Chili: étude du changement climatique dans les eaux du « bout du monde » (L’Obs – AFP, 29/12/2021)

Par AFP

Publié le 29 décembre 2021 à 8h25· Mis à jour le 29 décembre 2021 à 22h25

Santiago du Chili (AFP) – Dans l’extrême sud du Chili, une expédition scientifique tente de mesurer l’impact mondial du changement climatique dans les eaux préservées de ce « bout du monde » et appelle à des « décisions concrètes » pour la sauvegarde des océans.

Retardée d’un an en raison de la pandémie, l’expédition à bord du navire océanographique de la marine chilienne « Cabo de Hornos » a sillonné neuf jours fin décembre les eaux du détroit de Magellan et du canal de Beagle, entre Chili et Patagonie argentine.

Cette région de l’Etat de Magallanes présente un intérêt particulier en raison de la faible acidité et de la moindre teneur en sel et en calcium des eaux qui la baignent, par comparaison aux autres mers et océans du globe, en particulier dans les zones les moins profondes.

L’étude de ces eaux est donc essentielle car, avec la fonte de nombreux glaciers de Patagonie qui déversent de grandes quantités d’eau douce dans les océans Atlantique et Pacifique, elle préfigure les conditions qui devraient apparaître dans d’autres systèmes marins au cours des prochaines décennies.

« Nous ne savons pas comment les organismes, et en particulier les micro-organismes » présents dans l’eau « vont réagir » à mesure qu’augmente la température moyenne sur la Terre, admet le responsable scientifique de la mission, José Luis Iriarte.

L’expédition a ainsi fait 14 étapes pour prélever des échantillons d’eau à différentes profondeurs et jusqu’à 200 mètres.

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Des prélèvements de sol profond, parfois à plus de 300 mètres, ont également été effectués, de même que des collectes d’algues et de mollusques.

« Nous sommes la voix de ce que la nature ne peut pas dire », estime Wilson Castillo, un étudiant en biochimie de 24 ans, l’un des 19 scientifiques à bord. « En tant que scientifiques, nous avons beaucoup à apporter, surtout dans un scénario de changement climatique », estime-t-il.

La mission scientifique a accordé une attention particulière aux « marées rouges », ces proliférations d’algues toxiques qui tuent les poissons et cétacés et génèrent des toxines vénéneuses pour les mollusques.

Elles ont été enregistrées pour la première fois à Magallanes il y a un demi-siècle et ont depuis été responsables de la mort de 23 personnes et de l’empoisonnement de plus de 200 autres.

– « Dépassés » –

L’approche de baleines était également au centre de la mission. Scrutant des heures durant l’horizon, le biologiste marin Rodrigo Hucke recherchait leur présence pour lancer un petit bateau à moteur à leur rencontre.

Son but : tenter de prélever des excréments des cétacés pour étudier d’éventuels changements dans leur régime alimentaire. Mais cette tâche difficile s’est avérée infructueuse.

Avant de retourner dans leurs laboratoires, les scientifiques insistent sur la nécessité d’actions politiques pour faire face à l’urgence climatique.

« Les plans régionaux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique sont dépassés par rapport à ce qui se passe dans l’environnement », alerte José Luis Iriarte.

Pour Rodrigo Hucke, l’un des principaux problèmes est historiquement le manque d’ambition pour la sauvegarde des océans, qui couvrent 70% de la surface de la planète.

Il espère que la prochaine conférence des Nations unies sur le changement climatique, la COP27 en Egypte, marquera un véritable changement de cap dans ce domaine.

« Il faut que tout cela change en 2022 et que des décisions concrètes soient prises pour avancer vers de profondes politiques de changement dans la façon dont nous, les humains, faisons les choses », a déclaré M. Hucke.

Scrutant les eaux limpides, il s’inquiète que cette région reculée du Chili ne devienne « l’un des derniers bastions de la biodiversité sur Terre ».

Source : https://www.nouvelobs.com/topnews/20211229.AFP6064/chili-etude-du-changement-climatique-dans-les-eaux-du-bout-du-monde.html

« Zahori », passage à l’adolescence dans la steppe patagonienne (7 décembre 2021, RTS)

L'affiche du premier film de Marì Alessandrini, "Zahorì". [Le Laboratoire Central]
L’invitée: Marì Alessandrini, « Zahorì » / Vertigo / 13 min. / le 1 décembre 2021

« Zahori », tourné dans la steppe, raconte l’amitié inattendue entre une jeune fille de 13 ans originaire du Tessin et un vieil indien Mapuche. C’est le premier film de Mari Alessandrini, une Argentine qui a fait son école de cinéma à Genève. A voir sur les écrans romands.

« C’est, je crois, le premier film tourné par une Patagonienne », dit à la RTS Mari Alessandrini, née et élevée en Argentine. Mais c’est à Genève qu’elle vit aujourd’hui. Genève où, sur recommandation d’une amie, elle a fait ses études à la HEAD (Haute école d’art et de design), après avoir fait de la photo et du cirque contemporain. « A la suite d’un accident d’acrobatie à 25 ans, j’ai su que je ne pouvais plus faire d’activités physiques intenses. Le cinéma s’est présenté comme l’aboutissement de tous les arts que j’avais pratiqués », poursuit-elle.

Pour son premier film, en compétition cet été au Festival de Locarno, elle n’a pas choisi la facilité. Elle a tourné dans la steppe sauvage, qui recouvre 80% de la Patagonie, loin de tout, et a travaillé avec ce qu’il y a de plus difficile au cinéma: des animaux, des enfants et des acteurs amateurs.

Récit initiatique

« Zahori » raconte l’histoire de Mora (13 ans) qui veut devenir « gaucho ». Elle se rebelle contre l’école et s’affirme auprès de ses parents, des écologistes suisses italiens et végétariens, dont le rêve d’autonomie s’est transformé en cauchemar. Car dans ce coin du monde, la terre refuse d’être cultivée.

Mora a pour amis un vieil Indien et son cheval blanc, baptisé « Zahori ». Une nuit de tempête, l’animal s’enfuit. Mora se met en tête de le retrouver. En le cherchant, la jeune fille entame sa quête vers l’émancipation et passera de l’enfance à l’adolescence.

Née en Argentine mais de père italien, Mari Alessandrini a-t-elle fait un film autobiographique? « Un peu oui, mais c’est surtout de la fiction, de la poésie, mes rêves et les conflits contemporains qui animent cette région du monde ». Parmi ces conflits, la réalisatrice cite la grande solitude de ses habitants, les internats sous domination militaire ou religieuse, la rudesse d’une terre où il est plus facile de chasser que de labourer ainsi que les différentes cultures entre les peuples d’origine et ceux de l’immigration, la plupart européens ou nord-américains, qui rêvent d’un ultime Eldorado.

L’humour à travers deux missionnaires burlesques

La question religieuse est aussi présente, notamment à travers les figures burlesques de deux missionnaires roux, sortes de Laurel et Hardy mormons, portant la bonne parole dans la pampa.

Il y a beaucoup de télévangélistes, de mormons et de témoins de Jehovah; ils sont très insistants et ont remplacé les missionnaires catholiques.Mari Alessandrini, réalisatrice de « Zahori »

« Zahori » est un film plutôt contemplatif, qui met en valeur une nature à la fois sublime et d’une extrême violence qui peut permettre la réalisation de ses idéaux ou les briser, à l’image de ceux des parents de Mora qui s’y accrochent malgré tout, au détriment de leur bonheur et de celui de leurs enfants: « Je voulais montrer la puissance des lieux qui obligent à changer de philosophie ou à s’adapter ».

Propos recueillis par Anne-Laure Gannac

Adaptation web: mcm

Source : https://www.rts.ch/info/culture/cinema/12698367-zahori-passage-a-ladolescence-dans-la-steppe-patagonienne.html

Entre Vendée Globe et Terre de Feu, c’est quoi penser le sauvage demain ? Marc Thiercelin et Lauriane Lemasson aux Rencontres de la prospective sportive (Musée de l’Homme, 24/11/2021)

Invitation de François Bellanger
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On en parle ce mercredi de 11h45 à 12h45 lors des deuxièmes Rencontres de la Prospective Sportive organisée au musée de l’Homme autour de la question « Et si le sauvage devenait le nouvel horizon du sport ? »  

Nos invités :

– Lauriane LEMASSON, ethnomusicologue qui parcourt la Patagonie sur les traces des populations natives.

– Marc THIERCELIN – navigateur, auteur de la série « À la rencontre des peuples des mers. »

C’est gratuit et ouvert à tous.

Pour s’inscrire, .

https://transit-city.blogspot.com/2021/11/entre-vendee-globe-et-terre-de-feu-cest.html

L »histoire du peuple yagan, à la première personne : une culture occultée en Terre de Feu (Infobae 23/10/2021 : « La historia del pueblo yagán, en primera persona: una cultura oculta en Tierra del Fuego »)

Article traduit de l’espagnol au français par l’association Karukinka :

Dans “Mi sangre yagán” [mon sang yagan], Víctor Vargas Filgueira parcourt les récits méconnus de ses ancêtres et de la colonisation. Infobae Cultura s’est entretenu avec l’auteur.

Diego Rojas

Par Diego Rojas

Yamanes junto a Martín GuisindeYamanas avec Martin Gusinde

“Je suis membre d’un peuple illustré par le visage de mon grand-père sur la couverture du livre Mi sangre yagán, ahua saapa yagán (La Flor Azul)”. C’est ainsi que se présente Víctor Vargas Filgueira, âgé de 50 ans et qui conitnue de vivre dans les mers du sud de ses ancêtres, à Ushuaia, et dont l’oeuvre combine l’histoire orale et la recherche sur l’un des peuples indigènes les plus oubliés.

Peut-être que la raison se trouve dans les tueries continues qui provoquèrent la mort de milliers de yagán (aussi yagan ou yámana), les conduisant à une centaine de survivants en à peine trois décennies. Ces navigateurs en canoës étaient d’habiles chasseurs d’otaries et de dauphins et ramassaient toutes sortes de mollusques, depuis les palourdes jusqu’aux oursins. Ils ont été l’objet de persécutions afin que leurs territoires soient convertis en ranchs [estancias] anglais, transformant ainsi leurs terres ancestrales à la faveur du colonialisme au début du XXème siècle.

Mais le livre montre un quotidien méconnu de ce peuple, mais qui est ici, dans le sud, et qui révèle comment la décimation des Yagan a limité la connaissance de la culture des mers du Sud.

Orundellico, su nombre yagán, o Jemmy Button, el que le colocaron los secuestradores  Orundellico, son nom yagán, ou Jemmy Button, celui que lui donnèrent ses séquestrateurs.

Un des yagán le plus connu, par les difficultés infligées par Charles Darwin, est Jemmy Button, lequel fût séquestré et conduit en Angleterre avec trois personnes supplémentaires de différentes ethnies de la région, où ils furent examinés, ensuite exhibés, plus tard convertis en serviteurs qui parlaient anglais, avant que Darwin, le théoricien de l’évolution des espèces, les reconduisit dans les mers du sud. Cet autre chapitre du colonialisme sauvage fût également situé dans les environs de la Terre de Feu. Ceci eut lieu un demi siècle avant les narrations qui composent Mi sangre yagán.

-Comment le colonialisme a-t-il fait passer les Yagans de plusieurs milliers à une centaine en trente ans ?

-Les chroniques coloniales l’attribuent aux maladies, mais cela représente 0 pour cent de ce qui s’est passé lors de l’extermination. On leur a coupé la tête et les oreilles, et certains propriétaires terriens, dont les descendants possèdent encore de grandes propriétés, nous chassaient pour pouvoir élever leurs moutons sur nos territoires. Sur notre territoire, ces chasseurs sont tous anglais, irlandais, écossais, il n’y a pas d’allemands ou d’autres nationalités. Le chasseur le plus cruel était un Écossais nommé McLeland.

"Mi sangre yagán, ahua saapa yagán" (La Flor Azul), de Víctor Vargas Filgueira« Mi sangre yagán, ahua saapa yagán » (La Flor Azul), de Víctor Vargas Filgueira

-Il y en avait aussi avec de bonnes intentions, selon le livre, comme l’anthropologue allemand Martín Gusinde.

-Comme aujourd’hui, il y a des gens bons et des gens mauvais, comme dans l’histoire de l’humanité. Un Alvear de l’époque disait : « l’Indien nous l’avons déjà eu, nous avons maintenant pour nous la femme et les enfants, nous en faisons nos serviteurs ». C’est une histoire horrible qui s’est produite. La Terre de Feu n’est pas un grand territoire, chaque ville ne dépassait pas six mille habitants, ce qui facilitait le travail d’extermination. Et après le massacre, ils ont été pris comme travailleurs gratuits dans les ranchs des gringos.

-Existe-t-il aujourd’hui des membres de l’ethnie Yagan qui préservent leurs coutumes ?

-Cette question provient également d’une étude colonisée. Vous voulez que moi ou ma communauté soyons nus en train de travailler dans un canoë d’écorce. J’ai un téléphone portable dans ma poche parce qu’il n’est plus utile de chasser en canoë ou de collecter comme le faisait mon peuple. Cela nous a laissé la pensée hégémonique selon laquelle si vous êtes indien, vous devez avoir une caractéristique, par exemple un bandeau, des cheveux longs. Aucun yagan ne peut imiter mon grand-père et si un documentaire est réalisé sur l’Amazonie, certains porteront sûrement des baskets Nike. Je suis le premier conseiller de l’ethnie Yagán, mais la seule chose que l’on peut souligner est que je suis de petite taille, car mon peuple chassait dans une pirogue d’écorce et que les Yagán mesurent en moyenne 1,5 mètre, tandis que les Selk’nam 1,80 parce qu’ils ont parcouru la terre ; Ils étaient tous formés par leur mode de vie. Il y a un lien qui nous permet de nous retrouver avec nos ancêtres, et puis une possibilité plus marquée de manger du poisson de mer, car nous en sommes issus.

Tres protagonistas de la historia yagán Trois protagonistes de l’histoire yagán

-Le livre montre une série de cérémonies, également accompagnées de photographies, au cours desquelles le visage ou le corps est peint. Qu’est-ce que cela signifie ?

-C’est comme le Père Noël ou Noël. L’homme a besoin de célébrer. Et quand notre pauple nécéssitait une cérémonie de croyance, spirituelle, la quina des yagán était une cérémonie pour recréer le bien et le mal. L’homme a toujours eu besoin de recréer le bien et le mal, et les yagán utilisaient cela surtout avec les jeunes. La peinture noire correspondait au mal et la rouge à la bonté.

-Les femmes semblaient se maquiller le visage.

-Les femmes se faisaient des lignes sur le visage, et les lignes rouges étaient liées au bon esprit et le blanc était cérémoniel.

-Vous dites que votre grand-père était le sorcier et les Yagans dans le livre, disent à plusieurs reprises qu’ils ne doivent pas divulguer leurs connaissances. Comment cela fonctionnait-il ?

-Celui qui est venu s’est toujours cru supérieur et à tel point qu’à ce moment-là, les nôtres se sont dit : « Je ne vais pas te montrer ce que nous savons ». C’était une logique de protection.

Les photos que montre cette note rendent compte d’une société avec ses rituels, ses gens, ses célébrations et ses jeux. Les Yagans.

Un peuple que nous connaissons peu.

source : https://www.infobae.com/cultura/2021/10/24/la-historia-del-pueblo-yagan-en-primera-persona-una-cultura-oculta-en-tierra-del-fuego

Podcast So Good Stories (Vivant.e.s) Lauriane Lemasson, exploratrice et Dominique Bourg, philosophe – S01E01

Retrouvez des rencontres intimes et mises en vie par la passionnée Anaïs Therond, dans cette série vibrante de podcasts à l’initiative de Agir pour le vivant et So Good et soutenue par Pernod Ricard France, dans le cadre de son programme « Ensemble et engagés ».

Des personnalités enthousiastes nous confient leur précieux rapport au vivant, des récits pour s’émerveiller, porter attention, s’inspirer et s’engager pour et avec le vivant et comprendre les liens qui nous unissent au reste du vivant.

Une création inédite et collective avec la complicité de Stéphanie Ampart et le montage de Mathieu Blanc Francard.

https://www.sogoodstories.com/episode/vivant-e-s-01-avec-lauriane-lemasson-exploratrice-et-dominique-bourg-philosophe/