Ce samedi 13 juillet 2024 à Ushuaia (Terre de Feu) se déroulera la deuxième édition de la rencontre artistique « Krèeh Chinen ». Ce nouvel évènement, et suite au succès de la première rencontre dans la ville de Tolhuin, s’est enrichi du soutien d’un groupe d’assistants, permettant d’ouvrir de nouvelles possibilités créatives.
Les artistes qui participeront à cette rencontre sont : les musiciens Hanus, Santiago Marquin, Ignacio Boreal et Nadia Rojo ; et les poètes Sol Rodríguez, Joaquín A. Masotta, Gabriela Rivero, Alejandro Ogando, María Clara Vickacka, Florencia Lobo, Alejandro Pinto et Luis Comis.
Pour cette édition, le projet bénéficie à nouveau du soutien de l’entreprise Neurona (produits fuégiens) et de l’association Karukinka.
Rendez-vous ce soir à 20h au sein de l’espace artistique indépendant « Casa Cultura » situé au 114 de la rue Lapataia (entrée gratuite et possibilité de restauration sur place).
[Partenariat] Krèeh Chinen est de retour, ce soir à Ushuaia! 2
Le Breton Hervé Peaudecerf s’est plongé dans l’histoire des cap-horniers, une épopée qu’il retrace dans un ouvrage à la fois pédagogique, historique et ludique, un livre richement illustré de photos, cartes, dessins et autres documents.
Hervé Peaudecerf présentant son livre sur les cap-horniers, dont bon nombre sont originaires de Bretagne. (Photo Jacques Chanteau)
Intitulé « Quatre mousses au Cap Horn. Hissez les voiles ! », le livre évoque ainsi ces grands voiliers marchands français qui, pendant plus de 100 ans, jusqu’en 1925, ont emprunté la route du Cap Horn reliant l’Europe aux ports du Pacifique. Dans leurs cales, ces bateaux ramenaient guano, nitrate, céréales, bois, métaux, minerai de nickel…
La suite sur : https://www.letelegramme.fr/culture-loisirs/plongeon-dans-lhistoire-des-cap-horniers-6620966.php
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Le Chili et l’Argentine en sont presque arrivés aux mains pour un empiètement de trois mètres d’un poste militaire argentin en territoire chilien, en Patagonie, aux confins sud des deux pays.
Paysage hivernal dans les confins sud de la Patagonie chilienne (c) Lauriane Lemasson, 2018
Le président chilien Gabriel BORIC était hier à Paris pour une visite officielle… Il en a profité pour faire une drôle de déclaration destinée à l’Argentine :
« Si les Argentins ne retirent pas leurs panneaux solaires de notre territoire au plus vite, nous nous en chargerons nous-mêmes ! ». Une déclaration qui a d’autant plus surpris que les deux pays se donnent d’ordinaire du « pays frère » et « nation sœur ».
Que s’est-il passé pour en arriver à une telle tension ?
Tout commence le 29 avril dernier, lors de la rénovation d’un « Poste de surveillance et de contrôle maritime » de l’Armée argentine à l’extrême sud du pays, en Patagonie.
Il se trouve que ce territoire battu par les vents australs est partagé depuis le 19esiècle entre les deux pays. Or, ce poste militaire est – à l’agacement permanent des Chiliens, installé pile sur la frontière. Sauf qu’avec ces travaux, ils ont débordé un peu, côté chilien.
Comment ça ils ont débordé « un peu » ?
De trois mètres exactement, et pour y installer des panneaux solaires ! Fureur des Chiliens qui réclament leur retrait. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les Argentins ne se sont pas pressés : Ils ont d’abord minimisé l’affaire, parlant d’un unique panneau solaire. Puis ils ont tenté d’expliquer que l’erreur était due à l’installateur qui s’est fié au tracé d’une vieille palissade.
Mais, devant le ton glacial adopté par le président chilien hier, le président argentin Milei a tout de même donné l’ordre hier de tout retirer au plus vite.
Les deux pays se sont déjà fait la guerre ?
Les seules fois où Buenos Aires et Santiago ont failli s’affronter, c’est justement en Patagonie au 19e siècle, puis une autre en 1978.
Mais, l’arrivée au pouvoir du président Milei a tendu les relations : à Santiago, le gouvernement est très à gauche alors qu’à Buenos Aires, le président Milei n’a pas de mots assez durs contre le Brésil et la Colombie, eux aussi gouvernés à gauche.
Jusqu’à présent, Gabriel Boric avait été épargné. Peut-être parce que le président chilien a assisté à l’investiture de son homologue argentin le 10 décembre, contrairement au Brésilien Lula et au Colombien Gustavo Petro qui s’étaient fait porter pâle.
Comment expliquer cette poussée de fièvre ?
En fait, il y a un éléphant dans le magasin de porcelaine patagonien : les Etats-Unis. Sitôt arrivé au pouvoir, Javier Milei a retiré son pays des BRICS, cette association de pays du sud-global où l’Argentine côtoyait la Chine et la Russie, pour s’aligner entièrement, complétement, sur Washington.
Une position qui s’est immédiatement traduite, au début de ce mois, par des exercices militaires maritimes conjoints entre les marines argentine et étasunienne. Et, devinez où ? Pile dans cette région de Patagonie.
Le Chili n’a probablement pas apprécié cette démonstration de forces à ses frontières… ni donc les panneaux solaires argentins débordant de trois mètres sur son territoire.
Pour découvrir notre sélection d’articles liés aux diverses facettes de la Patagonie, rendez-vous sur la page dédiée du blog de l’association Karukinka : https://karukinka.eu/fr/patagonie/
Il y a trois jours un mouvement que je pensais inaliénable pour la reconnaissance des peuples de Patagonie s’est brusquement interrompu : Manuel Adorni, porte-parole du gouvernement de Javier Milei, a annoncé depuis la Casa Rosada le changement de nom d’un lac situé à quelques kilomètres à l’ouest d’Ushuaia, pour « rétablir l’ordre dans le sud du pays », « protéger les propriétaires des terres prises » dans le cadre d' »usurpations de terres par des pseudo-mapuches ». La décision a été prise par le gouvernement le vendredi 7 juin 2024 et est soutenue par le Président de l’Administration des Parcs Nationaux, Cristian Larsen.
Cela pourrait sembler dérisoire, un nom de lac, mais la symbolique qu’il revêt dépasse de loin ce que mon esprit pouvait imaginer. Ce n’est que depuis le début des années 2000, sous la présidence de Cristina Kirchner, que ce lac avait retrouvé son nom yagan « Acigami », s’ajoutant ainsi à la liste des rares toponymes d’origine yagan, selk’nam, haush ou kawesqar encore présents dans les bases de données géographiques officielles en Argentine et au Chili.
Selon mes analyses du catalogue de l’Institut Géographique National d’Argentine, en 2019 moins de 8% des toponymes de la province de Terre de Feu avaient une origine indigène, ce qui signifie que plus de 90% des noms de lieux sont liés aux différentes vagues d’exploration et de colonisation de cette région. Le lac Acigami faisait donc partie jusqu’à il y a peu des rares noms yagan a avoir retrouvé sa place après qu’un autre nom, « Lac Roca », lui ait pris sa place durant de nombreuses décennies.
Lors de la revue de presse du 12 juin 2024, Manuel Adorni a déclaré : « le lac Acigami, qui est un nom aborigène qui signifie « poche allongée », Dieu sait ce que cela a à voir avec, le lac Roca a été rebaptisé, comme il l’était avant 2008, en l’honneur du héros, ancien président de la République et architecte de la consolidation de l’État-nation, qui avec sa vision et son leadership a fini par délimiter l’extension de notre territoire » (“El lago Acigami, que es un nombre aborigen que significa ‘bolsa alargada’, vaya a saber Dios qué tenía que ver, se volvió a llamar al lago Roca, como lo hizo hasta 2008, en honor al prócer, expresidente de la República y artífice de la consolidación Estado-nación, quien con su visión y liderazgo terminó por delimitar la extensión en nuestro territorio”).
En plus d’un ton dépréciatif non dissimulé à l’égard de ce nom yagan et plus généralement envers ce peuple qualifié de « pseudo-mapuche », nous pouvons reprocher aux décisionnaires une méconnaissance de l’histoire argentine liée à ce lieu. Ce lac se nommait ainsi bien avant que les terribles effets de la Conquête du Désert (qui n’en était pas un!) menée par le Général Roca ne s’y manifestent. Pour rappel, et ce rappel démontre à quel point ce changement de nom est idéologiquement terrible, Julio Argentino Roca, avant de devenir président de 1880 à 1886, était un militaire et a eu pour mission de conquérir les terres situées au sud du Rio Negro, la Patagonie donc, afin d’y affirmer la souveraineté argentine. Nommée « Conquête du Désert », cette expédition de plusieurs années a eu pour effet le génocide des peuples de Patagonie, encore trop peu documenté à ce jour et d’une ampleur effroyable, afin que des colons les remplacent en s’y installant avec leurs ovins.
Il est à noter que nous retrouvons la mention de ce nom de lieu dès 1883, à la page 81 du rapport d’expédition de Giacomo Bove réalisée à la demande du gouvernement argentin et en partenariat avec le Consulat Italien à Buenos Aires, durant la présidence de Julio Argentino Roca. Il apparaît également dans de nombreuses sources (Thomas Bridges, Nathalie Goodall,…) et pas toujours orthographié de la même manière (Acacima, Ucasimae, Acagimi, Asigami,…).
carte extraite de « Expedición Austral Argentina » (p.81) de Giacomo Bove, imprimé à Buenos Aires par le Département National de l’Agriculture et présenté au sein du Ministère de l’Intérieur et du Ministère de la Guerre et de la Marine.
Affirmer qu’avant 2008 ce lac avait pour seul nom « Roca » démontre une méconnaissance des archives de l’Institut Géographique National et un mépris protéiforme pour l’histoire. Les yagans habitent ces territoires depuis des milliers d’années et le retour de ce nom de lieu était lié à des obligations légales relatives aux peuples indigènes, l’Argentine ayant ratifiée la Convention 169 de l’OIT en 2000.
Et surtout, cette décision ne manque pas d’ironie puisque sous couvert de modernisation et de regard tourné vers un Occident présenté comme modèle, le gouvernement de Milei fait l’exact inverse de ce qui se passe de plus en plus généralement en Europe, avec la cohabitation de toponymes dans diverses régions, la mienne par exemple (Bretagne, avec des noms en français, gallo et breton).
En tant que chercheuse dédiée aux questions de toponymie (>3000 noms de lieux recensés), je dénonce cette attaque contre les yagan et apporte tout mon soutien à ce peuple dont le porte-parole, Victor Vargas Filgueira, n’a de cesse de lutter pour visibiliser son peuple, comme il a pu le faire en présentiel en France lors du festival Haizebegi de Bayonne en 2019 et durant lequel l’association Karukinka était investie.
Pour terminer cet article bien amer, je citerai les mots réconfortants de David Alday, ex-président de la communauté yagan de la baie Mejillones au Chili : « L’histoire et la mémoires de nos peuples originaires ont des milliers d’années et cela ne s’efface pas comme ça, quelque soit les annonces qu’ils font, il y a toujours quelqu’un pour enseigner et souligner la réalité de notre riche toponymie. Il est temps d’écouter et d’observer tranquillement Marraku [Victor], écouter et observer. » (« La historia y memoria de nuestros pueblos originarios tienen miles de años, no se borra por más anuncios que se hagan, siempre hay alguien que enseñe y señale la realidad de nuestra rica toponimia. Es tiempo de escuchar y observar tranquilos Marraku, escuchar y observar. »)
Ecoutons et observons, ils ne peuvent rien contre la mémoire collective.
Des colonies d’Errina antarctica ont été découvertes à l’extrême sud de la Patagonie chilienne, dans le détroit de Magellan, l’endroit le plus méridional et le moins profond où il n’ait jamais été observé.
Photo diffusée par l’organisation Rewilding Chile le 6 juin 2024 d’un corail rouge Errina Antarctica observé dans le détroit de Magellan, au Chili, le 28 août 2023
Un type de corail rouge a été découvert à l’extrême sud de la Patagonie chilienne, dans le détroit de Magellan, l’endroit le plus méridional et le moins profond où il n’ait jamais été observé, ont annoncé des scientifiques vendredi 7 juin 2024.
Des colonies d’Errina antarctica ont été découvertes dans la réserve nationale de Kawésqar, une vaste zone marine protégée de l’extrême sud du continent américain. Publiée fin avril 2024 dans la revue Scientific Reports, elle a été rendue publique vendredi, à la veille de la Journée des océans commémorée le 8 juin.
Ces coraux ne bénéficient actuellement d’aucune protection
Des plongeurs accompagnés de robots sont descendus dans les eaux glacées du détroit de Magellan et ont observé ces coraux à une profondeur comprise entre 1,3 m et 47 mètres.
Malgré leur rôle prépondérant dans le développement des fonds marins, ces coraux ne bénéficient d’aucune protection, bien qu’ils se trouvent dans un état de conservation vulnérable au Chili.
« Il est nécessaire de les protéger, de les conserver et de chercher des moyens de les gérer pour qu’ils continuent à vivre longtemps », a estimé auprès de l’AFP Ingrid Espinoza, coauteur de l’étude et directrice de conservation de Rewilding Chile.
« L’une des régions marines les moins connues et les moins bien comprises du monde »
L’étude, réalisée entre 2021 et 2023, souligne le peu de données disponibles sur la présence de forêts marines animales dans les eaux patagoniennes. « Cette région reste l’une des régions marines les moins connues et les moins bien comprises du monde », indique-t-elle.
Les coraux sont menacés par les activités humaines, telles que l’élevage de saumon, qui s’est étendu aux eaux de la région méridionale du détroit de Magellan, le changement climatique ou encore la pollution des océans.
Ces petits animaux, appelés polypes et qui peuvent constituer des colonies avec un squelette commun, contribuent de manière « extrêmement importante » à la biodiversité, en tant que « sentinelles des impacts et perturbations environnementales », a rappelé Mme Espinoza.
Dans le monde, les récifs coralliens représentent environ 0,1% des fonds marins. En raison de leur grande valeur écologique, ils ont été classés comme l’un des écosystèmes les plus riches en biodiversité de la planète, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
À l’occasion du Green Shift Festival, qui se tient du 5 au 7 juin à Monaco, Jorge Quilaqueo, chamane Mapuche, a échangé avec Sabah Rahmani, journaliste anthropologue, et Hélène Collongues, anthropologue spécialiste du peuple Jivaro.
Sur la scène du Green Shift Festival, de gauche à droite, Jorge Quilaqueo, Sabah Rahmani, Hélène Collongues et Sébastien Uscher (mdérateur). Crédit : Philippe Fitte / FPA2
Jorge Quilaqueo est chamane Mapuche. Ce peuple autochtone du Chili et d’Argentine occupait, jusqu’à l’arrivée des Espagnols, une grande partie du territoire de part et d’autre de la cordillère des Andes, de l’océan Pacifique à l’océan Atlantique. Jorge Quilaqueo défend les droits de son peuple qui a été spolié d’une grande partie de ses terres et a été décimé au fil des siècles – il resterait moins d’un million de Mapuches aujourd’hui. Il œuvre aussi pour inciter les peuples, tous les peuples, à se reconnecter au vivant.
De passage en Europe, il a ouvert, mercredi 5 juin, le Green Shift Festival 2024 de Monaco par une cérémonie de l’eau. Cet événement, dédié aux nouveaux imaginaires d’un monde plus durable, est l’occasion d’aborder « l’écologie du sensible plus que du rationnel », comme l’a expliqué Olivier Wenden, vice-président de la Fondation Prince Albert II de Monaco, qui organise le festival et dont WE DEMAIN est partenaire.
la suite sur leur site : https://www.wedemain.fr/respirer/peuples-racines-5-a-6-de-lhumanite-preserve-80-de-la-biodiversite-de-la-planete/
C’est après une superbe escale faite de rencontres aussi belles que les paysages environnant que nous quittons Loch Melfort pour nous diriger vers le sud de l’île Mull. Pour ce faire, plusieurs options existent et nous retenons celle du Cuan Sound, un chenal (assez) étroit séparant l’île Seil de ses voisines du sud, Luing et Torsa. Les conditions étant trop calmes pour avancer uniquement à la voile et arriver à temps pour le bon moment de marée, c’est avec un appui moteur que nous nous engageons dans le chenal. Les “eddies” (tourbillons) indiqués sur la carte sont bien là, accompagnés de veines de courant assez anarchiques au passage par le nord d’An Cléiteadh. L’équipage du petit ferry de Cuan, reliant Seil et Luing, nous salue et, passées quelques ruines en sortie de chenal où paissent ovins et bovins, nous entrons dans le Firth of Lorn intérieur (Ann Linne Latharnach en gaélique), hissons les voiles et éteignons le moteur pour traverser cette baie au portant et toutes voiles dehors, sous un grand ciel bleu sans nuages.
Le Firth of Lorn(e) est une baie située dans la continuité de la faille Great Glen (celle du canal Calédonien). Ce lieu est classée, compte tenu de la diversité des paysages et des espèces qui le peuplent, en tant qu’aire protégée depuis 2014. Comme le montrent les cartes bathymétriques du Firth of Lorn, le relief des fonds est semblables à celui de la surface : des falaises, des replats et des pics. Tout ceci participe à créer des conditions très diverses où se rencontrent des espèces atteignant respectivement leurs limites de migration nord ou sud. La morphologie des fonds et son ouverture vers l’Atlantique font qu’il vaut mieux s’y présenter par beau temps pour éviter les vagues statiques et les tourbillons. Les effets de la marée y sont forts, avec d’importants courants issus de la Great Race. En notre faveur lors de la traversée, ce courant nous accompagne vers le Loch Spelve.
Nous entrons sous voile en soirée, le long de falaises verdoyantes et nous révélant les premiers témoignages d’un volcanisme actif il y a plus de 40 millions d’années : des colonnes de basalte (issues de la lave) à l’est et au sud du loch et un mélange de granophyre (contenant du quartz) et de grès incrusté d’olivine (roche sédimentaire sableuse) à l’ouest et au nord.
[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 21
Nous laissons de chaque côté des fermes marines et jetons l’ancre au fond du loch ouest, au son des cris des huîtriers pies en vol et des bêlements des moutons. Le calme y est total et pas un remous ne rompt la quiétude nocturne.
Le lendemain nous partons à pieds pour le Loch Uisg, un grand lac situé dans l’axe de la faille Great Glen et entouré par Loch Spelve au nord-est et Loch Buie au sud-ouest. Tout le long du chemin nous nous émerveillons des rhododendrons qui, contrairement à chez nous où ils sont de taille arbustive, composent de véritable bois denses et richement colorés. L’église Kinlochspelve surplombe la rive est et s’ouvre devant nous l’horizon d’un plan d’eau sur lequel chacun imagine quel sport il pourrait y pratiquer : planche à voile, kayak, wingfoil, kite, dériveur… les idées ne manquent pas et le petit ponton voisin d’un lodge nous confirme que nous ne sommes vraiment pas les premiers à y penser !
[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 22[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 23[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 24[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 25[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 26[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 27[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 28[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 29
Nous continuons notre marche vers Loch Buie afin de visiter le château Moy du clan des MacLaine de Lochbuie. Construit en 1450 par Hector Reaganach Maclean, ce château de trois étages et directement alimenté en eau douce au rez de chaussée, a été reconnu par le roi d’Ecosse en 1494. Il a été érigé à deux pas de la rive afin de permettre aux navires d’y accéder aisément. Un arc de pierres toujours visible servait de piège à poissons et plusieurs gros blocs facilitent le débarquement depuis de petites embarcations. Il fût le théâtre d’affrontements comme lors de la révolte jacobite de 1689. Ce château a dû être restauré à l’issue de cette période et a aussi été modifié au fil des siècles pour en améliorer le confort (ex: installation d’une cheminée au XVIe sicèle). Ce n’est qu’en 1790 que le clan des MacLaine de Lochbuie le quitta au profit d’un habitat voisin plus confortable, une fois des temps plus paisibles revenus : la maison Moy. Durant plusieurs décennies l’utilisation du Moy Castle s’est retrouvée réduite à celle de son donjon en tant que prison.
[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 30[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 31
Le loch est tellement beau que nous nous décidons à y revenir avec Milagro et profitez d’une nouvelle excursion le lendemain vers les mégalithes. Au retour à Loch Spelve nous ne sommes plus seuls au mouillage et rencontrons le sympathique équipage voisin, un trio d’écossais impressionnés par la taille et la ligne de notre Milagro. Nous les invitons à bord pour le café du lendemain matin, avant de lever l’ancre vers Loch Buie.
La navigation se fait au travers (4-5 beaufort) sous le vent de l’île Mull. Nous nous approchons du Moy Castle et savourons une vue splendide sur le plus haut sommet du loch : Ben Buie (717m). Nous jetons l’ancre dans une échancrure du loch et débarquons pour aller voir ces fameuses mégalithes. Il fait si beau que des baigneurs profitent de la plage voisine et nous, nous ne tardons pas à quitter les coupe-vent et préférer les t-shirts. La ballade vers les mégalithes nous mène à la rencontre d’une réunion entre cervidés et ovins. Nous suivons les pierres blanches nous indiquant le chemin jusqu’au cercle de mégalithes. Avant l’arrivée, un autre site est repéré par Lauriane, à quelques centaines de mètres, semblable à certaines tombes de type tumuli visibles au sein du site mégalithique de Saint Just en Bretagne (composées de plusieurs chambres et d’un couloir d’entrée). La vue du cercle de mégalithes fascine : que signifie t’il ? L’absence de consensus scientifique sur le sujet permet à chacun d’y projeter son imaginaire et d’y voir un site rituel, un monument lié à l’alignement des astres ou encore un lieu de rassemblement pour faire la fête !
[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 32[#7 – Cap au Nord 2024] De Loch Melfort à l’île Mull, via le Firth of Lorn 33
Après un dîner au mouillage le ciel se charge et un peu de roulis apparaît pour nous bercer. Nous nous préparons pour la navigation suivante vers Iona, l’île sacrée.
D’ici peu nous publierons une petite vidéo résumant nos escales à Loch Spelve et Loch Buie et intégrant des images du cercle de mégalithes.
Sonia Blampain relate sa navigation en équipage qui a mené Capella, un sloop de 40 pieds, de la Bretagne jusqu’à la Terre de Feu. À l’arrivée à Ushuaia, un grand moment de bonheur et de fierté.
Le canal de Beagle | D.R.
Cela fait bientôt huit mois que je vis avec le capitaine le voyage de Capella vers le cap Horn ! Nous avons d’abord été six mois en équipage, à quatre. Capella, c’est un sloop de 40 pieds de 2007 de chez Bénéteau. Acheté en 2011 à Cherbourg, il a été entièrement préparé́ l’hiver dernier pour ce périple, après un convoyage, à l’été 2022, avec un ami, Éric, de Léros en Grèce jusqu’à Locmiquélic en Bretagne, où j’étais déjà !…. Il s’est assuré que je tenais la mer. Avec Patrick, le second de cette nouvelle aventure, ils ont notamment fabriqué une casquette en contreplaqué marine et plexiglas, pour affronter les vents redoutables de la terre de feu, du canal de Beagle, du détroit Le Maire et de l’archipel du Horn…
Patrick et le capitaine font la casquette… | D.R.
C’est son Graal de marin, le Horn : le capitaine navigue depuis l’enfance, il a tout appris de son père, pilote d’un sous-marin et heureux propriétaire d’un pêche-promenade – un luxe dans les années 70. D’autres de la lignée ont eu également le pied marin ; ce passage du fameux cap, c’est un clin d’œil à̀ tous ces ancêtres, grands-oncles (dont un qui fut capitaine au long cours), un arrière-grand-père maître saleur sur un terre-neuvas (encore à̀ la voile), mort d’une gangrène et inhumé en mer à̀ Terre-Neuve et son grand-père maternel, décoré́ de la Croix de guerre après la bataille de Norvège, lors de la Seconde Guerre mondiale… Tous des grands bourlingueurs des mers !
Capella face au cap Horn, le 16 janvier 2024. | D.R.
Cette traversée audacieuse s’est faite en deux temps : partant de Locmiquélic, nous avons mis le cap pour les Canaries en août 2023. À bord, Patrick, Cécile, le capitaine et moi-même. Nous avons eu des conditions de navigation idéales, nous avons été souvent entourés de dauphins, il y a eu une petite saute d’humeur de « Robert », le pilote automatique, un soir de vent mais rien d’alarmant ! Nous avons fait une escale à Porto puis à Lisbonne. Ensuite nous avons découvert (ou redécouvert pour certains) Madère avec le départ de Cécile et l’arrivée de Marc en VIP.
Escale aux Selvagens
Nous avons repris nos navigations vers les Canaries et nous avons débarqué tels des aventuriers, jouant avec le ressac sur l’archipel des Selvagens où l’un des gardiens nous a promenés parmi les rochers et les nids de puffins, magnifique !
Enfin, nous sommes arrivés jusqu’à la jolie ville de Santa Cruz de la Palma pour atteindre un peu plus tard Tenerife, où le bateau nous attendra trois semaines, le temps d’un retour en Bretagne afin de régler des affaires et de revoir les proches, notamment le fils du capitaine, Josselin, sportif des mers lui aussi… Et pour moi, l’occasion de faire un vol plané dans des escaliers ! Pas de casse mais un corps couvert d’ecchymoses, un pied droit foulé me donnant un handicap certain pendant les deux mois suivants, et sur un voilier, c’est pas le pied !
Capella sous spi quittant la Canaries. | D.R.
La deuxième partie du périple vers le grand sud, mi-octobre, s’organise encore à quatre mais cette fois avec Pierre-Ahn, moussaillon sur le bateau familial dès l’enfance. Il a pris la place de Cécile dans la cabine avant !
Le 23 octobre 2023, nous larguons les amarres, cap sur Mindelo… Comme la voile est une activité sportive pleine de surprises, c’est à̀ ce moment-là que le pilote décide de faire de sévères caprices, un coup je marche, un coup je ne marche pas, sans prévenir et sans logique ! Nous sommes aux aguets et le capitaine très soucieux… Responsable, il nous invite à̀ continuer à̀ dessiner de nouveaux sillages avec Capella, il va trouver une solution. Lors d’une prise de ris, c’est la grand-voile qui va se déchirer, un mouillage s’impose pour une réparation illico presto. En prime, un boulon qui tient le safran est cassé ! La mer : « Ne rien attendre sinon l’inattendu ! »
« Roberta », un nouveau pilote
Nous poursuivons notre route, la décision a été prise de changer de pilote. Murielle, une amie, nous rejoindra à̀ Mindelo avec « Roberta », un nouveau modèle qui pour ce long périple loin d’être anodin, nous est essentiel ! Sa valise sera chargée…
Car, au cours du trajet, vers trois heures du matin, c’est au tour du rail de chariot de grand-voile de nous faire des siennes, il explose lors d’un empannage, à cause des caprices de Robert… Allez hop ! Tout le monde sur le pont, à̀ aider à la réalisation d’une réparation de fortune. Le vent souffle à 25 nœuds, on est sous génois seul. C’est grâce aux manilles textiles que le capitaine aime à̀ fabriquer et à l’intervention efficace de chacun, en synergie, que nous pouvons continuer notre route. Les poissons volants nous accompagnent par série ! En félicité ! J’adore les regarder !
“La petite sirène”… | D.R.
Notre arrivée au Cap-Vert est musclée, j’ai appris à barrer en pleine nuit, pendant l’un de mes quarts, 2 heures et demie d’affilée, par force 6/7, car Robert a totalement rendu l’âme… À quai, après l’arrivée de Murielle et du matériel adéquat, le capitaine va rester enfermé trois jours dans ce qu’il nomme la cave afin d’installer Roberta ! Ce n’est pas une mince affaire.
Sa persévérance, malgré les 30° C en journée, nous amène jusqu’au jour J de l’essai. Frémissant d’impatience, nous constatons avec joie que ce nouveau pilote est heureux du savoir-faire de son capitaine : Capella est fin prêt pour la grande aventure, il a une cinquième équipière fiable qui saura nous seconder, en sécurité, jusqu’au grand Sud !
Pendant cette aventure, nous avons traversé bien des péripéties : un orage énorme avec des éclairs en ronde autour du bateau, la perte de notre radeau de survie que nous avons su repêcher malgré́ les 27 nœuds dans les canaux, la sortie houleuse de la ria San Blas en Argentine, qui a cassé le réducteur du guindeau et a fendu un plexi avec une vague énorme, un OFNI qui nous a frôlés, un cargo qui nous fait de l’œil… L’expérience du capitaine, des autres marins, mon attention, moi qui suis un matelot depuis à peine trois ans et notre bonne étoile ont toujours épargné notre belle embarcation, Capella la bien nommée.
Le capitaine et l’artiste Joachim Torres Garcia. | D.R.
Lors de ce voyage, après Mindelo, nous avons mis le cap sur Fernando de Noronha, île brésilienne étonnante de beauté, une escale entre robes-filets transparentes où l’on devine des bikinis et les plages de sable fin splendides, bordées de cocotiers… Pendant la traversée de l’Atlantique, ensemble nous avons vécu le passage de l’équateur, où Neptune est venu baptiser les novices des mers comme il se doit afin de les accueillir dans son royaume.
Gourmandises argentines
Nous avons vogué dans le pot au noir avec ses gros grains, savouré des douches sur le pont et tout au long des nombreux milles, les pêches toujours plus énormes de Pierre-Ahn et des marins enthousiastes comme des gamins, et un jour jusqu’à deux thons jaunes de plus de 15 kilos coup sur coup. On en offrira dès notre arrivée, lors d’une escale à Quequen, en Argentine, afin d’éviter un force 8 car l’accueil au club nautique Vito Dumas sera merveilleux de gentillesse…
C’est là que nous ferons connaissance avec la Prefectura, soit le lourd processus administratif de l’Argentine… Et que la tendresse de la viande élevée dans la pampa des ranchs, accompagnée de vins locaux ainsi que les empanadas, délicieuses spécialités de petits chaussons fourrés, nous régaleront… Le voyage, c’est aussi cela, des gourmandises !
Pierre-Ahan vient de pecher un thon. | D.R.
Enfin est venu le moment de l’entrée dans le détroit Le Maire puis dans le canal de Beagle, le moment des mouillages sauvages et hors norme comme seul sait le faire le capitaine. Puis l’arrivée triomphante à Ushuaïa où nous attend un couple d’amis, navigateurs aussi, ravi de partager un bout de l’aventure, celui qui va dessiner les sillages dans l’archipel du Horn et le passage du cap ! Et ce sera une réussite ! Le cap se laissera approcher sous voiles et deviner dans une brume digne d’un paysage de Bretagne Nord ! Nous sommes heureux, heureux comme qui… le capitaine !
L’équipage au cap Horn. | D.R.
Dans le club d’Ushuaïa, où flottent des unités hors norme, en acier ou en alu, comme dans les ports de Puerto Williams, de Punta Arena, de Puerto Deseado, de Piriapolis ou de La Paloma, quand les marins viennent causer avec nous en nous demandant notre programme, ils sont toujours stupéfaits et de concert, regardant Capella le magnifique, sloop de plastique rutilant d’entretien, nous lancent : « Vous avez fait le cap Horn avec ça ? »
On a fait ça avec « ça »
Oui, le capitaine et notre équipage, nous avons réussi à déployer les voiles de Capella à travers les eaux de la terre de feu, dans les canaux de Patagonie et dans l’Atlantique. Capella a déjà̀ sillonné une bonne partie de la Méditerranée et a réalisé plusieurs fois la traversée vers les Antilles… C’est bien avec « ça » que nous sommes maintenant cap-horniers ! Que nous avons remonté l’avenue des glaciers où un soir, lors d’un mouillage, près du glacier de Pia, Capella s’est retrouvé entouré de grelots, dont un de plusieurs tonnes qui a séjourné́ gentiment toute la nuit, bloqué par les amarres à terre, se languissant de s’être fait prendre ainsi, à quelques mètres du bateau… Il a disparu au petit matin ! Ouf ! Enfin, pour regagner l’Atlantique, nous avons emprunté, avec « ça », le mythique canal de Magellan, avec des vents à contre… Comme l’a écrit Antoine de Saint-Exupéry : « L’impossible recule toujours quand on marche vers lui. »
Capella et les grelots. | D.R.
L’audace et la confiance du capitaine tout au long de ce périple, nous ont procuré la joie de rencontrer des grands marins d’acier comme Christophe Augier, Marc et Sylvie, Robin et Amanda de Chamade, Théo, Samantha, Gabriel et Fabien de Metapassion, Éric et Patricia à La Palma, André Brenner, qui a construit le phare du bout du monde sur l’île de Los Estados, au détroit Le Maire, et bien d’autres encore comme Thibault à La Paloma sur son Yka, Gérard et Klorane sur leur vieux gréement unique au monde, L’Albatros, Frédéric et Martha, respectivement skipper et chef cuisinier sur des yachts de 28 mètres…
Au Brésil, où nous allons bientôt laisser le bateau pour quelques mois, lors d’un mouillage face à la praia Tereza, à Ilhabela, la merveilleuse, Fanch viendra toquer sur la coque de Capella qui arbore toujours fièrement son Gwen ha Du et avec un grand sourire nous présentera une assiette de crêpes toutes fraiches ! Quelle belle madeleine de Proust ! Voilà trois ans qu’il navigue, il est parti du Crouesty. Il est animateur et cuisinier, amoureux de la mer. Sacrés marins !
Des équipiers comblés
L’audace et la confiance naturelles du capitaine lui ont permis d’accepter ma demande, moi la « petite sirène » – c’est ainsi qu’il m’a nommée dès notre rencontre –, ma demande de voyager à ses côtés, de continuer à découvrir et à apprendre la navigation dans cette aventure de plusieurs mois, d’oser le cap et la pleine mer, sachant mon caractère entier épris de solitude ! Il a accepté, je l’en remercie. Il a construit différents équipages où Cécile la Bretonne, férue de voile, est venue un bout, au début, où nous avons été soudés des mois entiers avec Patrick, le second, passionné de photographie et de randonnée – d’ailleurs lors de l’une d’entre elles nous avons découvert, émus, le squelette d’une énorme baleine étendu dans l’humidité ombragée d’un espace sablonneux, au Chili.
Le capitaine et la “petite sirène”. | D.R.
Marc nous a régalé de son bon sens marin, de ses connaissances d’ingénieur en électricité́, de ses recettes et de ses blagues. Pierre-Ahn, le quartier-maître, passionné lui aussi de photographie, embarqué sur Capella avec son drone, nous a offert des vues et des lumières à couper le souffle, à la hauteur de sa réactivité́ marine et de sa sagesse. Puis Jean Bernard et Christine, toujours heureux de vivre, les sens à fleur d’eau, d’air, de ciel comme le capitaine, qui naviguent comme ils respirent, sont venus spécialement en Terre de Feu pour le Cap…
Après leur départ, c’est Cauane, la Brésilienne dont le prénom signifie tortue, mordue de kitesurf, qui a goûté à la navigation à la voile ; elle s’est étonnée de tous les bruits et les mouvements constants d’un bateau mais même lors de ses craintes elle ne s’est jamais plainte et elle a essayé d’être rapidement apte à la solitude des quarts ! Aujourd’hui, en cet automne de l’hémisphère Sud, nous bouclons une autre étape, de Buenos Aires à Paraty, à deux ! La pleine mer en équipage est aussi une aventure de promiscuité́ humaine qui demande bienveillance et communication, ce n’est pas toujours chose aisée ! La mer exige une grande énergie physique et mentale, de la souplesse, de la rigueur, de la patience, de la concentration et tant d’autres qualités… C’est l’école de la mer. Pour tout un chacun, quel que soit l’âge…
De tout ce périple, nous retiendrons également l’immense révolution satellitaire Starlink qui nous a permis d’avoir Internet au large donc la météo et tant d’autres liens utiles partout où nous sommes passés, jusqu’au cap Horn ! La nécessité d’une préparation du bateau aux petits oignons car malgré tout, il y aura des imprévus et des avaries… Et l’assurance, dès le départ, que le chemin se dessine au fur et à mesure des sillages, des morceaux de vie apprécies, des difficultés dépassées…
« – Alors, capitaine, en route pour de nouvelles aventures ?
C’est en fin de journée que nous arrivons tranquillement à la voile à l’extrémité Est du Loch Melfort, jetant l’ancre dans un fond vaseux bien collant (pour la chaîne et le pont aussi d’ailleurs…). A peine arrivés, Damien reçoit un appel d’un de ses amis et ancien élève, Christian, en route depuis Leeds pour nous rejoindre à bord pour la soirée ! Passionné par l’Ecosse, il est une source intarissable d’idées de lieux à visiter, tous plus reculés, intéressants et sauvages les uns que les autres. Les cartes papier et celles de la tablette se sont progressivement retrouvées garnies de petits points supplémentaires et d’annotations. S’ajoute à cela une petite liste de livres à consulter… De quoi répondre à nos envies d’explorer et d’apprendre pour des semaines voire des mois… !
Le lendemain matin, à l’arrivée au petit ponton de l’hôtel de Kilmelfort avant de faire route avec Christian vers Oban pour un avitaillement en produits frais, une deuxième belle surprise nous attend : la rencontre avec Vicky et Margaret, toutes deux occupées sur leur magnifique petit voilier. Nous pensions prendre le bus pour revenir d’Oban, c’est finalement Vicky qui passera nous chercher directement au supermarché ! Lors de ce trajet sinueux entre lochs et collines, nous l’invitons, ainsi que Margaret, à venir visiter notre “huge sailboat”, qui appartient à l’association Karukinka. S’ensuivent les questions sur le pourquoi du comment de l’association, du navire, des recherches de Lauriane et de notre venue en Ecosse… et elle nous apprend qu’elle est chercheuse en histoire médiévale à l’université de Glasgow.
C’est après le déjeuner du lendemain qu’elle vient nous faire un magnifique cadeau : plusieurs heures de cours d’histoire médiévale écossaise dans le carré de Milagro ! Carte à l’appui, références historiques, informations sur l’histoire cachée de lieux et de dynamiques de peuplement,… nous n’en perdons pas une miette. “Ici l’histoire a été faite par les navigateurs, à la voile” . Cette remarque pleine de bon sens compte tenu de la morphologie des lieux nous rappelle qu’effectivement, les échanges d’idées, les influences culturelles, les batailles, les invasions de toutes parts, les processus de colonisation, les vagues de réformes religieuses, les évolutions technologiques,… ont existé grâce à la voile (et à la rame…).
Notre parcours, de la Bretagne à la Norvège via l’Irlande et l’Ecosse n’est autre que celui d’un axe d’échanges majeur depuis des milliers d’années. Présence celte puis romaine, premières missions chrétiennes (VIe siècle), guerres tribales entre les Picts et d’autres groupes, invasions vikings, fonctionnement clanique très ancré dans la culture écossaise… Chaque île, des Hébrides aux Shetlands, porte en elle des histoires chargées de vent et d’embruns que l’érosion efface progressivement à notre vue mais que des archives précieusement gardées au fil des siècles sauvent de l’oubli. C’est un véritable travail de fourmi que Vicky Gunn et nombre de chercheurs en histoire écossaise réalisent pour comprendre le territoire à différentes époques. Ils donnent du sens à ce qui nous entoure, des mégalithes aux ruines de châteaux, nous invitant à nous documenter toujours plus.
La bibliothèque de Milagro s’est donc à nouveau étoffée de quelques ouvrages supplémentaires, sans parler de ceux que Vicky prévoit de nous recommander d’avoir à bord, et c’est sous peu qu’un dictionnaire gaélique-anglais embarquera pour nous aider à comprendre ce que signifient les noms des lieux où nous naviguons. Un rdv est pris : à notre prochain passage à Loch Melfort, c’est sûr nous irons rendre visite à Vicky et Margaret !
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Avant de reprendre notre route vers le nord, le week-end passé, est venu le temps des retrouvailles pour Damien : le retour à Kames Fish Farm. C’est anxieux qu’il est venu se présenter à l’accueil de la ferme : après 20 ans sans nouvelles, les gérants de cette entreprise familiale seraient-ils encore là ? La ferme aurait-elle été rachetée par des sociétés norvégiennes, comme de nombreux élevages de poissons écossais ? Damien se présente et c’est alors qu’un homme d’une trentaine d’années lui sert la main : Andrew, celui avec qui Damien s’était occupé des lapins, joué aux jeux vidéo avec son frère Charles et lui,.. quand il était tout petit ! Dans la foulée Andrew appelle son père, Stuart, l’entrepreneur à l’origine de cette ferme et avec qui travaillait Damien. Quelques minutes plus tard, il arrive et nous fait visiter l’écloserie, le bureau de contrôle à distance de la sécurité des cages dispersées dans les îles, la distribution de nourriture en cliquant derrière un écran, la sélection des spécimens plus aptes à s’adapter au changement climatique… Toujours en quête d’amélioration, il nous apprend aussi qu’il a dû faire face à une catastrophe sanitaire s’étant abattue sur sa ferme il y a plusieurs années (une fièvre aphteuse venue de Norvège), l’obligeant à abattre l’ensemble de ses saumons plutôt que de tomber dans les excès largement documentés des dérives des élevages. Kames n’élève donc plus de saumons comme il y a 20 ans, mais des truites, et en nombre qui donne le tournis : quand Damien y travaillait, la ferme commercialisait entre 200 et 300 tonnes de saumons par an, et aujourd’hui c’est plus de 3000 tonnes de truites exportées jusqu’aux USA.
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Nous sommes ensuite repartis à bord de Milagro, non sans curiosité pour le mystérieux voisin chilien évoqué lors de nos échanges avec les locaux.
Certains partent d’Europe vers l’Argentine ou le Chili, en Patagonie ou ailleurs, pour refaire leur vie, et d’autres font le chemin dans l’autre sens, comme le milliardaire chilien fondateur du FFP (Fondation Pour le Progrès). Connu au Royaume-Uni pour avoir acheté un lodge (Kilchoan) à plusieurs millions de livres, ce membre de la secte des Légionnaires du Christ a fait sa renommée locale en organisant la reforestation des collines avoisinantes et en faisant construire une chapelle inspirée de celle d’Iona, sur les rives de Loch Melfort. Pour cela il a fait appel à des artisans locaux et soigné son image, une image très éloignée de celle qui est la sienne à plusieurs milliers de kilomètres de là : ancien militaire dans les années 70, il multiplia les déclarations en faveur de Pinochet (“son énorme gratitude”), n’hésitant pas à affirmer que pour lui, les droits sociaux n’existeraient pas. Ses propos au Chili, aux antipodes de l’image renvoyée ici, auront largement suffit pour que nous nous abstenions de faire l’escale suggérée dans la baie faisant face à sa chapelle. Nos amis chiliens, qui subissent les effets dramatiques du libéralisme extrême mené depuis des décennies dans leur pays, sont nombreux à souffrir des décisions et idées développées par cet homme et ses partisans.
Ce ne sont pas ses activités locales et cette chapelle qui nous feront oublier les ombres et la violence du pinochetisme.
Laissons cette chapelle dans notre sillage, avec un nouveau chapitre qui s’ouvre dans l’étrave de Milagro : cap sur Mull !
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PS: l’Ecosse nous plaît tellement que nous avons fait le choix de revoir notre programme pour y rester plus longtemps et simplifier la venue de ceux qui veulent nous rejoindre, sans galérer avec la logistique. Vous verrez donc (ici) que nous proposons à partir de samedi prochain 5 séjours d’une semaine simplifiés : départ et arrivée Oban ! Depuis Glasgow (vols directs depuis Paris, Nantes, Bordeaux, Lyon…) il faut compter 3h de train direct ou de bus dans les Highlands (un voyage dans le voyage !) pour nous rejoindre au port de Oban. Pour ceux qui voudraient éviter l’avion, cette destination est aussi accessible en train depuis la France (comptez 12h depuis Paris).
Bref, si vous avez besoin d’aide pour vous organiser, nous ne sommes pas une agence de voyage mais nous sommes là pour vous aider et serons ravis de vous accueillir pour partager ces lieux où , comme le montre notre dernière petite vidéo aux Treshnish Isles : il n’y a pas foule !