Au Chili, les castors ravagent le poumon végétal de la Terre de Feu (L’Obs – AFP, 23/4/2021)

Par AFP

Publié le 23 avril 2021 à 9h10·Mis à jour le 23 avril 2021 à 17h30

Terre de feu (Chile) (AFP) – Poumon de la Terre de Feu, au sud du Chili, les forêts du parc Karukinka ne sont pas directement menacées par l’homme mais par la voracité de castors nord-américains, introduits pour raisons économiques dans les années 1940.

Plus de 70 ans après l’arrivée de 10 premiers couples pour développer l’industrie de la fourrure et peupler les terres reculées de Patagonie entre Argentine et Chili, la population de castors est aujourd’hui estimée à plus de 100.000 individus.

Si les troncs robustes et longs des arbres typiques de l’écosystème des forêts des Andes et de Patagonie, des hêtres de la famille des Nothofagus (pumulio, antarctica et betuloides), ont pu être sauvés des exploitants forestiers, le castor est aujourd’hui leur plus grand prédateur.

De la même manière que dans leurs habitat d’origine au Canada, ces rongeurs construisent inlassablement des barrages sur les rivières et les lacs pour y établir leurs terriers dans un enchevêtrement de bois, d’écorces et des racines.

Or, pour récupérer de la matière première et se nourrir, cet herbivore fait tomber grâce à ses dents ciselées des arbres qui ont mis près de 100 ans pour atteindre leur maturité.

« Les castors, comme nous les humains, sont appelés ingénieurs de l’écosystème, ce qui signifie que pour habiter un environnement, ils doivent le modifier pour l’adapter aux conditions dont ils ont besoin pour survivre », explique à l’AFP Cristobal Arredondo, chercheur à la Wildlife Conservation Society (WCS) du Chili, en charge du suivi des espèces pour le parc Karukinka et la Terre de Feu.

Dans l’immensité de la Patagonie, « plus de 90 % des cours d’eau de l’île de la Terre de Feu, côté chilien, sont habités par des castors, ce qui a un impact très important sur les écosystèmes », explique-t-il.

– Puits à carbone –

Malheureusement, les forêts de Patagonie ne se régénèrent pas aussi vite que celles des grandes plaines du nord du Canada.

Et une fois que le castor s’attaque à ces forêts, le carbone « qui a été capturé par les arbres pendant des centaines d’années est finalement libéré dans l’atmosphère lorsqu’ils meurent », explique Felipe Guerra qui coordonne pour le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) les mesures de gestion, de prévention et de contrôle du castor.

Or, les forêts et les tourbières du parc de Karukinka « sont de grands puits qui stockent de grandes quantités de carbone et d’autres gaz à effet de serre comme le méthane », ajoute-t-il.

En sept décennies d’implantation des castors dans cette région, l’impact socio-économique s’élève à 73 millions de dollars, selon les estimations officielles.

La chasse au castor est autorisée mais insuffisante pour réguler leur nombre et la controverse porte davantage sur les moyens de limiter leur prolifération, les pièges aquatiques étant considérés comme « cruels » par l’Union pour la défense des droits des animaux de Punta Arenas, en Patagonie.

Eve Crowley, représentante de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) au Chili, ne mâche pas ses mots : « les espèces exotiques envahissantes sont l’une des principales causes de la perte de biodiversité, dégradant nos écosystèmes », dit-elle à AFP.

Elle rappelle que « la conservation et la restauration de nos puits de carbone naturels, c’est-à-dire nos sols, nos forêts et nos zones humides, sont tout aussi importantes, voire plus, que la réduction des gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement de la planète ».

Vendée Globe / Le cap Horn, entre mythe et trivialité (Libération, 01/01/2021)

Les leaders de la course autour du monde vont franchir le «cap Dur» ce week-end. Un endroit aussi redouté pour ses tempêtes phénoménales que visité par des hordes de touristes pendant l’été de l’hémisphère Sud.

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Ce que voient les marins quand ils franchissent le cap Horn, enfin si la météo le permet. (Photo Martin Bernetti. AFP)

par Didier Ravon

publié le 1er janvier 2021 à 11h20

L’une de ces toujours surprenantes légendes de gens de mer prétend qu’une fois cap-hornier, on peut porter un anneau brisé à l’oreille et, surtout, pisser (face) au vent. Ah bon ! Tout marin ou terrien préférera pourtant, et à juste titre, uriner le vent dans le dos afin d’éviter de tremper pantalon et chaussures… Comme si le «Horn» symbolisait une sorte de toute puissance, un mythe maritime s’arrangeant de la plus élémentaire des réalités. N’empêche. Cette falaise lugubre et acérée de plus de 400 mètres de hauteur, telle une canine plantée dans le fameux détroit de Drake entre Amérique du Sud et Antarctique par 55° 58′ Sud et 67° 17′ Ouest, ne peut laisser indifférent.

A commencer par les marins du Vendée Globe, qui vont s’y succéder à partir de ce week-end. Et pour cause. Avant que ne soit ouvert le canal de Panama, en 1914, les bateaux de commerce transitant de l’Asie à l’Europe n’avaient d’autres choix que de franchir le cap Horn, surnommé aussi le cap Dur ou le cap des Tempêtes. On ne compte pas les navires jetés à la côte ou par le fond, les centaines de marins disparus lors de tempêtes mémorables, parmi les pires de la planète.

«Brutal et velu»

Le cap Horn doit son nom à la ville de Hoorn aux Pays-Bas, d’où était originaire Jacob Le Maire, un ambitieux marchand. En compagnie du navigateur Willem Schouten, il l’a passé pour la première fois le dernier jour de janvier 1616. Pour les marins du Vendée Globe, ce Horn est le dernier des trois grands caps à laisser à bâbord (gauche) après Bonn

La suite sur : https://www.liberation.fr/sports/2021/01/01/le-cap-horn-entre-mythe-et-trivialite_1809981/

Eclipse totale du soleil au Chili et en Argentine: et soudain, l’obscurité ! (L’Obs – AFP, 14/12/2020)

Publié le 14 décembre 2020 à 18h50·Mis à jour le 15 décembre 2020 à 12h35

Pucon (Chili) (AFP) – Le sud du Chili et de l’Argentine ont été plongés dans l’obscurité pendant plus de deux minutes lundi en début d’après-midi, quand la lune a totalement recouvert le disque solaire.

Le spectacle a été total en Argentine, dans la région de Bariloche (sud) où étaient rassemblés sous un ciel maculé de bleu des milliers de personnes portant des lunettes de protection contre les rayons solaires.

En revanche le spectacle a été en partie gâché au Chili, à 800 km au sud de la capitale Santiago, par une pluie tombée sans discontinuer, de gros nuages noirs empêchant de distinctement voir la partie de cache-cache entre le Soleil et la Lune.

Dans la ville touristique de Pucon, au pied du lac Villarrica, les averses n’ont cessé d’augmenter en intensité au cours de la matinée, laissant peu d’espoirs d’entrevoir l’alignement Terre-Lune-Soleil, prévu à 13H00 locales, soit 16H00 GMT, pendant précisément deux minutes et neuf secondes.

Mais au moment de l’éclipse, les nuages ont perdu en épaisseur au dessus de la plage du lac où étaient réunies des milliers de personnes couvertes de vêtements de protection contre la pluie.

« C’était magnifique, unique. On n’avait pas beaucoup d’espoir de la voir à cause des nuages, mais c’était unique quand le ciel s’est ouvert. Un miracle! », s’est enthousiasmé Matias Tordecilla, 18 ans, transcendé par le spectacle qu’il a vécu.

« C’est quelque chose que vous ne pouvez pas seulement voir avec vos yeux mais que vous pouvez sentir avec votre corps », a ajouté le jeune homme, qui a fait plus de 10 heures de route en famille pour vivre ce spectacle cosmique.

Cinthia Vega, une habitante de Pucon, dit avoir senti ses « poils se hérisser » sur sa peau au moment où l’obscurité s’est faite.

Des dizaines de scientifiques amateurs ou professionnels étaient arrivés depuis plusieurs jours pour installer leurs télescopes sur les flancs du volcan Villarrica, l’un des plus actifs du Chili, au milieu de la riche végétation du sud du pays.

Ils n’ont pas été récompensés comme en juillet 2019, lors de l’éclipse totale dans un ciel pur du nord du Chili, au milieu du désert de l’Atacama où se trouvent plusieurs observatoires astronomiques.

– Spectacle total –

A Carahue, plus proche de la côte pacifique, l’éclipse a été vécue en prières par les membres de la communauté indigène des Mapuches, la plus importante du Chili, qui voient dans ce phénomène la fin d’une époque et le début d’un nouveau processus.

Dans la région de la capitale Santiago, où vivent sept des quinze millions d’habitants frappés de restrictions de déplacement à cause de l’augmentation des cas de coronavirus, la pénombre a été passagère et la température a légèrement baissé.

La trajectoire de l’ombre lunaire, cette bande étroite de 90 km où le noir a été total, a débuté dans l’océan Pacifique, a atteint les terres chiliennes avant de traverser la Cordillère des Andes, puis a parcouru le sud de l’Argentine d’ouest en est avant de se poursuivre dans l’océan Atlantique sud.

Près de la ville touristique de Bariloche, en Patagonie, plusieurs familles ont attendu avec anxiété l’arrivée de l’éclipse. Un groupe de touristes américains espérait ne pas avoir effectué pour rien de complexes démarches administratives et de nombreux tests de détection du Covid-19 avant de bénéficier des autorisations pour atteindre la ville.

Mais le ciel est resté immaculé de nuages quand la lune a commencé à grignoter le soleil, plongeant les chanceux dans des sourires radieux derrières leurs lunettes de protection, jusqu’au point culminant où le soleil a disparu.

Chaque année, il y a deux éclipses totales du Soleil, mais selon la période de l’année et le moment de la journée elles sont plus ou moins visibles pour la population.

Source : https://www.nouvelobs.com/monde/20201214.AFP3480/eclipse-totale-du-soleil-au-chili-et-en-argentine-et-soudain-l-obscurite.html

« Au Chili, avec les derniers cow-boys de Patagonie » (Le Figaro, 17/07/2020)

https://www.lefigaro.fr/international/au-chili-avec-les-derniers-cow-boys-de-patagonie-20200703

Au Chili, avec les derniers cow-boys de Patagonie

Par Alexandra Fuller et Vincent Jolly

Publié le 03/07/2020 à 05:00

REPORTAGE – Aux confins des fjords chiliens, dans un territoire aussi indomptable que les bêtes qui y vivent, des hommes partent braver les éléments pour capturer le bétail le plus sauvage d’Amérique du Sud. Une tradition qui tend à disparaître devant l’arrivée du tourisme de masse. Un travail photographique exposé jusqu’en octobre au Festival Photo La Gacilly, dans le Morbihan.

C’est une histoire de sang, de courage et de tradition. Et comme dans beaucoup de ce genre d’histoire, des chevaux et des cavaliers émérites en sont les principaux acteurs. Reste que ces hommes risquent quotidiennement de perdre leurs bras, leurs jambes – quand ce n’est pas leur vie. Une telle histoire ne peut se dérouler ailleurs que dans un paysage profondément sauvage ; un lieu si lointain qu’il est presque impossible de s’y aventurer par des moyens ordinaires. Un endroit qui n’apparaît pas sur la plupart des cartes. Une région que l’on ne trouve que si l’on sait où chercher.

Pour cette histoire, c’est d’abord Sutherland qu’il nous faut trouver: un bras de terre au sud du Chili, dans la Patagonie australe. Aucune route n’y mène. Aucun campement n’a été établi à proximité. Au nord, Sutherland est bordé par le Parc national Torres del Paine ; et au-delà, les infranchissables champs de glace qui séparent la Patagonie chilienne du reste du pays. À l’ouest, une myriade de petites îles éparpillées…

Au Chili, la traque du castor, la plaie qui met en péril les forêts de Patagonie (L’Obs – AFP, 22/4/2020)

Publié le 22 avril 2020 à 10h00·Mis à jour le 22 avril 2020 à 13h00

Puerto Williams (Chili) (AFP) – Armé de son fusil, Miguel Gallardo fait face à une tâche colossale: traquer le castor, introduit dans la région dans les années 1940 et devenu depuis une plaie qui menace les forêts de la Patagonie chilienne.

A partir des 10 couples introduits en 1946, on compte aujourd’hui quelque 100.000 individus dans la zone de la Terre de feu, partagée entre le Chili et l’Argentine. Marcelo, lui, ne parvient à en abattre qu’une soixantaine à chaque saison.

« Le castor est très mignon, très intelligent, mais malheureusement, les dommages qu’il est en train de causer sur la végétation indigène et la faune sont énormes », déclare à l’AFP ce chasseur qui a 15 ans d’expérience et organise aussi des visites touristiques sur l’Ile Navarino, à proximité de Puerto Williams, à l’extrême sud du Chili.

Avec leurs puissantes dents et leurs talents de bâtisseurs, le castors se sont parfaitement acclimatés à ce nouvel habitat, totalement dépourvu de prédateurs.

« Il faut les éradiquer, mais il ne s’agit pas non plus d’arriver et de leur tirer dessus dans l’eau et qu’ils y pourrissent », ajoute ce chasseur, qui récupère les spécimens abattus pour utiliser leur fourrure « de très bonne qualité et assez chaude ».

En 1946, des militaires argentins ont rapporté d’Amérique du Nord dix couples de castors du Canada (castor canadensis) dans le but de monter une affaire de peaux et de fourrures en Terre de feu. Mais cela n’a finalement pas marché et ces castors ont été relâchés dans la nature.

Les deux pays voisins effectuent depuis les années 1980 des campagnes de contrôle pour tenter de réduire les populations de ces rongeurs, par des pièges ou des abattages. En face, les ONG de protection de l’environnement, comme l’Union de défense du droit animal de Punta Arenas, dénoncent la cruauté de ces méthodes ainsi que leur manque d’efficacité.

« Les défenseurs des animaux, je les comprends; je comprends que tuer un être vivant, un petit animal intelligent, c’est douloureux. Mais malheureusement, si nous ne prenons pas de mesures concernant le castor, nous allons nous retrouver sans forêt et sans végétation », met en garde Miguel Gallardo.

– 23.000 hectares dévastés –

« Penser à éradiquer le castor n’est en rien un combat contre le castor mais un besoin de protéger le patrimoine naturel de notre pays », abonde Charif Tala Gonzalez, responsable du département de conservation des espèces au ministère de l’Environnement.

En quelques années, ces rongeurs semi-aquatiques au pelage marron qui peuvent mesurer jusqu’à un mètre et peser 32 kilos ont fini par coloniser tout l’archipel de la Terre de feu.

Outre qu’il n’a pas de prédateurs naturels dans cette partie du globe, le castor vit en général longtemps, de 10 à 12 ans, durant lesquels il peut avoir 5 à 6 petits chaque année.

Cet animal est connu pour construire des barrages à partir de la végétation existante. Il installe ensuite sa tanière au milieu de la retenue qui se forme alors.

Cette montée des eaux fait mourir la végétation indigène et le peu d’arbres qui survivent sont abattus par les castors pour renforcer leur construction. Ils raffolent particulièrement des lengas centenaires, également appelés hêtres de la Terre de feu, et des coihues, connus sous le nom de hêtres de Magellan.

« La forêt ne peut pas se défendre (…) Tout ce qui reste au milieu de l’eau meurt, car nos forêts ne sont pas préparées à l’excès d’eau », explique Miguel, le chasseur.

Les autorités chiliennes estiment que depuis leur introduction, les castors ont dévasté plus de 23.000 hectares de végétation indigène, entraînant un manque à gagner évalué à 62,7 millions de dollars à cause de la destruction du bois.

Ils ont également eu un effet sur l’ensemble de la flore et la faune de la zone, leurs barrages provoquant des inondations qui ont coupé des routes, des zones de pâturage et de culture.

« Les écosystèmes de la Patagonie sont uniques (…) Pour qu’ils redeviennent pleinement des forêts, nous parlons en centaines d’années, si les conditions sont réunies », souligne Charif Tala Gonzalez.

Source : https://www.nouvelobs.com/topnews/20200422.AFP5823/au-chili-la-traque-du-castor-la-plaie-qui-met-en-peril-les-forets-de-patagonie.html