L’impact environnemental des navires polaires

Karukinka
28 décembre 2021

“En 2018, le COMNAP lance une étude sur les navires polaires récemment construits. Patrice Bretel, alors directeur à l’Innovation à l’Institut polaire, a participé à ce groupe de travail, dont le rapport est aujourd’hui publié dans le Cambridge University Press.

Dans une démarche très innovante, cet article cherche à montrer comment l’Australie, la Chine, la France, la Norvège, le Pérou et le Royaume-Uni ont pris en compte les besoins scientifiques et les enjeux de durabilité environnementale dans la conception et l’exploitation de leurs nouveaux navires.

(Source : https://institut-polaire.fr/fr/impact-environnemental-des-navires-polaires-une-publication-du-comnap/)”

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Lire la publication sur le site de Cambridge University Press

Voici un résumé en français de cette publication anglaise :

La publication examine les constructions récentes de navires polaires de type brise-glace déployés pour la recherche scientifique en Antarctique, mettant en avant leurs avancées technologiques, le respect des contraintes réglementaires, ainsi que leurs conséquences environnementales, parfois ambivalentes.

1. Contexte et enjeux

Ces navires opèrent sous le Protocole de Madrid (1991) relatif à la protection de l’Antarctique et le Code Polaire de l’Organisation Maritime Internationale (IMO), qui encadrent strictement la sécurité, la pollution, le bruit et la gestion des déchets dans les régions polaires. Face à la vétusté de la flotte existante, de nombreux états investissent dans des plateformes polyvalentes, à la fois outils scientifiques performants et ambassadeurs de pratiques plus responsables.

2. Sélection et caractéristiques des navires

Parmi 51 navires en service recensés, les auteurs choisissent d’étudier 5 navires lancés depuis 2013, répondant à la classification Polar Class (PC) entre 1 (le plus élevé) et 7, qui désignent leur capacité à naviguer dans différents types de glaces.

Les navires étudiés en détail sont :

Ces navires intègrent des technologies modernes pour améliorer leur efficience énergétique, notamment des systèmes de propulsion avancés (électriques, hybrides), la réduction des consommations de carburant, l’optimisation de la navigation dans la glace, et la limitation des émissions polluantes via des dispositifs comme la réduction catalytique sélective.

Un point central est aussi la réduction du bruit sous-marin (Underwater Radiated Noise) pour minimiser l’impact sur la faune marine et améliorer la précision des instruments scientifiques acoustiques.

Les navires disposent de nombreux laboratoires embarqués, d’équipements de pointe pour la collecte de données océanographiques, biologiques, géologiques et atmosphériques, ainsi que de capacités logistiques importantes (transport de conteneurs, hélicoptères, petits bateaux, etc.). Tout cela en assurant une navigation sûre dans des glaces d’épaisseurs variables, jusqu’à 1,6 m pour les plus puissants.

Exemples :

  • Le RSV Nuyina d’Australie est conçu pour 90 jours d’autonomie, capable de briser jusqu’à 1,65 m d’épaisseur de glace en continu, avec une très forte capacité de fret.
  • Le MV Xue Long 2 chinois offre une technologie innovante de brise-glace bidirectionnel, permettant la navigation en marche avant et arrière dans la glace.
  • L’Astrolabe française allie polyvalence (patrouilles, soutien logistique, recherche) à un double-hull pour protéger l’environnement en cas d’incident.
  • Le RV Kronprins Haakon norvégien met l’accent sur la réduction du bruit et le confort pour l’équipage et les chercheurs, avec des laboratoires très modulaires.
  • Le BAP Carrasco péruvien, bien que de classe plus modeste (PC7), possède une autonomie importante et un équipement destiné aussi bien aux sciences que au soutien logistique.

3. Impact environnemental : entre progrès et limites

Si ces nouveaux navires sont à la pointe de la technologie éco-responsable, ils présentent malgré tout des impacts environnementaux qu’il convient de nuancer :

  • Réduction du bruit sous-marin : Un des progrès majeurs vise la limitation du bruit (Underwater Radiated Noise), réduisant la perturbation des mammifères marins et la pollution sonore qui interfère avec la recherche acoustique. Cette baisse de nuisance contribue à un meilleur respect de la faune polaire.
  • Pollution atmosphérique et émission de GES : L’adoption de moteurs moins polluants, de carburants à faible teneur en soufre et de systèmes de filtration permet de réduire les émissions de CO2, SOx et NOx. Toutefois, l’empreinte carbone de ces expéditions demeure significative, car l’exploration polaire reste énergivore, notamment à cause de la résistance de la glace.
  • Gestion des déchets et des eaux : Tous ces navires intègrent des systèmes avancés de traitement des eaux usées et de gestion des déchets pour éviter tout rejet polluant dans des écosystèmes extrêmement fragiles. La surveillance régulière est obligatoire pour garantir la conformité.
  • Empreinte physique et logistique : La capacité à opérer toute l’année et à transporter plus de matériel scientifique multiplie indirectement l’impact humain sur les zones vierges de l’Antarctique, suscitant des interrogations sur la conciliation entre besoins scientifiques et préservation de l’intégrité des milieux polaires.
  • Normes et certification : Leur conformité au Code Polaire IMO et l’obtention de labels liés à la réduction des émissions ou du risque de pollution constituent désormais des critères de sélection et d’exploitation incontournables.

4. Enjeux et perspectives

L’arrivée de cette nouvelle génération de brise-glace marque un net progrès en termes de sécurité, de confort pour les équipages et chercheurs, et de réduction des impacts négatifs sur l’environnement polaire. Mais même les dispositifs les plus avancés ne suffisent pas à annuler totalement l’empreinte écologique de ces missions. La poursuite d’investissements dans la sobriété énergétique, l’innovation sur les carburants alternatifs et la limitation des interventions humaines demeure impérative.

L’avènement de ces navires brise-glace ultra-modernes offre à la recherche antarctique des outils puissants et éco-conçus, essentiels pour percer les mystères du changement climatique et des écosystèmes extrêmes. Toutefois, leur usage invite à une vigilance constante sur l’équilibre entre exploration scientifique et préservation de territoires parmi les plus vulnérables de la planète.

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