Disparition de l’écrivain chilien Luis Sepulveda à l’âge de 70 ans
Par Le Figaro avec AFP
Publié le 16/04/2020 à 11:22, mis à jour le 16/04/2020 à 12:40
L’auteur du Vieux qui lisait des romans d’amour est décédé en Espagne de suites du Covid-19
L’écrivain chilien Luis Sepúlveda, né le 4 octobre 1949 à Ovalle, est décédé en Espagne du covid-19, ont annoncé ses éditeurs. «L’écrivain Luis Sepulveda est mort à Oviedo. L’équipe de Tusquets Editores regrette profondément sa perte», a écrit le groupe éditorial espagnol dans un communiqué.
L’auteur de 70 ans avait ressenti les premiers symptômes le 25 février alors qu’il revenait d’un déplacement au Portugal et rentrait aux Asturies où il habitait avec son épouse. «Le personnel soignant a tout fait pour lui sauver la vie mais il n’a pas surmonté la maladie. Mes plus sincères condoléances à sa femme et à sa famille», a assuré sur Twitter le président de la région des Asturies, Adrian Barbon.
L’auteur avait milité très jeune dans les jeunesses communistes puis dans une branche du Parti socialiste. Ce qui lui avait valu d’être arrêté en 1973 par le régime du général Augusto Pinochet. Emprisonné pendant deux ans et demi, il avait finalement vu sa peine commuée en exil et avait quitté en 1977 le Chili où il n’est jamais revenu s’installer. Retrouvant sa première femme, la poétesse Carmen Yañez, torturée sous la dictature chilienne, l’écrivain s’établit en 1996 à Gijón, dans les Asturies.
Son premier roman, Le Vieux qui lisait des romans d’amour, publié en 1992 et traduit en trente-cinq langues et adapté au grand écran en 2001, lui avait apporté une renommée internationale. Un autre de ses grands succès fut Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler (1996), à destination des «jeunes de 8 à 88 ans» qui a donné lieu à un film d’animation.
Son œuvre, fortement marquée par l’engagement politique et écologiste ainsi que par la répression des dictatures des années 1970, mêle le goût du voyage et son intérêt pour les peuples premiers. Luis Sepúlveda, qui a aussi eu une activité, toutefois marginale, de scénariste et de réalisateur, est également l’auteur du Neveu d’Amérique (Patagonia express, 1996), des Roses d’Atacama (Historias marginales, 2001) ou de La fin de l’histoire (El fin de la historia, 2016).
Je ne suis pas un optimiste à 100 %, je suis optimiste à 50 %… Ou 70 %! Je pense que le futur sera meilleur que le présent
Luis Sepulveda
Écrivain qui avait foi en l’homme, Luis Sepulveda se montrait aussi optimiste que possible malgré les épreuves qu’il avait traversé dans la vie. «Si nous n’avons pas une perspective du futur, la vie n’a aucun sens, expliquait-il au Figaro en 2009. Quand on comprend le passé, on peut mieux comprendre le présent. Quand on comprend le présent, on peut avoir une vision du futur. Je ne suis pas un optimiste à 100 %, je suis optimiste à 50 %… Ou 70 %! Je pense que le futur sera meilleur que le présent…» Promoteur d’un vivre ensemble militant, attentif aux causes environnementales, il savait bien que «la vie est dure», pour beaucoup, partout. Mais ses engagements suivaient une ligne de conduite claire. «Tout ce que nous faisons pour transformer cette réalité se fait, paradoxalement, d’un point de vue optimiste. Même si cela se termine par une défaite, et, en général, cela se termine souvent par une défaite! Comme le dit un ami mexicain: De défaite en défaite, nous irons jusqu’à la victoire finale.»
1949 Naissance à Ovalle (Chili). À quinze ans, adhère aux Jeunesses communistes.
1973 Emprisonné à la suite du coup d’État du général Pinochet.
1982-1996 Vit à Hambourg. Grand reporter dans la presse allemande et correspondant pour Greenpeace.
1989 Le vieux qui lisait des romans d’amour. Traduit chez Métailié en 1992. Le Monde du bout du monde.
Publié le 16/09/2016 à 17:30, mis à jour le 26/09/2016 à 12:52
Le cap Horn, 400 années de légende (Le Figaro, 16/9/2016) 6
EN IMAGES – Il y a quatre siècles un navire hollandais passait le cap le plus austral du globe et lui donnait un nom devenu symbole. Depuis la découverte du cap Horn, le vent et la mer ont tramé dans l’extrême sud de la Terre de Feu une histoire marine, grandiose et tragique. Voyage vers un caillou mythique.
La forêt magellanique est une dangereuse magicienne. Son chant attire à elle des voyageurs du monde entier et le philtre qu’elle leur administre est capable de changer l’enfer en paradis. Mais l’illusion ne fait généralement effet qu’un court instant, car la nature, dans ces parages, est singulièrement rétive aux charmes de l’enchanteresse. C’est ainsi qu’ayant débarqué dans la baie d’Ainsworth, au pied du glacier Marinelli, un des mille monstres froids qui, s’écoulant de la cordillère de Darwin, baignent les eaux glacées des canaux de Patagonie, par 55° de latitude sud, au cœur de ce fouillis d’îles par lequel le continent américain s’effrite dans l’océan Pacifique, un groupe de voyageurs modernes eut le sentiment d’avoir mis le pied au paradis: il faisait beau, des oiseaux gazouillaient dans le soleil. Au fond des bois, une falaise couverte de mousse laissait s’écouler, goutte à goutte, l’eau de la dernière averse dans une mare qui s’était formée à sa base. Cela donnait une musique d’une pureté absolue, comme un premier chant du monde. Là-dessus, les feuilles minuscules des coigües, les arbres patagons, laissaient passer suffisamment de lumière pour que du sol chauffé monte aux narines un parfum d’humus. Née de ces falaises, une rivière traversait la courte plaine séparant la forêt de la grève: sur ses berges poussaient des arbustes dont les fruits ressemblaient à des pommes miniatures, si petites qu’il aurait fallu à Adam et Eve en croquer beaucoup avant d’être expulsés de cet éden.
L’envoûtement dura le temps d’une promenade: dans l’après-midi, tout changea. En Terre de Feu, il suffit d’un nuage pour que cette beauté primitive de la terre laisse la place à un paysage d’une parfaite morosité: quelques heures plus tard, quand le Stella Australis quittait la baie d’Ainsworth, le ciel était devenu d’un gris insondable, un vent glacial se levait. Le navire, seul bateau d’expédition frayant dans ces parages, s’enfonçait dans un brouillard poisseux, entre deux séries de montagnes obscures, gluantes d’humidité, abritant une forêt compacte qui s’étalait jusqu’à l’eau verte du canal et qui, reculant lorsque la pente devenait trop abrupte, s’effaçait sur des rochers couverts de mousse orange, striés de cascades semblables à des voiles de mariée emportés par le vent.
Le beau, écrit Rilke, n’est que le premier degré du terrible… A l’approche de l’île de Horn, sous des rafales dépassant les 130 km/h, la nature illustre superbement les paroles du poète. SFautre pour le Figaro Magazine
Naguère encore, la seule évocation de ce lugubre paysage faisait frissonner les marins les plus expérimentés: les innombrables récits de voyage dans cette région inamicale fourmillent de descriptions toutes plus catastrophiques les unes que les autres. Mais les canons de l’esthétique ont singulièrement changé: dans un monde surpeuplé, en voie de surchauffe, la désolation, la solitude et les glaces sont devenues belles aux yeux des hommes. La centaine de passagers présents à bord n’avait donc de cesse d’admirer ce paysage funeste et gigantesque. Ils avaient embarqué deux jours plus tôt à Punta Arenas, au Chili, dans ce confortable navire de la compagnie chilienne Australis. But de ce voyage au bout du monde: le cap Horn, lieu redoutable dont on fête cette année le 400e anniversaire de la découverte. Découverte étant à vrai dire un bien grand mot puisqu’il ne s’est jamais vraiment laissé approcher et que les marins qui le croisent depuis 1616 n’ont généralement qu’une hâte, c’est de le laisser bien loin derrière eux et au plus vite. Miracle de la technique, on peut désormais débarquer sur l’île de Horn: c’était le but du voyage. Depuis quelques années, un officier de la marine chilienne y vit en compagnie de sa femme et de ses deux enfants, le courageux ermite ayant la noble tâche de surveiller le dernier caillou de l’Amérique. Comment peut-on vivre là? La rencontre avec l’Américain le plus austral du monde promettait d’être passionnante.
Embouquant le canal Magdalena, le Stella Australis s’apprêtait à naviguer toute la nuit dans le labyrinthe d’eau et de roches que composent les canaux de Patagonie. Hautes montagnes couvertes de glace, fjords profonds, récifs et écueils, tourbillons de vent: toujours plus au sud dans ces voies d’eau que les marins chiliens connaissent comme leur poche. Le solide navire ballotté par la longue houle du Pacifique lorsque, sortant du canal Cockburn, il quitte pour quelques heures l’abri des îles avant de se faufiler à nouveau entre deux murailles en direction du canal Beagle, lequel conduit à Ushuaia et à la baie de Nassau, dernière étape avant l’ultime confetti de montagnes émergeant de la mer. Là se trouve le cap Horn.
Au sud de la grande île de Terre de Feu, sur la rive nord du canal Beagle, Ushuaia, la ville la plus australe du monde. SFautre pour le Figaro Magazine
L’été austral laisse peu de temps à la nuit. Au petit matin, alors qu’un soleil pâle brillait déjà dans un grand ciel délavé par le vent, le bateau se trouvait au pied de l’île de Horn. Bien plus grande que ne la dessinait l’imagination, elle était couverte d’une sorte de gazon vert émeraude qui brillait singulièrement dans la lumière. L’herbe se balançait harmonieusement, agitée par le vent terrible qui soufflait: 130 kilomètres-heure, force 12, la plus haute sur l’échelle de Beaufort qui l’assimile à un ouragan «au-delà du 40e parallèle»: de ce côté-ci, c’est chose courante, juste ce qu’il faut pour porter les pétrels géants, les albatros et les sternes arctiques qui jouaient à raser les falaises. A l’ouest, l’horizon était barré par une formidable muraille gris sombre que touchait du doigt un arc-en-ciel planté dans la mer. Des vagues courtes et dures battaient la coque du navire. Le vent leur enlevait des nuages d’écume: ils se mêlaient aux averses de grêle qui fouettaient brutalement le pont du bateau. Nul gardien de l’île à l’horizon: on pouvait simplement deviner sa petite maison blottie au pied du phare, imaginer l’homme avec sa femme et ses enfants, debout derrière la fenêtre de sa cuisine, une tasse de café fumant à la main, observant le lourd bateau qui tournait en rond au pied de son caillou. De peur qu’ils ne soient retournés par le vent, le capitaine décida de ne pas mettre les canots à la mer. Fidèle à sa terrible légende, le Horn se refusait aux visiteurs. Après l’avoir admiré, on alla prendre le petit déjeuner.
Etonnant contraste entre le confort du voyage et la rigueur de l’environnement qui, il y a quelques décennies, laissait déjà songeur Stefan Zweig. Dans la préface de la très belle biographie qu’il a consacrée à Magellan, l’écrivain viennois raconte que c’est dans l’ennui et le luxe d’une longue traversée de l’Atlantique à bord d’un paquebot que lui est venue l’idée de raconter la vie de l’illustre marin. «Rappelle-toi, écrit-il, dans quelles conditions on voyageait autrefois. Compare cette traversée avec celles des audacieux navigateurs qui découvrirent ces mers immenses.» L’ouvrage raconte comment la quête d’une route plus courte vers les îles aux épices poussa le navigateur portugais à convaincre le futur Charles Quint de lui confier une flotte de cinq navires. Persuadé qu’il existait un passage, quelque part au sud du continent américain, permettant de relier l’Atlantique au Pacifique, Magellan quitta Séville le 10 août 1519 en compagnie de 265 hommes dont peu connaissaient le vrai but du voyage, sinon qu’il durerait très longtemps…
La compagnie chilienne Australis est une des seules à organiser des expéditions touristiques dans les canaux de Patagonie, jusqu’au cap Horn. Les descentes à terre sont fréquentes comme ici, au pied du glacier Pia. SFautre pour le Figaro Magazine
Son exploit accompli, Magellan alla mourir quelque part dans l’archipel des Philippines. Seuls 18 marins à bord d’un navire proche du naufrage parviendraient à relier Séville, le 6 septembre 1522. Le destin avait interdit à Magellan de recevoir en Europe le tribut du vainqueur. Le temps a réparé l’injustice: le nom de l’illustre marin est resté accolé au détroit qu’il a découvert. L’histoire maritime de la Terre de Feu pouvait commencer. Elle ne manquerait pas de panache, car ici croiseraient les navigateurs les plus intrépides.
Mais la difficulté des conditions de navigation allait considérablement ralentir le travail d’exploration de la région: il faudra attendre plusieurs siècles avant que les canaux de Patagonie soient correctement cartographiés. En 1578, le pirate anglais Francis Drake voguera dans les parages. Découvrant qu’il n’y avait pas de continuation terrestre entre la Terre de Feu et les terres australes, il franchira en premier le passage qui sépare les continents américain et antarctique. Quelques années plus tard, le 14 juin 1615, deux navires hollandais quittaient la rade du Texel. Affrétés par la Compagnie Australe, basée dans la ville de Hoorn, ils étaient commandés par Jacob Le Maire, le fils du fondateur de l’entreprise et Willem Schouten. Les marins avaient pour mission d’ouvrir une nouvelle voie maritime qui éviterait le détroit de Magellan, alors soumis à une restriction imposée par leur grand concurrent: la toute-puissante Compagnie néerlandaise des Indes. Huit mois plus tard, Willem Schouten franchissait le passage de Drake. Croisant au large de la dernière île de Terre de Feu, il lui donna le nom de Hoorn, double hommage à la cité où avait été conçue son expédition et au bateau qui l’avait accompagné jusque-là, la patache Hoorn ayant disparu dans les flammes quelques jours plus tôt.
Le renard de Magellan est particulièrement adapté à la rudesse de la vie dans ces terres australes. SFautre pour le Figaro Magazine
Parmi les centaines d’expéditions qui allaient se succéder au fil des siècles, il faut garder en mémoire celles de Fitz Roy. Le capitaine britannique allait se rendre à deux reprises en Terre de Feu à bord du célèbre Beagle. En 1826, puis en 1832, en compagnie du naturaliste Charles Darwin, qui allait trouver dans l’observation des Indiens yaghans une confirmation de sa théorie de l’évolution des espèces. En 1882, c’est l’aviso français La Romanche qui se rendit là, dans le cadre d’une expédition scientifique dans les mers australes. Parallèlement, le passage de Drake s’imposait comme une des premières routes commerciales du monde. En 1892, plus de 1 200 voiliers croisaient le cap Horn: tout à leur course de vitesse, les grands clippers évitaient les tortueux canaux de Patagonie. Mais la navigation restait particulièrement périlleuse: en 1905, on dénombrait 53 naufrages au large du ténébreux rocher. C’est dire si l’ouverture du canal de Panamá, en 1914, fut accueillie avec soulagement. En 1949, le Pamir, vaisseau allemand, fut le dernier voilier de commerce à franchir le cap Horn. Fin de l’histoire. Après une courte éclipse qui l’avait placée au carrefour du monde, la Patagonie pouvait reprendre la place qui lui revenait dans l’ordre naturel des choses: loin de tout.
Une autre histoire, littéraire celle-ci, pouvait commencer. Les écrivains ferment souvent la marche des explorateurs. Dans les années 50, alors qu’il naviguait dans le détroit de Magellan, Jean Raspail fit une rencontre qui, raconte-t-il, allait déterminer son existence: un canot de bois avec, au fond, quelques silhouettes massées autour de trois braises scintillant dans le brouillard. C’étaient sans doute les ultimes Kaweskars: les «hommes», comme ils s’appelaient eux-mêmes, les derniers Indiens de canots. Restés bloqués à l’âge de pierre, ils ne survécurent pas à la rencontre de l’homme moderne. Raspail leur a livré un magistral hommage dans son livre Qui se souvient des hommes… Aujourd’hui, les hommes ont disparu. Quelques descendants, métisses d’Indiens et de marins européens, tentent vaguement de se réapproprier une culture dont le sort fut scellé le jour où un de leurs ancêtres vit passer, depuis son rocher, les bateaux de Magellan. Et pour les voyageurs qui aboutissent aujourd’hui dans l’ancien royaume de ces ombres, il ne reste plus qu’à songer, en contemplant l’eau sombre des fjords et les plages de galets où ils vivaient jadis, à l’étrange destin de ce peuple. Ces lieux s’y prêtent particulièrement bien.
Publié le 11/04/2012 à 13:40, mis à jour le 11/04/2012 à 18:33
Chronique d’un voyage avec le photographe Daniel Mordzinski.
Nous sommes partis un jour vers le sud du monde pour voir ce qu’on allait y trouver.» Force est de constater, 3 500 kilomètres plus tard, que l’écrivain chilien Luis Sepulveda et le photographe argentin Daniel Mordzinski ont au moins trouvé leur bonheur. En 1996, les deux amis décident d’entreprendre une virée au sud du 42e parallèle, sans bagage superflu, mais avec une devise patagonne vissée en tête: «Se hâter est le plus sûr moyen de ne pas arriver.» Plus tortues que lièvres, l’auteur du Vieux qui lisait des romans d’amouret son «socio», son associé, comme il l’appelle, se sont arrêtés au gré des rencontres imprévues tout au long de cette route infinie, sous un ciel où «les nuages sont à portée de main».
Au commencement, il y avait l’idée d’un livre qui les changerait des éternels reportages qu’ils faisaient ensemble pour le compte de revues diverses. D’où cette philosophie de partir sans idée précise, à l’inverse du reporter qui va chercher ce qu’on lui demande. À l’arrivée, il y a Dernières nouvelles du Sud, le roman d’une région disparue et d’une époque révolue, «un recueil de nouvelles posthumes», conclut Sepulveda, qui l’a finalement écrit quinze ans après avoir voyagé. Le temps a donné de la valeur aux souvenirs. L’Argentine a bien changé depuis quinze ans, jusqu’en Patagonie, paraît-il. La plupart des personnes croisées par les deux hommes étaient âgées et ne sont plus aujourd’hui. Reste leur présence dans ces textes.
Panache et mordant
Luis Sepulveda, conteur embusqué derrière le voyageur, restitue, pour chacun, toute une vie en Patagonie, au fil de chapitres qui se lisent comme des nouvelles. Ses portraits disent la singularité de cette terre, colonisée depuis des lustres, mais étonnamment fière. Les auteurs ont su en saisir le sel. Le lecteur croise dans ce recueil l’homme qui se dit être l’arrière-arrière-petit-fils de Davy Crockett ; la délicate Dona Delia Rivera de Cossio, presque centenaire, dans son jardin couvert de roses, là où souffle un vent à décorner les bœufs ; l’équipe de mécanos désœuvrés de la ligne du Patagonia Express, réquisitionnée pour les besoins du tourisme au mépris des autochtones ; ou encore un luthier récupérant le bois rare laissé sur le chantier abandonné du vieil express pour fabriquer les violons que lui commande l’Orchestre symphonique de Berlin.
Sepulveda raconte leur histoire avec le panache qui leur est dû. Il sait aussi se faire mordant envers les gêneurs, les profiteurs et les milliardaires qui rachètent des centaines d’hectares sur cette immense terre sauvage. Les photographies de Mordzinski viennent ponctuer ses propos. Ce livre valait bien quinze années d’attente.
«Dernières nouvelles du Sud» de Luis Sepulveda et Daniel Mordzinski, traduit de l’espagnol (Chili) par Bertille Hausberg, Métailié, 190 p., 20 €.