Le Sénat adopte une loi sur la restitution de restes humains présents dans les collections des musées français

Le Sénat adopte une loi sur la restitution de restes humains présents dans les collections des musées français

Suite à l’adoption d’une loi visant à simplifier la restitution des restes humains conservés dans les collections des musées français, l’association Karukinka et ses membres se réjouissent de cette avancée qui, ils l’espèrent, accélèrera la restitution des restes humains Selk’nam, Haush et Yagan présents dans la collection d’anthropologie physique du Musée de l’Homme (Paris).

Une demande de contact avait été maintes fois répétée avant et pendant la venue en France, dans le cadre du festival Haizebegi 2019, de Victor Vargas Filgueira (porte-parole de la communauté yagan d’Ushuaia, Argentine), Mirtha Salamanca (membre du Conseil Participatif Indigène d’Argentine pour le peuple selk’nam) et José German Gonzalez Calderon (ex-président de la communauté yagan de la Bahia Mejillones, Chili). Le directeur des collections avait refusé de les recevoir en octobre 2019, tout en indiquant que ces collections serait analysées dans les prochains mois.

A ce jour, soit plus de 4 ans après, toujours aucune suite n’a été donnée à cette prise de contact.

Pour aller plus loin, nous vous recommandons la lecture de cet article paru dans le journal Le Monde hier (intégré à la suite dans cet article) et, pour poursuivre la réflexion, la lecture par exemple de :

Le Parlement français adopte une loi sur la restitution de restes humains à des Etats étrangers

https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/12/18/le-parlement-francais-adopte-une-loi-sur-la-restitution-de-restes-humains-a-des-etats-etrangers_6206534_3246.html

Le texte doit faciliter le retour de corps ou de morceaux de corps collectés dans des conditions indignes en dérogeant à la règle d’inaliénabilité des collections publiques françaises.

Par Laurence Caramel Publié le 18 décembre 2023 à 20h23, modifié le 18 décembre 2023 à 21h40

L'ambassadeur d'Afrique du Sud, Thuthukile Edy Skweyiya et le ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg, posent à côté du moulage de Saartjie Baartman, surnommée
L’ambassadeur d’Afrique du Sud, Thuthukile Edy Skweyiya et le ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg, posent à côté du moulage de Saartjie Baartman, surnommée « Venus hottentote », le 29 avril 2002 lors d’une cérémonie à l’ambassade de l’Afrique du Sud à Paris, au cours de laquelle la dépouille de cette femme sera rendue à son pays d’origine. (AFP) JACQUES DEMARTHON / AFP

Les trois crânes provenant de l’ancien royaume Sakalave de Madagascar comme les dépouilles d’aborigènes d’Australie aujourd’hui conservés au Musée de l’homme, à Paris, pourront bientôt rejoindre leurs terres d’origine. Avec le vote des sénateurs, lundi 18 décembre, le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi sur la restitution à des Etats étrangers des restes humains appartenant aux collections publiques françaises.

« C’est un moment important pour nos relations avec des peuples qui attendent depuis longtemps de pouvoir donner une sépulture digne à leurs ancêtres », se réjouit la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly, à l’origine de la loi avec deux autres élus de la chambre haute, Pierre Ouzoulias (Parti communiste) et Max Brisson (Les Républicains). C’est aussi un « moment d’émotion » pour l’ancienne conseillère à la culture de Rouen, dont la ville a été la première à délibérer en 2006 sur la restitution à la Nouvelle-Zélande d’une tête maorie présente dans les collections locales.

C’est le refus de l’Etat de laisser le musée normand se départir de cette pièce qui a été le point de départ de ce patient travail ayant abouti au texte voté lundi. Son adoption est une étape supplémentaire dans la mise en œuvre du projet plus vaste visant à faciliter la rétrocession de pièces de collection acquises par les musées français dans des conditions désormais jugées inacceptables : trophées de guerre, pillages, vols, profanations de sépultures…

Il s’agit aussi à cette occasion d’engager une réflexion et un travail de mémoire. En juillet, une première loi concernant la restitution des biens culturels spoliés à des juifs dans le contexte des persécutions antisémites de 1933 à 1945 a déjà été votée. En 2024, le dernier projet de loi du gouvernement portant sur les œuvres acquises pendant la colonisation devrait être présenté au Parlement.

Accélération des traitements des requêtes

Grâce à la loi adoptée lundi, il ne sera plus nécessaire, comme cela était le cas jusqu’à présent, d’obtenir l’autorisation du Parlement avec le vote d’une loi ad hoc pour chaque dossier de restitution de corps ou de morceaux de corps. Une dérogation générale au principe d’inaliénabilité des collections publiques est introduite dans le code du patrimoine qui permettra à l’Etat et aux collectivités territoriales concernées d’agir par simple décret en Conseil d’Etat. Le traitement des requêtes devrait s’en trouver accéléré.

Depuis le début des années 2000, seulement quatre demandes ont en effet pu être instruites : celle portée en 2002 de l’Afrique du Sud concernant Saartjie Baartman, une femme Koïsan réduite en esclavage et exhibée en Europe sous le nom de Vénus hottentote. La même année, l’Uruguay a récupéré la dépouille d’un Indien Charrua, Vaimaca Peru, achetée par la France en 1832.

Dignité humaine

En 2012, vingt têtes maories ont été restituées à la Nouvelle-Zélande, puis, en 2020, vingt-quatre crânes ont été rendus à l’Algérie dans le cadre d’une convention de dépôt d’une durée de cinq ans. Une situation qui devra être régularisée avec la nouvelle loi.

Plusieurs conditions sont fixées pour juger de la recevabilité d’une requête : elle doit être déposée par un Etat étranger et à des fins exclusivement funéraires. Les « restes » doivent être ceux de personnes mortes après l’an 1500 et les « conditions de leur collecte porter atteintes à la dignité humaine ou leur conservation contrevenir au respect de la culture et des traditions du groupe dont ils sont originaires », précise la loi. En cas de doute sur l’identification des restes réclamés, un comité scientifique composé à parité d’experts français et du pays demandeur sera chargé d’éclairer la décision du ministère de la culture, à qui reviendra in fine la décision.

« Apaiser les mémoires douloureuses »

La ministre de la culture, Rima Abdul-Malak, s’est félicitée d’une loi équilibrée « entre la garantie du principe d’inaliénabilité et la gestion éthique des collections publiques. (…) Le respect de la dignité humaine anime cette loi. La France regarde son histoire en face. Elle entend les demandes des autres peuples et souhaite ouvrir avec eux de nouveaux échanges culturels en ayant contribué à apaiser les mémoires douloureuses ».

La ministre s’est également engagée à lancer dès le début de l’année 2024 une mission parlementaire sur la restitution des restes humains provenant des territoires d’outre-mer. « Ils ne pouvaient avoir leur place dans la présente loi mais nous en faisons notre priorité », a-t-elle promis, en se fixant un an pour apporter une solution.

Lundi, des représentants des Indiens Kalina de Guyane assistaient au débat au Sénat. Ils réclament le retour des corps de huit de leurs ancêtres morts en 1892 après avoir été exhibés dans des zoos humains à Paris et répertoriés dans les collections du Museum national d’histoire naturelle, à Paris. Celui-ci possède environ 24 000 « restes humains ». Environ 7 % sont originaires d’Afrique et 5 % des outre-mer. Une centaine seulement a été identifiée avec précision par les scientifiques, ce qui résume un autre enjeu de la loi : pour parvenir à sa véritable mise en œuvre, il faudra doter les musées de moyens pour faire l’inventaire fouillé de leurs collections.

« Ils réalisent un acte pour le « Dernier jour de liberté des peuples autochtones d’Amérique » (Realizan acto por el “Último día de la libertad de los pueblos originarios de América” Info Fueguina, 14 octobre 2022)

« Ils réalisent un acte pour le « Dernier jour de liberté des peuples autochtones d’Amérique » (Realizan acto por el “Último día de la libertad de los pueblos originarios de América” Info Fueguina, 14 octobre 2022)

« L’activité s’est déroulée dans le cadre du Cycle Cérémoniel des Journées de la Paix et de la Dignité, impulsée par la Secrétaire de Gestion, Promotion et Renforcement des Droits et de l’Organisation Communautaire. La proposition était de commémorer les 530 ans de résistance. Il s’agit d’une activité validée par Ordonnance Municipale depuis 2016.

https://www.infofueguina.com/tu-ciudad/ushuaia/2022/10/14/realizan-acto-por-el-ultimo-dia-de-la-libertad-de-los-pueblos-originarios-de-america-67826.html

Traduction en français d’un article paru en espagnol dans le journal Info Fueguina, le 14 octobre 2023.

« Le but était de commémorer les 530 ans de résistance », a-t-il été signalé par la Municipalité de la capitale, et il s’est démarqué par la présence, durant cet évènement, de Margarita Maldonado, femme Selk’nam, et de Victor Vargas Filgueira, homme Yagan, lesquels ont participé à la cérémonie et ont commémoré le départ de Catalina Filgueira, aussi membre de la communauté Yagan, ainsi qu’à l’expression de percussions, Tambores del Sur, qui a accompagné les activités.

« Ces cérémonies nous rappellent l’importance de la liberté et de pouvoir l’exercer pleinement, a souligné la secrétaire de Culture et Education, Belén Molina, laquelle a commenté que « suivant la ligne de cette gestion municipale, nous accompagnons et célébrons les activités qui nous conduisent à réfléchir sur notre histoire et visibiliser nos racines. »

La Secrétaire de Gestion, Promotion et Renforcement des Droits et de l’Organisation Communautaire, Vanina Ojeda, a expliqué, à son tour, que « ceci est une reconnaissance aux peuples indigènes en leur dernier jour de liberté en Amérique ».

« Historiquement, le 12 octobre a symbolisé le progrès, alors qu’il a été le début de 130 ans d’assujettissement sur les peuples autochtones » a observé la fonctionnaire.

En ce sens, elle a considéré que « c’est une date de réflexion, durant laquelle, accompagnés par les membres des peuples autochtones, nous partageons et visibilisons leurs voix, resignifiant cette date, marquant le commencement de siècles de luttes et résistance que tant de pays continuent encore de célébrer comme le Jour de la Race ».

« Pas de justice environnementale sans justice sociale » (Bleu Tomate, 26/08/2023)

Arles accueille du 21 au 27 août, la 4e édition du festival Agir pour le Vivant. Projections, conférences, ateliers, balades ou cafés citoyens : autant d’occasions de faire émerger une société du vivant. « Nous serons un peuple quand ? » Tel était le thème de la conférence qu’a suivi Bleu Tomate.

Quels sont les liens entre le climat et le racisme, le colonialisme ou la pauvreté ? Pour Fatima Ouassak, politologue et militante écologiste, « il existe en France un processus de désancrage des populations assignées à certains territoires, qui subissent spoliation et dévastation. On leur répète que cette terre n’est pas la leur, et ils ne sont pas considérés légitimes à discuter des projets qui les concernent ».

Déficit de démocratie ici…

La militante de citer en exemple l’installation de data centers ou de nouvelles autoroutes.  Egratignant au passage certains artistes ou militants écologistes prompts à soutenir les luttes lointaines mais peu engagés pour les quartiers et leurs habitants racisés.

affiche Agir pour le Vivant 2023
"Pas de justice environnementale sans justice sociale" (Bleu Tomate, 26/08/2023) 5

Une parole non reconnue et non entendue également sous d’autres cieux. Lauriane Lemasson est ethnomusicologue. Elle travaille depuis des années avec les peuples de la Terre de Feu. Survivants d’un génocide qui les a vus disparaitre à 95%, ils ont été classés à l’époque entre les animaux et les humains, donc « sous-humanisés ». Les colons se sont accaparé leurs territoires, voués aux estancias d’élevage.

… Et ailleurs

Et même si le droit international reconnait aujourd’hui le droit des peuples sur leurs territoires, ils ont beaucoup de mal à monter des dossiers pour prouver leur antériorité sur ces espaces qui leur sont aujourd’hui interdits.

La jeune chercheuse donne l’exemple d’un gigantesque projet de fabrication d’hydrogène et d’ammoniac (dit vert, car à partir de l’énergie éolienne). Aucune concertation avec les représentants des peuples autochtones, mis devant le fait accompli.

La responsabilité du colonialisme

« Le colonialisme rime avec la destruction de la planète » explique Arturo Escobar. Le célèbre anthropologue, chercheur-activiste voit quatre moments dans son histoire. La découverte de l’Amérique du XVe au XVIIe siècle, avec la destruction non seulement des peuples eux-mêmes, mais aussi de leur culture et de leurs connaissances.

justice sociale et environnementale en débat à Arles

Une assistance fournie a suivi les interventions avec intérêt ici à la Chapelle du Méjan ©JB

Puis au XVIIIe, s’impose une vision scientifique qui sépare l’humain de la nature et les blancs européens des autres humains auxquels on ne reconnait justement pas de conscience.

Avec le XIXe siècle vient le capitalisme, économique mais aussi comme un concept de vie. Il voit l’humain individualiste, agressif et compétitif. Au XXe enfin, la pensée libérale arrive au bout de son cycle. Elle affiche « un cosmos patriarcal, séparatiste et dominateur sur l’autre », explique le scientifique.

Alors, quand fait-on peuple ?

Fort de ces constats, quelles solutions ? Chacun des intervenants a apporté sa pierre à la réflexion, devant un public nombreux, dans une chapelle du Méjan surchauffée par la canicule extérieure.

Fatima Ouassak l’exprime comme un cri : « On a besoin d’autonomie, de liberté, laissez-nous respirer ! On est chez nous, on veut transmettre notre langue, notre culture, notre religion, c’est notre droit ».

Dans ces territoires où la classe ouvrière et les personnes racisées ont si peu accès au débat démocratique et renoncent souvent au bulletin de vote, « on doit avoir des partis, des syndicats, des collectifs », poursuit la militante écologiste engagée à Bagnolet. Et se saisir du pouvoir politique, car « les AMAP, le tri et les jardins partagés on fait déjà, mais cela ne suffit pas ».

Agir pour le Vivant à Arles août 2023

Le thème du festival en 2023 : « Climat et inégalités sociales »

La 2e conquête du désert

En Patagonie et bientôt en Finlande avec les Samis, Lauriane Lemasson agit, sac à dos. Elle documente les territoires pour aider les communautés à faire valoir leurs droits. Ici, elle trouve les traces d’un lieu rituel, là une montagne connue pour être repère entre deux migrations saisonnières. L’ethnomusicologue étudie les rapports entre les sons, les habitants et les territoires.

Sentir-penser pour penser-agir

Pour Arturo Escobar, il faut changer de paradigme et penser différemment. Il met pour cela en avant le concept de « sentir-penser », (créé par le sociologue colombien Orlando Fals-Borda). « Il revient à chacun de nous à présent d’apprendre à sentir-penser avec les territoires, les cultures et les connaissances des peuples ». Manière pour l’anthropologue, de se connecter avec les flux de l’univers.

Sa réponse à la pensée libérale est de travailler à plusieurs mondes.    « Un non à la globalisation, et plusieurs oui ». Oui aux luttes ancrées, enracinées dans les territoires, aux alternatives locales et radicales, aux actions des collectifs en réseaux. En citant la lutte contre l’extractivisme, Arturo Escobar rappelle que la technologie numérique est particulièrement gourmande de minerais extraits dans le Sud global.

Cannes 2023 : « Eureka », Lisandro Alonso en chamane de la condition indigène (Le Monde, 21/5/2023)

D’une originalité extravagante, le nouveau long-métrage du cinéaste argentin, avec Viggo Mortensen et Chiara Mastroiani, navigue entre le monde des vivants et celui des morts.

Par Mathieu Macheret Publié le 21 mai 2023 à 12h57, modifié le 24 mai 2023 à 14h47

Le réalisateur argentin Lisandro Alonso, à Cannes, le 20 mai 2023.
Le réalisateur argentin Lisandro Alonso, à Cannes, le 20 mai 2023. CHLOE SHARROCK/MYOP POUR « LE MONDE »

CANNES PREMIÈRE – HORS COMPÉTITION

Le Festival de Cannes ressemble parfois tant à une foire au sujet porteur qu’un film sans sujet immédiatement identifiable a priori, où le spectateur doit faire son chemin, paraît tout à coup une bouffée d’air frais. Cette grande respiration, cette année, c’est à Eureka, film-fleuve de l’Argentin Lisandro Alonso, présenté en Sélection officielle section Cannes Première, qu’il sera revenu de l’insuffler. Neuf ans après le western pampero Jauja (2014), ce nouveau film, d’une originalité extravagante, partage avec la matière du songe la capacité de se transformer à vue, de franchir le temps et l’espace comme à saute-mouton.

On connaissait jusqu’alors Lisandro Alonso comme astre frondeur du « nouveau cinéma argentin », apparu au début des années 2000, son versant frugal et rustique (La Libertad, entièrement consacré aux travaux d’un bûcheron), avec une claire appétence pour les territoires reculés (Liverpool (2009), odyssée au fin fond de la Patagonie), à tel point qu’ils jouxtent celui des morts (Fantasma, 2006). Avec Eureka, on le redécouvre comme un cinéaste américain au sens premier : parce qu’il se penche sur la condition indigène, non pas localement, à l’échelle d’une tribu, mais de façon transcendante, à celle d’un continent entièrement bouleversé par l’histoire coloniale.

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