises et pleines de sens. Il a traversé quatre fois le faux cap Horn. La première fois fut avec son père et la plus difficile car une tempête avait endommagé le petit bateau. Son père a commencé à le réparer puis il su que c’était à son tour de gérer la navigation. Il avait 12 ans.
« Le plus puissant et important de la navigation traditionnelle est son lien avec le lieu; chaque baie est une maison. Don Martin a une sagesse qui lui a été transmise par l’amour de son espace de vie. Mais cette connaissance est en train de disparaître, il se trouve donc dans une phase charnière : ses parents ont toujours navigué mais ses enfants n’en ont pas la possibilité », ajoute Serrano.
« Tánana » (« être prêt à naviguer », en langue yagán) reçu le premier prix au Festival de Cinéma de la Patagonie, et sera présenté ce soir à Santiago, au Matucana 100 (19:30). L’accès est gratuit mais sur inscription en envoyant un mail à l’adresse suivante: matucana100@m100.cl.
« Cette année nous allons faire voyager le film pour le présenter de manière personnelle, et nous croyons qu’il pourrait être un bon outil au niveau scolaire. » suggère Serrano. Le documentaire a pu compter sur le financement d’un Fonds Audiovisuel.
Romina de la Sotta Donoso pour le journal « El Mercurio » (http://diario.elmercurio.com/2016/06/20/actividad_cultural/actividad_cultural/noticias/FB718A3F-12C4-40C1-9EB3-975EA0F5DEC0.htm?id={FB718A3F-12C4-40C1-9EB3-975EA0F5DEC0})
Appel à coéquipiers : expéditions pluridisciplinaires 2017-2019
L’association Karukinka recrute deux coéquipiers pour son projet d’expédition australe 2017-2019 en autonomie totale en kayak de mer et à pied.
La partie maritime consistera à naviguer dans les îles du sud du détroit de Magellan afin de recenser les anciens territoires yagan, de procéder à des relevés scientifiques (cartographie thématique, acoustique,…) et de collecter des images et des sons qui serviront de matière première pour témoigner de ce vécu auprès de nos partenaires et du public (cf. onglet « Projet d’expéditions 2016-2019). Les passages à la marche entrecouperont ces navigations d’îles en îles et se dérouleront en terrain montagneux et sauvage (forêt fuégienne, neige, glace, tourbières…). Elles donneront lieu à l’ascension de plusieurs sommets pouvant requérir les techniques d’approche de l’alpinisme.
Pour ce projet, nous recherchons donc des personnes expérimentées, disponibles et ayant à coeur de donner vie à cette exploration du Grand Sud patagon.
L’aventure vous tente ? Alors n’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus et/ou à nous envoyer votre candidature (CV, lettre de motivation et, si connues, vos disponibilités pour les trois prochaines années).
Pour les parisiens ou ceux qui seront de passage à Paris :
Conférence de Lauriane sur l’espace sonore de la Terre de Feu jeudi 14 janvier à 19:00 à la Maison de l’Amérique Latine. http://mal217.org/fr/agenda/tribune-de-la-musique
Au plaisir de vous y retrouver et avec tous nos bons voeux pour cette nouvelle année !
• L’univers sonore de la Patagonie
Passionnée par la Patagonie insulaire, Lauriane Lemasson est musicienne, photographe et audio-naturaliste. Ses recherches en écologie sonore appliquée à l’ethnomusicologie (doctorante contractuelle au sein du laboratoire IreMus, Université Paris Sorbonne) concernent les liens qui se tissent entre l’homme et les sons de la nature en milieux extrêmes. Depuis 2014, elle dirige l’association Karukinka, en référence au mot indien selk’nam signifiant « la dernière terre des hommes ». Cette association se fonde sur un échange interculturel et pluridisciplinaire. Elle œuvre dans le but d’explorer les liens qui se tissent entre l’homme et son environnement, en associant des chercheurs et des acteurs locaux et internationaux.
Pour Lauriane Lemasson, l’écologie sonore a pour vocation d’intégrer l’étude des sons de l’environnement dans différents domaines dont l’anthropologie, la géographie et les sciences cognitives. Elle travaille sur la manière dont était utilisé le paysage sonore par les nomades des canaux et les chasseurs-cueilleurs du sud du détroit de Magellan, parmi lesquels les Selk’nam, Haush et Yahgan qui ont habité ces territoires pendant des millénaires. En Terre de Feu argentine, elle a suivi les pas de peuples décimés par les maladies apportées d’Europe au début du XXème siècle, ou par les chasseurs de têtes payés par des estancieros. Un hommage à la grande ethnologue Anna Chapman (1922-2010) sera également rendu par Lauriane Lemasson.
Parmi ces activités d’anniversaire, l’Université de Magallanes organisa un hommage reconnaissant à la dernière locutrice de la langue yagán, Cristina Calderón. Photographie de Luisa Villablanca
Pour le 53ème anniversaire de l’Université de Magallanes (UMAG), le département régional des hautes études a rendu ce jeudi, un hommage mérité à Cristina Calderón, Trésor Humain Vivant du peuple yagán, et représentante de la culture « canoera » (nomades des canaux) de l’extrême sud du Chili.
La cérémonie s’est déroulée à l’Institut de la Patagonie, et a été conduite par le recteur de l’UMAG, Juan Oyarzo, accompagné de l’intendant de Magallanes y Antártica Chilena, Jorge Flies.
La plus grande autorité régionale félicite l’université pour cet « hommage mérité » attribué à Cristina Calderón. “C’est en effet ce que nous devons faire en tant que communauté. Nous avons la chance d’avoir Cristina parmi nous. Nous sommes très heureux qu’elle ait pu venir accompagnée de sa fille et recevoir nos marques d’affection. Nous reconnaissons tous que cet hommage que nous lui faisons est important pour elle, reconnue Trésor Humain Vivant par l’UNESCO.”, signala l’intendant Flies.
Le chef du Gouvernement Régional considère comme un véritable cadeau de donner la possibilité à Cristina Calderon de s’exprimer dans sa langue maternelle. En ce sens, et pour préserver la langue yagán, Flies a annoncé qu’il avait commencé à solliciter le linguiste Oscar Aguilera, celui qui a réalisé de grands travaux sur la langue kawésqar, pour que soit fait, avec Calderon, un travail similaire au bénéfice de la sauvegarde de cette langue.
Pour sa part, le recteur de l’UMAG, Juan Oyarzo, s’est montré très ému à la fin de la cérémonie. “Je suis très touché d’avoir pu diriger cet événement et dire quelques mots à la abuela Cristina cet après-midi”, dit Oyarzo et ajouta “Il est bon de rendre ces hommages tant qu’elle est en vie, mais nous avons aussi un sentiment de culpabilité d’une époque où les gens ne réalisaient pas les conséquences de leurs actes contres les personnes appartenant à cette ethnie et aujourd’hui nous en voyons les effets : une ethnie et une langue sur le point de disparaître”.
“Je suis rempli d’émotion car, bien que tardif, nous sommes parvenus à rendre cet hommage, mais surtout parce que nous sommes une université inclusive qui prétend relier toutes les localités comme Puerto Williams, Puerto Natales ou Porvenir, là où nous avons aussi des centres universitaires”, commenta le recteur. Il annonça qu’il s’engageait à appuyer en tant qu’universitaire les intentions d’une nièce de Cristina, présente à cet hommage, qui souhaite étudier la Pédagogie en Education Maternelle.
Les autorités s’engagent à assurer la gestion de la possibilité, pour Cristina Calderón, d’enseigner sa langue et ainsi préserver et diffuser une partie de sa culture avec le reste de la communauté magellanique.
Publié le 12/07/2015 à 09:30, mis à jour le 21/07/2015 à 10:01
En Argentine, une association a contacté le Ministère des Affaires Étrangères pour récupérer les ossements du fils d’un ancien membre de la tribu Tehuelche, originaire de Patagonie.
D’après la chaine de télévision d’information internationale française France 24, le vendredi 3 juillet, le Musée de l’Homme a reçu un mail d’une demande du Ministère des Affaires Étrangères. Une association argentine composée d’anthropologues, le collectif Guias, demande la restitution d’un crâne ramené en France par un explorateur, le comte Henry de La Vaulx.
D’après l’historien argentin Julio Vezub, le musée serait en possession d’une collection d’ossements dans laquelle se trouverait le crâne du fils de Cacique Liempichun Sakamata, l’un des chefs de la tribu Tehuelche, originaire de Patagonie.
France 24 nous explique que c’est pour des raisons de respect et de pratiques religieuses que les ancêtres et le collectif Guias, soutenus par les autorités argentines, souhaiteraient récupérer cet ossement. «Pour les Tehuelche, le cercle de la vie se ferme quand on revient à la terre mère. Sans le retour de leurs ancêtres, leur monde spirituel est incomplet», explique Fernando Miguel Pepe, coordinateur du collectif Guias. «En leur donnant le droit d’être enterré aux côtés de leurs êtres chers et dans leur terre, leurs descendants pourront réaliser les rituels mortuaires qui correspondent à leurs croyances.» Ainsi, une demande officielle a été déposée à la chancellerie française et transmise au Ministère des Affaires Étrangères.
Dérobé à la fin du XIXe siècle
Le Musée de l’Homme, qui est en rénovation depuis 2009 et dont la réouverture est prévue en octobre, affirme avoir bien reçu un mail de réclamation. Mais comme l’explique le directeur des collections, Michel Guiraud, «aucune identification n’a encore été effectuée et aucune décision finale n’a été prise. Une fois l’officialisation de la requête effectuée, et l’identification des ossements réalisée, l’établissement devrait suivre la procédure habituelle. Mais le musée n’a aucune raison de s’y opposer.»
C’est à la fin du XIXe siècle, que le crâne de Patagonie aurait été ramené en France. Entre mars 1896 et mai 1897, le comte Henry de La Vaulx, célèbre explorateur français, a fait le tour de l’Argentine à cheval. Il est allé de tribu en tribu, séjournant dans des communautés locales. C’est ainsi que le comte s’est créé une collection de plantes, de roches et d’ossements. «Une série de crânes et d’ossements garnissent déjà mes caisses. Étranges, ces débris de squelettes! Certains sont peints en rouge brique, d’autres en rouge clair», raconte-t-il le dans ses mémoires Voyage en Patagonie.
D’après France 24, ce n’est pas la première fois que le Musée de l’Homme se retrouve confronté à ce genre de situation. En effet, dernièrement, la communauté du Nunatsiavut, située au Canada, a demandé le retour des ossements de sept Inuits. Autre polémique: la dépouille de Saartjie Baartman, surnommé la «vénus Hottentote», exposée au Musée de l’Homme jusqu’au 1974 puis restituée à l’Afrique du Sud en 2002.