« Patagonie, l’île oubliée : les Robinsons des temps modernes » (Le Figaro, 19/12/2017)

Patagonie, l’île oubliée : les Robinsons des temps modernes

Par Florence Vierron

Publié le 19/12/2017 à 14:30, mis à jour le 19/12/2017 à 16:39

FRANCE5/20H55 – Ce documentaire propose la découverte d’un lieu inexploré. Géant !

https://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/patagonie-l-ile-oubliee-les-robinsons-des-temps-modernes_d0b7294e-e4af-11e7-bf17-4de11cee9913

Patagonie. Le mot fait rêver ou reculer. Le réalisateur du documentaire et son équipe, qui ont accompagné 41 explorateurs aux confins de la Patagonie chilienne, sont partis avec la même détermination que les aventuriers. L’objectif? Ausculter l’île Madre de Dios – 80 km2 -, qui appartient au 1 % des terres de la planète encore inexplorées et qui abrite «les reliefs karstiques les plus exceptionnels du globe», selon l’un des chercheurs.

Deux ans de préparation pour une mission de deux mois: volonté, passion et empathie sont les qualités indispensables pour réussir. À chaque instant, le reportage, qui accompagne spéléologues, biologistes, archéologues et géologues au plus près, s’efforce de montrer bien plus que leur travail et leurs découvertes. Si la construction d’un chalet écologique s’éternise, toutes les séquences nous transportent dans des paysages inouïs: une barrière de calcaire vieille de 300 millions d’années culminant à 650 m, avec, à sa base, une forêt magellanique digne d’un décor de cinéma, une grotte suffisamment grande pour abriter Notre-Dame de Paris où se trouvent des ossements de baleine dont l’âge est estimé à 3 200 ans et des profondeurs aquatiques révélant des espèces cavernicoles.

Dans ce milieu hostile et extrême, où seule la nature dicte sa loi, nos Robinsons des temps modernes doivent composer avec une pluie incessante et des vents violents. Il faut accepter d’arrêter une expédition pour privilégier la sécurité. Mais les temps morts n’existent pas. À travers les dialogues entre chercheurs, on réalise que le moindre détail compte et sera mis en relation avec toutes les découvertes sur cette île. En deux mois, ils n’auront inventorié que un dixième de l’île, mais nous auront fait rêver. Ou reculer…

« Rey, l’histoire du Français qui voulait devenir roi de Patagonie » : variation sans folie sur une odyssée délirante (Le Monde, 29/11/2017)

Le deuxième long-métrage de Niles Atallah s’inspire d’un épisode historique insolite : l’épopée rocambolesque d’Orélie Antoine de Tounens.

Par Mathieu Macheret Publié le 29 novembre 2017 à 08h05, modifié le 29 novembre 2017 à 08h05

Rodrigo Lisboa dans « Rey, l’histoire du Français qui voulait devenir roi de Patagonie », de Niles Atallah.
Rodrigo Lisboa dans « Rey, l’histoire du Français qui voulait devenir roi de Patagonie », de Niles Atallah. DAMNED DISTRIBUTION

L’avis du « Monde » – on peut éviter

Le deuxième long-métrage de Niles Atallah, réalisateur à la double nationalité américaine et chilienne, s’inspire d’un épisode historique insolite : l’épopée rocambolesque d’Orélie Antoine de Tounens (1825-1878), avocat périgourdin qui, lors d’un voyage en Amérique du Sud, prit le titre de roi d’Araucanie et de Patagonie, fut reconnu comme tel par les indigènes Mapuche, habitants de ces territoires, écrivit la constitution de son royaume, mais fut arrêté par l’armée chilienne, reconnu comme fou par les autorités, puis définitivement renvoyé en France après plusieurs tentatives de retour.

Le film ne se présente pas comme une reconstitution de cette odyssée délirante, mais comme une variation libre et expérimentale sur le sujet, comme perçue à travers les rêves et les hallucinations des Mapuches. La longue silhouette de de Tounens se promène dans des paysages instables, cernée de visions, hantée par une voix off incantatoire, projetée dans un procès fantasque où toute l’assemblée porte des masques grotesques, lancée à la rencontre de figures titanesques et fantastiques (le peuple mythique des Patagons).

Afféteries stylistiques

L’image est passée au crible de rayures et de sautes, comme issue d’une pellicule endommagée, tandis qu’au son, les grésillements côtoient des boucles hypnotiques et des imprécations hallucinées.

Ces afféteries stylistiques, marquées d’un volontarisme pesant, peinent à faire oublier des images complètement dénuées de mystère, ainsi qu’une incapacité plus grave à toucher du doigt la folie du personnage. Plutôt que d’explorer les prolongements infinis d’un sujet aussi riche, digne d’un Werner Herzog, le film s’épuise à ressasser un seul motif, une seule idée, déjà clairement exprimée par son titre à rallonge. On n’hésitera donc pas à s’en tenir là.

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Film chilien, français, néerlandais, allemand et qatari de Niles Atallah. Avec Rodrigo Lisboa, Claudio Riveros (1 h 31). Sur le Web : www.damneddistribution.com/rey

Mathieu Macheret

https://www.lemonde.fr/cinema/article/2017/11/29/rey-l-histoire-du-francais-qui-voulait-devenir-roi-de-patagonie-une-odyssee-delirante_5221855_3476.html

« Patagonia, el invierno » : drame de la transmission en Patagonie (Le Monde, 28/6/2017)

Le premier long-métrage de l’Argentin Emiliano Torres montre une terre photogénique mais pèche par une réalisation trop appliquée.

Par Mathieu Macheret Publié le 28 juin 2017 à 07h25, modifié le 28 juin 2017 à 07h25

Une scène du film argentin et français d’Emiliano Torres, « Patagonia, el invierno ».
Une scène du film argentin et français d’Emiliano Torres, « Patagonia, el invierno ». FILM BURÓ/TAMASA DISTRIBUTION

L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Un vieil homme nommé Evans (Alejandro Sieveking) s’occupe seul d’un ranch perdu au fin fond de la Patagonie, pour le compte de propriétaires étrangers. Parmi une bande de travailleurs saisonniers dépêchés sur place, Evans prend en main un jeune homme, Jara (Cristian Salguero), qui doit sous peu devenir son second. Mais une fois formé à la gestion de l’exploitation (vouée à l’élevage des moutons), le nouveau venu est promu à la place de l’ancien, alors prié de plier bagage. A l’approche de l’hiver, Jara tâche de survivre, loin d’une famille qu’il a cachée à ses employeurs, dans un environnement de plus en plus hostile.

Sur le papier, ce premier long-métrage de l’Argentin Emiliano Torres, qui fut l’assistant de nombreux autres réalisateurs (Daniel Burman, Emanuele Crialese, Paz Encina, etc.), aurait pu donner un bon western, ouvrant sur une expérience des limites, liée à la rudesse et à l’isolement de son territoire – la Patagonie, toujours aussi photogénique. En lieu et place, on assiste à un drame plus restreint, plus ténu, de la transmission entre générations, virant à la concurrence parce qu’instrumentalisée par les possédants à leur propre profit.

Un solide duo de comédiens

Emiliano Torres démontre d’abord une belle assurance, sachant faire exister ses décors et ses personnages, le film devant beaucoup à la présence saillante d’un solide duo de comédiens. Sa mise en scène se caractérise toutefois, sur la durée, par la recherche sans doute illusoire d’une « bonne distance », et manifeste ainsi une sagesse de bon élève appliqué. Ce faisant, le film ne décolle qu’à de rares occasions de sa signification toute tracée (le capitalisme mondialisé organise la rivalité entre les travailleurs), alors qu’un paysage « surréel », perclus de gouffres et de menaces obscures, lui tendait les bras.

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Film argentin et français d’Emiliano Torres. Avec Alejandro Sieveking, Cristian Salguero, Adrian Fondari, Pablo Cedron, Mara Bestelli (1 h 35). Sur le Web : www.facebook.com/Tamasa-Distribution-330131643671380

Mathieu Macheret

https://www.lemonde.fr/cinema/article/2017/06/28/patagonia-el-invierno-drame-de-la-transmission-en-patagonie_5152207_3476.html

La communauté yagan de la baie Mejillones publie un protocole des bonnes pratiques à son égard (13/5/2017)

Le 13 mai 2017 la Communauté Indigène Yagan de la Baie Mejillones a publié un protocole des bonnes pratiques détaillant, dans le cadre de la Convention 169 de l’OIT en vigueur au Chili depuis 2009 (mais toujours pas en France…), les différents points à respecter pour garantir leurs droits, la protection de leur patrimoine et, plus généralement tout ce qui permet des échanges constructifs ensemble.

Nous saluons l’édition de ce protocole qui permet à tous les interlocuteurs du peuple yagan, qu’ils soient passés, présents et/ou futurs, d’avoir une référence sur laquelle se baser pour se prémunir d’actions mal menées à son égard.

Nous vous invitons donc à consulter ce document essentiel et à vous y référer pour tout projet en lien avec le peuple yagan :

https://www.pueblosoriginarios.gob.cl/sites/www.pueblosoriginarios.gob.cl/files/2021-09/FolletoProtocolo_Yagán.pdf

Bonne lecture !

« Zona Franca » : en Patagonie aussi, le tourisme gomme l’histoire et la géographie (Le Monde, 14/2/2017)

Un documentaire fait résonner des siècles de luttes sociales oblitérées.

Par Mathieu Macheret Publié le 14 février 2017 à 08h40, modifié le 14 février 2017 à 08h40

« Zona Franca », un documentaire français consacré à la Patagonie.
« Zona Franca », un documentaire français consacré à la Patagonie. GEORGI LAZAREVSKI/ZEUGMA FILMS

L’avis du  « Monde » – à voir 

Existe-t-il dans notre monde surquadrillé une idée du « lointain » où l’aventure et la découverte seraient encore envisageables ? En explorant les paysages surréels de la Patagonie chilienne, à l’extrémité du monde, le photographe et chef opérateur Georgi Lazarevski, d’origine yougoslave, apporte une réponse sceptique et teintée de mélancolie : la société moderne à son stade le plus avancé, celui du tourisme, foule du pied toute terre existante et réécrit l’histoire à l’aune de ses itinéraires tout tracés.

Son beau documentaire Zona Franca, situé dans la province délaissée du détroit de Magellan, s’enroule autour de trois personnages. Le premier, Gaspar, est un vieil orpailleur vivant loin de tout dans son rancho rafistolé. L’or ne faisant plus recette, il propose aux touristes de passage de l’observer dans ses activités. Edgardo, routier très engagé politiquement, participe au blocage d’un axe touristique, en guise de manifestation contre la hausse des prix du gaz. Enfin, Patricia, gardienne silencieuse, surveille les parages de la « Zona Franca », le plus gros centre commercial de la région et espace commercial défiscalisé, où affluent les visiteurs locaux et étrangers. Chacun ouvre un point de vue différent sur les évolutions historiques, sociales, économiques de la région, mais surtout sur l’indécrottable isolement de sa population à travers les âges.

Splendeur terrible

Lors d’une visite dans un ancien abattoir réhabilité en hôtel de luxe, Edgardo rappelle que sous la domination anglaise, à la fin du XIXe siècle, les ouvriers travaillaient 14 heures par jour sans aucun droit. Un passage dans la riche demeure du pionnier et industriel Mauricio Braun, devenue musée, fait ressurgir le souvenir enfoui du génocide des aborigènes, de la spoliation des terres, de l’exploitation à tous crins – désolantes annales qu’une guide réunit sous le terme de « Patagonie tragique ».

A travers les trois personnages suivis dans son reportage, Georgi Lazarevski donne une vision de la Patagonie réaliste et humaine.

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