Notre critique des Colons: Chili con carnage (Le Figaro, 19/12/2023)

Par Eric Neuhoff

Publié le 19/12/2023 à 12:55, mis à jour le 19/12/2023 à 12:55

Avec «Les Colons», Felipe Galvez signe une fresque rugueuse dans une pampa ensanglantée par l’extermination des indiens Onas. Dulac distribution

Au début du XXe siècle, des hommes de main mandatés par un riche propriétaire sèment la terreur parmi la population autochtone. Le premier film de Felipe Galvez frappe par son ambition et son ton épique.

La terreur ne dit pas son nom. On parle de civilisation. Il s’agit de génocide. Dans le Chili de 1901, un riche propriétaire charge trois hommes d’ouvrir une voie jusqu’à l’océan. Pour cela, tous les moyens seront bons. Qu’ils n’hésitent pas à se débarrasser des autochtones récalcitrants. Il y a là un capitaine écossais surnommé «le cochon rouge» à cause de sa veste écarlate (il en a vu d’autres: il a participé à la guerre des Boers), un mercenaire texan et un jeune métis. Le premier exécute à tout-va, le deuxième n’a pas de scrupules, le troisième se tait. Il regarde. Il ne sera peut-être pas le plus innocent de la bande.

La photographie est à tomber. Le vent souffle sur la pampa, ce «vertige horizontal» qui avait saisi Drieu la Rochelle. Patagonie, Terre de Feu, ces noms font rêver. Ils sont ici synonymes de cauchemars. Pendant la conquête, les massacres continuent. Sous des ciels à la Salvador Dali, la violence est chez elle, omniprésente. Elle a le défaut d’être contagieuse. Matchs de… (la suite de l’article est réservée aux abonnés)

https://www.lefigaro.fr/cinema/notre-critique-des-colons-chili-con-carnage-20231219

Notre critique de Voyage au pôle Sud: Luc Jacquet, la fièvre de l’Antarctique (Le Figaro, 19/12/2023)

Par Florence Vierron

Publié le 19/12/2023 à 12:36, mis à jour le 19/12/2023 à 12:40

Dans son dernier film, le réalisateur livre un splendide récit intérieur pour tenter de décrypter sa fascination pour ce continent magnétique. Magique.

Il est des films qui ont la saveur d’un livre. Où les mots sont si forts qu’ils pourraient se passer des images. Sauf qu’ici, ils en accentuent la beauté. Voyage au pôle Sud, de Luc Jacquet, est un long-métrage très personnel que le réalisateur raconte avec ses mots et sa voix et dans lequel il se met en scène. Trente ans exactement après avoir posé le pied pour la première fois en Antarctique, celui qui a connu un immense succès et remporté l’Oscar du meilleur documentaire en 2006 avec La Marche de l’empereur y revient pour tenter d’expliquer son addiction pour le continent magnétique.

Dans ce récit intérieur, il ne pose pas tout de suite sa caméra au pôle Sud, mais nous fait partager le long chemin qui y mène. Depuis la Terre de Feu et le cap Horn, il montre ainsi qu’atteindre cette terre hostile demande une forte dose de volonté et beaucoup d’abnégation. Promenant sa silhouette dans le parc Torres del Paine, au Chili, il en profite pour alerter sur les ravages du réchauffement climatique. Frappés par les incendies, les troncs calcinés, tels des fantômes statufiés, témoignent de cette dure réalité. Pourtant une fascinante poésie enrobe l’ensemble.

Ces habitants n’ont d’autre vérité à clamer que leur insolente capacité à apprivoiser ces territoires où l’homme reste un intermittent

Comment ne pas se sentir dépassé par les trois mètres d’envergure du condor ou la puissance des albatros? Que dire devant ces mers étales et laiteuses dont la blancheur est rehaussée par les dénivelés de gris en arrière-plan? Qu’y a-t-il de plus indescriptible que des étendues blanches où le regard s’égare et où les repères n’ont rien de commun avec ceux de notre Terre? Comment ne pas être charmé par la démarche maladroite des manchots papous, Adélie ou empereurs? Ces habitants n’ont d’autre vérité à clamer que leur insolente capacité à apprivoiser ces territoires où l’homme reste un intermittent. D’où la nécessité d’accepter ce que la nature veut bien lui donner.

Le silence de la nature

À partir du cap Horn, il faut cinq à six jours de mer pour rejoindre l’Antarctique. La traversée n’a rien de commun avec une croisière ensoleillée. Au rythme des creux provoqués par une mer agitée, la silhouette imprécise de Luc Jacquet monte le long de l’écran et redescend. Pourtant le brise-glace se heurte parfois à plus fort que lui. Le cinéaste profite de ces haltes forcées pour explorer la banquise, en sachant qu’elle peut l’engloutir. Il se transforme alors en un minuscule point noir dans des immensités blanches. Une manière d’être présent sans déborder de présence. Dans des infinis où l’esprit peut vagabonder, s’interroger, contempler. «Devant un grand espace vide, la créativité est démultipliée», confie Luc Jacquet.

Face à tant de beauté, l’utilisation des flous artistiques aurait pu être minimisée. Qu’importe. L’essentiel est dans la rêverie où le cinéaste nous embarque. Un aller simple dans ses émotions composé dans un noir et blanc artistique et parfois abstrait. Ce choix fait respirer la nature et entendre son silence. Luc Jacquet suit ses envies plus qu’un scénario bien établi. Pas d’érudition ni de grands discours dans cette heure vingt en terra incognita, mais le propos d’un homme qui réussit à faire partager sa passion et ses réflexions sur la situation de la planète.


«Voyage au pôle Sud». Documentaire de Luc Jacquet. Durée: 1 h 22.

La note du Figaro : 3.5/4.

https://www.lefigaro.fr/cinema/notre-critique-de-voyage-au-pole-sud-luc-jacquet-la-fievre-de-l-antarctique-20231219

Le Sénat adopte une loi sur la restitution de restes humains présents dans les collections des musées français

Le Sénat adopte une loi sur la restitution de restes humains présents dans les collections des musées français

Suite à l’adoption d’une loi visant à simplifier la restitution des restes humains conservés dans les collections des musées français, l’association Karukinka et ses membres se réjouissent de cette avancée qui, ils l’espèrent, accélèrera la restitution des restes humains Selk’nam, Haush et Yagan présents dans la collection d’anthropologie physique du Musée de l’Homme (Paris).

Une demande de contact avait été maintes fois répétée avant et pendant la venue en France, dans le cadre du festival Haizebegi 2019, de Victor Vargas Filgueira (porte-parole de la communauté yagan d’Ushuaia, Argentine), Mirtha Salamanca (membre du Conseil Participatif Indigène d’Argentine pour le peuple selk’nam) et José German Gonzalez Calderon (ex-président de la communauté yagan de la Bahia Mejillones, Chili). Le directeur des collections avait refusé de les recevoir en octobre 2019, tout en indiquant que ces collections serait analysées dans les prochains mois.

A ce jour, soit plus de 4 ans après, toujours aucune suite n’a été donnée à cette prise de contact.

Pour aller plus loin, nous vous recommandons la lecture de cet article paru dans le journal Le Monde hier (intégré à la suite dans cet article) et, pour poursuivre la réflexion, la lecture par exemple de :

Le Parlement français adopte une loi sur la restitution de restes humains à des Etats étrangers

https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/12/18/le-parlement-francais-adopte-une-loi-sur-la-restitution-de-restes-humains-a-des-etats-etrangers_6206534_3246.html

Le texte doit faciliter le retour de corps ou de morceaux de corps collectés dans des conditions indignes en dérogeant à la règle d’inaliénabilité des collections publiques françaises.

Par Laurence Caramel Publié le 18 décembre 2023 à 20h23, modifié le 18 décembre 2023 à 21h40

L'ambassadeur d'Afrique du Sud, Thuthukile Edy Skweyiya et le ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg, posent à côté du moulage de Saartjie Baartman, surnommée
L’ambassadeur d’Afrique du Sud, Thuthukile Edy Skweyiya et le ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg, posent à côté du moulage de Saartjie Baartman, surnommée “Venus hottentote”, le 29 avril 2002 lors d’une cérémonie à l’ambassade de l’Afrique du Sud à Paris, au cours de laquelle la dépouille de cette femme sera rendue à son pays d’origine. (AFP) JACQUES DEMARTHON / AFP

Les trois crânes provenant de l’ancien royaume Sakalave de Madagascar comme les dépouilles d’aborigènes d’Australie aujourd’hui conservés au Musée de l’homme, à Paris, pourront bientôt rejoindre leurs terres d’origine. Avec le vote des sénateurs, lundi 18 décembre, le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi sur la restitution à des Etats étrangers des restes humains appartenant aux collections publiques françaises.

« C’est un moment important pour nos relations avec des peuples qui attendent depuis longtemps de pouvoir donner une sépulture digne à leurs ancêtres », se réjouit la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly, à l’origine de la loi avec deux autres élus de la chambre haute, Pierre Ouzoulias (Parti communiste) et Max Brisson (Les Républicains). C’est aussi un « moment d’émotion » pour l’ancienne conseillère à la culture de Rouen, dont la ville a été la première à délibérer en 2006 sur la restitution à la Nouvelle-Zélande d’une tête maorie présente dans les collections locales.

C’est le refus de l’Etat de laisser le musée normand se départir de cette pièce qui a été le point de départ de ce patient travail ayant abouti au texte voté lundi. Son adoption est une étape supplémentaire dans la mise en œuvre du projet plus vaste visant à faciliter la rétrocession de pièces de collection acquises par les musées français dans des conditions désormais jugées inacceptables : trophées de guerre, pillages, vols, profanations de sépultures…

Il s’agit aussi à cette occasion d’engager une réflexion et un travail de mémoire. En juillet, une première loi concernant la restitution des biens culturels spoliés à des juifs dans le contexte des persécutions antisémites de 1933 à 1945 a déjà été votée. En 2024, le dernier projet de loi du gouvernement portant sur les œuvres acquises pendant la colonisation devrait être présenté au Parlement.

Accélération des traitements des requêtes

Grâce à la loi adoptée lundi, il ne sera plus nécessaire, comme cela était le cas jusqu’à présent, d’obtenir l’autorisation du Parlement avec le vote d’une loi ad hoc pour chaque dossier de restitution de corps ou de morceaux de corps. Une dérogation générale au principe d’inaliénabilité des collections publiques est introduite dans le code du patrimoine qui permettra à l’Etat et aux collectivités territoriales concernées d’agir par simple décret en Conseil d’Etat. Le traitement des requêtes devrait s’en trouver accéléré.

Depuis le début des années 2000, seulement quatre demandes ont en effet pu être instruites : celle portée en 2002 de l’Afrique du Sud concernant Saartjie Baartman, une femme Koïsan réduite en esclavage et exhibée en Europe sous le nom de Vénus hottentote. La même année, l’Uruguay a récupéré la dépouille d’un Indien Charrua, Vaimaca Peru, achetée par la France en 1832.

Dignité humaine

En 2012, vingt têtes maories ont été restituées à la Nouvelle-Zélande, puis, en 2020, vingt-quatre crânes ont été rendus à l’Algérie dans le cadre d’une convention de dépôt d’une durée de cinq ans. Une situation qui devra être régularisée avec la nouvelle loi.

Plusieurs conditions sont fixées pour juger de la recevabilité d’une requête : elle doit être déposée par un Etat étranger et à des fins exclusivement funéraires. Les « restes » doivent être ceux de personnes mortes après l’an 1500 et les « conditions de leur collecte porter atteintes à la dignité humaine ou leur conservation contrevenir au respect de la culture et des traditions du groupe dont ils sont originaires », précise la loi. En cas de doute sur l’identification des restes réclamés, un comité scientifique composé à parité d’experts français et du pays demandeur sera chargé d’éclairer la décision du ministère de la culture, à qui reviendra in fine la décision.

« Apaiser les mémoires douloureuses »

La ministre de la culture, Rima Abdul-Malak, s’est félicitée d’une loi équilibrée « entre la garantie du principe d’inaliénabilité et la gestion éthique des collections publiques. (…) Le respect de la dignité humaine anime cette loi. La France regarde son histoire en face. Elle entend les demandes des autres peuples et souhaite ouvrir avec eux de nouveaux échanges culturels en ayant contribué à apaiser les mémoires douloureuses ».

La ministre s’est également engagée à lancer dès le début de l’année 2024 une mission parlementaire sur la restitution des restes humains provenant des territoires d’outre-mer. « Ils ne pouvaient avoir leur place dans la présente loi mais nous en faisons notre priorité », a-t-elle promis, en se fixant un an pour apporter une solution.

Lundi, des représentants des Indiens Kalina de Guyane assistaient au débat au Sénat. Ils réclament le retour des corps de huit de leurs ancêtres morts en 1892 après avoir été exhibés dans des zoos humains à Paris et répertoriés dans les collections du Museum national d’histoire naturelle, à Paris. Celui-ci possède environ 24 000 « restes humains ». Environ 7 % sont originaires d’Afrique et 5 % des outre-mer. Une centaine seulement a été identifiée avec précision par les scientifiques, ce qui résume un autre enjeu de la loi : pour parvenir à sa véritable mise en œuvre, il faudra doter les musées de moyens pour faire l’inventaire fouillé de leurs collections.

Julia González Calderón, figure et artisane remarquable du peuple yagan, nous a quitté hier

C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès de Julia Gonzalez Calderon hier et après plusieurs années de lutte contre la maladie.

Notre soutien et nos meilleures pensées traversent l’océan pour rejoindre la communauté yagan, ses proches, et plus particulièrement son frère José German et les petites Thiaré et Hevolett.

Chère Julia, merci pour tout ce que tu as transmis avec générosité à la communauté en générale, pour ces moments précieux passés à cuisiner, à discuter, ainsi qu’à préparer et tresser les joncs ensemble bien au chaud dans ton salon.

Que ton voyage vers les confins des canaux de ton enfance te soit doux et te rapproche de ceux que tu aimais partis avant toi.

Lauriane Lemasson

“Ils réalisent un acte pour le “Dernier jour de liberté des peuples autochtones d’Amérique” (Realizan acto por el “Último día de la libertad de los pueblos originarios de América” Info Fueguina, 14 octobre 2023)

“Ils réalisent un acte pour le “Dernier jour de liberté des peuples autochtones d’Amérique” (Realizan acto por el “Último día de la libertad de los pueblos originarios de América” Info Fueguina, 14 octobre 2023)

“L’activité s’est déroulée dans le cadre du Cycle Cérémoniel des Journées de la Paix et de la Dignité, impulsée par la Secrétaire de Gestion, Promotion et Renforcement des Droits et de l’Organisation Communautaire. La proposition était de commémorer les 530 ans de résistance. Il s’agit d’une activité validée par Ordonnance Municipale depuis 2016.

https://www.infofueguina.com/tu-ciudad/ushuaia/2022/10/14/realizan-acto-por-el-ultimo-dia-de-la-libertad-de-los-pueblos-originarios-de-america-67826.html

Traduction en français d’un article paru en espagnol dans le journal Info Fueguina, le 14 octobre 2023.

“Le but était de commémorer les 530 ans de résistance”, a-t-il été signalé par la Municipalité de la capitale, et il s’est démarqué par la présence, durant cet évènement, de Margarita Maldonado, femme Selk’nam, et de Victor Vargas Filgueira, homme Yagan, lesquels ont participé à la cérémonie et ont commémoré le départ de Catalina Filgueira, aussi membre de la communauté Yagan, ainsi qu’à l’expression de percussions, Tambores del Sur, qui a accompagné les activités.

“Ces cérémonies nous rappellent l’importance de la liberté et de pouvoir l’exercer pleinement, a souligné la secrétaire de Culture et Education, Belén Molina, laquelle a commenté que “suivant la ligne de cette gestion municipale, nous accompagnons et célébrons les activités qui nous conduisent à réfléchir sur notre histoire et visibiliser nos racines.”

La Secrétaire de Gestion, Promotion et Renforcement des Droits et de l’Organisation Communautaire, Vanina Ojeda, a expliqué, à son tour, que “ceci est une reconnaissance aux peuples indigènes en leur dernier jour de liberté en Amérique”.

“Historiquement, le 12 octobre a symbolisé le progrès, alors qu’il a été le début de 130 ans d’assujettissement sur les peuples autochtones” a observé la fonctionnaire.

En ce sens, elle a considéré que “c’est une date de réflexion, durant laquelle, accompagnés par les membres des peuples autochtones, nous partageons et visibilisons leurs voix, resignifiant cette date, marquant le commencement de siècles de luttes et résistance que tant de pays continuent encore de célébrer comme le Jour de la Race”.