Par Stéphanie Le Bars Publié le 23 janvier 2020 à 07h15, modifié le 23 janvier 2020 à 08h05
Les faits: De novembre à mi-janvier, les 4 500 habitants d’Utqiagvik, en Alaska, ne voient jamais le jour se lever. Le photographe californien Mark Mahaney s’est plongé dans l’ambiance lunaire de cette nuit sans fin.
Comment donner vie à la nuit, illustrer un monde en sursis ? Il y a un an, débarquant pour une douzaine de jours à Utqiagvik (Alaska), la ville la plus au nord des Etats-Unis, le photographe américain Mark Mahaney s’est plié à l’exercice. Venu de Californie, il a plongé dans la nuit sans fin de ce coin du cercle arctique, où, de novembre à mi-janvier, le soleil ne se lève pas. Un lieu infini où, lorsque l’œil cherche l’horizon, il ne voit rien qu’une immensité blanche et plate.
Ce défi à la lumière aurait pu suffire à l’objectif. Mais l’expérience photographique s’est doublée d’un intérêt politique pour « cet épicentre du changement climatique », comme le résume Mark Mahaney. « A cet endroit, même si le sol est recouvert de neige, que le phénomène n’est pas immédiatement apparent, la terre se réchauffe deux fois plus vite qu’ailleurs. La couche de glace, de plus en plus fine, ne protège plus la côte des tempêtes. La ville s’enfonce. » Parti avec l’intention de documenter la vie de ses 4 500 habitants, le photographe en est revenu avec une série d’images fantomatiques, témoignages glacés d’un monde figé, extraterrestre, rassemblées dans un ouvrage, Polar Night (Trespasser).
L’emprise de la glace
« Cet endroit raconte une histoire de survie, d’endurance. » Traverser la nuit polaire, résister au froid et, paradoxalement, survivre au réchauffement climatique. « Quand, durant soixante-cinq jours, la journée n’a ni commencement ni fin, cela laisse une impression bizarre, psychologiquement et physiologiquement. Cette période d’énergie sombre, la “solastalgie”, est propice à la dépression, au suicide, à la consommation de drogues et d’alcool. »
L’emprise de la glace, le poids de la neige, la semi-obscurité troublée par la lumière orangée des réverbères, le froid intense (jusqu’à – 30 °C) dévoilent un univers claquemuré, sans végétation ni humain. « Il n’y a personne dans les rues et je ne voulais pas forcer les portes », explique Mark Mahaney, réticent à jouer « l’homme blanc » exploitant un supposé folklore des Iñupiat, le peuple d’origine de la plupart des habitants. Ces derniers se refusent de toute façon à parler de l’érosion de leur terre et de leur culture. « Ils tirent leurs revenus, plutôt confortables, de l’exploitation pétrolière, qui elle-même contribue au réchauffement climatique… », rappelle le photographe.
Le travail de Mark Mahaney s’attache ici à montrer un « paysage post-apocalyptique, plus proche de la Lune que de la Terre, vide de toute forme de vie ».
Son travail en extérieur s’attache donc à montrer un « paysage post-apocalyptique, plus proche de la Lune que de la Terre, vide de toute forme de vie ». On imagine le crissement de pas isolés sur la neige, la gifle du vent. Des voitures abandonnées, portières ouvertes, semblent prises dans un étau de neige, des maisons paraissent inhabitées avant que l’on n’aperçoive une lueur derrière des vitres glacées ou une fumée sortant de la cheminée. « L’esthétique n’est pas une priorité dans ces contrées et on trouve toutes sortes de vieux objets s’empilant dans les cours et les jardins », autant de formes figées dans le froid.
Le photographe a trouvé des signes de vie dans cet étrange vide. Un graffiti sur un mur. La gueule béante de chiens de traîneaux, impatients de reprendre leur course. Le photographe y signe au passage un hommage à la tradition de ces équipages iconiques, dont l’utilisation est elle aussi en voie de disparition, et fait un clin d’œil à l’expression locale « three dogs night » (« une nuit à trois chiens »), qui mesure la froideur de la nuit. « Plus il fait froid, plus il faut de chiens autour de toi pour survivre. » A l’issue de son séjour, Mark Mahaney a capté les rayons de la première aube revenue, teintant cet unique cliché d’un rose bleuté réconfortant. Car, lorsque le soleil se relève enfin, « le temps peut de nouveau exister ».
Polar Night, de Mark Mahaney, Trespasser, 52 pages, 36 euros. trespasser.pub
A la périphérie d’Utqiagvik, 19 h 55. MARK MAHANEYUn chien de traîneau, 11 h 13. MARK MAHANEYLa route du cimetière, 20 h 16. MARK MAHANEYUne maison typique d’Utqiagvik, 10 h 44. MARK MAHANEYLe cimetière d’Imaiqsaun, 18 h 4. MARK MAHANEYLe poste de police, Kiogak Street, 16 h 48. MARK MAHANEYMidnight, un des derniers chiens de traîneau du nord de l’Alaska, 11 h 14. MARK MAHANEY
Par Audrey Garric Publié le 08 avril 2019 à 17h00, modifié le 09 avril 2019 à 16h24
Vêlage (détachement d’une masse de glace) sur le glacier Hubbard, en Alaska, en août 2018. JIM MONE / AP
Partout sur le globe, les glaciers se dévêtent progressivement de leurs majestueux manteaux blancs aux nuances de bleu. Conséquence du réchauffement de l’atmosphère, ces sentinelles du climat ont perdu plus de 9 600 milliards de tonnes de glace au cours des cinquante dernières années. A eux seuls, ils ont entraîné une élévation du niveau de la mer de 2,7 cm sur la période, contribuant pour 25 % à 30 % de la hausse globale. Voilà les conclusions d’une étude parue dans Nature lundi 8 avril, extrêmement précise quant à l’observation des bouleversements qui affectent ces géants continentaux.
« Globalement, les glaciers perdent chaque année environ trois fois le volume de glace stocké dans l’ensemble des Alpes européennes », compare Michael Zemp, premier auteur de l’étude et glaciologue à l’université de Zurich (Suisse).
« Nos résultats montrent que les glaciers continentaux, notamment la Patagonie, l’Alaska ou les Alpes, sont ceux qui sont le plus affectés par le climat, davantage que les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique », qui ne font pas partie de l’étude, ajoute le second auteur, Emmanuel Thibert, glaciologue à l’université Grenoble Alpes et à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.
Pour mener cette étude, qui couvre dix-neuf des régions les plus englacées du globe, l’équipe internationale de chercheurs s’est fondée sur deux types de données recueillies entre 1961 et 2016 : des photographies aériennes et satellites de 19 000 glaciers du monde, permettant de calculer leurs pertes de masse sur de longues périodes ; et des observations de terrain (carottages, mesures de précipitations et de fonte) pour 450 d’entre eux, représentatifs de massifs entiers, afin de connaître leur variation et réponse annuelle au changement climatique.
Résultat : la perte de masse s’est accélérée au cours des trente dernières années, particulièrement lors de la décennie 2006-2016, pour atteindre 335 milliards de tonnes (gigatonnes, Gt) de glace perdues chaque année. Soit davantage que la fonte du Groenland (la suite de cet article est réservée aux abonnés)
Le 18 mai 2014, l’écrivain français Jean Raspail a officiellement placé les projets de Karukinka sous le haut-patronage du Consulat Général de Patagonie. Toute notre équipe est très heureuse de partager cette nouvelle avec vous.
Explorateur, journaliste, écrivain… C’est un homme fasciné par le Grand Sud qui nous fait l’honneur de soutenir nos projets.
De 1951 à 1952, alors âgé de 26 ans, Jean Raspail rallia la Terre de Feu à l’Alaska en voiture et rédigea un premier récit d’aventure en 1952. Une cinquantaine d’années plus tard, il retourna sur les traces de son périple, en terre fuégienne, à la recherche des souvenirs de sa jeunesse et du passé perdu de la Patagonie des années 50. En résulte alors un témoignage fascinant et riche de références historiques sur ce bout du monde balayé par les vents (Adios Tierra del Fuego, 2001).
Parmi ses oeuvres, nous ne pouvons trop vous conseiller la lecture de Qui se souvient des hommes… (Editions Robert Laffont, Paris, 1986 – Prix Chateaubriand, Charles-Oulmont, Gutenberg et Livre Inter), Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie (Editions Albin Michel, Paris, 1981 – Grand prix du roman de l’Académie française) et Adios Tierra del Fuego (Albin Michel, Paris, 2001 – Prix Jean Giono).
Nous remercions chaleureusement Monsieur Jean Raspail, Monsieur Tulli et le Consulat Général de Patagonie pour l’attention portée à notre association. Comme demandé, nous les tiendrons régulièrement informés de l’avancement de nos projets.