Si vous prévoyez de passer à la Rochelle cet été, ne manquez pas ce voyage au bout du monde ! Créée par Sébastien Laurier et en partenariat avec l’association du phare du bout du monde et la ville de la Rochelle, cette fiction sonore et immersive vous transporte pendant une heure à l’extrême sud de la Patagonie, au départ du bureau du port de la pointe des Minimes.
Plusieurs membres de l’association Karukinka ont participé à ce projet, dont Mirtha Salamanca (femme selk’nam membre du conseil participatif indigène d’Argentine) et confiant sa voix française à Marie-Pierre Lemasson, trésorière de l’association et que Mirtha connaît depuis 2019, lors de sa première venue en France, dans le cadre du projet Haizebegi. Et oui, le personnage principal, Lauriane, n’est pas sans faire écho à la fondatrice de Karukinka…
Et si vous voulez aller encore plus loin, venez avec nous visiter le « vrai » phare du bout du monde avec nous l’hiver et le printemps (du nord!) prochains (février-avril 2025) à bord du voilier de l’association : Milagro. Plus d’informations sur : https://karukinka-exploration.com/patagonie-2025/
De bon matin nous levons l’ancre au moment de l’étale et à quelques encablures du château Moy, dans le Loch Buie (île Mull). La nuit dans ce loch ouvert au sud-ouest a été moyennement agréable : en cause une petite houle du sud arrivée avant le vent prévu dans la même direction et qui fait que Milagro a eu la fâcheuse tendance à se maintenir travers à cette houle (et à nous bercer, certes, mais nous nous en serions passé!).
Entre le démarrage moteur, la levée du mouillage, le nettoyage du lot de graviers et vase qui maculait la chaîne et l’ancre, et l’envoi des voiles pour n’avancer que grâce à elles, nous établissons un nouveau record du temps d’utilisation minimale du moteur : 20 minutes ! C’est sous artimon et yankee que nous sortons du loch, au près à 5,5 noeuds : à quoi bon forcer ?
Les prévisions sont bonnes (Sud 3 à 5 évoluant 2 à 4 durant quelques heures, avant de passer 3 à 5 puis de changer de direction pour Nord-Ouest 4 à 6 au sud de l’île Mull. Nous profitons de la marée descendante pour rester à bonne distance de la côte sud malgré une allure travers. Cette partie de l’île située entre le Loch Scridain (au nord) et la fin du Firth of Lorn (au sud) forme une péninsule appelée Ross of Mull. Plus nous nous dirigeons vers l’ouest plus les fonds deviennent complexes, avec de nombreux récifs entre lesquels passer pour atteindre notre objectif : Iona.
Les falaises de basalte (encore des orgues!) ont par endroit pris la forme de grottes et d’arches sculptées par l’érosion, et sont entrecoupées de magnifiques cascades et de criques de couleur turquoise. Abstraction faite de la température de l’eau (14 dégrés), cette couleur nous inciterait à la baignade ! Interpelés par la beauté du paysage, nous changeons de cap pour nous approcher au portant de la cascade de Malcolm’s Point, avant de reprendre notre route vers l’ouest.
Progressivement apparaissent les passages plus exigeants, dont ceux des Torran Rocks signalés par la cardinale Bogha nan Ramfhear et l’entrée vers le sud du Sound of Iona. Une fois encore, de nombreux moments de solitude (et de rire évidemment) ponctuent nos indications de noms des rochers, baies, écueils, îles et caps ! Nos rencontres avec des locaux ne parlant pas gaélique nous ont tout de suite rassurés quand nous avons évoqué ce point avec eux : ils bredouillent eux aussi ! Pour vous faire une petite idée, nous vous invitons à jeter un oeil à la carte de cette zone!
Carte extraite de la 3e édition du guide du Clyde Cruising Club, du Kintyre à Ardnamurchan (p.180)
Nous entrons dans le chenal séparant le Ross of Mull de Iona à la voile (au portant, 5,5 noeuds). Seul voilier à la voile dans le chenal en cette fin d’après-midi, nous nous refusons de gagner le nord à l’aide du moteur. Nous préférons prendre le temps de bien étudier la carte et de chercher les repères visuels à terre pour réaliser la traversée du chenal en nous basant exclusivement sur les alignements (cathédrale, Bull Hole,…) et indications du sondeur, plutôt que de suivre les écrans. Nous réalisons plusieurs relèvements au compas et manoeuvres d’empannage dans des passages relativement étroits pour contourner des sondes d’un grand banc de sable et rochers comprises entre 10cm et 1m60, puis l’île Eilean nam Ban et ses couleurs incroyables sur notre tribord. A la sortie l’espace s’ouvre à nouveau et nous rejoignons le mouillage de Port na Fraing et sa plage de sable blanc, rien que pour nous et sur 7m de fond ! (ceux de Martyrs’ Bay ou de Bull Hole sont plus fréquentés). Les 4 à 6 Beaufort prévus arrivent en fin de journée et nous sommes bien à l’abri dans le chenal, sous le vent d’Iona.
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Après une nuit reposante, nous partons en annexe vers le quai du ferry de Martyrs’ Bay pour visiter ce lieu sacré de l’histoire écossaise dont nous avait parlé Vicky Gunn, chercheuse en histoire médiévale que nous avions rencontré à Loch Melfort.
Iona est une petite île ouverte sur l’Atlantique avec pour seul terre émergée vers l’ouest à cette latitude les dangereux parages de Skerryvore (après eux c’est le Canada). Elle est bordée de récifs dont les noirs rochers contrastent avec des plages de sable blanc. Dotée d’un petit village comprenant tous les services essentiels (dont une petite école primaire) et plusieurs artisans (potiers, sculpteurs sur bois, joaillers, vanniers, tisseurs…), Iona est considérée comme l’un des principaux lieux spirituels d’Ecosse. Nombreux sont ceux qui y viennent en pèlerinage et/ou pour trouver le calme lors de retraites spirituelles.
Pourquoi cette petite île est-elle donc si importante ? C’est ce que nous allons vous partager plus en détails grâce aux informations transmises par Vicky, lors de notre visite puis des lectures et recherches qui s’en sont suivies.
Le premier constat est que l’importance culturelle et historique d’Iona est complètement disproportionnelle à sa taille. Habitée au moins depuis l’Âge du Bronze comme le montrent le site de Blàr Buidhe, ce n’est qu’à partir du VIe siècle que l’importance d’Iona est documentée. Plusieurs toponymes lui sont associés, dont “Ì”, “Ì Challuim Chille” (Iona de St Columba pour éviter les confusions), “Eilean Idhe” (l’île de Iona) et “Ì nam ban bòidheach” (Iona de la belle femme en gaélique), et ses habitants s’appellent les Idheach.
En 563 arrivèrent du nord de l’Irlande et à la voile Columba et ses douze disciples. Ils fondèrent la deuxième mission de christianisation de l’Ecosse, un siècle et demi après la précédente menée par Ninian sur l’île Whithorn en 397 et dont les préceptes auraient été diffusés jusqu’aux îles Shetlands. Le choix d’établir une église et un monastère sur Iona était stratégique puisque cette île était située sur une voie navigable permettant de relier Inverness et l’Irlande, mais aussi tout le monde celte. Comme Holy Island et Portmahomack, Iona devint rapidement un pôle de diffusion de la version celte de la religion chrétienne et de nouvelles idées et créations (dont enluminure/calligraphie, musique, peinture et artisanat d’art). Le faire depuis cet endroit était très efficace car il était situé sur un axe d’échanges culturels et commerciaux principal de l’époque. La petite communauté installée là développa également une économie de subsistance avec une importante activité agricole (cultures céréalières et élevage), de pêche et de construction. Ils n’étaient pas non plus complètement autonomes puisque pour un usage liturgique ils faisaient venir du vin, des pigments et des huiles du sud de la France ! Durant 34 ans, Columba développa des liens étroits avec la royauté, convertissant par exemple le roi Bruce et les Picts au christianisme, à la suite d’un combat spirituel qu’il gagna contre le référent de leur royaume. Columba aida également, jusqu’à sa mort en 597, à l’établissement d’un royaume indépendant en Ecosse de l’ouest : l’Argyll. La plupart de ces informations est parvenue jusqu’à nous grâce à Adomnàn, diplomate, successeur et biographe de St Columba ayant dirigé la mission durant 25 ans, au VIIe siècle. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages majeurs pour comprendre cette époque dont La Vie de Saint Columba (“Vita Sancti Columbae”, env. 690) et La Loi des Innocents (“Lex Innocentium” de 697).
Aux VIIIe et IXe siècles, les Vikings attaquèrent à plusieurs reprises Iona, attirés par les trésors du monastère. En 825 eu lieu l’un des pires raids viking : l’abbé Blathmac et les moines l’accompagnant furent torturés dans le but de leur faire avouer le lieu où étaient cachées les reliques de St Columba, un poème indiquant qu’ils reposeraient dans un coffre recouvert d’or et d’argent. Suite à l’absence d’aveux, ils furent massacrés dans une baie nommée ensuite Martyrs’ Bay. La peur de ces raids et leur répétition étaient telles que s’en était déjà suivit un exode de nombreux religieux qui avaient pris le soin d’emporter avec eux les plus importantes reliques (dont les os de St Columba) et un autre trésor: le Livre de Kells (créé à Iona 200 ans après la mort de St Columba, ce livre est considéré comme l’un des plus remarquables ouvrages religieux de l’époque et est désormais visible au Trinity College de Dublin). Malgré ces attaques continues, le monastère resta actif et ce n’est qu’au Xe siècle que la fréquence des raids diminua, lorsque les Vikings installés dans les Hébrides se convertirent au christianisme, adoptant St Columba comme leur saint patron. Plusieurs pierres tombales gravées et conservées dans le musée montrent l’influence viking avec des inscriptions runiques.
Au XIe siècle Iona et la plupart des îles de l’ouest écossais étaient sous le pouvoir du roi de Norvège. La distance compliquant grandement les possibilités de gouverner la région, ce dernier confia cette tâche à un guerrier gaélico-norvégien : Somerled. Ce dernier devint le premier Seigneur des Îles, prenant le contrôle d’une région s’étendant du Kintyre aux Hébrides extérieures et ayant pour descendants les MacDougalls of Lorn, MacDonalds of Islay et MacRuairis of Garmoran, plusieurs d’entre eux ayant joué un rôle essentiel dans les manoeuvres politiques et guerres d’indépendance du XIVe siècle.
Lors de notre excursion à terre et pour nous rendre à l’abbaye, nous avons traversé les ruines d’un couvent et suivi la rue des morts (“Sràid nam marbh”), une rue pavée de granit rose reliant la baie des Martyrs avec le tombeau de St Columba situé au centre de l’abbaye bénédictine construite au XVe siècle. Cet itinéraire n’est autre que celui emprunté par les pélerins et lors des processions dédiées aux sépultures d’acteurs importants du monde gaélique dans le cimetière Reilig Odhrain entourant la chapelle St Oran construite au XIIe siècle (la plus vieille structure intacte de l’île). Dans ce cimetière reposeraient 48 rois d’Ecosse (dont Macbeth / Mac Bethad), des membres du clan MacDonald Seigneur des Îles ayant pour certains des ascendants Norse (MacKinnons, MacLeans et Macleods) et, dans la petite chapelle d’une simplicité déconcertante, les corps des plus importants seigneurs et chefs de guerre des îles de l’ouest écossais. De nombreuses pierres tombales anciennes sculptées sont encore dans ce cimetière et d’autres ont été déplacées pour mieux les préserver dans le musée ou le cloître de l’abbaye. Les premières croix sur les tombes, assez conventionnelles aujourd’hui, seraient apparues à Iona aux environs de l’an 600, comme le montre les plus anciennes croix ornées de symboles sophistiqués et aux designs variés, comme le montrent les différents exemples vus dans le musée adjacent à l’abbaye.
Nous sortons ensuite de ce cimetière pour nous rendre sur le promontoire rocheux (“Torr an aba”) faisant face à l’abbaye et d’où Columba travaillait. Cet emplacement offre une vue imprenable sur le Sound of Iona, l’extrémité du Ross of Mull et la petite chapelle abritant le tombeau de St Columba située juste derrière la réplique d’une imposante croix en granit sculptée et dédiée à St Jean (l’originale est dans le musée). Cette abbaye a été construite après l’arrivée au XIIIe siècle de moines bénédictins et de soeurs augustiniennes invités par Ranald, Seigneur des Îles et descendant de Somerled, pour revitaliser la vie religieuse sur l’île et moyennant des moyens de subsistances plus conséquents. Plusieurs attaques armées vinrent saboter ce nouveau monastère, plusieurs chefs religieux irlandais n’acceptant pas de perdre leur connexion et leur influence sur Iona. A la suite du traité de Perth (1266) entre la Norvège et l’Ecosse, Iona revint au royaume d’Ecosse et devint progressivement un important lieu de pèlerinage, jusqu’à la Réformation de 1560 qui signa la fin des monastères en Ecosse.
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Plusieurs tentatives de restauration ont ensuite été menées, sans succès, conduisant progressivement les bâtiments à l’état de ruines à la fin du XIXe siècle, comme l’attestent plusieurs photographies prises avant d’importants travaux. Le 8e Duc d’Argyll, propriétaire de l’île, commissionna un architecte pour consolider les ruines puis céda l’abbaye, le cimetière et le couvent au Iona Cathedral Trust en 1899. D’importants travaux de rénovation furent lancés et 6 ans plus tard, un premier office pu déjà être réalisé dans l’église partiellement rénovée. Les décennies suivantes furent dédiées à la restauration du monastère et de toute la partie ouest du cloître, sous l’impulsion de la Iona Community, une communauté chrétienne travaillant pour la paix et la justice sociale et ayant des membres dispersés dans le monde entier. En 2000 le Iona Cathedral Trust finit par céder l’abbaye, le cimetière, l’église Saint Ronan et le couvent au monuments historiques d’Ecosse. La cathédrale est aujourd’hui en bon état et entretenue grâce aux fonds issus des visites et de dons.
Bref, vous l’aurez compris, Iona est le lieu à ne pas manquer lorsque vous vous rendez aux Hébrides, c’est un peu le “St Jacques de Compostelle” écossais et quitte à faire le pèlerinage, celui-ci se fait selon nous plutôt à la voile qu’à pieds. Même si vous n’êtes pas passionné.e d’histoire, la beauté du monument et de ses environs sont marquants, ils ouvrent une parenthèse qui vous transporte à différentes époques et permettent de porter ensuite un autre regard sur ces îles. Iona crée un véritable espace pour l’imaginaire, faisant finalement écho à ce que nous recherchons aussi dans la navigation et les longues déconnexion du tumulte qu’elle procure, en harmonie avec car dépendants des éléments. Cette sensation se retrouve aussi résumée dans les mots du compositeurs Felix Mendelssohn, en 1829, mentionnés sur l’un des murs de la sortie du cloître : “When in some future time I shall sit in a madly crowded assembly with music and dancing round me, and the wish arises to retire into the loneliest loneliness, I shall think of Iona.” (traduction : “Quand dans le futur je serai assis au sein d’une assemblée follement bondée, avec de la musique et des danses autour de moi, et que se fera sentir le désir de me retirer dans la solitude la plus solitaire, je penserai à Iona.”)
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N’ayant pas vu le temps passer, ce n’est que tard dans l’après-midi que nous rejoignons Milagro, grignotant rapidement quelque chose avant de lever l’ancre pour profiter des bonnes conditions pour rejoindre Staffa puis Ulva avant la tombée de la nuit.
Petit bonus : les lumières du couchant sur les récifs et embruns au sud de Iona quelques semaines plus tard, au retour des îles Treshnish.
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C’est après une superbe escale faite de rencontres aussi belles que les paysages environnant que nous quittons Loch Melfort pour nous diriger vers le sud de l’île Mull. Pour ce faire, plusieurs options existent et nous retenons celle du Cuan Sound, un chenal (assez) étroit séparant l’île Seil de ses voisines du sud, Luing et Torsa. Les conditions étant trop calmes pour avancer uniquement à la voile et arriver à temps pour le bon moment de marée, c’est avec un appui moteur que nous nous engageons dans le chenal. Les “eddies” (tourbillons) indiqués sur la carte sont bien là, accompagnés de veines de courant assez anarchiques au passage par le nord d’An Cléiteadh. L’équipage du petit ferry de Cuan, reliant Seil et Luing, nous salue et, passées quelques ruines en sortie de chenal où paissent ovins et bovins, nous entrons dans le Firth of Lorn intérieur (Ann Linne Latharnach en gaélique), hissons les voiles et éteignons le moteur pour traverser cette baie au portant et toutes voiles dehors, sous un grand ciel bleu sans nuages.
Le Firth of Lorn(e) est une baie située dans la continuité de la faille Great Glen (celle du canal Calédonien). Ce lieu est classée, compte tenu de la diversité des paysages et des espèces qui le peuplent, en tant qu’aire protégée depuis 2014. Comme le montrent les cartes bathymétriques du Firth of Lorn, le relief des fonds est semblables à celui de la surface : des falaises, des replats et des pics. Tout ceci participe à créer des conditions très diverses où se rencontrent des espèces atteignant respectivement leurs limites de migration nord ou sud. La morphologie des fonds et son ouverture vers l’Atlantique font qu’il vaut mieux s’y présenter par beau temps pour éviter les vagues statiques et les tourbillons. Les effets de la marée y sont forts, avec d’importants courants issus de la Great Race. En notre faveur lors de la traversée, ce courant nous accompagne vers le Loch Spelve.
Nous entrons sous voile en soirée, le long de falaises verdoyantes et nous révélant les premiers témoignages d’un volcanisme actif il y a plus de 40 millions d’années : des colonnes de basalte (issues de la lave) à l’est et au sud du loch et un mélange de granophyre (contenant du quartz) et de grès incrusté d’olivine (roche sédimentaire sableuse) à l’ouest et au nord.
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Nous laissons de chaque côté des fermes marines et jetons l’ancre au fond du loch ouest, au son des cris des huîtriers pies en vol et des bêlements des moutons. Le calme y est total et pas un remous ne rompt la quiétude nocturne.
Le lendemain nous partons à pieds pour le Loch Uisg, un grand lac situé dans l’axe de la faille Great Glen et entouré par Loch Spelve au nord-est et Loch Buie au sud-ouest. Tout le long du chemin nous nous émerveillons des rhododendrons qui, contrairement à chez nous où ils sont de taille arbustive, composent de véritable bois denses et richement colorés. L’église Kinlochspelve surplombe la rive est et s’ouvre devant nous l’horizon d’un plan d’eau sur lequel chacun imagine quel sport il pourrait y pratiquer : planche à voile, kayak, wingfoil, kite, dériveur… les idées ne manquent pas et le petit ponton voisin d’un lodge nous confirme que nous ne sommes vraiment pas les premiers à y penser !
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Nous continuons notre marche vers Loch Buie afin de visiter le château Moy du clan des MacLaine de Lochbuie. Construit en 1450 par Hector Reaganach Maclean, ce château de trois étages et directement alimenté en eau douce au rez de chaussée, a été reconnu par le roi d’Ecosse en 1494. Il a été érigé à deux pas de la rive afin de permettre aux navires d’y accéder aisément. Un arc de pierres toujours visible servait de piège à poissons et plusieurs gros blocs facilitent le débarquement depuis de petites embarcations. Il fût le théâtre d’affrontements comme lors de la révolte jacobite de 1689. Ce château a dû être restauré à l’issue de cette période et a aussi été modifié au fil des siècles pour en améliorer le confort (ex: installation d’une cheminée au XVIe sicèle). Ce n’est qu’en 1790 que le clan des MacLaine de Lochbuie le quitta au profit d’un habitat voisin plus confortable, une fois des temps plus paisibles revenus : la maison Moy. Durant plusieurs décennies l’utilisation du Moy Castle s’est retrouvée réduite à celle de son donjon en tant que prison.
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Le loch est tellement beau que nous nous décidons à y revenir avec Milagro et profitez d’une nouvelle excursion le lendemain vers les mégalithes. Au retour à Loch Spelve nous ne sommes plus seuls au mouillage et rencontrons le sympathique équipage voisin, un trio d’écossais impressionnés par la taille et la ligne de notre Milagro. Nous les invitons à bord pour le café du lendemain matin, avant de lever l’ancre vers Loch Buie.
La navigation se fait au travers (4-5 beaufort) sous le vent de l’île Mull. Nous nous approchons du Moy Castle et savourons une vue splendide sur le plus haut sommet du loch : Ben Buie (717m). Nous jetons l’ancre dans une échancrure du loch et débarquons pour aller voir ces fameuses mégalithes. Il fait si beau que des baigneurs profitent de la plage voisine et nous, nous ne tardons pas à quitter les coupe-vent et préférer les t-shirts. La ballade vers les mégalithes nous mène à la rencontre d’une réunion entre cervidés et ovins. Nous suivons les pierres blanches nous indiquant le chemin jusqu’au cercle de mégalithes. Avant l’arrivée, un autre site est repéré par Lauriane, à quelques centaines de mètres, semblable à certaines tombes de type tumuli visibles au sein du site mégalithique de Saint Just en Bretagne (composées de plusieurs chambres et d’un couloir d’entrée). La vue du cercle de mégalithes fascine : que signifie t’il ? L’absence de consensus scientifique sur le sujet permet à chacun d’y projeter son imaginaire et d’y voir un site rituel, un monument lié à l’alignement des astres ou encore un lieu de rassemblement pour faire la fête !
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Après un dîner au mouillage le ciel se charge et un peu de roulis apparaît pour nous bercer. Nous nous préparons pour la navigation suivante vers Iona, l’île sacrée.
D’ici peu nous publierons une petite vidéo résumant nos escales à Loch Spelve et Loch Buie et intégrant des images du cercle de mégalithes.
Sonia Blampain relate sa navigation en équipage qui a mené Capella, un sloop de 40 pieds, de la Bretagne jusqu’à la Terre de Feu. À l’arrivée à Ushuaia, un grand moment de bonheur et de fierté.
Le canal de Beagle | D.R.
Cela fait bientôt huit mois que je vis avec le capitaine le voyage de Capella vers le cap Horn ! Nous avons d’abord été six mois en équipage, à quatre. Capella, c’est un sloop de 40 pieds de 2007 de chez Bénéteau. Acheté en 2011 à Cherbourg, il a été entièrement préparé́ l’hiver dernier pour ce périple, après un convoyage, à l’été 2022, avec un ami, Éric, de Léros en Grèce jusqu’à Locmiquélic en Bretagne, où j’étais déjà !…. Il s’est assuré que je tenais la mer. Avec Patrick, le second de cette nouvelle aventure, ils ont notamment fabriqué une casquette en contreplaqué marine et plexiglas, pour affronter les vents redoutables de la terre de feu, du canal de Beagle, du détroit Le Maire et de l’archipel du Horn…
Patrick et le capitaine font la casquette… | D.R.
C’est son Graal de marin, le Horn : le capitaine navigue depuis l’enfance, il a tout appris de son père, pilote d’un sous-marin et heureux propriétaire d’un pêche-promenade – un luxe dans les années 70. D’autres de la lignée ont eu également le pied marin ; ce passage du fameux cap, c’est un clin d’œil à̀ tous ces ancêtres, grands-oncles (dont un qui fut capitaine au long cours), un arrière-grand-père maître saleur sur un terre-neuvas (encore à̀ la voile), mort d’une gangrène et inhumé en mer à̀ Terre-Neuve et son grand-père maternel, décoré́ de la Croix de guerre après la bataille de Norvège, lors de la Seconde Guerre mondiale… Tous des grands bourlingueurs des mers !
Capella face au cap Horn, le 16 janvier 2024. | D.R.
Cette traversée audacieuse s’est faite en deux temps : partant de Locmiquélic, nous avons mis le cap pour les Canaries en août 2023. À bord, Patrick, Cécile, le capitaine et moi-même. Nous avons eu des conditions de navigation idéales, nous avons été souvent entourés de dauphins, il y a eu une petite saute d’humeur de « Robert », le pilote automatique, un soir de vent mais rien d’alarmant ! Nous avons fait une escale à Porto puis à Lisbonne. Ensuite nous avons découvert (ou redécouvert pour certains) Madère avec le départ de Cécile et l’arrivée de Marc en VIP.
Escale aux Selvagens
Nous avons repris nos navigations vers les Canaries et nous avons débarqué tels des aventuriers, jouant avec le ressac sur l’archipel des Selvagens où l’un des gardiens nous a promenés parmi les rochers et les nids de puffins, magnifique !
Enfin, nous sommes arrivés jusqu’à la jolie ville de Santa Cruz de la Palma pour atteindre un peu plus tard Tenerife, où le bateau nous attendra trois semaines, le temps d’un retour en Bretagne afin de régler des affaires et de revoir les proches, notamment le fils du capitaine, Josselin, sportif des mers lui aussi… Et pour moi, l’occasion de faire un vol plané dans des escaliers ! Pas de casse mais un corps couvert d’ecchymoses, un pied droit foulé me donnant un handicap certain pendant les deux mois suivants, et sur un voilier, c’est pas le pied !
Capella sous spi quittant la Canaries. | D.R.
La deuxième partie du périple vers le grand sud, mi-octobre, s’organise encore à quatre mais cette fois avec Pierre-Ahn, moussaillon sur le bateau familial dès l’enfance. Il a pris la place de Cécile dans la cabine avant !
Le 23 octobre 2023, nous larguons les amarres, cap sur Mindelo… Comme la voile est une activité sportive pleine de surprises, c’est à̀ ce moment-là que le pilote décide de faire de sévères caprices, un coup je marche, un coup je ne marche pas, sans prévenir et sans logique ! Nous sommes aux aguets et le capitaine très soucieux… Responsable, il nous invite à̀ continuer à̀ dessiner de nouveaux sillages avec Capella, il va trouver une solution. Lors d’une prise de ris, c’est la grand-voile qui va se déchirer, un mouillage s’impose pour une réparation illico presto. En prime, un boulon qui tient le safran est cassé ! La mer : « Ne rien attendre sinon l’inattendu ! »
« Roberta », un nouveau pilote
Nous poursuivons notre route, la décision a été prise de changer de pilote. Murielle, une amie, nous rejoindra à̀ Mindelo avec « Roberta », un nouveau modèle qui pour ce long périple loin d’être anodin, nous est essentiel ! Sa valise sera chargée…
Car, au cours du trajet, vers trois heures du matin, c’est au tour du rail de chariot de grand-voile de nous faire des siennes, il explose lors d’un empannage, à cause des caprices de Robert… Allez hop ! Tout le monde sur le pont, à̀ aider à la réalisation d’une réparation de fortune. Le vent souffle à 25 nœuds, on est sous génois seul. C’est grâce aux manilles textiles que le capitaine aime à̀ fabriquer et à l’intervention efficace de chacun, en synergie, que nous pouvons continuer notre route. Les poissons volants nous accompagnent par série ! En félicité ! J’adore les regarder !
“La petite sirène”… | D.R.
Notre arrivée au Cap-Vert est musclée, j’ai appris à barrer en pleine nuit, pendant l’un de mes quarts, 2 heures et demie d’affilée, par force 6/7, car Robert a totalement rendu l’âme… À quai, après l’arrivée de Murielle et du matériel adéquat, le capitaine va rester enfermé trois jours dans ce qu’il nomme la cave afin d’installer Roberta ! Ce n’est pas une mince affaire.
Sa persévérance, malgré les 30° C en journée, nous amène jusqu’au jour J de l’essai. Frémissant d’impatience, nous constatons avec joie que ce nouveau pilote est heureux du savoir-faire de son capitaine : Capella est fin prêt pour la grande aventure, il a une cinquième équipière fiable qui saura nous seconder, en sécurité, jusqu’au grand Sud !
Pendant cette aventure, nous avons traversé bien des péripéties : un orage énorme avec des éclairs en ronde autour du bateau, la perte de notre radeau de survie que nous avons su repêcher malgré́ les 27 nœuds dans les canaux, la sortie houleuse de la ria San Blas en Argentine, qui a cassé le réducteur du guindeau et a fendu un plexi avec une vague énorme, un OFNI qui nous a frôlés, un cargo qui nous fait de l’œil… L’expérience du capitaine, des autres marins, mon attention, moi qui suis un matelot depuis à peine trois ans et notre bonne étoile ont toujours épargné notre belle embarcation, Capella la bien nommée.
Le capitaine et l’artiste Joachim Torres Garcia. | D.R.
Lors de ce voyage, après Mindelo, nous avons mis le cap sur Fernando de Noronha, île brésilienne étonnante de beauté, une escale entre robes-filets transparentes où l’on devine des bikinis et les plages de sable fin splendides, bordées de cocotiers… Pendant la traversée de l’Atlantique, ensemble nous avons vécu le passage de l’équateur, où Neptune est venu baptiser les novices des mers comme il se doit afin de les accueillir dans son royaume.
Gourmandises argentines
Nous avons vogué dans le pot au noir avec ses gros grains, savouré des douches sur le pont et tout au long des nombreux milles, les pêches toujours plus énormes de Pierre-Ahn et des marins enthousiastes comme des gamins, et un jour jusqu’à deux thons jaunes de plus de 15 kilos coup sur coup. On en offrira dès notre arrivée, lors d’une escale à Quequen, en Argentine, afin d’éviter un force 8 car l’accueil au club nautique Vito Dumas sera merveilleux de gentillesse…
C’est là que nous ferons connaissance avec la Prefectura, soit le lourd processus administratif de l’Argentine… Et que la tendresse de la viande élevée dans la pampa des ranchs, accompagnée de vins locaux ainsi que les empanadas, délicieuses spécialités de petits chaussons fourrés, nous régaleront… Le voyage, c’est aussi cela, des gourmandises !
Pierre-Ahan vient de pecher un thon. | D.R.
Enfin est venu le moment de l’entrée dans le détroit Le Maire puis dans le canal de Beagle, le moment des mouillages sauvages et hors norme comme seul sait le faire le capitaine. Puis l’arrivée triomphante à Ushuaïa où nous attend un couple d’amis, navigateurs aussi, ravi de partager un bout de l’aventure, celui qui va dessiner les sillages dans l’archipel du Horn et le passage du cap ! Et ce sera une réussite ! Le cap se laissera approcher sous voiles et deviner dans une brume digne d’un paysage de Bretagne Nord ! Nous sommes heureux, heureux comme qui… le capitaine !
L’équipage au cap Horn. | D.R.
Dans le club d’Ushuaïa, où flottent des unités hors norme, en acier ou en alu, comme dans les ports de Puerto Williams, de Punta Arena, de Puerto Deseado, de Piriapolis ou de La Paloma, quand les marins viennent causer avec nous en nous demandant notre programme, ils sont toujours stupéfaits et de concert, regardant Capella le magnifique, sloop de plastique rutilant d’entretien, nous lancent : « Vous avez fait le cap Horn avec ça ? »
On a fait ça avec « ça »
Oui, le capitaine et notre équipage, nous avons réussi à déployer les voiles de Capella à travers les eaux de la terre de feu, dans les canaux de Patagonie et dans l’Atlantique. Capella a déjà̀ sillonné une bonne partie de la Méditerranée et a réalisé plusieurs fois la traversée vers les Antilles… C’est bien avec « ça » que nous sommes maintenant cap-horniers ! Que nous avons remonté l’avenue des glaciers où un soir, lors d’un mouillage, près du glacier de Pia, Capella s’est retrouvé entouré de grelots, dont un de plusieurs tonnes qui a séjourné́ gentiment toute la nuit, bloqué par les amarres à terre, se languissant de s’être fait prendre ainsi, à quelques mètres du bateau… Il a disparu au petit matin ! Ouf ! Enfin, pour regagner l’Atlantique, nous avons emprunté, avec « ça », le mythique canal de Magellan, avec des vents à contre… Comme l’a écrit Antoine de Saint-Exupéry : « L’impossible recule toujours quand on marche vers lui. »
Capella et les grelots. | D.R.
L’audace et la confiance du capitaine tout au long de ce périple, nous ont procuré la joie de rencontrer des grands marins d’acier comme Christophe Augier, Marc et Sylvie, Robin et Amanda de Chamade, Théo, Samantha, Gabriel et Fabien de Metapassion, Éric et Patricia à La Palma, André Brenner, qui a construit le phare du bout du monde sur l’île de Los Estados, au détroit Le Maire, et bien d’autres encore comme Thibault à La Paloma sur son Yka, Gérard et Klorane sur leur vieux gréement unique au monde, L’Albatros, Frédéric et Martha, respectivement skipper et chef cuisinier sur des yachts de 28 mètres…
Au Brésil, où nous allons bientôt laisser le bateau pour quelques mois, lors d’un mouillage face à la praia Tereza, à Ilhabela, la merveilleuse, Fanch viendra toquer sur la coque de Capella qui arbore toujours fièrement son Gwen ha Du et avec un grand sourire nous présentera une assiette de crêpes toutes fraiches ! Quelle belle madeleine de Proust ! Voilà trois ans qu’il navigue, il est parti du Crouesty. Il est animateur et cuisinier, amoureux de la mer. Sacrés marins !
Des équipiers comblés
L’audace et la confiance naturelles du capitaine lui ont permis d’accepter ma demande, moi la « petite sirène » – c’est ainsi qu’il m’a nommée dès notre rencontre –, ma demande de voyager à ses côtés, de continuer à découvrir et à apprendre la navigation dans cette aventure de plusieurs mois, d’oser le cap et la pleine mer, sachant mon caractère entier épris de solitude ! Il a accepté, je l’en remercie. Il a construit différents équipages où Cécile la Bretonne, férue de voile, est venue un bout, au début, où nous avons été soudés des mois entiers avec Patrick, le second, passionné de photographie et de randonnée – d’ailleurs lors de l’une d’entre elles nous avons découvert, émus, le squelette d’une énorme baleine étendu dans l’humidité ombragée d’un espace sablonneux, au Chili.
Le capitaine et la “petite sirène”. | D.R.
Marc nous a régalé de son bon sens marin, de ses connaissances d’ingénieur en électricité́, de ses recettes et de ses blagues. Pierre-Ahn, le quartier-maître, passionné lui aussi de photographie, embarqué sur Capella avec son drone, nous a offert des vues et des lumières à couper le souffle, à la hauteur de sa réactivité́ marine et de sa sagesse. Puis Jean Bernard et Christine, toujours heureux de vivre, les sens à fleur d’eau, d’air, de ciel comme le capitaine, qui naviguent comme ils respirent, sont venus spécialement en Terre de Feu pour le Cap…
Après leur départ, c’est Cauane, la Brésilienne dont le prénom signifie tortue, mordue de kitesurf, qui a goûté à la navigation à la voile ; elle s’est étonnée de tous les bruits et les mouvements constants d’un bateau mais même lors de ses craintes elle ne s’est jamais plainte et elle a essayé d’être rapidement apte à la solitude des quarts ! Aujourd’hui, en cet automne de l’hémisphère Sud, nous bouclons une autre étape, de Buenos Aires à Paraty, à deux ! La pleine mer en équipage est aussi une aventure de promiscuité́ humaine qui demande bienveillance et communication, ce n’est pas toujours chose aisée ! La mer exige une grande énergie physique et mentale, de la souplesse, de la rigueur, de la patience, de la concentration et tant d’autres qualités… C’est l’école de la mer. Pour tout un chacun, quel que soit l’âge…
De tout ce périple, nous retiendrons également l’immense révolution satellitaire Starlink qui nous a permis d’avoir Internet au large donc la météo et tant d’autres liens utiles partout où nous sommes passés, jusqu’au cap Horn ! La nécessité d’une préparation du bateau aux petits oignons car malgré tout, il y aura des imprévus et des avaries… Et l’assurance, dès le départ, que le chemin se dessine au fur et à mesure des sillages, des morceaux de vie apprécies, des difficultés dépassées…
« – Alors, capitaine, en route pour de nouvelles aventures ?
C’est en fin de journée que nous arrivons tranquillement à la voile à l’extrémité Est du Loch Melfort, jetant l’ancre dans un fond vaseux bien collant (pour la chaîne et le pont aussi d’ailleurs…). A peine arrivés, Damien reçoit un appel d’un de ses amis et ancien élève, Christian, en route depuis Leeds pour nous rejoindre à bord pour la soirée ! Passionné par l’Ecosse, il est une source intarissable d’idées de lieux à visiter, tous plus reculés, intéressants et sauvages les uns que les autres. Les cartes papier et celles de la tablette se sont progressivement retrouvées garnies de petits points supplémentaires et d’annotations. S’ajoute à cela une petite liste de livres à consulter… De quoi répondre à nos envies d’explorer et d’apprendre pour des semaines voire des mois… !
Le lendemain matin, à l’arrivée au petit ponton de l’hôtel de Kilmelfort avant de faire route avec Christian vers Oban pour un avitaillement en produits frais, une deuxième belle surprise nous attend : la rencontre avec Vicky et Margaret, toutes deux occupées sur leur magnifique petit voilier. Nous pensions prendre le bus pour revenir d’Oban, c’est finalement Vicky qui passera nous chercher directement au supermarché ! Lors de ce trajet sinueux entre lochs et collines, nous l’invitons, ainsi que Margaret, à venir visiter notre “huge sailboat”, qui appartient à l’association Karukinka. S’ensuivent les questions sur le pourquoi du comment de l’association, du navire, des recherches de Lauriane et de notre venue en Ecosse… et elle nous apprend qu’elle est chercheuse en histoire médiévale à l’université de Glasgow.
C’est après le déjeuner du lendemain qu’elle vient nous faire un magnifique cadeau : plusieurs heures de cours d’histoire médiévale écossaise dans le carré de Milagro ! Carte à l’appui, références historiques, informations sur l’histoire cachée de lieux et de dynamiques de peuplement,… nous n’en perdons pas une miette. “Ici l’histoire a été faite par les navigateurs, à la voile” . Cette remarque pleine de bon sens compte tenu de la morphologie des lieux nous rappelle qu’effectivement, les échanges d’idées, les influences culturelles, les batailles, les invasions de toutes parts, les processus de colonisation, les vagues de réformes religieuses, les évolutions technologiques,… ont existé grâce à la voile (et à la rame…).
Notre parcours, de la Bretagne à la Norvège via l’Irlande et l’Ecosse n’est autre que celui d’un axe d’échanges majeur depuis des milliers d’années. Présence celte puis romaine, premières missions chrétiennes (VIe siècle), guerres tribales entre les Picts et d’autres groupes, invasions vikings, fonctionnement clanique très ancré dans la culture écossaise… Chaque île, des Hébrides aux Shetlands, porte en elle des histoires chargées de vent et d’embruns que l’érosion efface progressivement à notre vue mais que des archives précieusement gardées au fil des siècles sauvent de l’oubli. C’est un véritable travail de fourmi que Vicky Gunn et nombre de chercheurs en histoire écossaise réalisent pour comprendre le territoire à différentes époques. Ils donnent du sens à ce qui nous entoure, des mégalithes aux ruines de châteaux, nous invitant à nous documenter toujours plus.
La bibliothèque de Milagro s’est donc à nouveau étoffée de quelques ouvrages supplémentaires, sans parler de ceux que Vicky prévoit de nous recommander d’avoir à bord, et c’est sous peu qu’un dictionnaire gaélique-anglais embarquera pour nous aider à comprendre ce que signifient les noms des lieux où nous naviguons. Un rdv est pris : à notre prochain passage à Loch Melfort, c’est sûr nous irons rendre visite à Vicky et Margaret !
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Avant de reprendre notre route vers le nord, le week-end passé, est venu le temps des retrouvailles pour Damien : le retour à Kames Fish Farm. C’est anxieux qu’il est venu se présenter à l’accueil de la ferme : après 20 ans sans nouvelles, les gérants de cette entreprise familiale seraient-ils encore là ? La ferme aurait-elle été rachetée par des sociétés norvégiennes, comme de nombreux élevages de poissons écossais ? Damien se présente et c’est alors qu’un homme d’une trentaine d’années lui sert la main : Andrew, celui avec qui Damien s’était occupé des lapins, joué aux jeux vidéo avec son frère Charles et lui,.. quand il était tout petit ! Dans la foulée Andrew appelle son père, Stuart, l’entrepreneur à l’origine de cette ferme et avec qui travaillait Damien. Quelques minutes plus tard, il arrive et nous fait visiter l’écloserie, le bureau de contrôle à distance de la sécurité des cages dispersées dans les îles, la distribution de nourriture en cliquant derrière un écran, la sélection des spécimens plus aptes à s’adapter au changement climatique… Toujours en quête d’amélioration, il nous apprend aussi qu’il a dû faire face à une catastrophe sanitaire s’étant abattue sur sa ferme il y a plusieurs années (une fièvre aphteuse venue de Norvège), l’obligeant à abattre l’ensemble de ses saumons plutôt que de tomber dans les excès largement documentés des dérives des élevages. Kames n’élève donc plus de saumons comme il y a 20 ans, mais des truites, et en nombre qui donne le tournis : quand Damien y travaillait, la ferme commercialisait entre 200 et 300 tonnes de saumons par an, et aujourd’hui c’est plus de 3000 tonnes de truites exportées jusqu’aux USA.
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Nous sommes ensuite repartis à bord de Milagro, non sans curiosité pour le mystérieux voisin chilien évoqué lors de nos échanges avec les locaux.
Certains partent d’Europe vers l’Argentine ou le Chili, en Patagonie ou ailleurs, pour refaire leur vie, et d’autres font le chemin dans l’autre sens, comme le milliardaire chilien fondateur du FFP (Fondation Pour le Progrès). Connu au Royaume-Uni pour avoir acheté un lodge (Kilchoan) à plusieurs millions de livres, ce membre de la secte des Légionnaires du Christ a fait sa renommée locale en organisant la reforestation des collines avoisinantes et en faisant construire une chapelle inspirée de celle d’Iona, sur les rives de Loch Melfort. Pour cela il a fait appel à des artisans locaux et soigné son image, une image très éloignée de celle qui est la sienne à plusieurs milliers de kilomètres de là : ancien militaire dans les années 70, il multiplia les déclarations en faveur de Pinochet (“son énorme gratitude”), n’hésitant pas à affirmer que pour lui, les droits sociaux n’existeraient pas. Ses propos au Chili, aux antipodes de l’image renvoyée ici, auront largement suffit pour que nous nous abstenions de faire l’escale suggérée dans la baie faisant face à sa chapelle. Nos amis chiliens, qui subissent les effets dramatiques du libéralisme extrême mené depuis des décennies dans leur pays, sont nombreux à souffrir des décisions et idées développées par cet homme et ses partisans.
Ce ne sont pas ses activités locales et cette chapelle qui nous feront oublier les ombres et la violence du pinochetisme.
Laissons cette chapelle dans notre sillage, avec un nouveau chapitre qui s’ouvre dans l’étrave de Milagro : cap sur Mull !
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PS: l’Ecosse nous plaît tellement que nous avons fait le choix de revoir notre programme pour y rester plus longtemps et simplifier la venue de ceux qui veulent nous rejoindre, sans galérer avec la logistique. Vous verrez donc (ici) que nous proposons à partir de samedi prochain 5 séjours d’une semaine simplifiés : départ et arrivée Oban ! Depuis Glasgow (vols directs depuis Paris, Nantes, Bordeaux, Lyon…) il faut compter 3h de train direct ou de bus dans les Highlands (un voyage dans le voyage !) pour nous rejoindre au port de Oban. Pour ceux qui voudraient éviter l’avion, cette destination est aussi accessible en train depuis la France (comptez 12h depuis Paris).
Bref, si vous avez besoin d’aide pour vous organiser, nous ne sommes pas une agence de voyage mais nous sommes là pour vous aider et serons ravis de vous accueillir pour partager ces lieux où , comme le montre notre dernière petite vidéo aux Treshnish Isles : il n’y a pas foule !