Ce que Jean Malaurie a apporté aux sciences sociales (Lauriane Lemasson, France Culture, 27 mai 2021)

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/ce-que-jean-malaurie-a-apporte-aux-sciences-sociales-8773873

Suite à la parution du Cahier de l’Herne consacré à Jean Malaurie, l’ethnomusicologue Lauriane Lemasson revient au micro de Marie Sorbier sur les apports multiples du géographe et écrivain à la musicologie.

Avec

  • Lauriane Lemasson Ethnomusicologue

Les Cahiers de L’Herne consacrent leur dernière édition, parue le 19 mai, au géographe et écrivain Jean Malaurie qui, à 98 ans, continue d’inspirer des chercheurs dans de nombreuses disciplines. L’ethnomusicologue Lauriane Lemasson revient au micro de Marie Sorbier sur l’influence de Jean Malaurie sur ses recherches en musicologie.

Lauriane Lemasson rencontre pour la première fois Jean Malaurie à l’été 2013, lors de sa première expédition en Terre de Feu, en Argentine. Elle transmet une copie de sa soutenance de master au géographe qu’elle cite à plusieurs reprises dans ce travail, désirant échanger avec lui. Jean Malaurie, intéressé par cette recherche sur le paysage sonore de la Terre de Feu argentine, la contactera quelques semaines plus tard. S’ensuit une collaboration sur plusieurs projets.

En quoi les travaux de Jean Malaurie sont-ils inspirants pour les jeunes chercheurs d’aujourd’hui ? Selon Lauriane Lemasson, c’est avant tout le parcours du géographe et écrivain qui fait de son travail un apport si singulier aux sciences sociales.

C’est pionnier dans les sciences humaines, puisqu’il montre que les multiples facettes d’un terrain ne peuvent être étudiées qu’en faisant appel à plusieurs disciplines.                
Lauriane Lemasson 

Les travaux et le parcours de Jean Malaurie sont fondamentalement pluridisciplinaires. Après une formation de géographe physicien, son cheminement intellectuel l’amène rapidement à repousser les limites de la discipline en y apportant une dimension ethnographique. Dès sa première mission en solitaire à Thulé, au Groenland, en 1950, il conçoit des cartes topographiques, collectant des données liées à la géomorphologie du territoire tout en recensant un groupe de 300 Inuits. Cela lui permet d’établir la première généalogie, sur quatre générations, de ces communications. Un travail qui le mène également à faire la rencontre du chamane Uutaaq, dont l’influence sera cruciale pour l’évolution de la pensée du chercheur et son engagement contre les effets protéiformes de la colonisation. Plus tard, Jean Malaurie et ses compagnons Inuits découvrent une base secrète de l’armée américaine. Il prend alors position, non pas en tant que résistant de la Seconde Guerre mondiale comme il l’avait été dès 1943, mais en défenseur des peuples Inuit face à la toute-puissance américaine. 

Cet engagement-là est inspirant et a donné naissance à son premier livre, en 1955, Les Derniers rois de Thulé, mais aussi à la collection Terre humaine, qu’il dirige depuis 1955. Cette collection est à l’image de son créateur : engagée en faveur des minorités, pluridisciplinaire, elle met l’accent sur la richesse de la pluralité culturelle et sur les méfaits de la mondialisation. C’est la possibilité d’un autre regard sur le monde, autre que celui des Occidentaux.              
Lauriane Lemasson

Depuis 2011, Lauriane Lemasson concentre ses recherches sur l’extrême sud de l’Amérique latine, au sud du détroit de Magellan. En préparant sa première expédition sur le terrain en 2013, le constat est pour elle sans appel : tous les ouvrages qu’elle consulte alertent sur la disparition des peuples autochtones de la région. 

Je me suis retrouvée à devoir prendre position quant à la pseudo-disparition, vue depuis l’Europe, des peuples autochtones de Terre de Feu et des îles voisines. Tout laissait croire qu’il n’y avait plus personne, tous les récits les concernant étaient écrits au passé. Aucune remise en question de l’état actuel des lieux. Sauf que si on se rend sur place et qu’on enlève certains filtres abjects de l’anthropologie, c’est une toute autre situation que l’on rencontre.              
Lauriane Lemasson

Ces peuples sont aujourd’hui en partie regroupés sous l’égide de communautés qui leur permettent de défendre leurs droits, explique Lauriane Lemasson. Un enjeu majeur de leur lutte est de pouvoir récupérer les corps des leurs, éparpillés et morcelés dans plusieurs musées internationaux, dont le Musée de l’Homme à Paris. Depuis plusieurs années, la chercheuse travaille avec des membres de ces communautés afin de créer des ponts entre eux et l’Europe, pour participer à la reconstruction de ce que les génocides subis par leurs ancêtres ont détruit. 

Lauriane Lemasson travaille avec les survivants des génocides qui ont eu lieu en Argentine et au Chili, en explorant des lieux privatisés depuis la colonisation à la fin du 19ème siècle. Sur place, elle collecte des informations sur les anciens campements autochtones, ce qui lui permet de reconstituer des cartes dans la langue de ces peuples  Selk’nam, Haush et Yagan. En utilisant l’apport de l’acoustique, la chercheuse peut aller au-delà de l’archéologie traditionnelle : en s’intéressant à la dimension sonore des lieux, elle peut caractériser des sites rituels et redonner à des lieux désertés aujourd’hui leur dimension culturelle. Cette démarche correspond à sa recherche spécialisée sur les paysages sonores. 

J’essaie de m’immerger le plus possible pour écouter comme ceux qui m’ont précédée dans ces lieux. La tâche est immense, mais grâce à plusieurs expéditions immersives en solitaire de plusieurs mois, l’oreille s’affine et on arrive à percevoir, petit à petit, des éléments du paysage. La morphologie acoustique d’un lieu peut être très singulière et corroborer les besoins d’un rituel.            
Lauriane Lemasson

D’une première étude acoustique d’un site qui a été étudié par le Centre austral d’investigation scientifique d’Ushuaia, Lauriane Lemasson a pu tirer un modèle acoustique transposable à d’autres lieux. En répétant les mêmes expériences dans ces autres lieux, elle découvre qu’on peut retrouver des caractéristiques permettant de démontrer qu’un lieu correspond aux besoins d’un rituel. 

Dans le texte qu’elle signe dans le Cahier de l’Herne consacré à Jean Malaurie, la chercheuse suggère qu’elle compte poursuivre ses travaux autour du cercle arctique. Un projet qui vient s’ajouter à une liste dense : Lauriane Lemasson travaille actuellement à la création du fond sonore Jean Malaurie, sous l’égide de l’Université de Versailles, tout en préparant avec son conjoint un voilier avec lequel elle souhaite voguer vers le Groenland, sur les traces de Jean Malaurie, pour faire des études acoustiques de sites que le géographe lui a mentionnés.  

« Sauvages », les victimes des zoos humains, ces oubliés de l’histoire

Sans pathos, ce documentaire décortique le racisme pseudoscientifique à l’origine de cette pratique qui persista jusqu’à la seconde guerre mondiale.

Par Pierre Lepidi Publié le 05 septembre 2020 à 20h00

Exhiber des « sauvages » derrière des grilles, c’était avant tout légitimer la colonisation et prouver la prétendue supériorité de l’homme blanc. Photo non datée, probablement fin du XIXe siècle.
Exhiber des « sauvages » derrière des grilles, c’était avant tout légitimer la colonisation et prouver la prétendue supériorité de l’homme blanc. Photo non datée, probablement fin du XIXe siècle. GROUPE DE RECHERCHE ACHAC/ARTE

ARTE – SAMEDI 5 SEPTEMBRE À 20 H 50 – DOCUMENTAIRE

A l’exception peut-être de Saartjie Baartman, mieux connue sous le pseudonyme de « Vénus hottentote », une jeune femme originaire d’Afrique du Sud arrivée en Europe en 1810 et dont le destin a été porté à l’écran par Abdellatif Kechiche dans Vénus noire (2010), l’histoire populaire n’a retenu aucun nom, aucun visage. Pendant tout le XIXe siècle et jusqu’à la seconde guerre mondiale, près de 35 000 personnes ont pourtant été exhibées dans des cirques ou lors d’expositions universelles et coloniales en Europe et aux Etats-Unis. Devant un public avide de sensations fortes et assoiffé d’exotisme, des hommes, des femmes et des enfants ont été présentés comme des bêtes sauvages ou des monstres sexuels.

Ce documentaireretrace la vie de Petite Capeline, Tambo, Moliko, Ota Benga ou Jean Thiam. Ils ont été arrachés au Congo, à la Guyane, à la Patagonie ou à l’Australie. Sans pathos, le film de Pascal Blanchard et Bruno Victor-Pujebet retrace leur vie grâce à d’innombrables archives (vidéos, affiches, films, cartes postales, articles de presse…), à des éclairages d’universitaires parmi lesquels l’anthropologue Gilles Boëtsch (CNRS) et des historiens comme Benjamin Stora et Sandrine Lemaire. A l’écran, le résultat final ressemble à un hommage aussi fort qu’émouvant.

Asservir et coloniser

« Vouloir se souvenir, ça ne veut pas dire vouloir culpabiliser les gens », prévient au début du documentaire Lilian Thuram, ancien pilier de l’équipe de France de football et président de la Fondation Education contre le racisme. Le film conserve le même esprit grâce, notamment, aux commentaires du rappeur et écrivain Abd Al Malik, qui accompagne les récits des « déracinés » et ceux de leurs descendants. L’évolution des zoos humains montre comment la société européenne est passée d’un racisme pseudoscientifique à un racisme de masse, les « sauvages » étant montrés comme des êtres inférieurs qu’il faut asservir et coloniser pour assurer leur développement.

Dans les années 1880, en Europe, il faut montrer d’authentiques « primitifs » dans les zoos, quitte à faire croire qu’ils sont cannibales. Le grand public veut ressentir le même frisson que les aventuriers lors de leurs expéditions lointaines. Petite Capeline a été capturée à l’âge de 2 ans avec dix membres de son village de Patagonie. Morte d’une broncho-pneumonie après quelques mois en France, elle est enterrée à deux pas du Jardin d’acclimatation, à Paris. Quant à sa famille, elle est exposée en Allemagne puis en Suisse. Deux membres survivront et reverront leur terre natale, mais en y rapportant un virus respiratoire qui décimera leur peuple.

Aux Etats-Unis, Phineas Barnum a construit sa fortune en présentant dans ses spectacles des femmes à barbe, des frères siamois, des obèses, mais aussi des aborigènes d’Australie ou des Pygmées du Congo. Ces derniers, en raison de leur petite taille, qui leur a pourtant permis de survivre dans les forêts d’Afrique centrale, ont longtemps été classés au dernier rang de l’espèce humaine.

En Allemagne, au début du XXe siècle, Carl Hagenbeck a été l’un des plus grands imprésarios d’Europe. Marchand d’animaux, il a aussi alimenté en « sauvages » des cirques, des ménageries et des jardins zoologiques. Un siècle après sa mort, en 1913, un zoo de Hambourg porte encore son nom. De hautes statues décorent la porte d’entrée. Elles représentent des hommes originaires de contrées lointaines au milieu d’animaux sauvages.

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Sauvages – Au cœur des zoos humains, de Pascal Blanchard et Bruno Victor-Pujebet (Fr., 2018, 90 min). www.arte.tv

Pierre Lepidi

https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/09/05/sauvages-les-victimes-des-zoos-humains-ces-oublies-de-l-histoire_6051140_3246.html

La nuit polaire de Mark Mahaney (Le Monde, 23/1/2020)

The road into the cemetery, South of Utqiagvik, 8:16 PM.
Mark Mahaney

Par Stéphanie Le Bars Publié le 23 janvier 2020 à 07h15, modifié le 23 janvier 2020 à 08h05

Les faits: De novembre à mi-janvier, les 4 500 habitants d’Utqiagvik, en Alaska, ne voient jamais le jour se lever. Le photographe californien Mark Mahaney s’est plongé dans l’ambiance lunaire de cette nuit sans fin.

https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/01/23/la-nuit-polaire-de-mark-mahaney_6026931_4500055.html

Comment donner vie à la nuit, illustrer un monde en sursis ? Il y a un an, débarquant pour une douzaine de jours à Utqiagvik (Alaska), la ville la plus au nord des Etats-Unis, le photographe américain Mark Mahaney s’est plié à l’exercice. Venu de Californie, il a plongé dans la nuit sans fin de ce coin du cercle arctique, où, de novembre à mi-janvier, le soleil ne se lève pas. Un lieu infini où, lorsque l’œil cherche l’horizon, il ne voit rien qu’une immensité blanche et plate.

Ce défi à la lumière aurait pu suffire à l’objectif. Mais l’expérience photographique s’est doublée d’un intérêt politique pour « cet épicentre du changement climatique », comme le résume Mark Mahaney. « A cet endroit, même si le sol est recouvert de neige, que le phénomène n’est pas immédiatement apparent, la terre se réchauffe deux fois plus vite qu’ailleurs. La couche de glace, de plus en plus fine, ne protège plus la côte des tempêtes. La ville s’enfonce. » Parti avec l’intention de documenter la vie de ses 4 500 habitants, le photographe en est revenu avec une série d’images fantomatiques, témoignages glacés d’un monde figé, extraterrestre, rassemblées dans un ouvrage, Polar Night (Trespasser).

L’emprise de la glace

« Cet endroit raconte une histoire de survie, d’endurance. » Traverser la nuit polaire, résister au froid et, paradoxalement, survivre au réchauffement climatique. « Quand, durant soixante-cinq jours, la journée n’a ni commencement ni fin, cela laisse une impression bizarre, psychologiquement et physiologiquement. Cette période d’énergie sombre, la “solastalgie”, est propice à la dépression, au suicide, à la consommation de drogues et d’alcool. »

L’emprise de la glace, le poids de la neige, la semi-obscurité troublée par la lumière orangée des réverbères, le froid intense (jusqu’à – 30 °C) dévoilent un univers claquemuré, sans végétation ni humain. « Il n’y a personne dans les rues et je ne voulais pas forcer les portes », explique Mark Mahaney, réticent à jouer « l’homme blanc » exploitant un supposé folklore des Iñupiat, le peuple d’origine de la plupart des habitants. Ces derniers se refusent de toute façon à parler de l’érosion de leur terre et de leur culture. « Ils tirent leurs revenus, plutôt confortables, de l’exploitation pétrolière, qui elle-même contribue au réchauffement climatique… », rappelle le photographe.

Le travail de Mark Mahaney s’attache ici à montrer un « paysage post-apocalyptique, plus proche de la Lune que de la Terre, vide de toute forme de vie ».

Son travail en extérieur s’attache donc à montrer un « paysage post-apocalyptique, plus proche de la Lune que de la Terre, vide de toute forme de vie ». On imagine le crissement de pas isolés sur la neige, la gifle du vent. Des voitures abandonnées, portières ouvertes, semblent prises dans un étau de neige, des maisons paraissent inhabitées avant que l’on n’aperçoive une lueur derrière des vitres glacées ou une fumée sortant de la cheminée. « L’esthétique n’est pas une priorité dans ces contrées et on trouve toutes sortes de vieux objets s’empilant dans les cours et les jardins », autant de formes figées dans le froid.

Le photographe a trouvé des signes de vie dans cet étrange vide. Un graffiti sur un mur. La gueule béante de chiens de traîneaux, impatients de reprendre leur course. Le photographe y signe au passage un hommage à la tradition de ces ­équipages iconiques, dont l’utilisation est elle aussi en voie de disparition, et fait un clin d’œil à l’expression locale « three dogs night » (« une nuit à trois chiens »), qui mesure la froideur de la nuit. « Plus il fait froid, plus il faut de chiens autour de toi pour survivre. » A l’issue de son séjour, Mark Mahaney a capté les rayons de la première aube revenue, teintant cet unique cliché d’un rose bleuté réconfortant. Car, lorsque le soleil se relève enfin, « le temps peut de nouveau exister ».

Polar Night, de Mark Mahaney, Trespasser, 52 pages, 36 euros. trespasser.pub

A la périphérie d’Utqiagvik, 19 h 55.
A la périphérie d’Utqiagvik, 19 h 55. MARK MAHANEY
Un chien de traîneau, 11 h 13.
Un chien de traîneau, 11 h 13. MARK MAHANEY
La route du cimetière, 20 h 16.
La route du cimetière, 20 h 16. MARK MAHANEY
Une maison typique d’Utqiagvik, 10 h 44.
Une maison typique d’Utqiagvik, 10 h 44. MARK MAHANEY
Le cimetière d’Imaiqsaun, 18 h 4.
Le cimetière d’Imaiqsaun, 18 h 4. MARK MAHANEY
Le poste de police, Kiogak Street, 16 h 48.
Le poste de police, Kiogak Street, 16 h 48. MARK MAHANEY
Midnight, un des derniers chiens de traîneau du nord de l’Alaska, 11 h 14.
Midnight, un des derniers chiens de traîneau du nord de l’Alaska, 11 h 14. MARK MAHANEY

Stéphanie Le Bars

Haizebegi 2019 : Interview de Lauriane Lemasson par InfoFueguina « La vergüenza que se convirtió en orgullo »

L’étudiante et chercheuse française Lauriane Lemasson a détaillé les activités menées par trois membres des peuples Selk’nam et Yagan à Paris et dans d’autres villes européennes. Elle a souligné l’accueil qu’ils ont reçu et la possibilité de « se rapprocher de la place de l’autre, pour ne pas commettre les choses inacceptables qui se sont faites, dans une partie des XIXe et XXe siècles, en anthropologie ». Elle a souligné que sur les peuples autochtones, « le seul pouvoir que possèdent les colonialistes est d’imposer la honte de leur propre identité, mais aujourd’hui cette honte est devenue de la fierté », a-t-elle affirmé.

La vergüenza que se convirtió en orgullo

Por Redacción Infofueguina le jeudi 19 décembre 2019 · 08:30. Traduit de l’espagnol par l’association Karukinka

« J’ai présenté mon travail lors d’un colloque international à Paris, c’était en janvier 2019, et j’ai rencontré Denis Laborde qui est l’organisateur du Festival Haizebegi. « Il a suivi mes recherches, commencées en 2011, et lorsqu’il est venu au colloque, il m’a interrogé sur mon travail », a commencé Lauriane Lemasson, chercheuse française étudiante à la Sorbonne, en élaborant sa thèse sur « Le paysage sonore comme élément culturel ». ressource, dans le sud. » de Hatitelén (détroit de Magellan) », pour laquelle elle se rend régulièrement en Patagonie chilienne-argentine et entretient des contacts fréquents avec des membres des peuples autochtones.

Lemasson a déclaré qu’après l’entretien, l’oganisateur du festival Haizebegi lui a dit qu’elle avait « carte blanche » pour ce festival qui a eu lieu en octobre dernier à Bayonne – France, avec en arrière-plan une interview qu’elle avait réalisée à Punta Arenas avec Mirtha Salamanca, petite-fille de Lola Kiepja, et qui a été traduite dans différentes langues mais toujours « avec préavis à Mirtha elle-même, pour savoir si elle avait son accord », a précisé la chercheuse française.

Après avoir écouté l’interview, Laborde a proposé d’inviter Mirtha Salamanca au festival et a déclaré que « deux personnes supplémentaires pourraient être invitées, peut-être trois si nous avons la subvention », a mentionné Lauriane Lemasson, prévenant que l’association dirigée par Denis Laborde est soutenue par beaucoup d’efforts, avec ses propres contributions ou celles de collaborateurs, « mais sans financement direct de l’État », a-t-elle souligné.

Elle a déclaré qu’il s’agissait d’une association qui « travaille beaucoup avec les immigrés, sur des questions sociales et soutient de nombreuses causes humanitaires ». Dans ce but, on a souligné l’importance de se référer à la situation des peuples indigènes de la zone, en invitant – en consultation avec Mirtha Salamanca – Víctor Vargas Filgueira et José González Calderón, tous deux appartenant au peuple Yagan.

Lauriane Lemasson a précisé que tout le matériel présenté, ainsi que le contenu des entretiens et conférences, avait été élaboré et choisi par Salamanca, Vargas Filgueira et González Calderón. « Les initiatives sont nées d’eux, car l’idée était qu’ils définissent ce qu’ils voulaient partager avec les gens en France », a-t-elle souligné.

Elle a déclaré qu’ils ont pu parler « d’une variété de sujets importants tels que les élevages de saumons, le respect de leur culture par les artistes et les chercheurs, l’importance de redonner aux informateurs une copie des travaux lorsque le travail est fait pour qu’il ne soit pas perdu ». La chercheuse française a commenté que plus tard les membres des peuples autochtones ont pu échanger et partager avec des références locales, et dans ces contacts ils ont réalisé qu’en France aussi il y avait des peuples autochtones « parmi lesquels ceux de mes ancêtres », a déclaré Lauriane Lemasson, mentionnant qu’elle descend des Bretons.

Un autre contact important a été avec Pascal Blanchard, qui fait des recherches sur ce qu’on appelle les « zoos humains », et avec qui ils ont pu « se rendre compte qu’il n’y avait pas que des shelk’nam et des yagans exposés, mais qu’il y avait aussi des membres de peuples européens et d’autres parties du monde, c’était aussi important pour moi parce que j’ai découvert qu’il y avait aussi des gens de ma ville qui étaiten exposés là-bas », a-t-elle déclaré.

La chercheuse française a indiqué que c’est avec les zoos humains que « le racisme est né, car il vient de cette époque-là. Avant, il y avait l’ignorance de l’autre, mais pas cette hiérarchie entre les gens. Avec l’ère des zoos humains, le racisme est né et a été soutenu par les anthropologues et les scientifiques de l’époque, dans le but de comprendre l’évolution humaine. »

Elle a déclaré qu’ils avaient également eu « accès aux archives de (l’anthropologue franco-américaine Anne) Chapman, où c’était très fort de voir qu’ils pouvaient avoir un contact direct avec ce matériel. Ils ont également établit des contacts avec le responsable des Relations extérieures de la Conférence des présidents des universités françaises, Jean Luc Nahel, avec qui a été évoquée la possibilité de quelques projets futurs.

L’activité comportait, comme autre point fort, une conférence pour les étudiants français visiblement émus par les témoignages, notamment celui de Mirtha Salamanca et l’histoire de sa grand-mère Lola Kiepja. En conclusion, les étudiants, de leur propre initiative, ont décidé de déposer une note signée pour soutenir la demande de restitution des restes et « demander une réponse ».

Lauriane Lemasson a indiqué, enfin, qu’il est apparu au cours du voyage que le chercheur doit « se rapprocher de la place de l’autre, pour ne pas commettre les choses inacceptables qui se sont faites dans une partie des XIXe et XXe siècles en anthropologie. Il était également très important de savoir que les gens venaient demander quand les ateliers ont lieu, comme l’atelier de vannerie qui a été répété chaque our pendant 2h, relétant l’importance de la relation qui s’est établie. En conclusion le seul pouvoir que les colonialistes ont est née du fait d’avoir imposé au peuple la honte de leur propre identité, mais aujourd’hui cette honte s’est transformée en fierté », souligne la chercheuse française.

Galerie de photos

Haizebegi 2019 : Mirtha Salamanca : “Travailler pour récupérer ce qui nous appartient » (InfoFueguina, 13 de noviembre, 2019 « Trabajar para recuperar lo nuestro”)

Haizebegi 2019 : Mirtha Salamanca : “Travailler pour récupérer ce qui nous appartient » (InfoFueguina, 13 de noviembre, 2019 « Trabajar para recuperar lo nuestro”)

Mirtha Salamanca faisait partie d’une délégation de membres des peuples Shelknam et Yagan, qui se sont rendus en France pour mener différentes activités. Elle a raconté les conférences et réunions auxquelles ils ont participé et a souligné l’importance de « récupérer ce qui nous appartient ». Elle a également exprimé un regard critique sur le travail d’Anne Chapman avec son arrière-grand-mère, Lola Kiepja.

« L’invitation personnelle était due à la lignée de Lola Kiepja, mon arrière-grand-mère. J’y suis allé avec deux frères du peuple Yagan, Víctor Vargas d’Ushuaia et José González Calderón de Puerto Williams, et nous sommes restés environ 20 jours très intenses. Nous avons participé au festival auquel ils nous ont invités, organisé depuis six ans, où il y a de la musique et où différents sujets sont abordés », a déclaré Mirtha Salamanca, membre du peuple Shelknam.

Dans des déclarations à l’émission de radio « Desde las Bases », elle a déclaré que « dans ce cas, le thème était les peuples indigènes. La grande surprise, pour ceux qui étaient présents, a été qu’il y avait des shelknam et des yagans, car la version officielle était qu’il n’y en avait plus. A partir de là, l y a eu des autorités très importantes, nous avons visité les musées, c’était un précédent très important et nous allons continuer parce qu’il y a beaucoup à faire », a déclaré Salamanca.

Plus tard, elle a mentionné que « la connexion a été faite par Lauriane Lemasson, que j’ai rencontrée à Punta Arenas grâce à une invitation que m’avait adressée l’université et ensuite je l’ai rencontrée. Ce fut une grande surprise, elle fait un travail magnifique sur ce qui a à voir avec la toponymie de l’île, avec les sons de la nature, et ce travail a également été exposé au cours de ces journées », a souligné la membre du peuple Shelknam.

Prévoyant que la scientifique française « est sur le point de revenir en Terre de Feu, nous allons donc continuer à travailler. C’est très courageux, car cela sert à récupérer ce qui nous appartient. En France nous avons été en contact avec des étudiants universitaires, nous avons pu voir les archives d’Anne Chapman. J’ai pu voir quelques chroniques, c’est quelque chose avec lequel nous devons beaucoup travailler, nous devons profiter de cette opportunité », a déclaré Mirtha Salamanca.

Puis elle a commenté qu’ils donnaient également « des conférences dans une université en Espagne, nous avons pris contact avec le directeur du musée de Berlin. C’est vraiment une activité qui nous a laissé beaucoup de choses et nous avons pu faire une demande concernant le retour des restes humains qui se trouvent dans ces musées », a-t-elle confirmé.

Critiques pour Anne Chapman

Dans le même sens, elle a mentionné que lors des entretiens, ils ont évoqué « ce qu’était le zoo humain, car c’était un exemple clair de racisme. Nous savons ce qui est arrivé à notre peuple et nous avons pu le dénoncer là-bas », a-t-elle fait remarquer. Plus tard, à propos du travail d’Anne Chapman, elle le remet en question et déclare : « Je dis toujours que mon opinion, en tant que membre de la famille, est celle d’un désaccord avec ce qui a été fait avec ma grand-mère. »

« Beaucoup disent que cela servait à protéger quelque chose de ma grand-mère, mais j’aurais préféré qu’elle n’ait rien laissé. Parce que nous savons que les chants chamaniques étaient privés, ce disque n’aurait pas dû exister et a également été utilisé à mauvais escient. Vraiment pour nous, en tant que famille, c’est quelque chose de très triste. Je considère qu’Anne Chapman est venue avec tout le matériel, avec tout l’argent, ma mère, par exemple, n’a pas voulu l’accueillir parce qu’elle ne nous respectait pas », a déclaré l’arrière-petite-fille de Lola Kiepja.

Elle raconte que lorsqu’elle et sa famille se sont présentés à l’anthropologue franco-américaine, « elle a répondu qu’elle n’allait pas nous aider, parce qu’elle avait travaillé avec « les vrais ». Ne connaissant pas notre lignée et notre appartenance, les gens ne savent pas que derrière ces archives se cache une histoire très cruelle. Elle a même dit que Lola avait eu « 12 enfants, six purs et six impurs », qu’est-ce que cela veut dire ? Elle n’avait aucun respect pour la famille », a insisté Salamanca.

Un peuple outragé et la nécessité de récupérer l’histoire

Au cours de l’interview, elle a déclaré : « Nous savons que notre peuple a été violé, maltraité, nous devons donc avoir un peu de respect pour cette histoire. Nous sommes un peuple qui reste silencieux, mais nous combattons et travaillons. Nous avons découvert un documentaire dans lequel apparaissaient des images de nous dont nous ignorions l’existence. Pris sans aucune autorisation, nous avons beaucoup de choses à sauver, beaucoup de choses sur lesquelles travailler », a-t-il prévenu.

Il a indiqué que « quelque chose de différent peut être fait, je dis toujours que nous avons un État absent. Nous avons une entité de contrôle qui est l’Institut national des affaires autochtones, mais nous devons d’abord dire que nous ne sommes pas un problème. Il semble que nous devons être à leur merci, nous avons nos lois qui doivent être respectées », a-t-il affirmé.

Mirtha Salamanca a déclaré que parfois « c’est très regrettable, nous pensons que dans les écoles, il faut toujours dire la vérité. C’est pourquoi je dis que nous sommes vivants, je pense que nous devons raconter ce qui est arrivé à notre peuple, avec la soi-disant conquête qui était en réalité une invasion de notre peuple et de tous les peuples d’Amérique. »

« Parce que nous sommes un peuple préexistant et qu’ils nous ont tout pris, ils nous ont pratiquement imposé leurs lois. Je respecte l’hymne, le drapeau, mais ils nous ont été imposés. Nous avions les haruwen, nos groupes familiaux. Nous vivions librement, dans la nature, en harmonie, puis tout s’imposait. Nous devons travailler dur là-dessus, essayer de récupérer notre culture et dire la vérité. C’est l’activité que nous envisageons », a conclu le représentant du peuple Shelknam.

Photo: Facebook Lauriane Lemasson

Source : https://www.infofueguina.com/tu-ciudad/rio-grande/2019/11/11/mirtha-salamanca-trabajar-para-recuperar-lo-nuestro-42827.html Traduit de l’espagnol apr l’association Karukinka