À l’extrême sud du continent sud-américain se trouve la Terre de feu, une terre composée d’îles réparties entre l’Argentine et le Chili longtemps baptisée « bout du monde ». En 2013, l’ethnomusicologue Lauriane Lemasson part en autonomie complète pour enregistrer les sonorités des paysages. Dans cette quête entêtante, la jeune chercheuse espère trouver les traces d’occupations des peuples amérindiens qui vivaient là il y a près de 12 000 ans.
Ethno-acousticienne, Lauriane Lemasson se passionne pour les relations que tissent les peuples avec leur environnement sonore. Un métier qui la pousse à défier, micro en main, les rudes étendues de Patagonie. Avec un objectif : mieux comprendre les dynamiques de peuplement et les sources d’inspiration culturelles des Amérindiens qui occupaient ces confins avant d’être décimés.
Un pays de silence et d’espaces infinis. Dans cette pampa de la Patagonie argentine qui s’étale comme si elle ne devait jamais s’arrêter, les hommes sont rares et peu bavards. Inutile de demander sa route. Car, à part quelques moutons hirsutes qui semblent eux-mêmes se demander ce qu’ils fichent là, il n’y a plus âme pour répondre en ces lieux.
De toutes les façons, en deçà des 53° Sud, une fois passé le remuant détroit de Magellan, il n’existe guère qu’une seule vraie route terrestre sur ce gigantesque archipel qu’est la Terre de Feu : la Ruta n° 3, ruban couleur réglisse serpentant du nord au sud pour relier le bourg de Rio Grande au port d’Ushuaia. Pour le reste, cet antipode parmi les moins peuplés du cône sud-américain se résume à de vastes steppes tavelées de lacs sombres, des montagnes imprenables et des forêts jetées aux marges de l’océan.
Tout à pied
Et pour ne rien arranger, partout, des arbustes tarabiscotés, à demi-couchés, torturés par les bourrasques, des broussailles indémêlables, des lignes de barbelés rouillés et d’interminables barrières qui semblent se liguer pour fermer l’accès aux immenses estancias privées quadrillant encore la majeure partie de ce territoire. Voilà pour le décor : un vide aussi sidérant qu’hostile. Et pas de comité d’accueil.
C’est pourtant dans cette contrée compliquée que Lauriane Lemasson, 30 ans, a choisi de se perdre, seule, des mois durant, uniquement à pied et en dehors de la grande route balisée. Cette jeune bretonne au caractère bien trempé a enjambé les obstacles et les interdits histoire d’aller « là où personne ne va plus », à l’exception des gauchos. Bref un vagabondage en bonne et due forme. Et en autonomie complète, harnachée d’un sac à dos de 25 kilos dans lequel Lauriane a fait entrer son réchaud à essence, des provisions lui permettant de tenir sans ravitaillement entre sept et dix-neuf jours selon la durée des déplacements, sa toile de tente, son duvet, son fidèle appareil photo Leica, ses carnets de notes, mais surtout une kyrielle de micros et d’instruments d’enregistrement.
Une boussole et une carte
Oubliant régulièrement de se chercher un abri pour le soir – « de toutes les façons, bien souvent, il n’y en avait pas », se souvient-elle – notre marcheuse infatigable n’avait même pas de GPS lors de sa première échappée, juste une boussole et une bonne vieille carte au 750 000e. Objectif de ses sorties à la dure ? « Capter les sons des paysages patagons », répond-elle très sérieusement. Drôle de quête, étrange programme.
Car ici, à part les rafales qui sifflent parfois à vous en rendre sourd, mutisme et contemplation sont de mise. « Très vite, on s’aperçoit que cet espace est habité par mille petits bruits qui esquissent bel et bien ces paysages sonores que je traque », reconnaît Lauriane. De timides cris d’oiseaux, le grincement plaintif des arbres dans la tempête, le grognement des lions de mer, le craquement lointain des glaciers… Le moindre écho devient pour notre exploratrice une manière de compagnie.
Violence des éléments
« Lors de mon premier voyage à travers la Grande Ile de Terre de Feu, se souvient- elle, sur un total de trois mois et demi de pérégrination, je n’ai croisé, en dehors des zones urbaines, que trois personnes : deux estancieros, des employés des élevages qui n’en revenaient pas de voir une Française se balader seule dans les parages, et un vieil Argentin, un retraité avec qui je suis devenue amie. Aujourd’hui décédé, ce dernier vivait isolé et m’a accueillie chez lui sans hésitation un jour de très mauvais temps… »
Doctorante à la Sorbonne, elle mène ses explorations sonores dans le cadre d’une très sérieuse thèse pluridisciplinaire en ethnomusicologie et acoustique. Un travail de recherche inédit qu’elle a entamé à partir de 2011 et qui s’appuie sur une intuition de départ qu’elle vérifie au fil de ses incursions en Terre de Feu : « Mes explorations entre Rio Grande et Ushuaia, dans la réserve provinciale Corazón de la Isla, près du lac Fagnano, ou encore sur le canal de Beagle et à travers la réserve de biosphère du cap Horn reposent sur une conviction. Les sons des lieux peuvent encore nous apprendre des choses sur les peuples amérindiens qui les ont occupés jadis. A condition d’écouter attentivement ce qu’ils ont à nous dire », détaille-t-elle. De même que chaque recoin de la planète possède son odeur particulière, ses couleurs et ses températures, une ambiance tient aussi à l’acoustique.
«Chacun a pu en faire l’expérience, souligne la scientifique. Selon que vous soyez devant une montagne, dans une forêt, dans un désert ou au centre d’un théâtre antique, le paysage sonore influence la façon dont on occupe et perçoit un lieu. C’est cela que j’essaie de comprendre en y ajoutant le filtre de l’histoire, de la géographie et de l’anthropologie.» Partant de là, analyser la dimension acoustique d’un site archéologique, d’un ancien campement amérindien ou encore d’un sanctuaire dans lequel se déroulaient jadis des rituels chamaniques permet de mieux en expliquer le passé, voire de reconstituer une partie de l’environnement et de la culture de ceux qui y vécurent.
A partir de ce constat, la quête de la jeune chercheuse prit un tour plus urgent encore. Soutenue dans ses recherches par l’ethnologue et explorateur arctique Jean Malaurie, figure mythique de l’aventure en terre extrême, Lauriane multiplia les prises de sons et les tests acoustiques. Elle débusqua, sur ce territoire désormais vidé de ses premiers occupants, des campements oubliés, ainsi que 2 500 emplacements de huttes. Elle reconstitua même les anciens toponymes, en langue amérindienne, de ces lieux qui n’avaient plus pour noms que ceux que leur avaient donnés les Espagnols. Tout ce travail de fourmi permet aujourd’hui à Lauriane d’avancer que dans ces sociétés ancestrales, entièrement tournées vers la nature, les chants chamaniques et les rites s’inspiraient principalement des sons émis par les animaux, les arbres, les vagues, les vents…
Un peu plus au sud du canal de Beagle se trouve le point de passage du cap Horn, réputé pour être la «patrie officielle du mal de mer»… Et puis, il y a ces fameuses caletas, des fjords aux côtes spongieuses et aux arbres couverts de longs cheveux de lichens, des replis creusés il y a des millénaires par les glaciers. Ces labyrinthes sinuent en allant vers l’ouest, après Ushuaia, puis le long de la façade pacifique de la Patagonie chilienne et jusqu’à l’archipel de Chiloé. «La navigation est le seul moyen si l’on veut accoster sur les îlots et les criques qui essaiment un peu partout, rappelle Lauriane. Mon idée première était de déambuler en canoë à la manière des Yagans, mais techniquement l’expédition était trop complexe et très risquée.» Elle s’embarque donc comme équipière sur un voilier avec une famille française, pour une croisière de trois mois. Approvisionnement et appareillage à Ushuaia, puis traversée des eaux frontalières hautement surveillées par l’armada chilienne pour une première escale dans le port le plus austral du monde : Puerto Williams, sur l’île chilienne de Navarino, un haut lieu de la culture yagan. De là, cap à l’ouest pour zigzaguer à travers les deux bras du Beagle et explorer les rives à pied afin d’y recenser les campements.
Pour ce périple, l’acousticienne a amélioré ces outils d’investigation sonore. Des micros capables d’enregistrer dans toutes les directions, des enregistreurs derniers cris, des protocoles millimétrés et… une simple boîte en bois ! Acheté dans une quincaillerie d’Ushuaia, l’objet est au format d’un carton de chaussures. En tapant sur son couvercle, comme sur un tambour, il produit un bruit sec et fort, lequel résonnera dans le vide. De quoi tester l’écho d’un lieu et analyser la circulation du son dans un site donné. Inspiré du protocole élaboré en 1967 par François Canac (un scientifique français ayant travaillé notamment sur l’acoustique des amphithéâtres romains), ce genre de test avec une boîte permet de mieux comprendre les sites occupés jadis par les premiers habitants.
Une découverte cruciale
Après avoir quitté le bateau, Lauriane est de retour dans les steppes pour deux mois encore de recherche solitaire. Puis, en avril dernier, lors de sa dernière expédition, c’est au centre de la Grande Ile de Terre de Feu qu’elle fait sa découverte la plus importante. Direction le site Ewan I, autrefois utilisé par les Selknams pour le rituel initiatique des jeunes adultes dit du Hain. Etudié par le laboratoire d’anthropologie et d’archéologie du Cadic (Centre austral d’investigations scientifiques d’Ushuaia), le lieu abrite une hutte cérémonielle toujours sur pied et datée de 1905. «Là, raconte Lauriane, j’ai pu procéder à des tests acoustiques pour comprendre l’emplacement de cette hutte. Situé en lisière d’une ancienne clairière, Ewan I fonctionne en effet comme un amphithéâtre où les sons (chants, paroles, cris) sont absorbés, conduits ou déviés par le relief. Il est probable que ces effets ne relevaient pas d’un hasard mais étaient considérés dans le choix du lieu du rituel pour en assurer le bon déroulement.» De quoi éclairer d’un jour nouveau la thèse universitaire de l’acousticienne. «On pourra demain expliquer d’autres lieux sacrés en analysant la façon dont ils résonnent», s’enthousiasme t-elle en pensant déjà à son prochain voyage. Il sera pour bientôt, et peut-être à bord de son propre petit voilier. «Je rêve de traverser l’Atlantique», souffle notre Bretonne. Avant de mettre, à nouveau, le cap au sud. Vers ce pays fuégien qui a encore tant de nuances sonores à lui murmurer.
➤ Pour jeter une oreille aux sons récoltés par Lauriane, rendez-vous dans la vidéo ci-dessus.
L’étudiante et chercheuse française Lauriane Lemasson a détaillé les activités menées par trois membres des peuples Selk’nam et Yagan à Paris et dans d’autres villes européennes. Elle a souligné l’accueil qu’ils ont reçu et la possibilité de « se rapprocher de la place de l’autre, pour ne pas commettre les choses inacceptables qui se sont faites, dans une partie des XIXe et XXe siècles, en anthropologie ». Elle a souligné que sur les peuples autochtones, « le seul pouvoir que possèdent les colonialistes est d’imposer la honte de leur propre identité, mais aujourd’hui cette honte est devenue de la fierté », a-t-elle affirmé.
Por Redacción Infofueguina le jeudi 19 décembre 2019 · 08:30. Traduit de l’espagnol par l’association Karukinka
« J’ai présenté mon travail lors d’un colloque international à Paris, c’était en janvier 2019, et j’ai rencontré Denis Laborde qui est l’organisateur du Festival Haizebegi. « Il a suivi mes recherches, commencées en 2011, et lorsqu’il est venu au colloque, il m’a interrogé sur mon travail », a commencé Lauriane Lemasson, chercheuse française étudiante à la Sorbonne, en élaborant sa thèse sur « Le paysage sonore comme élément culturel ». ressource, dans le sud. » de Hatitelén (détroit de Magellan) », pour laquelle elle se rend régulièrement en Patagonie chilienne-argentine et entretient des contacts fréquents avec des membres des peuples autochtones.
Lemasson a déclaré qu’après l’entretien, l’oganisateur du festival Haizebegi lui a dit qu’elle avait « carte blanche » pour ce festival qui a eu lieu en octobre dernier à Bayonne – France, avec en arrière-plan une interview qu’elle avait réalisée à Punta Arenas avec Mirtha Salamanca, petite-fille de Lola Kiepja, et qui a été traduite dans différentes langues mais toujours « avec préavis à Mirtha elle-même, pour savoir si elle avait son accord », a précisé la chercheuse française.
Après avoir écouté l’interview, Laborde a proposé d’inviter Mirtha Salamanca au festival et a déclaré que « deux personnes supplémentaires pourraient être invitées, peut-être trois si nous avons la subvention », a mentionné Lauriane Lemasson, prévenant que l’association dirigée par Denis Laborde est soutenue par beaucoup d’efforts, avec ses propres contributions ou celles de collaborateurs, « mais sans financement direct de l’État », a-t-elle souligné.
Elle a déclaré qu’il s’agissait d’une association qui « travaille beaucoup avec les immigrés, sur des questions sociales et soutient de nombreuses causes humanitaires ». Dans ce but, on a souligné l’importance de se référer à la situation des peuples indigènes de la zone, en invitant – en consultation avec Mirtha Salamanca – Víctor Vargas Filgueira et José González Calderón, tous deux appartenant au peuple Yagan.
Lauriane Lemasson a précisé que tout le matériel présenté, ainsi que le contenu des entretiens et conférences, avait été élaboré et choisi par Salamanca, Vargas Filgueira et González Calderón. « Les initiatives sont nées d’eux, car l’idée était qu’ils définissent ce qu’ils voulaient partager avec les gens en France », a-t-elle souligné.
Elle a déclaré qu’ils ont pu parler « d’une variété de sujets importants tels que les élevages de saumons, le respect de leur culture par les artistes et les chercheurs, l’importance de redonner aux informateurs une copie des travaux lorsque le travail est fait pour qu’il ne soit pas perdu ». La chercheuse française a commenté que plus tard les membres des peuples autochtones ont pu échanger et partager avec des références locales, et dans ces contacts ils ont réalisé qu’en France aussi il y avait des peuples autochtones « parmi lesquels ceux de mes ancêtres », a déclaré Lauriane Lemasson, mentionnant qu’elle descend des Bretons.
Un autre contact important a été avec Pascal Blanchard, qui fait des recherches sur ce qu’on appelle les « zoos humains », et avec qui ils ont pu « se rendre compte qu’il n’y avait pas que des shelk’nam et des yagans exposés, mais qu’il y avait aussi des membres de peuples européens et d’autres parties du monde, c’était aussi important pour moi parce que j’ai découvert qu’il y avait aussi des gens de ma ville qui étaiten exposés là-bas », a-t-elle déclaré.
La chercheuse française a indiqué que c’est avec les zoos humains que « le racisme est né, car il vient de cette époque-là. Avant, il y avait l’ignorance de l’autre, mais pas cette hiérarchie entre les gens. Avec l’ère des zoos humains, le racisme est né et a été soutenu par les anthropologues et les scientifiques de l’époque, dans le but de comprendre l’évolution humaine. »
Elle a déclaré qu’ils avaient également eu « accès aux archives de (l’anthropologue franco-américaine Anne) Chapman, où c’était très fort de voir qu’ils pouvaient avoir un contact direct avec ce matériel. Ils ont également établit des contacts avec le responsable des Relations extérieures de la Conférence des présidents des universités françaises, Jean Luc Nahel, avec qui a été évoquée la possibilité de quelques projets futurs.
L’activité comportait, comme autre point fort, une conférence pour les étudiants français visiblement émus par les témoignages, notamment celui de Mirtha Salamanca et l’histoire de sa grand-mère Lola Kiepja. En conclusion, les étudiants, de leur propre initiative, ont décidé de déposer une note signée pour soutenir la demande de restitution des restes et « demander une réponse ».
Lauriane Lemasson a indiqué, enfin, qu’il est apparu au cours du voyage que le chercheur doit « se rapprocher de la place de l’autre, pour ne pas commettre les choses inacceptables qui se sont faites dans une partie des XIXe et XXe siècles en anthropologie. Il était également très important de savoir que les gens venaient demander quand les ateliers ont lieu, comme l’atelier de vannerie qui a été répété chaque our pendant 2h, relétant l’importance de la relation qui s’est établie. En conclusion le seul pouvoir que les colonialistes ont est née du fait d’avoir imposé au peuple la honte de leur propre identité, mais aujourd’hui cette honte s’est transformée en fierté », souligne la chercheuse française.
Mirtha Salamanca faisait partie d’une délégation de membres des peuples Shelknam et Yagan, qui se sont rendus en France pour mener différentes activités. Elle a raconté les conférences et réunions auxquelles ils ont participé et a souligné l’importance de « récupérer ce qui nous appartient ». Elle a également exprimé un regard critique sur le travail d’Anne Chapman avec son arrière-grand-mère, Lola Kiepja.
« L’invitation personnelle était due à la lignée de Lola Kiepja, mon arrière-grand-mère. J’y suis allé avec deux frères du peuple Yagan, Víctor Vargas d’Ushuaia et José González Calderón de Puerto Williams, et nous sommes restés environ 20 jours très intenses. Nous avons participé au festival auquel ils nous ont invités, organisé depuis six ans, où il y a de la musique et où différents sujets sont abordés », a déclaré Mirtha Salamanca, membre du peuple Shelknam.
Dans des déclarations à l’émission de radio « Desde las Bases », elle a déclaré que « dans ce cas, le thème était les peuples indigènes. La grande surprise, pour ceux qui étaient présents, a été qu’il y avait des shelknam et des yagans, car la version officielle était qu’il n’y en avait plus. A partir de là, l y a eu des autorités très importantes, nous avons visité les musées, c’était un précédent très important et nous allons continuer parce qu’il y a beaucoup à faire », a déclaré Salamanca.
Plus tard, elle a mentionné que « la connexion a été faite par Lauriane Lemasson, que j’ai rencontrée à Punta Arenas grâce à une invitation que m’avait adressée l’université et ensuite je l’ai rencontrée. Ce fut une grande surprise, elle fait un travail magnifique sur ce qui a à voir avec la toponymie de l’île, avec les sons de la nature, et ce travail a également été exposé au cours de ces journées », a souligné la membre du peuple Shelknam.
Prévoyant que la scientifique française « est sur le point de revenir en Terre de Feu, nous allons donc continuer à travailler. C’est très courageux, car cela sert à récupérer ce qui nous appartient. En France nous avons été en contact avec des étudiants universitaires, nous avons pu voir les archives d’Anne Chapman. J’ai pu voir quelques chroniques, c’est quelque chose avec lequel nous devons beaucoup travailler, nous devons profiter de cette opportunité », a déclaré Mirtha Salamanca.
Puis elle a commenté qu’ils donnaient également « des conférences dans une université en Espagne, nous avons pris contact avec le directeur du musée de Berlin. C’est vraiment une activité qui nous a laissé beaucoup de choses et nous avons pu faire une demande concernant le retour des restes humains qui se trouvent dans ces musées », a-t-elle confirmé.
Critiques pour Anne Chapman
Dans le même sens, elle a mentionné que lors des entretiens, ils ont évoqué « ce qu’était le zoo humain, car c’était un exemple clair de racisme. Nous savons ce qui est arrivé à notre peuple et nous avons pu le dénoncer là-bas », a-t-elle fait remarquer. Plus tard, à propos du travail d’Anne Chapman, elle le remet en question et déclare : « Je dis toujours que mon opinion, en tant que membre de la famille, est celle d’un désaccord avec ce qui a été fait avec ma grand-mère. »
« Beaucoup disent que cela servait à protéger quelque chose de ma grand-mère, mais j’aurais préféré qu’elle n’ait rien laissé. Parce que nous savons que les chants chamaniques étaient privés, ce disque n’aurait pas dû exister et a également été utilisé à mauvais escient. Vraiment pour nous, en tant que famille, c’est quelque chose de très triste. Je considère qu’Anne Chapman est venue avec tout le matériel, avec tout l’argent, ma mère, par exemple, n’a pas voulu l’accueillir parce qu’elle ne nous respectait pas », a déclaré l’arrière-petite-fille de Lola Kiepja.
Elle raconte que lorsqu’elle et sa famille se sont présentés à l’anthropologue franco-américaine, « elle a répondu qu’elle n’allait pas nous aider, parce qu’elle avait travaillé avec « les vrais ». Ne connaissant pas notre lignée et notre appartenance, les gens ne savent pas que derrière ces archives se cache une histoire très cruelle. Elle a même dit que Lola avait eu « 12 enfants, six purs et six impurs », qu’est-ce que cela veut dire ? Elle n’avait aucun respect pour la famille », a insisté Salamanca.
Un peuple outragé et la nécessité de récupérer l’histoire
Au cours de l’interview, elle a déclaré : « Nous savons que notre peuple a été violé, maltraité, nous devons donc avoir un peu de respect pour cette histoire. Nous sommes un peuple qui reste silencieux, mais nous combattons et travaillons. Nous avons découvert un documentaire dans lequel apparaissaient des images de nous dont nous ignorions l’existence. Pris sans aucune autorisation, nous avons beaucoup de choses à sauver, beaucoup de choses sur lesquelles travailler », a-t-il prévenu.
Il a indiqué que « quelque chose de différent peut être fait, je dis toujours que nous avons un État absent. Nous avons une entité de contrôle qui est l’Institut national des affaires autochtones, mais nous devons d’abord dire que nous ne sommes pas un problème. Il semble que nous devons être à leur merci, nous avons nos lois qui doivent être respectées », a-t-il affirmé.
Mirtha Salamanca a déclaré que parfois « c’est très regrettable, nous pensons que dans les écoles, il faut toujours dire la vérité. C’est pourquoi je dis que nous sommes vivants, je pense que nous devons raconter ce qui est arrivé à notre peuple, avec la soi-disant conquête qui était en réalité une invasion de notre peuple et de tous les peuples d’Amérique. »
« Parce que nous sommes un peuple préexistant et qu’ils nous ont tout pris, ils nous ont pratiquement imposé leurs lois. Je respecte l’hymne, le drapeau, mais ils nous ont été imposés. Nous avions les haruwen, nos groupes familiaux. Nous vivions librement, dans la nature, en harmonie, puis tout s’imposait. Nous devons travailler dur là-dessus, essayer de récupérer notre culture et dire la vérité. C’est l’activité que nous envisageons », a conclu le représentant du peuple Shelknam.
Photo: Facebook Lauriane Lemasson
Source : https://www.infofueguina.com/tu-ciudad/rio-grande/2019/11/11/mirtha-salamanca-trabajar-para-recuperar-lo-nuestro-42827.html Traduit de l’espagnol apr l’association Karukinka
Haizebegi musikaren munduak festibala kari gomitatu dituzte Victor Gabriel Vargas Filgueira eta Jose German Gonzalez Calderon yagan populukoak; eta Myrtha Salamanga Selk’nam populukoa, Argentina eta Txileko Suaren Lurraldetik, Lauriane Lemasson antropologoaren bidez, zeinak tesiaren gaia, preseski, bi populuen memoria baitu. Beraien lekukotasuna garraiatu dute, populu horiek jasandako genozidioa odolean daramate, baina bizirik daudela aldarrikatzen dute, biziaren alde borrokatzen dira.
Zertara etorri zarete?
MYRTHA SALAMANCA:Selk’nam populuko jatorrizko gisa etorri naiz gure egia kontatzera.
VICTOR GABRIEL VARGAS:Konkista bat izan delarik, badelako beti menperatua eta menperatzailea. Eta kultura batek desagertu beharra du bertzearen supremaziarekin. Eta horixe egin dute; Argentinako leku askotan islatua dago kolonoaren eta konkistatzailearen pasaia: estatuetan, beirateetan… Alta, denboraren pasearekin ohartzen zara gauzak ez direla horrela.
Zer ekarri duzue hona?
M.S.:Lola izena eman zion zuriak, baina egiazki Kiepja zuen. Amama kendu egin didate, haren memoria. Ez zen bizi erraza izan emakumeentzat. Haren kantuak xamanikoak ziren, sendatzeko balio zuten. Eta antropologoek edatera eman zioten kanta zezan, eta oraingo egunean musika ere ematen diote. Baina kantu horiek bazuten beraien funtzioa. Eta hori oso barnetik daramat. Funtsean, nire herriko emazteek bizi izandakoa da: bakardadea, bortxaketak, misio salestarrera eramandako seme-alabengandik bereizketak, eta gizonen hilketak.
V.G.V.:Badugu soroa hiritik kanpo, zalapartatik urrun. Eta geure buruari galdetzen diogu ea gure aitatxi-amamek nahi ote zuten 2×2 metroko etxetxorik? Nahi ote zuten sedentarioa izan? Jakinez herri nomada zela eta enbor-azalezko kanoetan nabigatzen zutela. Historia ez da ehiztari indigenena. Edo lanaren truke gure jendeari ematen ez zitzaien saria. Bada nagusitasun gaitza. Erabakitzeko botere horrek gu baztertzen segitzen gaitu.
Bortxak zizelkaturiko herriak zarete.
V.G.V.:[Jose de] San Martinek Andeak gurutzatu omen zituen, eta indioekin, mulatoekin eta gautxoekin —Argentinako gautxoa ere bazterkina izan zen—, idatzia utzi zuenez. Haiekin zeharkatu zuen, ez baitzuten erabakitzeko botererik: «Bazatozte, edo bazatozte». Eta kontatzen du Buenos Airesko aberatsek hiru zerbitzari ematen zizkiotela beraien haurrak harekin joan ez zitezen.
M.S.:Amak beti uste izan zuen ez zuela amarik, harik eta 1979an agertu zen arte. Orduan kolpeak, arropa pozoituaren banaketa kontatu zizkigun, haurrei banatzen zitzaizkien goxoki pozoituak… Behin baino gehiagotan eskapatu zen herrietatik hamaika kilometrora zegoen misiotik, baina Poliziak harrapatzen zuen bakoitzean zafratzen zuen. Esklabotza modu bat zen. Bizkarra sahats adarrez jotzen zioten, odoletan uzteraino.
Amamaren bizkar.
M.S.:Horregatik, amamaren argazkia denetan ikusten dudalarik, musika modernoarekin… errespetua eskatzen dut. Eta inork baldin badu dudarik, etor dadila baimena eskatzera, ez dezala liburutik har; galde diezagula. Egia ez da asmatzen. Baina borrokatzen gara bizirik garela errateko; gure amama ez zen azkena: hor gaude gu.
Indigenaren kosmobisioa aipatu duzu?
V.G.V.:Farmaziako medikamentuetan indigenok ez ditugu kutxak ikusten, baizik eta zein landaretatik atera diren. Landareotatik kutxetara iristeko bide bihurria eginarazten dizute, eta hori da kapitalismoa. Eta zein da Argentinaren eta Txileren etsairik handiena? Indigena; indigenak nahi duelako zuzen joan, bide bihurririk gabe.
Kosmobisio horretan, gizakiok badugu arima bat, eta hura badoalarik, gorpuak lurperatzen genituen saiengandik babesteko… Zientziak dio: «Mitologia!». Ez, ordea: gizakiak ziren, eta orduko zeremonia horiek oraingo eskola eta hezkuntza ziren.