Oeuvre lumineuse pour la reconnaissance et la réparation du peuple selk’nam (Obra lumínica por el reconocimiento y la reparación del pueblo selknam, El Mostrador, 2/2/2024)

Oeuvre lumineuse pour la reconnaissance et la réparation du peuple selk’nam (Obra lumínica por el reconocimiento y la reparación del pueblo selknam, El Mostrador, 2/2/2024)

Avec des projections lumineuses itinérantes, des artistes de la Corporation Traitraico et du Delight Lab visibilisent l’histoire de dépossession à l’encontre du peuple Selk’nam et la lutte pour sa reconnaissance et sa réparation.

Traduction de l’article publié par le journal El Mostrador (Chili)


Une œuvre lumineuse dédiée à la reconnaissance et à la réparation du peuple selk’nam a sillonné le sud de la Patagonie chilienne.

Le Selk’nam est un peuple indigène qui habite la Patagonie depuis des milliers d’années. Durant la colonisation ils furent persécutés, assassinés, violés et capturés pour être exhibés dans les zoos humains d’Europe. L’Eglise les a bannis et les a obligé à laisser leur culture. L’Etat du Chili ne les considérait pas comme des sujets de droit et plus tard a considéré cette culture pour morte.

Grâce à deux décennies de lutte et d’organisation, en septembre 2023 le Congrès a approuvé une réforme à la loi 19.253 dans laquelle l’Etat reconnaît le peuple indigène Selk’nam comme culture vivante, s’ajoutant à la liste d’autres ethnies comme la Mapuche et l’Aimara.Lola Kiepja scaled

“Maintenant nous allons promouvoir notre culture avec plus d’insistance. Nous avons besoin d’une présence politique, de lois qui protègent notre patrimoine, parce qu’il y a beaucoup d’appropriation culturelle. Il est de la responsabilité de l’Etat de réparer, à travers l’éducation, le contenu des enseignements aux collèges et dans l’histoire officielle qui indiquent que le peuple Selk’nam est éradiqué » dit Mauricio Astroza, jeune selk’nam membre de l’Assemblée Telkacher.

Comme exercice de mémoire, visibilisation et soutien, l’organisation culturelle et environnementale Corporation Traitraico et le collectif de vidéoprojection Delight Lab ont recueilli des témoignages de personnes Selk’nam du Chili et d’Argentine et ont projeté des images significatives en utilisant le territoire comme toile.Hain scaled

“Nous approchons les gens à la lutte actuelle du peuple selk’nam qui exige que soit réparée une dette historique en lien avec le négationnisme collectif de son génocide. Ceci est un précédent pour que plus jamais quelque chose de similaire soit répété ni dans le pays ni dans le monde”, dit Francisco Polla, fondateur de la Corporation Traitraico et directeur du projet.

L’investigation s’est déroulée durant l’année 2023 et est réunie dans le microdocumentaire Relatos de Fuego (Histoires de Feu). Les projections ont été réalisée avec de l’énergie propre dans des sites somme Cerro Sombrero, Porvenir, Lago Blanco et le Parc Karukinka.

“A travers de cette fantasmagorie contemporaine nous évoquons des personnes qui ont habité le territoire et leur spiritualité cachée, leur respect de la nature et, pour d’autres personnes, quelque chose de très différent aux valeurs du libre échange et de l’extractivisme d’aujourd’hui. C’est un sauvetage de la mémoire ancestrale mais en même temps une question sur qu’est-ce qu’être Selk’nam aujourd’hui », dit Octavio Gana, cofondateur du Delight Lab et directeur artistique de l’oeuvre.Que significa ser Selknam scaled

Les projections font partie du projet “Relatos de luz” (Histoires de Lumière), qui est né en 2019 et qui se présente de manière itinérante dans différents territoires australs. L’équipe a également été présente à Los Lagos, Aysén, Los Ríos et La Araucanía.

La tournée s’est faite grâce au Fonds Artistique Régional de la Culture des Peuples Originaires de la Région de Magallanes et de l’Antarctique Chilien 2021 et le Fonds Artistique National des Arts y al Fondart Nacional des Arts de la Visualité, de la Création et de la Production 2021, du Ministère des Cultures, des Arts et du Patrimoine. Soutiennent et collaborent l’Assemblée Telkacher, Bandera Selk’nam, l’Académie de la langue Selk’nam, le groupe de femmes Selk’nam Khol Hool Na de la lignée de Lola Kiepja et représentantes de la communauté indigène Rafaela Ishton.

https://www.elmostrador.cl/cultura/2024/02/02/obra-luminica-por-el-reconocimiento-y-la-reparacion-del-pueblo-selknam/

Exposition « Crépuscules arctiques », pastels de Jean Malaurie (UNESCO, 19-25/01/2024)

L’UNESCO expose un panorama des pastels de Jean Malaurie, Ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO chargé des questions polaires arctiques, à l’occasion des célébrations du centenaire de sa naissance.

Pastel

Jean Malaurie

Jean Malaurie est mondialement connu pour ses travaux en géomorphologie et géocryologie arctique ainsi que ses récits circumpolaires ethnographiques dédiés aux Inuit, ses maîtres penseurs.

Ses pastels représentent un aspect moins connu de son œuvre, mais important dans la mesure où elles sont le témoignage de ses 31 missions dans le Grand Nord.

L’exposition sera ouverte en Salle des Actes du 18 au 25 janvier (fermée le weekend), de 9h à 17h30. 

Inauguration : jeudi 18 janvier 2024, à 18 heures.

Lien vers le site de l’UNESCO

Peintures rupestres du sud de la Patagonie Argentine ont 3100 ans (Dicyt 02/01/2024)

Des scientifiques du CONICET ont daté pour la première fois des peintures rupestres du sud de la Patagonie, trouvées dans le champ volcanique Pail Aike (Santa Cruz)

CONICET/DICYT Le champ volcanique de Pali Aike est situé dans la partie la plus méridionale du désert de Patagonie, à la frontière entre la province de Santa Cruz et la région chilienne de Magallanes, à quelques kilomètres du détroit du même nom. Un paysage difficile où il est difficile d’imaginer, avec les yeux d’aujourd’hui, à quoi ressemblait la vie des gens qui y voyageaient il y a des milliers d’années à la recherche de nourriture et d’un abri. Mais l’archéologie, et en particulier l’étude de l’art rupestre, permet de mieux comprendre la vie quotidienne de ces communautés nomades du passé en étudiant les traces laissées dans les grottes, les surplombs et les falaises. L’analyse se concentre sur la forme, la taille et la distribution spatiale de ces représentations, ainsi que sur l’âge et la composition des mélanges de pigments.

Une étude récente a été publiée dans le Journal of Archaeological Science. Les rapports de deux chercheurs du CONICET ont révélé des aspects inconnus et nouveaux de l’art rupestre découvert dans le sud de Santa Cruz. Dans l’abri sous roche Romario Barría, situé dans le bassin du fleuve Gallegos, les scientifiques ont obtenu les premières datations directes au radiocarbone AMS de peintures rupestres du sud de la Patagonie. Des études ont montré que ces représentations ont plus de 3 100 ans, alors qu’on pensait auparavant qu’elles avaient au plus 2 000 ans. Il a également été possible d’établir un ordre chronologique dans l’utilisation des couleurs (rouge, blanc et noir) et de déterminer la composition des mélanges de pigments utilisés.

Selon les conclusions des scientifiques dans l’ouvrage publié, ces résultats fournissent la première datation des activités de peinture dans le champ volcanique de Pali Aike, attribué au style dit Río Chico, prolongeant son antiquité à environ 1 000 ans.

Le style Río Chico est un style de figures géométriques réalisées à l’aide de traits linéaires et la couleur prédominante est le rouge, qui est utilisé dans plus de 90 pour cent des représentations. Les Noirs et les Blancs sont des minorités.

« La datation au radiocarbone réalisée par Alejandro Cherkinsky, chercheur au Centre d’études isotopiques appliquées de l’Université de Géorgie (États-Unis), nous a montré que le rouge est la couleur la plus utilisée depuis 3 120 ± 60 ans avant le présent. Si le rouge est utilisé depuis des milliers d’années, le noir, en revanche, a commencé à l’être au cours des 760 dernières années avant le présent, ce qui explique pourquoi les motifs de cette couleur sont beaucoup moins fréquents. Quoi qu’il en soit, des datations supplémentaires sont nécessaires pour le confirmer », explique Judith Charlin, chercheuse CONICET à l’Institut patagonien des sciences sociales et humaines (IPCSH, CONICET), co-auteure de l’étude avec Liliana Manzi, chercheuse à l’Institut multidisciplinaire d’histoire et de sciences humaines (IMHICIHU, CONICET). Dans le même temps, il déplore que « l’échantillon de peinture blanche ne contenait pas suffisamment de matière organique pour être daté, nous n’avons donc pas de chronologie absolue de l’utilisation de cette couleur, bien que nous supposions qu’elle était antérieure au noir, comme l’indiquent les superpositions de motifs noirs sur blanc. »

Cette activité picturale est liée à une augmentation de l’intensité de l’occupation du site dans la région au cours des 3 500 dernières années. Les différents événements picturaux suggérés par la superposition de motifs, les variations tonales et les chronologies directes obtenues à Romario Barría indiquent une utilisation prolongée et récurrente du site.

En général, les représentations d’art rupestre du champ volcanique de Pali Aike se trouvent dans des zones du paysage qui ne sont pas spécifiquement liées à des sites d’habitation, comme c’est le cas, par exemple, à Cueva de la Manos au nord-ouest de Santa Cruz, mais elles servaient plutôt de marqueurs dans le paysage de zones d’approvisionnement en ressources, telles que des sources de roches pour la fabrication d’artefacts en pierre, ou de grandes lagunes et rivières, où se concentrait la faune : guanacos, choiques ou autres types d’oiseaux. « Les sites d’art rupestre que nous avons étudiés sont généralement associés à des routes ou à des zones de circulation. L’étude de leur localisation dans le paysage à l’aide de systèmes d’information géographique (SIG) montre que ces sites ne sont pas associés à des lieux présentant une abondance et une diversité importantes de vestiges archéologiques », explique l’archéologue.

Les techniques et matériaux utilisés pour les peintures rupestres de la Patagonie

Les scientifiques en déduisent que les doigts ont été utilisés pour créer la plupart des peintures étudiées, comme le suggère également l’existence de restes phalangiens positifs sur d’autres sites archéologiques de la région.

Concernant les techniques, nous savons que les doigts ont été utilisés, ainsi qu’une sorte de pinceau qui aurait pu être fabriqué à partir de restes végétaux, de guanaco ou de cheveux humains. Bien qu’il n’y ait aucune preuve de cela et que nous en sachions très peu, les différences d’épaisseur des traits permettent de savoir s’il s’agit de doigts ou de pinceaux. Mais c’est un aspect que nous évaluons en fonction de la dispersion de la peinture. Nous effectuons des analyses d’empreintes digitales, appelées paléodermatoglyphes, une innovation pour notre pays. Nous travaillons avec des spécialistes de la police scientifique. Nous sommes allés sur le terrain relever des empreintes digitales sur les peintures rupestres afin d’identifier le sexe et l’âge des peintres », explique la chercheuse.

En ce qui concerne les matériaux utilisés, les analyses de la composition des peintures rouges, réalisées à l’aide d’une technique appelée spectroscopie Raman, ont indiqué que le pigment le plus utilisé dans le temps et dans l’espace est l’hématite, qui provient des affleurements volcaniques de la région. Le basalte, altéré par le processus de transformation de la couleur, de la texture, de la composition ou de la fermeté des roches et des minéraux en raison de l’action de l’eau ou de l’environnement, produit de l’hématite. Les scientifiques parviennent ainsi à conclure que la matière première utilisée pour la fabrication des peintures a été obtenue localement.

Pour obtenir les échantillons que nous avons datés, nous avons gratté une très petite partie de la surface des peintures afin de préserver ces preuves. Des analyses par diffraction des rayons X sont en cours à la Faculté des Sciences Exactes et Naturelles de l’Université de Buenos Aires (UBA) afin d’identifier la composition des pigments noirs et blancs. Pour l’instant, nous savons que les pigments noirs ne semblent pas être du carbone, mais de l’oxyde de manganèse, et les blancs, des carbonates. Ces analyses sont toutefois en cours et nous n’avons pas encore les résultats. De plus, les recherches antérieures dans ce domaine sont très limitées.

Enfin, les scientifiques soulignent que la datation au radiocarbone a été possible car, en plus des minéraux utilisés dans les mélanges de pigments, qui donnaient aux peintures leur couleur, d’autres substances organiques ont été ajoutées. On les appelle « liants », car ils donnent de la consistance au mélange de pigments. Il semble qu’il s’agisse de restes de plantes, selon certains indicateurs, mais il existe également des preuves ailleurs de l’utilisation d’ossements fauniques broyés ou pulvérisés. « Sur le plateau central de Santa Cruz, on parle également de l’utilisation de tissus et de graisses d’herbivores (probablement des guanacos) et de blancs d’œufs de cauquén ou de choique. Par conséquent, ce qui est daté dans ces peintures est précisément la composante organique de leur composition », conclut Charlin.

Source : https://www.dicyt.com/noticias/pinturas-rupestres-del-sur-de-la-patagonia-argentina-tienen-3-100-anos-de-antiguedad Traduit de l’espagnol par l’association Karukinka

Notre critique des Colons: Chili con carnage (Le Figaro, 19/12/2023)

Par Eric Neuhoff

Publié le 19/12/2023 à 12:55, mis à jour le 19/12/2023 à 12:55

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Avec «Les Colons», Felipe Galvez signe une fresque rugueuse dans une pampa ensanglantée par l’extermination des indiens Onas. Dulac distribution

Au début du XXe siècle, des hommes de main mandatés par un riche propriétaire sèment la terreur parmi la population autochtone. Le premier film de Felipe Galvez frappe par son ambition et son ton épique.

La terreur ne dit pas son nom. On parle de civilisation. Il s’agit de génocide. Dans le Chili de 1901, un riche propriétaire charge trois hommes d’ouvrir une voie jusqu’à l’océan. Pour cela, tous les moyens seront bons. Qu’ils n’hésitent pas à se débarrasser des autochtones récalcitrants. Il y a là un capitaine écossais surnommé «le cochon rouge» à cause de sa veste écarlate (il en a vu d’autres: il a participé à la guerre des Boers), un mercenaire texan et un jeune métis. Le premier exécute à tout-va, le deuxième n’a pas de scrupules, le troisième se tait. Il regarde. Il ne sera peut-être pas le plus innocent de la bande.

La photographie est à tomber. Le vent souffle sur la pampa, ce «vertige horizontal» qui avait saisi Drieu la Rochelle. Patagonie, Terre de Feu, ces noms font rêver. Ils sont ici synonymes de cauchemars. Pendant la conquête, les massacres continuent. Sous des ciels à la Salvador Dali, la violence est chez elle, omniprésente. Elle a le défaut d’être contagieuse. Matchs de… (la suite de l’article est réservée aux abonnés)

https://www.lefigaro.fr/cinema/notre-critique-des-colons-chili-con-carnage-20231219

Le Sénat adopte une loi sur la restitution de restes humains présents dans les collections des musées français

Le Sénat adopte une loi sur la restitution de restes humains présents dans les collections des musées français

Suite à l’adoption d’une loi visant à simplifier la restitution des restes humains conservés dans les collections des musées français, l’association Karukinka et ses membres se réjouissent de cette avancée qui, ils l’espèrent, accélèrera la restitution des restes humains Selk’nam, Haush et Yagan présents dans la collection d’anthropologie physique du Musée de l’Homme (Paris).

Une demande de contact avait été maintes fois répétée avant et pendant la venue en France, dans le cadre du festival Haizebegi 2019, de Victor Vargas Filgueira (porte-parole de la communauté yagan d’Ushuaia, Argentine), Mirtha Salamanca (membre du Conseil Participatif Indigène d’Argentine pour le peuple selk’nam) et José German Gonzalez Calderon (ex-président de la communauté yagan de la Bahia Mejillones, Chili). Le directeur des collections avait refusé de les recevoir en octobre 2019, tout en indiquant que ces collections serait analysées dans les prochains mois.

A ce jour, soit plus de 4 ans après, toujours aucune suite n’a été donnée à cette prise de contact.

Pour aller plus loin, nous vous recommandons la lecture de cet article paru dans le journal Le Monde hier (intégré à la suite dans cet article) et, pour poursuivre la réflexion, la lecture par exemple de :

Le Parlement français adopte une loi sur la restitution de restes humains à des Etats étrangers

https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/12/18/le-parlement-francais-adopte-une-loi-sur-la-restitution-de-restes-humains-a-des-etats-etrangers_6206534_3246.html

Le texte doit faciliter le retour de corps ou de morceaux de corps collectés dans des conditions indignes en dérogeant à la règle d’inaliénabilité des collections publiques françaises.

Par Laurence Caramel Publié le 18 décembre 2023 à 20h23, modifié le 18 décembre 2023 à 21h40

L'ambassadeur d'Afrique du Sud, Thuthukile Edy Skweyiya et le ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg, posent à côté du moulage de Saartjie Baartman, surnommée
L’ambassadeur d’Afrique du Sud, Thuthukile Edy Skweyiya et le ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg, posent à côté du moulage de Saartjie Baartman, surnommée « Venus hottentote », le 29 avril 2002 lors d’une cérémonie à l’ambassade de l’Afrique du Sud à Paris, au cours de laquelle la dépouille de cette femme sera rendue à son pays d’origine. (AFP) JACQUES DEMARTHON / AFP

Les trois crânes provenant de l’ancien royaume Sakalave de Madagascar comme les dépouilles d’aborigènes d’Australie aujourd’hui conservés au Musée de l’homme, à Paris, pourront bientôt rejoindre leurs terres d’origine. Avec le vote des sénateurs, lundi 18 décembre, le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi sur la restitution à des Etats étrangers des restes humains appartenant aux collections publiques françaises.

« C’est un moment important pour nos relations avec des peuples qui attendent depuis longtemps de pouvoir donner une sépulture digne à leurs ancêtres », se réjouit la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly, à l’origine de la loi avec deux autres élus de la chambre haute, Pierre Ouzoulias (Parti communiste) et Max Brisson (Les Républicains). C’est aussi un « moment d’émotion » pour l’ancienne conseillère à la culture de Rouen, dont la ville a été la première à délibérer en 2006 sur la restitution à la Nouvelle-Zélande d’une tête maorie présente dans les collections locales.

C’est le refus de l’Etat de laisser le musée normand se départir de cette pièce qui a été le point de départ de ce patient travail ayant abouti au texte voté lundi. Son adoption est une étape supplémentaire dans la mise en œuvre du projet plus vaste visant à faciliter la rétrocession de pièces de collection acquises par les musées français dans des conditions désormais jugées inacceptables : trophées de guerre, pillages, vols, profanations de sépultures…

Il s’agit aussi à cette occasion d’engager une réflexion et un travail de mémoire. En juillet, une première loi concernant la restitution des biens culturels spoliés à des juifs dans le contexte des persécutions antisémites de 1933 à 1945 a déjà été votée. En 2024, le dernier projet de loi du gouvernement portant sur les œuvres acquises pendant la colonisation devrait être présenté au Parlement.

Accélération des traitements des requêtes

Grâce à la loi adoptée lundi, il ne sera plus nécessaire, comme cela était le cas jusqu’à présent, d’obtenir l’autorisation du Parlement avec le vote d’une loi ad hoc pour chaque dossier de restitution de corps ou de morceaux de corps. Une dérogation générale au principe d’inaliénabilité des collections publiques est introduite dans le code du patrimoine qui permettra à l’Etat et aux collectivités territoriales concernées d’agir par simple décret en Conseil d’Etat. Le traitement des requêtes devrait s’en trouver accéléré.

Depuis le début des années 2000, seulement quatre demandes ont en effet pu être instruites : celle portée en 2002 de l’Afrique du Sud concernant Saartjie Baartman, une femme Koïsan réduite en esclavage et exhibée en Europe sous le nom de Vénus hottentote. La même année, l’Uruguay a récupéré la dépouille d’un Indien Charrua, Vaimaca Peru, achetée par la France en 1832.

Dignité humaine

En 2012, vingt têtes maories ont été restituées à la Nouvelle-Zélande, puis, en 2020, vingt-quatre crânes ont été rendus à l’Algérie dans le cadre d’une convention de dépôt d’une durée de cinq ans. Une situation qui devra être régularisée avec la nouvelle loi.

Plusieurs conditions sont fixées pour juger de la recevabilité d’une requête : elle doit être déposée par un Etat étranger et à des fins exclusivement funéraires. Les « restes » doivent être ceux de personnes mortes après l’an 1500 et les « conditions de leur collecte porter atteintes à la dignité humaine ou leur conservation contrevenir au respect de la culture et des traditions du groupe dont ils sont originaires », précise la loi. En cas de doute sur l’identification des restes réclamés, un comité scientifique composé à parité d’experts français et du pays demandeur sera chargé d’éclairer la décision du ministère de la culture, à qui reviendra in fine la décision.

« Apaiser les mémoires douloureuses »

La ministre de la culture, Rima Abdul-Malak, s’est félicitée d’une loi équilibrée « entre la garantie du principe d’inaliénabilité et la gestion éthique des collections publiques. (…) Le respect de la dignité humaine anime cette loi. La France regarde son histoire en face. Elle entend les demandes des autres peuples et souhaite ouvrir avec eux de nouveaux échanges culturels en ayant contribué à apaiser les mémoires douloureuses ».

La ministre s’est également engagée à lancer dès le début de l’année 2024 une mission parlementaire sur la restitution des restes humains provenant des territoires d’outre-mer. « Ils ne pouvaient avoir leur place dans la présente loi mais nous en faisons notre priorité », a-t-elle promis, en se fixant un an pour apporter une solution.

Lundi, des représentants des Indiens Kalina de Guyane assistaient au débat au Sénat. Ils réclament le retour des corps de huit de leurs ancêtres morts en 1892 après avoir été exhibés dans des zoos humains à Paris et répertoriés dans les collections du Museum national d’histoire naturelle, à Paris. Celui-ci possède environ 24 000 « restes humains ». Environ 7 % sont originaires d’Afrique et 5 % des outre-mer. Une centaine seulement a été identifiée avec précision par les scientifiques, ce qui résume un autre enjeu de la loi : pour parvenir à sa véritable mise en œuvre, il faudra doter les musées de moyens pour faire l’inventaire fouillé de leurs collections.