A la mi-journée le mercredi 3 avril 2024, Milagro et son équipage ont quitté Nantes, larguant les amarres au ponton Belem.
La saison 2024 est donc lancée, avec une première étape vers Dublin, suivie de plusieurs étapes en Ecosse puis en Norvège, avec un retour prévu via l’Islande et l’Irlande à l’automne prochain.
Amis nantais, nous vous donnons rendez-vous après ce périple, à l’hiver 2024-2025, avec toujours plus d’expériences et son lot d’histoires à raconter ! D’ici-là, profitez encore quelques jours de l’exposition photographique et sonore à l’Almacén, 4 rue de l’Arche sèche à Nantes (jouxte la Place Royale)
Quoi de mieux que de partager un maté, des empanadas et des alfajores pour faire un saut à l’extrême sud de l’Amérique ?
En partenariat avec El Almacén, un resto bar argentin situé à deux pas de la place Royale (4 rue de l’Arche sèche à Nantes), nous vous convions à l’exposition de sons et d’images réalisés en Patagonie lors de nos différentes expéditions à pieds et à la voile.
Pensée sous la forme d’une rétrospective de dix années passées en territoires selk’nam, yagan et haush, cette présentation d’une partie de nos activités sera complétée, le 16 mars à 18h30, par une conférence de Lauriane Lemasson, fondatrice de l’association.
Au plaisir de vous rencontrer et de vous faire découvrir nos activités passées, présentes et futures,
Jacques Sax, président de l’association Karukinka
PS: pour l’écoute, n’oubliez pas vos écouteurs et, si besoin, d’installer une application de lecture de QR codes
C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris hier le décès de Jean Malaurie, de celui qui a soutenu mes premiers pas de chercheuse et avec qui j’ai eu l’honneur de travailler pendant sept ans, sur différents projets.
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Monsieur Malaurie,
Vous aviez tant à transmettre et vous avez tant fait en 101 ans d’existence qu’il paraît invraisemblable que cela puisse avoir une fin.
Je me souviendrais toujours de votre esprit brillant, de votre exigence et de votre énergie qui me semblait intarissable quand il était question de défendre les opprimés, de s’indigner et de combattre l’injustice sous toutes ses formes. Le colonialisme et ses multiples expressions en tête de liste.
Je pourrais m’étendre sur votre parcours sans pareil, sur les innombrables projets, missions et distinctions qui ont jalonné votre vie, mais ce que je garderais surtout c’est le souvenir de votre générosité, de tout ce que vous m’avez appris de la vie grâce à la vôtre et de l’Homme au-delà des théories, de votre humour, et enfin de tous ces moments simples de la vie de tous les jours, hors du temps de la recherche et ses exigences, en compagnie de votre épouse à Dieppe, en tête à tête à Paris dans votre cuisine ou dans le petit studio où vous stockiez non sans mal des décennies d’archives.
S’il ne fallait retenir qu’un seul de vos innombrables conseils, transmis droit dans les yeux un jour où le doute cherchait à me faire vaciller, ce serait celui-ci, résumant finalement assez bien votre chemin parmi nous : “Face à l’injustice, n’abandonnez jamais !”.
Il s’impose désormais avec encore plus de force qu’hier, pour continuer le chemin que vous nous avez ouvert sans compromis toute votre vie, avec dignité, détermination et courage.
A l’heure où les premiers rayons du soleil réapparaissent au-delà du cercle arctique, il est enfin venu pour vous l’heure de retrouver votre épouse, Uutaaq et tous ceux qui vous ont précédé pour ce voyage au-delà de l’horizon.
Bon sillage vers les retrouvailles Monsieur Malaurie, mes remerciements infinis vous accompagnent.
Lauriane
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Et pour l’écouter parler de son parcours, je vous recommande cette émission “Visages” enregistrée en 2916 en compagnie de Thierry Lyonnet (RCF Radio) : https://youtu.be/7InErN0A1nE?feature=shared
L’UNESCO expose un panorama des pastels de Jean Malaurie, Ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO chargé des questions polaires arctiques, à l’occasion des célébrations du centenaire de sa naissance.
Jean Malaurie
Jean Malaurie est mondialement connu pour ses travaux en géomorphologie et géocryologie arctique ainsi que ses récits circumpolaires ethnographiques dédiés aux Inuit, ses maîtres penseurs.
Ses pastels représentent un aspect moins connu de son œuvre, mais important dans la mesure où elles sont le témoignage de ses 31 missions dans le Grand Nord.
L’exposition sera ouverte en Salle des Actes du 18 au 25 janvier (fermée le weekend), de 9h à 17h30.
Inauguration : jeudi 18 janvier 2024, à 18 heures.
Suite à la parution du Cahier de l’Herne consacré à Jean Malaurie, l’ethnomusicologue Lauriane Lemasson revient au micro de Marie Sorbier sur les apports multiples du géographe et écrivain à la musicologie.
Lauriane Lemasson rencontre pour la première fois Jean Malaurie à l’été 2013, lors de sa première expédition en Terre de Feu, en Argentine. Elle transmet une copie de sa soutenance de master au géographe qu’elle cite à plusieurs reprises dans ce travail, désirant échanger avec lui. Jean Malaurie, intéressé par cette recherche sur le paysage sonore de la Terre de Feu argentine, la contactera quelques semaines plus tard. S’ensuit une collaboration sur plusieurs projets.
En quoi les travaux de Jean Malaurie sont-ils inspirants pour les jeunes chercheurs d’aujourd’hui ? Selon Lauriane Lemasson, c’est avant tout le parcours du géographe et écrivain qui fait de son travail un apport si singulier aux sciences sociales.
C’est pionnier dans les sciences humaines, puisqu’il montre que les multiples facettes d’un terrain ne peuvent être étudiées qu’en faisant appel à plusieurs disciplines. Lauriane Lemasson
Les travaux et le parcours de Jean Malaurie sont fondamentalement pluridisciplinaires. Après une formation de géographe physicien, son cheminement intellectuel l’amène rapidement à repousser les limites de la discipline en y apportant une dimension ethnographique. Dès sa première mission en solitaire à Thulé, au Groenland, en 1950, il conçoit des cartes topographiques, collectant des données liées à la géomorphologie du territoire tout en recensant un groupe de 300 Inuits. Cela lui permet d’établir la première généalogie, sur quatre générations, de ces communications. Un travail qui le mène également à faire la rencontre du chamane Uutaaq, dont l’influence sera cruciale pour l’évolution de la pensée du chercheur et son engagement contre les effets protéiformes de la colonisation. Plus tard, Jean Malaurie et ses compagnons Inuits découvrent une base secrète de l’armée américaine. Il prend alors position, non pas en tant que résistant de la Seconde Guerre mondiale comme il l’avait été dès 1943, mais en défenseur des peuples Inuit face à la toute-puissance américaine.
Cet engagement-là est inspirant et a donné naissance à son premier livre, en 1955, Les Derniers rois de Thulé, mais aussi à la collection Terre humaine, qu’il dirige depuis 1955. Cette collection est à l’image de son créateur : engagée en faveur des minorités, pluridisciplinaire, elle met l’accent sur la richesse de la pluralité culturelle et sur les méfaits de la mondialisation. C’est la possibilité d’un autre regard sur le monde, autre que celui des Occidentaux. Lauriane Lemasson
Depuis 2011, Lauriane Lemasson concentre ses recherches sur l’extrême sud de l’Amérique latine, au sud du détroit de Magellan. En préparant sa première expédition sur le terrain en 2013, le constat est pour elle sans appel : tous les ouvrages qu’elle consulte alertent sur la disparition des peuples autochtones de la région.
Je me suis retrouvée à devoir prendre position quant à la pseudo-disparition, vue depuis l’Europe, des peuples autochtones de Terre de Feu et des îles voisines. Tout laissait croire qu’il n’y avait plus personne, tous les récits les concernant étaient écrits au passé. Aucune remise en question de l’état actuel des lieux. Sauf que si on se rend sur place et qu’on enlève certains filtres abjects de l’anthropologie, c’est une toute autre situation que l’on rencontre. Lauriane Lemasson
Ces peuples sont aujourd’hui en partie regroupés sous l’égide de communautés qui leur permettent de défendre leurs droits, explique Lauriane Lemasson. Un enjeu majeur de leur lutte est de pouvoir récupérer les corps des leurs, éparpillés et morcelés dans plusieurs musées internationaux, dont le Musée de l’Homme à Paris. Depuis plusieurs années, la chercheuse travaille avec des membres de ces communautés afin de créer des ponts entre eux et l’Europe, pour participer à la reconstruction de ce que les génocides subis par leurs ancêtres ont détruit.
Lauriane Lemasson travaille avec les survivants des génocides qui ont eu lieu en Argentine et au Chili, en explorant des lieux privatisés depuis la colonisation à la fin du 19ème siècle. Sur place, elle collecte des informations sur les anciens campements autochtones, ce qui lui permet de reconstituer des cartes dans la langue de ces peuples Selk’nam, Haush et Yagan. En utilisant l’apport de l’acoustique, la chercheuse peut aller au-delà de l’archéologie traditionnelle : en s’intéressant à la dimension sonore des lieux, elle peut caractériser des sites rituels et redonner à des lieux désertés aujourd’hui leur dimension culturelle. Cette démarche correspond à sa recherche spécialisée sur les paysages sonores.
J’essaie de m’immerger le plus possible pour écouter comme ceux qui m’ont précédée dans ces lieux. La tâche est immense, mais grâce à plusieurs expéditions immersives en solitaire de plusieurs mois, l’oreille s’affine et on arrive à percevoir, petit à petit, des éléments du paysage. La morphologie acoustique d’un lieu peut être très singulière et corroborer les besoins d’un rituel. Lauriane Lemasson
D’une première étude acoustique d’un site qui a été étudié par le Centre austral d’investigation scientifique d’Ushuaia, Lauriane Lemasson a pu tirer un modèle acoustique transposable à d’autres lieux. En répétant les mêmes expériences dans ces autres lieux, elle découvre qu’on peut retrouver des caractéristiques permettant de démontrer qu’un lieu correspond aux besoins d’un rituel.
Dans le texte qu’elle signe dans le Cahier de l’Herne consacré à Jean Malaurie, la chercheuse suggère qu’elle compte poursuivre ses travaux autour du cercle arctique. Un projet qui vient s’ajouter à une liste dense : Lauriane Lemasson travaille actuellement à la création du fond sonore Jean Malaurie, sous l’égide de l’Université de Versailles, tout en préparant avec son conjoint un voilier avec lequel elle souhaite voguer vers le Groenland, sur les traces de Jean Malaurie, pour faire des études acoustiques de sites que le géographe lui a mentionnés.