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La démarche du peuple Yagan pour la préservation de son patrimoine culturel

Association Karukinka
Loi 1901 - d'intérêt général
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Un protocole de bonnes pratiques pour la protection du patrimoine culturel Yagan
Le peuple Yagan, communauté ancestrale des canaux de Patagonie, a développé en 2017 un protocole révolutionnaire pour protéger son patrimoine culturel. Cette initiative, menée par la Communauté Indigène Yagan de Bahía Mejillones en collaboration avec la Subdirección Nacional de Pueblos Originarios du Servicio Nacional del Patrimonio Cultural du Chili, représente un modèle de respect des droits indigènes et de préservation culturelle.
Contexte et fondements juridiques
Le protocole s’appuie sur la Convention 169 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail), ratifiée par le Chili en 2009, qui reconnaît le droit à l’intégrité culturelle des peuples indigènes. Comme le stipule l’article 5 de cette convention : “deberán reconocerse y protegerse los valores y prácticas sociales, culturales, religiosos y espirituales propios de dichos pueblos”. (devront être reconnues et protégées les pratiques sociales, culturelles, religieuses et spirituelles propres à ces peuples)
Une définition collective du patrimoine culturel
La communauté Yagan définit son patrimoine culturel comme “l’ensemble des connaissances, pratiques et expressions culturelles, traditionnelles et contemporaines”, incluant :
- La langue yagan
- La navigation ancestrale
- L’alimentation traditionnelle
- Les artisanats
- Les chants et danses
- Les sites sacrés et de signification culturelle
- La mémoire et l’histoire collective
- Les matières premières nécessaires aux pratiques traditionnelles
- Le territoire historique et contemporain
Les principales directives du protocole
1. Reconnaissance de l’existence d’un peuple vivant
Le protocole affirme clairement que le peuple Yagan est “un pueblo milenario, con 7.000 años de presencia aproximadamente en nuestro territorio” (“un peuple millénaire, avec approximativement 7000 ans de présence dans notre territoire”). Il rejette catégoriquement l’utilisation du qualificatif “último” (dernier) pour désigner les membres de la communauté, soulignant leur vitalité culturelle continue malgré les persécutions historiques.
2. Contrôle de la narration historique
Toute référence officielle à l’histoire du territoire et du peuple Yagan doit considérer la mémoire collective de la communauté et obtenir son autorisation. Pour le tourisme notamment, les guides doivent être des membres de la communauté Yagan.
3. Consentement pour les enregistrements
Tout enregistrement (audio, vidéo, photographique) de membres de la communauté ou de leur patrimoine nécessite un “consentement collectif et/ou individuel, préalable, libre et informé”.
4. Protection de l’artisanat
Les artisanats d’origine yagan ne peuvent être élaborés et commercialisés que par les membres du peuple, préservant ainsi l’authenticité et l’économie culturelle.
5. Restitution des patrimoines
Le protocole exige la restitution de tous les objets, enregistrements et documents patrimoniaux détenus par des institutions nationales ou internationales, car “ils appartiennent de droit à notre peuple” (“por derecho le pertenecen a nuestro pueblo”).
Défis contemporains et revendications
Navigation ancestrale
Le protocole dénonce l’interdiction actuelle de la navigation ancestrale : “actualmente se nos prohíbe la navegación ancestral, lo que constituye una transgresión de una práctica cultural” (“actuellement la navigation ancestrale nous est interdite ce qui constitue une transgression d’une pratique culturelle”). Cette restriction représente une violation des droits culturels établis par la Convention 169 de l’OIT.
Protection territoriale
La communauté exige la protection des ressources hydrobiologiques et phytogénétiques de leur territoire traditionnel, incluant la collecte de joncs et d’écorces d’arbres pour l’artisanat.
Consultation préalable
Tout projet pouvant affecter le patrimoine culturel yagan doit suivre des protocoles stricts de consultation, avec un préavis minimum de sept jours pour toute réunion communautaire.
Le protocole complet, traduit en français par l’association Karukinka, est consultable et téléchargeable ici : https://karukinka.eu/wp-content/uploads/2025/09/protocole-yagan-francais.pdf
Le rôle de l’association Karukinka
L’association française Karukinka joue un rôle crucial dans la diffusion de ces protocoles auprès des communautés francophones et anglophones. Depuis plus d’une décennie, Karukinka mène des expéditions scientifiques et artistiques en Patagonie, en faisant de son mieux pour avancer dans le respect des communautés yagan, selk’nam et haush.
Actions de Karukinka en faveur du patrimoine Yagan
- Documentation culturelle : Collecte, digitalisation et archivage de sons de lieux, témoignages, chants et récits yagan
- Cartographie linguistique : Identification de plus de 600 toponymes en langues yagan
- Sensibilisation internationale : Organisation de rencontres, conférences et expositions en Europe
- Projets collaboratifs : Programme “Voces de las Abuelas” pour la restitution d’archives ethnographiques
- Formation et éducation : Ateliers de sensibilisation sur les droits culturels des peuples autochtones
Importance de la diffusion internationale
Karukinka communique activement sur ces protocoles pour sensibiliser les chercheurs, artistes, et institutions francophones et anglophones aux bonnes pratiques en matière de patrimoine culturel indigène. Cette démarche vise à :
- Prévenir l’appropriation culturelle : Informer les acteurs internationaux des protocoles à respecter
- Faciliter les collaborations éthiques : Établir des ponts entre yagans et institutions européennes
- Soutenir les revendications : Amplifier la voix de personnalités yagan à l’international
- Éduquer les publics : Sensibiliser aux enjeux de préservation culturelle en Patagonie et en Europe
Vers une reconnaissance internationale
Ce protocole yagan constitue un modèle pour d’autres communautés indigènes mondiales. Il démontre comment les peuples autochtones peuvent reprendre le contrôle de leur narration culturelle et établir des cadres de collaboration respectueux avec les institutions externes.
L’engagement de Karukinka dans la diffusion de ces protocoles s’inscrit dans une démarche plus large de décolonisation des pratiques de recherche et de valorisation des savoirs indigènes. En informant les communautés francophones et anglophones de ces protocoles, l’association contribue à créer un environnement international plus respectueux des droits culturels des peuples autochtones.
Le Protocole de Bonnes Pratiques pour la Protection du Patrimoine Culturel Yagan représente bien plus qu’un document administratif : c’est une déclaration d’indépendance culturelle, un guide pour des relations équitables, et un modèle de résistance pacifique face à la colonialité persistante.
Grâce au travail de diffusion mené par des associations comme Karukinka, ces protocoles peuvent inspirer de nouvelles formes de collaboration internationale, basées sur le respect, la réciprocité et la reconnaissance des droits des peuples autochtones à contrôler leur propre patrimoine culturel.
La préservation du patrimoine yagan n’est pas seulement une question locale : c’est un enjeu global qui nous interpelle tous sur notre relation au patrimoine culturel de l’humanité et notre responsabilité collective dans sa préservation et la décolonisation de nos modes d’interaction.
La publication originale (en espagnol) du protocole est disponible ici : https://www.pueblosoriginarios.gob.cl/publicaciones/protocolo-de-buenas-practicas-para-la-proteccion-del-patrimonio-cultural-indigena
