Épisode 18 – Un épisode qui s’intéresse à celles et ceux qui tendent le micro au non-humain : aux animaux, à notre environnement, aux éléments naturels.
Connaissons-nous le chant, ou plutôt le ronflement des baleines ? Saurions-nous reconnaître dans la nuit le cri d’une chouette ? Tandis que l’Occident n’a eu de cesse de réduire les animaux à des instincts ou des déterminismes biologiques, d’autres cultures les considèrent dotés d’une âme et d’une intelligence capable d’apprécier le beau. La crise environnementale actuellement à l’œuvre pousse les créateurs et créatrices à nous relier de nouveau aux autres formes de vie, pour prendre le temps d’écouter ce que le reste du vivant a à nous dire.
Dans ce deuxième épisode de la saison 3 d’Il était des voix, nous avons voulu nous intéresser à celles et ceux qui tendent le micro au non-humain : aux animaux, à notre environnement, aux éléments naturels.
Il était des voix : À l’écoute du vivantavec : -David Commeillas, journaliste, co-auteur du podcast Bruit. (Brut, 2022) -Antoine Bertin, artiste sonore, auteur de Conversation Métabolite, Edge of the Forest et Species Counterpoint -Joakim, producteur, compositeur de l’album Seconde Nature (Tiger Sushi, 2021) -Lauriane Lemasson, ethnomusicologue, géographe et musicienne
Il était des voix est un podcast produit par Sonique – Le studio pour la Gaité Lyrique, en partenariat avec le Paris Podcast Festival. Animation : Christophe Payet
Réalisation : Lucile Aussel Production : Christophe Payet / Sonique – Le studio
En 1873, dix ouvrières de Saint-Imier s’embarquent pour le bout du monde. Leur but: fonder une communauté libre. « Dix petites anarchistes », roman signé Daniel de Roulet, est désormais un spectacle de la Compagnie Mezza-Luna à découvrir en tournée romande.
« Ni Dieu, ni maître, ni patron, ni mari! »Le roman, très réaliste, emporté par le souffle du large et des grandes révoltes, est signé Daniel de Roulet, auteur suisse, publié chez Buchet Chastel en 2018. Le spectacle, rondement mené avec paroles, musiques, chants et danses, nous le devons à la Compagnie romande Mezza-Luna, coutumière de projets hors des sentiers battus du théâtre.
Dans le formidable livre « Dix petites anarchistes », on découvre cette odyssée partie du Vallon de St-Imier en 1873 à travers la voix de l’unique survivante de la communauté. Sur scène, toutes les héroïnes sont bien présentes pour raconter chacune leur aventure. Comédiennes ou musiciennes incarnent la fabuleuse histoire de Valentine, Colette, Juliette, Emilie, Jeanne, Lison, Adèle, Blandine, Germaine et Mathilde. Ces dix ouvrières n’avaient pas froid aux yeux. Cette aventure au féminin n’est pas à l’eau de rose. Plutôt dans les tons rouge-sang. La révolution à l’autre bout du Monde, ce n’était pas pour les mauviettes.
Du Jura à la Patagonie
La troupe a pris ses quartiers de répétitions et de première à Mézières, sous le vaste plafond boisé du théâtre du Jorat. Cette superbe salle en bois a quelque chose d’un vaste atelier d’usine (elle fut inaugurée en 1908) ou d’une halle de réunion au temps du révolutionnaire Bakounine.
Si les dix petites anarchistes parlent souvent de leur oignon, ce n’est pas pour causer cuisine, mais montres de poche. Ces dix ouvrières de Saint-Imier travaillaient dans l’horlogerie. Une injustice de trop les a poussées à tourner l’aiguille en direction de l’Argentine. La route en chantant les paroles de Mathilde: « Le Jura semble un tombeau qui nous voile l’Helvétie. Un ciel plus vaste et plus beau brille en Patagonie (…) Pour vivre sans trop souffrir, du Vallon il nous faut sortir. » De la souffrance, elles en trouveront aussi dans les confins, les dix petites anarchistes. Mais au moins, elles auront lutté pour leur liberté et obtenu leur indépendance.
Une épopée mythologique
« Dix petites anarchistes » est une sacrée mécanique. Avec une distribution 100% féminine mélangeant et les âges et les disciplines artistiques. En coulisses, même parti pris féministe. Résultat, ce spectacle est poussé par ce même vent collectif et engagé qui agite les pages du roman.
La narratrice principale se nomme Valentine Grimm. Comme les frères Grimm. Alors oui, cette histoire est avant tout un conte, une épopée mythologique. Avec toutefois son fond de vérité historique sur les mouvements sociaux qui ont secoué les vallées jurassiennes au temps des grandes utopies socialistes. Et qui sait, comme le fait remarquer Heidi Kipfer, porteuse de ce projet: « L’histoire est toujours écrite du point de vue masculin et mal documentée du point de vue féminin, possible dès lors que des femmes ont tenté, pour de vrai, à l’époque, de créer leur communauté anarchiste à l’autre bout du Monde. »
Thierry Sartoretti/ld
« Dix petites anarchistes », en tournée: Lausanne, Théâtre 2.21, du 3 au 8 mai 2022; Martigny, l’Alambic, le 12 mai; Gland, Théâtre de Grand Champs, les 13 et 14 mai.
Le film “Terre de Feu” a été réalisé par une expédition française en 1925 et a produit un matériel filmographique sur la vue des peuples Selk’nam, Kawésqar et Yagan.
La Direction du Développement audiovisuel du Secrétariat de la Culture de la Province, à travers de l’Ambassade de France en Argentine et la Cinématèque de Toulouse, a réalisé la projection du film “Terre de Feu”, qui consiste en un enregistrement documentaire inédit des peuples indigènes de Patagonie, réalisé par une expédition française au début du XXe siècle.
Cet événement s’est terminé par une discussion avec la participation de membres du peuple Selk’nam et du peuple Yagan Paiakoala, du Secrétariat des peuples autochtones et de la Direction provinciale des musées et du patrimoine culturel.
Ce film a été tourné en 1925, lors d’une expédition en bateau organisée par la Société française de géographie à travers la Patagonie et la Terre de Feu. Sa projection a été possible grâce aux efforts du Gouvernement provincial, de l’Ambassade de France en Argentine et de la Cinémathèque de Toulouse.
La ministre de l’Éducation, de la Culture, de la Science et de la Technologie, Analía Cubino, a participé à l’événement ; la Secrétaire de Justice de la Province, Daiana Freiberger ; la secrétaire aux Peuples autochtones, Vanina Ojeda et la secrétaire à la Culture, Lucía Rossi.
Il convient de noter que Margarita Angélica Maldonado, María Angélica Salamanca, Nicole Bailone, Carmen Ojeda, María Vargas, Daniela Bogarín, femmes leaders des peuples Selk’nam et Yagan Paiakoala de notre province étaient présentes à l’activité.
À cet égard, la secrétaire aux Peuples autochtones, Vanina Ojeda, a assuré que ce qui ressort de la projection est « l’incorporation curriculaire de l’histoire des peuples autochtones, une avancée qui n’aurait pas été possible sans la participation et le soutien des peuples autochtones ». de la province ».
De son côté, le directeur provincial du développement audiovisuel, Rodrigo Tenuta, a expliqué que la projection a été rendue possible « grâce au contact avec l’espace audiovisuel de l’ambassade de France et, de là, avec la cinémathèque de Toulouse ».
« Il s’agit d’un matériel restauré de 33 minutes, qui n’avait pas été vu jusqu’à présent. « Nous avons eu accès à une copie partielle, car une partie de ce film s’est perdue avec le temps », a-t-il expliqué.
CRITIQUE – Le romantisme des causes perdues et l’esprit d’enfance de l’écrivain et explorateur français palpitent dans Petits éloges de l’ailleurs.
Pour en saisir le premier degré, l’appel des horizons lointains et le goût du jeu, il faut sans doute découvrir l’œuvre de Jean Raspail (1925-2020) dans ses jeunes années, quand l’insouciance de l’enfance n’est pas encore trop loin et que les préoccupations de l’âge adulte s’invitent sur la pointe des pieds, quand les préjugés et les mauvaises réputations ne gâchent pas le bonheur de la rencontre. Ainsi, Le Camp des saints, le roman le plus célèbre de l’écrivain, paru en 1973, dans lequel il imagine la France et l’Europe submergées par des millions de migrants, apparaît alors comme une dystopie aux allures de western à la Sam Peckinpah plutôt qu’en roman culte prophétique – ce qu’il est devenu, notamment pour une certaine extrême droite, au fil du temps. Mais, au final, peu importe le moment pourvu que la découverte advienne et que les livres soient lus.
On conseillera donc autant aux néophytes qu’aux fidèles de Raspail Petits éloges de l’ailleurs, copieux volume remarquablement préfacé…
Une fois de plus, j’ai lu Franck Doyen. Cette fois, alors que j’ai fini ma recension de Les Chants de Kiepja, il me manque quelque chose. Je sais que le texte doit se suffire et je trouve qu’il se tient, encore une fois. Pas pour rien que Doyen fait partie des poètes dont je suis le travail. Non, ce n’est pas le livre qui pose problème, c’est ma chronique. J’ai envie d’en savoir plus, en fait. J’écris à Franck, je lui fais part des vides qui sont en moi suite à cette lecture, je lui pose quelques questions, par mail. Je pense à ce moment insérer des bribes de ses réponses, pour étoffer ce que moi j’apporte comme éclairage. Et je reçois ses réponses. Elles sont éclairantes, denses. Je ne me vois pas tailler là-dedans. Autant partager, avec son accord, évidemment.
Obsküre : Franck, comment es-tu tombé inspiré par ces peuples ? Franck Doyen : Difficile d’expliquer ce qui me relie à ces peuples, rationnellement. Déjà, Vous Dans La Montagne (éd. Dernier Télégramme, 2012) était connecté avec les Chiapanèques, même si je prenais l’excuse d’un vide / d’un trou dans le journal de campagne du sous-commandant Marcos. Mais c’est l’écriture de Mocha (paru en 2018 à La Lettre Volée) qui m’a fait plonger vers le Sud du Chili. Au moment de finaliser Mocha, j’apprends que l’île de Mocha (une île au large du Chili) se trouve au cœur du mythe mapuche appelé le trempulcahue : quatre baleines emmènent l’âme des morts sur l’île de Mocha pour qu’elles puissent y ressusciter. Je ne connaissais alors pas les Mapuches et pourtant, Mocha raconte ce trempulcahue ! Dans mon texte, un personnage dérive seul sur l’océan ; la mort vient à sa rencontre sous la forme d’un cachalot qui l’entraîne dans les fonds marins, puis le remonte et le dépose sur l’île de Mocha. Troublé par cette coïncidence, j’ai alors débuté intensément mes recherches (ethnologiques, historiques, linguistiques…) sur les Mapuches, peuple vivant toujours au Sud du Chili (dans la région de l’Araucanie) malgré l’adversité du capitalisme sauvage, ainsi que sur les peuples natifs de l’extrême Sud (vivant en Patagonie et en Magellanie). Les Mapuches alors, comme toujours et en tous temps, m’échappent. J’ai pourtant dans ma vie certainement à faire / affaire avec eux et cette partie du monde.
Deux autres peuples retiennent plus précisément mon attention : les Kawesqars et les Selk’nams. De par leur histoire, mais – et je ne le comprends que maintenant, de par le chemin que l’apprentissage de leurs vies m’a permis de faire. Les Kawesqars vivaient sur l’eau, jusqu’au début du XXe siècle, véritables nomades des mers. Ils nomadisaient à bord de canoës et peuplaient les canaux et les côtes de la Patagonie occidentale. Ils ne rejoignaient les îles que pour cause de maladie, de mort, ou pour la nourriture. D’où ces mots en kawesqars qui canotent autour des paragraphes de texte dans « Eaux ne tombent ». Les Selk’nams, eux, étaient des nomades terrestres et peuplaient la grande île de Terre de Feu. La figure de Kiepja a traversé la fin du XXe grâce à des enregistrements (faits sans son réel consentement) par Anne Chapman.
Ce texte, par la mise à jour de la parole et des figures des Kawesqars et des Selk’nams, est l’occasion d’interroger les bases sur lesquelles nos démocraties / nos sociétés se sont construites : la (tentative de) destruction volontaire et consciente de quels peuples, quelles langues, quelles cultures ? Cette destruction et/ou exploitation de peuples est allée de pair avec la mise en place de la surexploitation des terres et des richesses naturelles qui aboutit à cet actuel état des lieux catastrophique sur la santé de la planète.
Tu souhaitais aussi revenir sur un passage de ma chronique dans lequel je parle de deux textes distincts… Oui, il y a bien deux parties, différentes formellement. Mais ces deux parties entrent en résonnance l’une avec l’autre – et s’imbriquent au final : à la fin de « Eaux ne tombent » le personnage du Kawesqar, qui jusque-là se trouve seul sur une île et dans une hutte funéraire, est appelé par les chants de Kiepja, il remet à l’eau son canot, emmène avec lui des animaux, et repart vers la vie ; il reprend forme dans la deuxième partie comme « le frère » auquel Kiepja fait référence, qui elle-même retourne vers la lumière… Les Selk’nams et les Kawesqars sont bien vivants et continueront de l’être encore longtemps. C’est là une vérité à rétablir.
As-tu eu des expériences de chamanisme ? À proprement parler, non. Mais, la proposition de Kenneth White dans Le Lieu Et La Parole (p. 63-64) comme quoi « (le chamane) est le poète archaïque, le premier poète en quelque sorte… » me fait penser bien souvent que le poète peut être le chamane de nos sociétés contemporaines. L’intérêt pour l’ethnopoétique relève peut-être aussi de ce phénomène plus que d’un exotisme ou d’un tourisme littéraire…
Lorsque tu finis un poème, quelles parts as-tu réservées à la visite et au travail ? (La vieille idée du poème qui descend et vient seul, l’inspiration divine qui s’oppose au travail conscient, etc.) Je suis loin de l’écriture automatique, car je retravaille beaucoup mes textes (ratures, brouillons, etc.) Mais il y a bien ce balancier, ce mouvement régulier entre ces deux pôles dont tu parles. Avec des phases de recherche très intenses (ethnologique, historique, journalistique, musicale, littéraire, botanique, etc.) et d’immersion dans les textes des autres.
Chez toi l’imaginaire de la nature va de pair avec l’ailleurs. Qu’est-ce qui t’empêche d’écrire sur les coquelicots, les sauterelles, les terrains vagues ou les forêts de nos campagnes ? C’est drôle que tu m’en parles car c’est exactement ce sur quoi je bosse actuellement, depuis la fin des Chants De Kiepja. Ceci dit Sablonchka (éd. Le Nouvel Attila, 2019), sous son aspect de roman d’anticipation, était tout à fait immergé dans mon environnement naturel ici en Lorraine (mais pour lequel j’avais recréé un lexique faune/flore spécifique). Et si je travaille dessus actuellement, c’est avec une toute autre perception des mondes qui m’entourent, perception que j’ai maintenant suite à cette immersion dans la pensée de ces peuples.
Comment as-tu communiqué ton travail à Mirtha Salamanca ? En français ? Traduit en espagnol ? En enregistrements audio ? Là, c’est une histoire dans l’histoire ! Trois semaines avant d’envoyer les fichiers à l’impression, dans une émission radio, j’entends une ethnomusicologue, Lauriane Lemasson qui (me) parle des Selk’nams et même de Mirtha Salamanca, l’arrière-petite-fille de Kiepja… J’entre alors en contact avec elle et, par son entremise, avec Mirtha Salamanca.
Or, tous les discours officiels et sérieux (jusqu’à Philippe Descola, dans le Cahier de l’Herne Jean Malaurie) disent « extinction », « disparition » : les Kawesqars, les Selk’nams n’existeraient plus, ils auraient été décimés, et leur langue ne serait plus parlée. Pour t’expliquer, Anne Chapman elle-même avait affirmé que Kiepja était la dernière Selk’nam, mais elle avait omis de dire qu’elle avait eu des enfants… Il y a (il y a eu ?) certainement cette dynamique chez les ethnologues, anthropologues, d’être celui ou celle qui côtoie le dernier ou la dernière représentante d’un peuple. En fait, les Kawesqars et les Selk’nams ont modifié leur mode de vie, se sont métissés, se sont invisibilisés et métissés, dans les forêts ou dans les villes, ont refait communauté autant que possible, ont assuré la continuité de leur peuple, et réapparaissent aujourd’hui portés par des revendications sociales et de défense de leurs territoires.
Je ne parle pas un mot d’Espagnol, et nous avons communiqué par mail, donc en français traduit en espagnol, grâce à Lauriane Lemasson qui vit une partie de sa vie avec les Selk’nams. J’avais aussi fait traduire mon texte en espagnol argentin par Antonio Werli et Sol Gil, et je l’ai transmis à Mirtha. J’ai demandé à Mirtha Salamanca l’autorisation de pouvoir intituler mon livre Les Chants De Kiepja. Et nos quelques échanges m’ont permis de modifier certaines imprécisions du texte, notamment en ce qui concerne les animaux de Terre de Feu. Le livre franchit actuellement l’océan vers les Selk’nams.
On aimerait t’entendre dire ces textes : est-ce un processus qui viendra ? Je vais certainement être amené à en faire des lectures dans les mois qui viennent, même si l’organisation du festival Poema me prend beaucoup de temps. Je ré-envisage d’accepter plus d’invitations que ces dernières années, car il y a une parole à porter sur ces histoires.
« Zahori », tourné dans la steppe, raconte l’amitié inattendue entre une jeune fille de 13 ans originaire du Tessin et un vieil indien Mapuche. C’est le premier film de Mari Alessandrini, une Argentine qui a fait son école de cinéma à Genève. A voir sur les écrans romands.
« C’est, je crois, le premier film tourné par une Patagonienne », dit à la RTS Mari Alessandrini, née et élevée en Argentine. Mais c’est à Genève qu’elle vit aujourd’hui. Genève où, sur recommandation d’une amie, elle a fait ses études à la HEAD (Haute école d’art et de design), après avoir fait de la photo et du cirque contemporain. « A la suite d’un accident d’acrobatie à 25 ans, j’ai su que je ne pouvais plus faire d’activités physiques intenses. Le cinéma s’est présenté comme l’aboutissement de tous les arts que j’avais pratiqués », poursuit-elle.
Pour son premier film, en compétition cet été au Festival de Locarno, elle n’a pas choisi la facilité. Elle a tourné dans la steppe sauvage, qui recouvre 80% de la Patagonie, loin de tout, et a travaillé avec ce qu’il y a de plus difficile au cinéma: des animaux, des enfants et des acteurs amateurs.
Récit initiatique
« Zahori » raconte l’histoire de Mora (13 ans) qui veut devenir « gaucho ». Elle se rebelle contre l’école et s’affirme auprès de ses parents, des écologistes suisses italiens et végétariens, dont le rêve d’autonomie s’est transformé en cauchemar. Car dans ce coin du monde, la terre refuse d’être cultivée.
Mora a pour amis un vieil Indien et son cheval blanc, baptisé « Zahori ». Une nuit de tempête, l’animal s’enfuit. Mora se met en tête de le retrouver. En le cherchant, la jeune fille entame sa quête vers l’émancipation et passera de l’enfance à l’adolescence.
Née en Argentine mais de père italien, Mari Alessandrini a-t-elle fait un film autobiographique? « Un peu oui, mais c’est surtout de la fiction, de la poésie, mes rêves et les conflits contemporains qui animent cette région du monde ». Parmi ces conflits, la réalisatrice cite la grande solitude de ses habitants, les internats sous domination militaire ou religieuse, la rudesse d’une terre où il est plus facile de chasser que de labourer ainsi que les différentes cultures entre les peuples d’origine et ceux de l’immigration, la plupart européens ou nord-américains, qui rêvent d’un ultime Eldorado.
L’humour à travers deux missionnaires burlesques
La question religieuse est aussi présente, notamment à travers les figures burlesques de deux missionnaires roux, sortes de Laurel et Hardy mormons, portant la bonne parole dans la pampa.
Il y a beaucoup de télévangélistes, de mormons et de témoins de Jehovah; ils sont très insistants et ont remplacé les missionnaires catholiques.Mari Alessandrini, réalisatrice de « Zahori »
« Zahori » est un film plutôt contemplatif, qui met en valeur une nature à la fois sublime et d’une extrême violence qui peut permettre la réalisation de ses idéaux ou les briser, à l’image de ceux des parents de Mora qui s’y accrochent malgré tout, au détriment de leur bonheur et de celui de leurs enfants: « Je voulais montrer la puissance des lieux qui obligent à changer de philosophie ou à s’adapter ».