Quel est l’historique du géant français [Total Eren] qui veut exporter de l’ammoniac depuis la Patagonie ? (Polar Comunicaciones, Chili, 10/05/2025)

Quel est l’historique du géant français [Total Eren] qui veut exporter de l’ammoniac depuis la Patagonie ? (Polar Comunicaciones, Chili, 10/05/2025)

​Une filiale de la multinationale TotalEnergies vient de soumettre une étude d’impact environnemental au SEA Magallanes, afin d’évaluer le plus grand projet énergétique d’Amérique du Sud et le troisième plus grand du monde. Quel a été son comportement d’entreprise au cours d’un siècle d’existence ? En accédant uniquement à des informations publiques, nous avons découvert des antécédents qui méritent d’être connus de toute la communauté.

un guanaco en patagonie
Guanacos à Pali Aike (Photo Luna Pérez)

Source : https://www.radiopolar.com/cual-historial-gigante-frances-exportar-amoniaco-patagonia / Traduit de l’espagnol par l’association Karukinka

Total Eren est une entreprise française spécialisée dans les énergies renouvelables. Depuis 2021, elle porte le projet H2 Magallanes, un projet de production et d’exportation d’hydrogène et d’ammoniac à grande échelle, qu’elle souhaite implanter à l’estancia Cañadón Grande, à 3,5 km du parc national Pali Aike, dans la région de Magallanes, au Chili.

Cette société est une filiale de TotalEnergies, multinationale au riche passé de dénonciations pour pratiques extractives dans des territoires vulnérables, alliances avec des dictatures, greenwashing d’entreprise, influence disproportionnée sur les politiques publiques et désastres socio-environnementaux. Ces antécédents, associés à l’ampleur de son mégaprojet, obligent à porter un regard critique et rigoureux sur ses intentions en Patagonie.

La société mère [TotalEnergies]

TotalEnergies est un groupe mondial du secteur pétrochimique et énergétique, qui produit et commercialise du pétrole, des biocarburants, du gaz naturel, des gaz verts, des énergies renouvelables et de l’électricité. Elle a été créée en 1924 sous le nom de Compagnie française des pétroles, s’attribuant la mission de « garantir l’indépendance énergétique de la France ».

Connue tout au long de son histoire comme la compagnie pétrolière Total, elle a décidé en mai 2021 de changer de nom pour « la production et la fourniture d’énergies de plus en plus abordables, fiables et propres ». C’est ainsi qu’elle a intégré des entreprises dédiées aux énergies renouvelables, comme Total Eren, acquise à 100 % en 2023.

En un siècle d’histoire, la multinationale a fait l’objet de graves accusations.

1. Conflits avec les populations autochtones et les communautés

En Afrique, l’oléoduc East African Crude Oil Pipeline (EACOP), qui traverse l’Ouganda et la Tanzanie, a été remis en question par des organisations telles que Human Rights Watch. Sur la base de plus de 90 entretiens avec des familles déplacées, un rapport a documenté les impacts dévastateurs sur les moyens de subsistance des familles, en raison du processus d’acquisition des terres.

Total a acquis une participation significative dans l’entreprise Suncor en 1997, pour exploiter des sables bitumineux sur des territoires ancestraux au Canada, jusqu’à ce qu’en octobre 2023, elle vende ses opérations à la même entreprise. Une enquête publiée dans Science a révélé que la pollution atmosphérique de ces sables bitumineux dépasse les émissions déclarées par l’industrie sur les sites étudiés, de 1 900 % à plus de 6 300 %. Pendant des décennies, les communautés autochtones de la région se sont plaintes de l’impact sur la santé de l’air toxique causé par ces opérations.

En Birmanie, au début des années 1990, Total s’est associée à la compagnie pétrolière Unocal et au régime militaire birman pour construire le gazoduc de Yadana. Le régime a créé un corridor de gazoducs hautement militarisé, dans lequel il a violemment réprimé la dissidence, forcé la population locale à construire l’infrastructure du gazoduc et à fournir du carburant à l’armée, obligé des villages entiers à se relocaliser, et commis des actes de torture, des viols et des exécutions sommaires. La plainte déposée par des villageois birmans a obligé Unocal à un accord en 2005, marquant la première fois qu’une plainte pour droits humains contre une multinationale aboutissait.

2. Désastres industriels et gestion des risques

En 1999, le naufrage du navire Erika – affrété par Total – a provoqué une marée noire dévastatrice pour la vie marine, terrestre et l’économie locale, sur plus de 400 kilomètres de côtes en France. En 2001, dans son usine chimique AZF à Toulouse, 300 tonnes de nitrate d’ammonium ont explosé, causant 31 morts, plus de 2 500 blessés, un cratère de près de 30 mètres de profondeur et 200 de diamètre, et une ville marquée par la tragédie. En 2012, une fuite de gaz incontrôlée sur la plateforme Elgin, en mer du Nord, a libéré 300 000 tonnes de méthane dans l’atmosphère, générant une crise environnementale et de sécurité dont les effets persistent aujourd’hui.

3. Sanctions judiciaires pour corruption

En 2013, la Securities and Exchange Commission (SEC) et le Département de la Justice des États-Unis ont infligé une amende à Total pour avoir soudoyé des fonctionnaires iraniens entre 1995 et 2004, afin d’obtenir des contrats d’exploitation d’un gisement de gaz naturel dans le golfe Persique. En 2018, un tribunal de Paris l’a sanctionnée pour la même affaire.

En 2023, le Tribunal de Strasbourg l’a condamnée pour avoir enfreint le programme « Pétrole contre nourriture », créé en 1996 pour l’achat de nourriture, de médicaments et de produits à des fins humanitaires pour la population irakienne, qui subissait les sanctions imposées par l’ONU après l’invasion militaire du Koweït. Une enquête menée par l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, Paul Volcker, a détecté des détournements de fonds pour conclure des contrats secrets avec le gouvernement de Saddam Hussein.

4. Actions en justice avec de nouveaux outils juridiques

Un groupe d’organisations a poursuivi Total devant les tribunaux pour ne pas avoir élaboré et mis en œuvre son plan de vigilance environnementale et de droits humains, exigé en France par une loi de 2017 visant à lutter contre la négligence des entreprises. Cela concerne un mégaprojet pétrolier qu’elle souhaite installer dans un parc naturel protégé en Ouganda, pour forer plus de 400 puits, extraire près de 200 000 barils de pétrole par jour et construire un oléoduc de 1 445 km.

En 2024, une plainte pénale inédite a été déposée contre elle, l’accusant d’avoir contribué à l’aggravation de catastrophes naturelles en toute connaissance de cause, de saper la transition énergétique et de s’enrichir au détriment du changement climatique.

Aujourd’hui en Patagonie [Parc éolien, électrolyse, dessalinisateur, terminal maritime…]

La compagnie pétrolière française arrive au sud du continent avec un nouveau nom, et des niveaux d’intervention pour la phase 1 de son projet qui sont inimaginables, non seulement pour tout le continent, mais aussi pour la majorité du monde, puisqu’il s’agit du troisième plus grand projet d’hydrogène de la planète. Sur une surface foncière disponible de 72 000 ha, elle prévoit d’installer :

  • un parc éolien de 5 GW avec 616 éoliennes de 8 MW,
  • sept centres d’électrolyse totalisant 3,85 GW pour la production d’hydrogène,
  • une usine de dessalement permanente d’une capacité de 1 300 litres par seconde,
  • une usine d’ammoniac qui produira jusqu’à 10 800 tonnes par jour,
  • un terminal maritime pour l’importation d’équipements et l’exportation d’ammoniac,
  • une centrale à gaz et des ouvrages auxiliaires.

Tout cela serait situé à côté de l’un des patrimoines touristiques, archéologiques, géologiques et naturels les plus importants de la steppe australe : le parc national Pali Aike, caractérisé par la forte présence de vestiges des premières occupations humaines, des paysages lunaires, des cônes volcaniques, des cratères, des grottes et des champs de lave, où vit une grande variété de faune et de flore, dont de nombreuses espèces menacées.

Connaissons-nous les véritables implications sur le territoire et nos modes de vie qu’aura l’arrivée de ce géant français, dont les ambitions sont d’atteindre une capacité de production annuelle de 1,9 million de tonnes d’ammoniac, pour approvisionner énergétiquement les pays développés ? Que ce soit pour ce projet ou d’autres en cours d’évaluation ou à l’étude, nous ne le savons pas. Nous n’avons pas non plus de clarté sur la façon dont leur fonctionnement simultané nous affectera, une question que nous avons soulevée en août 2023, par le biais d’une lettre envoyée au gouvernement régional et à d’autres autorités locales, au milieu du processus de promotion de cette méga-industrie en Patagonie.

Lire plus sur la Patagonie sur Karukinka.eu

« Ma vie sans moustache » : Romain Puértolas sur les traces d’Hitler en Patagonie ! (Podcast France Bleu, 09/05/2025)

« Ma vie sans moustache » : Romain Puértolas sur les traces d’Hitler en Patagonie ! (Podcast France Bleu, 09/05/2025)

Après « Comment j’ai retrouvé Xavier Dupont de Ligonnès », l’auteur valentinois Romain Puértolas récidive avec « Ma vie sans moustache », un roman-quête aussi passionnant que drôle. L’hypothèse de départ : Adolf Hitler aurait trouvé refuge et coulé des jours heureux en Argentine après 1945.

Un podcast de 4min de Héloïse Erignac, avec Romain Puértolas,

Tout commence en 2015, lorsque Romain Puértolas reçoit un étrange message d’une centenaire argentine. Cette femme affirme avoir été la cuisinière d’Adolf Hitler en Patagonie de 1945 à 1963. Une affirmation qui, à première vue, semble farfelue.  L’Histoire nous apprend que le dictateur se serait en effet donné la mort en 1945 dans son bunker berlinois. Intrigué par cette déclaration, Puértolas fait quelques recherche et découvre qu’en Argentine, il est communément admis que le Führer aurait coulé des jours heureux pendant près de vingt années après la fin de la guerre à San Carlos de Bariloche, commune de Patagonie. Il ne lui en faut pas plus pour prendre son billet d’avion et entreprendre une enquête sur les traces du tyran.

« Il n’y a aucune preuve à cent pour cent qu’Adolf Hitler s’est bien suicidé à Berlin en 1945 » Romain Puértolas

Rappelons que Romain Puértolas fut par le passé Lieutenant de police et que le « débunkage » de théories complotistes est son dada. Rappelons aussi qu’il est le facétieux auteur de Comment j’ai retrouvé Xavier Dupont de Ligonnès,  mi-enquête mi-roman, drôlissime et passionnant. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour qu’il récidive avec un roman-quête consacré cette fois au plus grand criminel de l’Histoire.

« C’est sérieux. C’est pas sérieux. Il y en a pour tous les goûts. C’est ce que j’aime faire ! » Romain Puértolas

Ma vie sans moustache, c’est une enquête fouillée et bourrée de références historiques. C’est aussi une aventure exotique qui nous embarque de Malaga à la Patagonie, en passant par Jérusalem et Beyrouth. C’est enfin un roman réjouissant où l’auteur nous mène par le bout du nez jusqu’au tour de passe-passe final !

Ma vie sans moustache de Romain Puértolas est paru chez Albin Michel

Source : https://www.radiofrance.fr/francebleu/podcasts/toujours-a-la-page/ma-vie-sans-moustache-romain-puertolas-sur-les-traces-d-hitler-en-patagonie-6025212

Pour découvrir d’autres actualités dédiées à la Patagonie, rdv ici

Kreeh Chinen, un festival qui réunit des artistes de toute la province (Desde las Bases, 08/05/2025)

Kreeh Chinen, un festival qui réunit des artistes de toute la province (Desde las Bases, 08/05/2025)

La quatrième édition du festival artistique « Kreeh Chinen » s’est tenue à Ushuaia. Des artistes des trois localités de la province y ont participé. L’événement a bénéficié du soutien et de la contribution de l’association « Karukinka », d’origine française, qui mène des activités avec des membres des peuples autochtones de la région. La prochaine édition du festival aura lieu en juillet, dans la ville de Río Grande. Certains des organisateurs ont souligné le caractère indépendant et solidaire de l’événement. 

Lauriane Lemasson José Pineiro et Alejandro Pinto
Lauriane Lemasson, José Pineiro et Alejandro Pinto (Desde las Bases, 08/05/2025, Rio Grande, Tierra del Fuego, Argentine)
Alejandro Pinto
Alejandro Pinto (Desde las Bases, 08/05/2025)
Lauriane Lemasson
Lauriane Lemasson (Desde las Bases, 08/05/2025)

Lauriane Lemasson, chercheuse française, et Alejandro Pinto, écrivain et poète de Río Grande, ont participé à l’émission de radio « Desde las Bases », diffusée sur Radio Provincia [aux côtés de José Pineiro]. Ils y ont évoqué la quatrième édition du festival Kreeh Chinen, qui s’est tenue cette fois-ci dans la ville d’Ushuaia.

En commentant l’organisation du festival Kreeh Chinen, Pinto a mentionné qu’avec cette initiative « Nous avons commencé l’année dernière, l’idée est de faire trois rencontres par an, une dans chaque ville. La première que nous avons faite cette année a été la quatrième édition et elle s’est déroulée samedi dernier, le 3 mai, à Ushuaia, au Latino Pub. Elle a débuté par ce que nous appelons une cérémonie artistique, car cela s’inspire un peu des cérémonies des peuples autochtones. Kreeh Chinen est un mot qui vient du selk’nam et sa signification, pas littérale mais plutôt métaphorique, est : accrochés à la lune », a expliqué l’écrivain.

Il a ensuite souligné que « l’intention est de faire une rencontre artistique, en essayant autant que possible d’impliquer des artistes de toute la province, des trois villes. Et ce n’est pas seulement une rencontre d’artistes, mais il y a aussi des initiatives locales des trois villes qui nous accompagnent. Des producteurs locaux, des artisans et de petits commerçants également, qui nous soutiennent. D’une certaine manière, nous nous aidons mutuellement, pour qu’ils puissent proposer leurs produits et aussi nous accompagner dans ce mouvement artistique », a-t-il détaillé.

Au cours de l’entretien, ils ont également mentionné que, parfois, des organisations environnementales comme « Estepa Viva » et l’« Asamblea Comunidad Costera de TDFeIAS » ont participé au festival, aux côtés de membres des peuples autochtones. « L’idée est de rendre visibles les thématiques régionales, environnementales, culturelles des peuples autochtones. Ainsi, en tenant compte aussi des thèmes artistiques de la province, qui sont toujours un peu liés aux peuples autochtones, à la géographie, à l’histoire de l’île », ont-ils indiqué.

Concernant le rôle de l’association « Karukinka », Lauriane Lemasson a expliqué qu’en plus d’avoir participé en jouant de l’accordéon lors du festival organisé à Ushuaia, cela avait à voir avec le sens de « cette association que j’ai fondée avec des passionnés de France et Ale (Pinto), qui sont là depuis le début de ce projet. C’était en 2014 et à cette époque, nous n’imaginions pas qu’un jour nous aurions un bateau pour développer nos propres projets au niveau local. L’idée de l’association a toujours été de créer le pont qui manquait entre l’Europe et la Terre de Feu », a-t-elle souligné.

La chercheuse a insisté sur le fait que « l’indépendance, aujourd’hui, je crois que c’est le plus important, et aussi faire en sorte que les gens se réunissent, non pas pour se réunir dans un but de profit économique sinon avec de l’utopie, des rêves et l’envie de changer les choses en apportant chacun un peu, la part du colibri. Je crois beaucoup au pouvoir du collectif totalement indépendant, et c’est pourquoi, quand Ale m’a parlé de son idée de créer Kreeh Chinen, il y a un peu plus d’un an maintenant, j’ai dit oui, tout de suite ».

Ils ont également cité certaines des activités menées par l’association « Karukinka », tant dans des pays européens qu’en Terre de Feu, dans un accompagnement constant pour le développement de différents projets liés aux peuples autochtones de la région. Tout cela en contact permanent avec les communautés, dont un voyage important réalisé en 2019 par Mirtha Salamanca, petite-fille de la Selk’nam Lola Kiepja ; Víctor Vargas Filgueira et José González Calderón, tous deux appartenant au peuple yagán, en France ; dans le but de participer à un festival organisé dans la ville de Bayonne, entre autres activités.

Enfin, concernant la prochaine édition, ils ont indiqué qu’il n’y a pas encore de date exacte, « mais ce sera pendant les vacances d’hiver, car il y a des artistes qui étudient ou travaillent dans le nord, et profitent des vacances pour revenir. Alors, à leur retour, ils auront déjà un espace artistique, nous avons déjà parlé avec certains, et nous soupçonnons que ce sera le deuxième week-end des vacances d’hiver, ici à Río Grande », ont-ils finalement annoncé.

Source: https://red23noticias.com.ar/nota/12118/un-festival-que-reune-artistas-de-toda-la-provincia/

Enregistrement de l’interview disponible (en espagnol) via le lien suivant : https://desdelasbases.com.ar/nota/8348/un-festival-artistico-que-crece-desde-el-pie/ ou ici

[PARTENARIAT] Succès total pour la quatrième édition de Kreeh Chinen

[PARTENARIAT] Succès total pour la quatrième édition de Kreeh Chinen

Message d’Alejandro Pinto, à l’initiative du festival indépendant « Kreeh Chinen » dont l’association Karukinka est partenaire.

« Après la rencontre extraordinaire de samedi dernier à Ushuaia, les répercussions et la croissance de ce festival continuent.

Un immense merci à toute l’équipe, aux artistes qui ont participé à toutes les éditions, aux lieux qui nous ont accueillis pour le réaliser, aux commerçants et aux entrepreneurs qui nous ont aidés à faire avancer ce projet artistique, ainsi qu’au public si chaleureux pour sa générosité.

Merci également à José Piñeiro pour l’excellent reportage qu’il nous a consacré dans son émission de radio « Desde Las Bases ». Vous pouvez retrouver ce reportage en vidéo sur sa page Facebook, le lire (en espagnol) sur le portail de Red 23 Noticias : https://red23noticias.com.ar/…/un-festival-que-reune…/ [ou traduit en français sur le site de l’association :

L’aventure continue, et nous préparons déjà la cinquième édition qui aura lieu à Río Grande plus tôt que prévu. Pour en savoir plus, vous pouvez lire ou écouter le reportage.

Vous pouvez aussi faire un tour audiovisuel des éditions précédentes sur notre Instagram, et voir la dernière rencontre diffusée sur la chaîne YouTube de Kreeh Chinen : https://youtube.com/@kreehchinenyt?si=kQtyHKEu8feIY72f

Une autre nuit hallucinante s’annonce.
Ceci est Krèeh Chinen, et nous sommes accrochés à la lune. »

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En savoir plus

Vous pouvez aussi accéder à la vidéo de cette 4e édition ci-dessous ainsi qu’à la galerie photo de l’événement

Enregistrement vidéo du festival

Galerie photo des interventions artistiques

La communauté Kawésqar Nómades del Mar participe à un atelier de plongée « pour la mémoire historique du territoire » (Journal UChile, 04/05/2025 « Comunidad Kawésqar Nómades del Mar participa de taller de buceo “por la memoria histórica del territorio”)

La communauté Kawésqar Nómades del Mar participe à un atelier de plongée « pour la mémoire historique du territoire » (Journal UChile, 04/05/2025 « Comunidad Kawésqar Nómades del Mar participa de taller de buceo “por la memoria histórica del territorio”)

Dans une interview accordée à Radio et Diario Universidad de Chile, Leticia Caro partage les expériences qui ont marqué une nouvelle édition de cette initiative réalisée dans la région de Magallanes. « Expérimenter comme le faisaient nos anciens », réfléchit-elle. [Diana Porras]

Source : https://radio.uchile.cl/2025/05/04/comunidad-kawesqar-nomades-del-mar-participa-de-taller-de-buceo-por-la-memoria-historica-del-territorio/ traduit de l’espagnol par l’association Karukinka

« La récompense est pour ceux qui veulent préserver ce lien. » C’est ainsi que s’exprime Leticia Caro, représentante et cheffe de la communauté Kawésqar Nómades del Mar, lorsqu’elle partage les expériences qui ont marqué une nouvelle édition de l’atelier de plongée qui s’est tenu dans la région de Magallanes.

Lors des derniers jours de février, quatre instructeurs se sont rendus dans la zone australe pour partager leurs connaissances. Daniela Magnasco, championne nationale d’apnée et médaillée d’or panaméricaine ; Diego Hernández, instructeur de pêche sous-marine ; Enrique Guillaume, instructeur d’apnée ; et Fernando Pardo, organisateur de la rencontre.

Après trois ans, l’initiative a réuni plus de vingt participants qui ont concentré leur apprentissage sur des aspects théoriques et pratiques.

Dans une interview à Radio et Diario Universidad de Chile, Leticia Caro réfléchit : « Il faut se rappeler que les jeunes de l’atelier apprennent à subsister, à comprendre qu’en mer on vit la souveraineté alimentaire et que c’est le cœur de leur culture maritime. »

– Quelle a été l’origine de cette initiative ?

L’origine est très importante car elle donne la direction à ce qui suit… D’abord, le peuple kawésqar est connu au niveau national et international comme l’un des peuples australs victimes de génocide lors de la colonisation, ce qui a aussi entraîné de nombreuses formes d’extinction. Au fond, on a retiré aux Kawésqar leur manière de se déplacer sur le territoire et de se connecter, dans ce cas, nos anciens avec la mer.

En collaboration avec Ramón Navarro (surfeur professionnel), un jour nous avons rêvé. Il me demandait : « Quelle est la façon la plus proche de la mer ? » Je lui ai dit que dans mon cas, seulement en bateau car je ne sais pas plonger ni rien de ce genre. Il m’a dit qu’il m’apprendrait à plonger et je lui ai répondu que j’adorerais, mais que je préside une communauté et que j’aimerais que tout le monde apprenne ce lien avec la mer… que l’histoire nous a un jour retiré.

Quelques mois plus tard, il est revenu avec tout l’équipement, prêt à commencer. Au début, je ne savais pas s’il tiendrait parole, mais il a totalement respecté ce que nous avions convenu, et c’est ainsi que l’atelier de plongée a commencé.

Leticia Caro kawésqar
Leticia Caro. Image sur la chaîne YouTube de UChile Indígena.

– Après trois ans, est-ce toujours d’actualité ?

Oui, et cela a aussi un lien avec le tournage d’un documentaire intitulé « Corazón Salado » où Ramón est venu naviguer avec nous pour voir ce qui se passe avec l’industrie, nos zones de pêche et le niveau d’impact que nous subissons.

Ça a été une expérience très belle et nous avons grandi. Nous avons commencé avec les bases, mais notre idée est aussi de renforcer et de faire grandir cela autant que possible.

C’est pour cela que l’an dernier, Fernando Pardo m’a dit qu’il voulait aider, alors est née l’idée de faire venir des instructeurs pour l’atelier de plongée, et c’est ce que nous avons réalisé en 2025. Cette saison, nous avons reçu quatre experts en apnée et dans différentes disciplines comme la chasse au harpon et le sauvetage en mer. Le niveau des experts était extraordinaire, et en tant que personnes, encore plus.

Ainsi, nous avons concrétisé ce dernier atelier, et il nous reste encore une saison cette année, donc nous espérons les avoir à nouveau ici, soit pour refaire la même chose, soit pour approfondir d’autres sujets comme les premiers secours et tout ce qui a trait à la sécurité. Dans ce cas, les enfants, jeunes et adultes qui se connectent avec la mer sauront qu’ils seront bien préparés.

Ces ateliers sont axés sur le peuple kawésqar, sur les Kawésqar, mais spécifiquement sur ceux qui défendent la mer. Pourquoi ? Parce que le manque d’opportunités que nous avons est vraiment préoccupant. C’est pourquoi la récompense est pour ceux qui veulent préserver ce lien avec la mer et expérimenter comme le faisaient leurs anciens. Cette année, nous avons aussi ouvert l’option à des personnes conscientes de l’importance de protéger la mer et avons intégré quatre personnes non kawésqar mais très engagées.

– Quels souvenirs et émotions ont marqué cette dernière édition de l’atelier de plongée ?

Nous sommes, de façon constante, un groupe très uni. Nous prenons toujours soin les uns des autres, ceux qui sont venus ont ressenti cette affection et c’est, au fond, ce que nous transmettons. De plus, les instructions données ont été très bien reçues et nous avons aussi eu l’opportunité de plonger à différents endroits. Notre atelier de plongée est nomade, en hommage aux Kawésqar qui se déplaçaient en canoë… Je pense que les émotions sont nombreuses et variées car ce que nous recevons n’est pas anodin. Il faut se rappeler que les jeunes de l’atelier apprennent à subsister, à comprendre qu’en mer on vit la souveraineté alimentaire et que c’est le cœur de leur culture maritime. Donc, les sentiments sont de la gratitude envers les instructeurs, chacun avec sa spécialité… c’était émouvant. Ils nous ont vus tels que nous sommes, sans déguisements.

– Où s’est déroulé l’atelier ?

L’atelier s’est déroulé à Punta Arenas, précisément dans la baie de Río Seco, la baie du 21 mai et la baie de Punta Árbol. Dans un Espace Côtier Marin (ECMPO) que nous demandons à protéger et que nous avons nommé Tawokser.

atelier de plongée avec le peuple kawesqar
Image sur @buceo_nomades.del.mar

– En se rappelant ces liens ancestraux, le rôle des femmes était aussi lié à la mer. Quels autres récits pouvez-vous partager ?

L’une des choses très importantes, et la raison pour laquelle nous faisons appel ici à la mémoire de la plongée, c’est que les femmes, les anciennes, étaient d’excellentes plongeuses. Elles naissaient pour cela…

Elles étaient chargées de la collecte des coquillages et autres produits de la mer, tandis que les hommes se consacraient à la chasse et à d’autres activités.

Il y a eu une rupture dans l’utilisation, dans les modes de subsistance, due à la colonisation, qui a mis fin aux activités propres au peuple kawésqar. Et ce n’est pas une vieille histoire, c’est une histoire récente. Elle n’a pas plus de deux cents ans… on a progressivement cessé de faire ce qui caractérisait les Kawésqar depuis six mille ans.

C’est à nous d’essayer de les faire revivre.

La langue aussi est mutilée et perdue, nous essayons de la récupérer d’une manière ou d’une autre. Pas comme la parlaient les anciens, car la langue est liée au territoire, aux expériences et à la vision du monde. Nous essayons d’adapter ce monde, cette langue à ce que nous avons aujourd’hui, c’est-à-dire l’espagnol. C’est ainsi que nous comprenons les taiwaselok hoyok, qui signifient littéralement les Kawésqar morts (les ancêtres), et la mer Chams waes.

Nous sommes en plein moment de ces sauvetages.

– « La colonne suivante a un but explicatif », informait la communauté dans un texte publié par la Prensa Austral intitulé Les huit étapes des ECMPO (Espaces Côtiers Marins des Peuples Autochtones). Pourquoi avez-vous jugé nécessaire de rendre ce sujet visible ?

L’idée des colonnes dans la presse est de fournir des informations fiables sur la Loi Lafkenche (20.249). Elles cherchent à expliquer simplement l’objectif de ces espaces côtiers, car en Magallanes et en Aysén, ils ont été mutilés d’une certaine manière par la Commission Régionale d’Utilisation du Littoral (CRUBC).

Environ un mois avant la réunion de la CRUBC, on diabolise tellement les espaces marins que c’est comme si nous essayions de nous approprier un espace où personne ne pourra entrer. Nous essayons d’éclaircir ces points.

Les espaces côtiers marins sont nés de ce manque de garanties pour les peuples autochtones dans la Loi sur la pêche. Et si aujourd’hui on regarde la discussion sur la Loi sur la pêche, les peuples autochtones sont absents de leurs droits… nous ne sommes inclus nulle part. La seule chose qui garantit nos droits en tant qu’habitants côtiers, c’est la Loi Lafkenche. C’est la seule chose qui assure que nos droits d’usage coutumier seront protégés… Or, la Loi Lafkenche est orientée vers le peuple mapuche et son mode de vie sur le littoral. Celui-ci est différent de celui des Kawésqar, mais la loi peut concilier les deux. On a beaucoup dit que nous demandons des espaces très grands. Mais personne ne se rend compte que les canaux sont très étroits, personne ne se rend compte que nous sommes les descendants d’un peuple nomade de la mer où tout espace est petit et où nous n’atteignons même pas un quart de ce qu’était le territoire kawésqar dans son étendue.

Cependant, l’industrie du saumon, les privés et aussi des politiques favorables à l’industrie ont déclaré qu’ils ne nous approuveraient rien, que quoi que nous fassions, à l’arrivée devant la CRUBC, nous n’aurons aucune garantie de droits. Cela en soi est une atteinte.

Alors, nous disons : –Bon, mais nous aurons l’occasion d’informer. Parce qu’on fait croire aux gens que nous allons nous approprier et faire payer l’entrée dans ces espaces… c’est absurde. Certains marins disaient même qu’ils ne pourraient plus surveiller, leurs phares ou autres, ce qui est le comble de l’invention. La Loi Lafkenche ne prime ni sur le secrétariat des Forces armées, ni sur la Marine, ni sur rien de ce qui touche au littoral. Elle ne prime sur aucune loi qui régule aujourd’hui la pêche artisanale, l’aquaculture, etc.

Nous espérons que ces informations aideront la population à s’informer et à s’émanciper, car elle peut aussi se joindre à nous. Les droits d’usage coutumier seront les nôtres, mais les espaces sont à tous et ensemble nous pouvons les préserver.

L’appel est à s’informer, à comprendre que les peuples autochtones ne sont ennemis de personne et que, en particulier, notre communauté mise sur une reconquête. Pour une reconnexion, pour la mémoire historique du territoire et, dans ce cas, pour la défense de la mer.

Ne pas se laisser emporter par les fake news (fausses informations).

Partagé par l’Association à but non lucratif Karukinka