Ce que Jean Malaurie a apporté aux sciences sociales (Lauriane Lemasson, France Culture, 27 mai 2021)

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/ce-que-jean-malaurie-a-apporte-aux-sciences-sociales-8773873

Suite à la parution du Cahier de l’Herne consacré à Jean Malaurie, l’ethnomusicologue Lauriane Lemasson revient au micro de Marie Sorbier sur les apports multiples du géographe et écrivain à la musicologie.

Avec

  • Lauriane Lemasson Ethnomusicologue

Les Cahiers de L’Herne consacrent leur dernière édition, parue le 19 mai, au géographe et écrivain Jean Malaurie qui, à 98 ans, continue d’inspirer des chercheurs dans de nombreuses disciplines. L’ethnomusicologue Lauriane Lemasson revient au micro de Marie Sorbier sur l’influence de Jean Malaurie sur ses recherches en musicologie.

Lauriane Lemasson rencontre pour la première fois Jean Malaurie à l’été 2013, lors de sa première expédition en Terre de Feu, en Argentine. Elle transmet une copie de sa soutenance de master au géographe qu’elle cite à plusieurs reprises dans ce travail, désirant échanger avec lui. Jean Malaurie, intéressé par cette recherche sur le paysage sonore de la Terre de Feu argentine, la contactera quelques semaines plus tard. S’ensuit une collaboration sur plusieurs projets.

En quoi les travaux de Jean Malaurie sont-ils inspirants pour les jeunes chercheurs d’aujourd’hui ? Selon Lauriane Lemasson, c’est avant tout le parcours du géographe et écrivain qui fait de son travail un apport si singulier aux sciences sociales.

C’est pionnier dans les sciences humaines, puisqu’il montre que les multiples facettes d’un terrain ne peuvent être étudiées qu’en faisant appel à plusieurs disciplines.                
Lauriane Lemasson 

Les travaux et le parcours de Jean Malaurie sont fondamentalement pluridisciplinaires. Après une formation de géographe physicien, son cheminement intellectuel l’amène rapidement à repousser les limites de la discipline en y apportant une dimension ethnographique. Dès sa première mission en solitaire à Thulé, au Groenland, en 1950, il conçoit des cartes topographiques, collectant des données liées à la géomorphologie du territoire tout en recensant un groupe de 300 Inuits. Cela lui permet d’établir la première généalogie, sur quatre générations, de ces communications. Un travail qui le mène également à faire la rencontre du chamane Uutaaq, dont l’influence sera cruciale pour l’évolution de la pensée du chercheur et son engagement contre les effets protéiformes de la colonisation. Plus tard, Jean Malaurie et ses compagnons Inuits découvrent une base secrète de l’armée américaine. Il prend alors position, non pas en tant que résistant de la Seconde Guerre mondiale comme il l’avait été dès 1943, mais en défenseur des peuples Inuit face à la toute-puissance américaine. 

Cet engagement-là est inspirant et a donné naissance à son premier livre, en 1955, Les Derniers rois de Thulé, mais aussi à la collection Terre humaine, qu’il dirige depuis 1955. Cette collection est à l’image de son créateur : engagée en faveur des minorités, pluridisciplinaire, elle met l’accent sur la richesse de la pluralité culturelle et sur les méfaits de la mondialisation. C’est la possibilité d’un autre regard sur le monde, autre que celui des Occidentaux.              
Lauriane Lemasson

Depuis 2011, Lauriane Lemasson concentre ses recherches sur l’extrême sud de l’Amérique latine, au sud du détroit de Magellan. En préparant sa première expédition sur le terrain en 2013, le constat est pour elle sans appel : tous les ouvrages qu’elle consulte alertent sur la disparition des peuples autochtones de la région. 

Je me suis retrouvée à devoir prendre position quant à la pseudo-disparition, vue depuis l’Europe, des peuples autochtones de Terre de Feu et des îles voisines. Tout laissait croire qu’il n’y avait plus personne, tous les récits les concernant étaient écrits au passé. Aucune remise en question de l’état actuel des lieux. Sauf que si on se rend sur place et qu’on enlève certains filtres abjects de l’anthropologie, c’est une toute autre situation que l’on rencontre.              
Lauriane Lemasson

Ces peuples sont aujourd’hui en partie regroupés sous l’égide de communautés qui leur permettent de défendre leurs droits, explique Lauriane Lemasson. Un enjeu majeur de leur lutte est de pouvoir récupérer les corps des leurs, éparpillés et morcelés dans plusieurs musées internationaux, dont le Musée de l’Homme à Paris. Depuis plusieurs années, la chercheuse travaille avec des membres de ces communautés afin de créer des ponts entre eux et l’Europe, pour participer à la reconstruction de ce que les génocides subis par leurs ancêtres ont détruit. 

Lauriane Lemasson travaille avec les survivants des génocides qui ont eu lieu en Argentine et au Chili, en explorant des lieux privatisés depuis la colonisation à la fin du 19ème siècle. Sur place, elle collecte des informations sur les anciens campements autochtones, ce qui lui permet de reconstituer des cartes dans la langue de ces peuples  Selk’nam, Haush et Yagan. En utilisant l’apport de l’acoustique, la chercheuse peut aller au-delà de l’archéologie traditionnelle : en s’intéressant à la dimension sonore des lieux, elle peut caractériser des sites rituels et redonner à des lieux désertés aujourd’hui leur dimension culturelle. Cette démarche correspond à sa recherche spécialisée sur les paysages sonores. 

J’essaie de m’immerger le plus possible pour écouter comme ceux qui m’ont précédée dans ces lieux. La tâche est immense, mais grâce à plusieurs expéditions immersives en solitaire de plusieurs mois, l’oreille s’affine et on arrive à percevoir, petit à petit, des éléments du paysage. La morphologie acoustique d’un lieu peut être très singulière et corroborer les besoins d’un rituel.            
Lauriane Lemasson

D’une première étude acoustique d’un site qui a été étudié par le Centre austral d’investigation scientifique d’Ushuaia, Lauriane Lemasson a pu tirer un modèle acoustique transposable à d’autres lieux. En répétant les mêmes expériences dans ces autres lieux, elle découvre qu’on peut retrouver des caractéristiques permettant de démontrer qu’un lieu correspond aux besoins d’un rituel. 

Dans le texte qu’elle signe dans le Cahier de l’Herne consacré à Jean Malaurie, la chercheuse suggère qu’elle compte poursuivre ses travaux autour du cercle arctique. Un projet qui vient s’ajouter à une liste dense : Lauriane Lemasson travaille actuellement à la création du fond sonore Jean Malaurie, sous l’égide de l’Université de Versailles, tout en préparant avec son conjoint un voilier avec lequel elle souhaite voguer vers le Groenland, sur les traces de Jean Malaurie, pour faire des études acoustiques de sites que le géographe lui a mentionnés.  

« Patagonie, dernier refuge, de Christian Garcin et Éric Faye: à la recherche des fantômes » (Le Figaro, 12/05/2021)

https://www.lefigaro.fr/livres/patagonie-dernier-refuge-de-christian-garcin-et-eric-faye-a-la-recherche-des-fantomes-20210512

Patagonie, dernier refuge, de Christian Garcin et Éric Faye: à la recherche des fantômes

Par Bruno Corty

Publié le 12/05/2021 à 12:53, mis à jour le 12/05/2021 à 12:53

Les deux écrivains parcourent plusieurs milliers de kilomètres, à travers les paysages désolés et sublimes de la pampa. Une plongée dans l’histoire de ce bout du monde.

Romanciers, essayistes, Christian Garcin et Éric Faye adorent voyager. Ensemble, ils ont déjà écumé l’Extrême-Orient russe et en ont tiré En descendant les fleuves. Carnets de l’Extrême-Orient (J’ai lu) en 2013. Ils sont aussi partis en 2018 du Tibet au Yunnan pour en rapporter Dans les pas d’Alexandra David-Néel (Stock). Leur attelage fonctionne bien. On le voit encore cette fois avec Patagonie, dernier refuge, qui est sans doute la plus aboutie de leurs collaborations.

De Buenos Aires et Montevideo à Puerto Williams, juste au-dessus du Cap Horn, ils vont descendre plusieurs milliers de kilomètres vers le Sud, à travers les paysages désolés et sublimes de la pampa, de la Patagonie, côté argentin et chilien, des fjords et des glaciers, du détroit de Magellan au canal de Beagle.

À chaque étape de ce périple entamé au tout début 2020 et achevé juste avant le déclenchement de la pandémie de coronavirus, des noms qui font rêver: El Chalten, El Calafate, Puerto Natales, Rio Gallegios, Punta Arenas…

(la suite de l’article est réservée aux abonnés)

Des objets inconnus apparaissent dans la sépulture d’un enfant Selk’nam en Terre de Feu (Agencia SINC, 23/10/2019)

Dans la Bahía Inútil (Chili) une équipe de scientifiques a découvert une sépulture infantile appartenant à la culture Selk’nam, avec des caractéristiques uniques. Le trousseau qui l’accompagne présente des objets méconnus, ainsi que des objets funéraires inhabituels dans cette région.

Article paru en espagnol et traduit par l’association Karukinka. Titre original (espagnol) : « Aparecen objetos desconocidos en la sepultura de un niño Selk’nam en Tierra del Fuego »

Aparecen objetos desconocidos en la sepultura de un niño Selk’nam en Tierra del Fuego

Couples mandibulaires de guanacos adultes faisant partie du mobilier funéraire unique / Photos fournies par Thierry Dupradou

Le peuple Selk’nam de la Terre de Feu était une tribu qui vivait à la pointe sud de l’Amérique du Sud. Elle était composée de chasseurs-cueilleurs nomades qui subsistaient à l’origine grâce aux guanacos sauvages, aux oiseaux, aux rongeurs, aux coquillages et aux pinnipèdes (phoques, otaries et morses) qu’ils chassaient. Au début du XXe siècle, les maladies infectieuses et un génocide perpétré par les colons britanniques, argentins et chiliens en ont anéanti la plupart.

Avec leurs voisins, les Haush, cette tribu était l’un des rares groupes de chasseurs-cueilleurs d’Amérique dont les moyens de subsistance étaient limités à une seule île. Ses archives archéologiques sont abondantes, mais on sait peu de choses sur ses pratiques mortuaires.

Une étude internationale, dirigée par l’Université de Magallanes à Punta Arenas (Chili), avec la participation de l’Institut de biologie évolutive (UPF-CSIC), a décrit l’enterrement d’un enfant de cette tribu aux caractéristiques uniques, située à Bahía Inútil. La datation au radiocarbone situe la sépulture au début de la période postcolombienne.

« Ni en Terre de Feu, chilienne ou argentine, un trousseau similaire n’avait pas été trouvé aux côtés des restes humains de chasseurs-cueilleurs terrestres. Les biens étaient beaucoup plus simples, mais en général il s’agissait de sépultures d’adultes », explique à Sinc Alfredo Prieto, chercheur à l’Université de Magallanes, qui a dirigé l’étude publiée dans la revue The Journal of Island and Coastal Archaeology.

Dans l’ouvrage, Prieto et son équipe décrivent les matériaux archéologiques trouvés à côté du squelette d’un enfant très bien conservé. Ce qui frappe, ce sont les objets funéraires qui l’accompagnent, inhabituels dans cette région.

« Il existe plusieurs éléments mystérieux dont nous ignorons l’utilité. On ne sait même pas s’il s’agit de copies ou d’outils utilisés à l’époque. Il peut s’agir par exemple de reproductions d’outils en bois qui n’ont jamais survécu. Nous ne pouvons rien oser là-dessus non plus. Certains d’entre eux simulent des outils familiers, comme des pinces à feu. D’autres, comme les boules à rainures ou les outils en pierre, on sait qu’ils ont été utilisés », ajoute le scientifique.

Lugar del hallazgo junto a la costa de la Bahía Inútil, Tierra del Fuego / Universidad de Magallanes

Crâne d’enfant. Il apparaît brisé suite à son émergence du tombeau qui avait été érodé / Photo fournie par Thierry Dupradou

Os regroupés par paires

Les restes de l’enfant étaient accompagnés de modèles uniques d’objets en os. Il s’agissait principalement de fragments de becs de manchots royaux (75 % des restes) et de mâchoires de guanaco disposés par paires pour ressembler à des becs, ce qui est inhabituel et jamais observé auparavant dans d’autres tombes. Le manchot royal fait partie de la mythologie Selk’nam.

L’abondance, la densité et la diversité des tombes témoignent d’un ensemble matériel et culturel complexe, ainsi que d’un savoir-faire technique jusqu’alors inédit chez ce groupe de chasseurs-cueilleurs.

« Les paires de mâchoires du guanaco sont remarquables. Elles sont apparues ensemble par paires et l’une d’entre elles possède même des preuves d’amarrage. En raison du type de coupe et de la taille, il semble que leur fonction était de les utiliser comme becs, ce qui est très étrange », explique Prieto. On ne trouve rien de tel dans la littérature archéologique, nulle part dans le monde.

Ils ont également trouvé des matières premières lithiques, légèrement gravées, ce qui est relativement rare dans ces sites. Beaucoup de ces éléments n’avaient jamais été observés dans les archives archéologiques ou ethnographiques de la Terre de Feu.

« Une étrange pièce évoquant une navette révélerait des techniques de tissage de filets, mais c’est le seul fragment dont la forme semble induire une fonction. De plus, toutes les pièces sont des ensembles de paires structurelles ; entre le pointu et le fissuré, ou entre l’ouvert et le fermé, constitués de matériaux divers. Comme nous perdons l’intégrité du placement initial, nous ne savons pas vraiment s’ils faisaient partie de « mécanismes » plus vastes », poursuit-il.

« Il existe plusieurs éléments mystérieux dont nous ne connaissons pas l’utilité », explique Alfredo Prieto.

 

Une génétique particulière

Selon les archives archéologiques, il semble que la population de Selk’nam dépassait à peine 1 500 personnes, sur un territoire de près de 48 000 km2. De plus, jusqu’à présent, les scientifiques ne peuvent pas déterminer si ces individus étaient les descendants directs des premiers groupes qui ont peuplé l’île, ou s’ils sont arrivés plus tard.

Les restes humains de l’enfant révèlent qu’ils appartenaient à un jeune adolescent dont l’alimentation était majoritairement terrestre. Les analyses ostéologiques n’ont montré aucun problème osseux ni pathologie, suggérant qu’il s’agissait d’un individu sans aucune anomalie. « Nous ne connaissons pas les causes du décès », ajoute l’expert.

Les informations ethnographiques indiquent que les décès d’enfants non dus à des accidents étaient incompréhensibles pour les Selk’nam, qui les imputaient généralement à un chaman d’un groupe ennemi et encourageaient les actes de vengeance.

Une autre particularité de cette découverte est qu’elle fournit la première preuve génétique du sous-haplogroupe mitochondrial D1g5 dans la population Selk’nam de la Terre de Feu. Ce fait pourrait indiquer que ses origines remontent à la première vague de colonisation humaine de l’Amérique du Sud.

« L’haplotype mitochondrial D1g5 n’a été décrit qu’en 2012, en partie parce qu’il a une répartition assez restreinte dans le sud de l’Amérique du Sud. Localement, dans le sud du Chili et en Patagonie, cela peut être assez courant. On estime qu’il a environ 15 000 ans, c’est-à-dire le résultat de l’arrivée de certains des premiers colonisateurs de l’Amérique et de leur dispersion ultérieure dans tout le cône sud », explique Carles Lalueza Fox, chercheur à l’Institut de biologie évolutive. à Sinc ( UPF-CSIC) et co-auteur de l’étude.

Lugar del hallazgo junto a la costa de la Bahía Inútil, Tierra del Fuego / Universidad de Magallanes

Lieu de découverte à côté de la côte de Bahía Inútil, Terre de Feu / Universidad de Magallanes

C’est la première fois qu’il est décrit en Terre de Feu, mais cela concorde avec la possibilité qu’il y ait eu des contacts avec les populations locales au nord du détroit de Magellan. « Cela correspond également aux indications de restes marins, puisque l’enfant a été retrouvé sur la côte du détroit et bien que les Selk’nam étaient des chasseurs-cueilleurs terrestres, cela indiquerait moins d’isolement que ne le supposent les témoignages ethnographiques et plus de contacts avec les populations voisines, « , argumente Lalueza Fox.

Son équipe séquence actuellement certains génomes d’autochtones de la Terre de Feu pour les intégrer dans le contexte de la diversité génomique du continent américain. « Il est possible que nous trouvions des preuves de sélection naturelle et d’adaptation au froid dans certains gènes liés au métabolisme », conclut-elle.

Seuls cinq autres haplogroupes d’ADNmt ont été découverts jusqu’à présent dans des échantillons provenant d’anciennes populations de cette région : celui de cet enfant Selk’nam, deux Yamana et deux Kawesqar.

Interaction avec d’autres cultures

L’enterrement témoigne d’interactions de grande envergure avec d’autres cultures, tant sur le continent qu’ailleurs sur l’île. Leurs voisins immédiats étaient d’autres groupes nomades, deux maritimes (Yamana et Kawesqar) et deux terrestres (Haush sur l’île et Aonikenk sur le continent).

Les Selk’nam n’étaient pas des marins, donc tous les objets de ce type trouvés dans la sépulture proviendraient de l’extérieur de la Terre de Feu, obtenus auprès de leurs voisins proches.

L’équipe séquence actuellement certains génomes des peuples autochtones de la Terre de Feu.

Les contacts directs et indirects avec ces groupes seraient cruciaux pour avoir accès à des animaux et à des matières premières exotiques, comme par exemple le nandou de Darwin (Rhea pennata), l’obsidienne verte ou les restes du mollusque D. magellanicum trouvés dans les sites de cette région. .

Le nandou de Darwin a disparu de la Terre de Feu à la fin du Pléistocène, et sa présence parmi les tombes signifie qu’il a probablement été importé de la steppe continentale.

De l’obsidienne avait déjà été découverte à Bahía Inútil, non loin de ce lieu de sépulture. D. magellanicum habite les profondeurs marines du détroit de Magellan et a probablement été collecté par voie maritime dans des bateaux. « Les Selk’nam n’étaient pas des marins », souligne Prieto.

Cet enterrement offre une fenêtre unique pour découvrir des aspects jusque-là inconnus de la société Selk’nam.

Référence bibliographique :

Alfredo Prieto et al. “A Novel Child Burial from Tierra del Fuego: A Preliminary Report”. The Journal of Island and Coastal Archaeology

Source : https://www.agenciasinc.es/Noticias/Aparecen-objetos-desconocidos-en-la-sepultura-de-un-nino-Selk-nam-en-Tierra-del-Fuego

« El Remate de Indios » sur la Plaza de Armas de Punta Arenas (08/08/2018)

L’évènement important d’hier : « El Remate de Indios » sur la Plaza de Armas de Punta Arenas. Une première comme un point de départ, pour ne jamais oublier qu’une culture est, entre autres, histoire et mouvement. Toutes nos félicitations à Rodrigo Gonalez Vivar et Nitzamé Mayorga Gallardo pour l’organisation et la réalisation de cet évènement retraçant l’un des moments les plus sombres de l’histoire du génocide selk’nam, en présence de Mirtha Salamanca, membre de la Comunidad Indigena Rafaela Ishton de Rio Grande. 

Intervención deja muda a Punta Arenas con recreación del « remate » de 165 esclavos selk’nam

Intervención deja muda a Punta Arenas con recreación del “remate” de 165 esclavos selk’nam« No se olviden de eso, nadie conquista, porque ellos ya estaban aquí, y aunque hayan hecho un genocidio, la memoria de ellos aún vive y persiste, para que estos hechos no sucedan más », comentó una indígena en el lugar. La intervención artística fue fruto de un trabajo de un historiador y una actriz de la Universidad de Magallanes.
Una intervención urbana en la Plaza de Armas de Punta Arenas, en alusión a un « remate de indios » que hubo allí en 1895, se realizó este miércoles en la ciudad.

El 3 de agosto de ese año llegaron 165 selk’nam desde Tierra del Fuego hasta el muelle de Punta Arenas, esperando a ser repartidos entre los vecinos de Punta Arenas para incorporarlos como verdaderos esclavos, a través de servidumbre y reeducación, mientras la mayoría perecía por las enfermedades y malos tratos. El 7, 8 y 9 de agosto de 1895 se realizó el reparto, bajo el mando del gobernador Manuel Señoret.

Este triste hito histórico fue recordado por un grupo de voluntarios al mediodía, en una intervención de 20 minutos.

« Siento tristeza al ver que nuestros nativos eran maltratados, abusados, despreciados como personas; la sociedad aristocrática se unió al abuso teniéndolos como esclavos y ellos formaron parte de aquellos remates humanos », comenta Carolina Quintúl Coliboro, representante kaweskar en la performance, a la cual además asistió Mirtha Salamanca, en nombre del pueblo selk’nam, quien llegó especialmente desde Argentina.

« Sin piedad se separaron familias enteras de sus hijos y no hubo ningún apoyo de justicia para ellos. Esta sociedad, que estaba formada por gente foránea, trajo todas sus maldades a nuestros pueblos, aplastándolos sin piedad, abusando, matando, pero aquí nuestros pueblos fueron los primeros habitantes. No se olviden de eso, nadie conquista, porque ellos ya estaban aquí y, aunque hayan hecho un genocidio, la memoria de ellos aún vive y persiste, para que estos hechos no sucedan más ».

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La ceremonia

La performance fue organizada por Rodrigo González Vivar, profesor de Historia de la Universidad de Magallanes, en conjunto con Nitzamé Mayorga Gallardo, actriz y directora del grupo de teatro de la misma casa de estudios, así como el bailarín Ariel Oyarzún Sanhueza.

Inició su recorrido desde un punto cercano a la plaza, para contar los traslados desde Tierra del Fuego. Entre sus intérpretes hubo « niños, adultos, abuelos, magallánicos, nuevos migrantes, actores y no actores », destaca Mayorga.

« En su mayoría las personas no tienen experiencia escénica », explica. « Nos enfocamos en el trabajo más bien del simbolismo y significante, trabajamos con un guión que va presentando distintas estaciones, donde en cada una va desarrollando conceptos, por ejemplo, la extrañeza, el despojo, trabajamos con la imagen y lo coreográfico y luego desde el movimiento se instala la escena, siempre teniendo en cuenta no entrar en literalidad », añade.

Los voluntarios cruzaron la calle Magallanes, que alude al estrecho homónimo, hasta llegar a una de las esquinas de la plaza, donde se vio cómo los esperaban sus « rematadores », como el propio Señoret, Juan Contardi, Rodolfo Stubenrauch y Alberto Barra.

Luego las « víctimas » fueron llevadas al centro de la plaza y comenzó el remate, donde se vio cómo se produjo esta trasformación de ser indígenas hasta el momento de ser occidentalizados y con pérdida total de su idioma.

El público asistente también fue clave. En palabras de la actriz, « en el fondo ellos completan este hecho, representando a las personas que venía a ver este espectáculo, a dejarles ropas viejas para cubrirlos o rematar directamente ».

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Acontecimiento histórico

La performance apunta a una reflexión sobre el hoy y « de cómo nos sentimos rematados en este presente, de cómo es nuestro actuar con la otredad y cómo reconocemos la identidad de lo distinto. La intervención, nos habla de una negación de una cultura, un territorio, un lenguaje, cómo se suprimió y se quiso trasformar un pueblo occidentalizandolos, quitándoles hasta sus nombres, para que la sociedad de esa época no se sintiera incomoda con su presencia, hasta llegar el punto del exterminio », enfatiza la actriz.

« A la comunidad le impacta saber que hubo esclavitud en la ciudad, más aún con el pueblo selk’nam, donde la mayoría de la población siente empatía por la tragedia ocurrida con ellos. Realizar esta actividad es una novedad, ya que mucha gente se manifestó con el apoyo en asistir al lugar a ver qué es lo que iba ocurrir y también en participar dentro del equipo que realizó la intervención », complementa González Vivar.

Para él, el “remate de indios” es un acontecimiento histórico que expone la tragedia sufrida por el pueblo selk’nam producto del proceso de exterminio y destierro para el desarrollo ganadero en Tierra del Fuego.

« La memoria de nuestros ancianos aún recuerda algunos hechos de abusos en contra de ellos, por ser humildes y apacibles », comenta Quintul. « Es más, se recuerda del hecho de zoológicos humanos, en donde fueron llevados como especies raras o como exhibición de circo, y recordar cómo fueron humillados, maltratados, sacados de sus familias, pueblos, de su cultura, lengua y modismos », expresa.

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Mirtha Salamanca asistió a la performance en representación del pueblo selk’nam. Vino especialmente desde Argentina.

Actividades previas

El origen de la intervención artística tiene larga data. Mayorga inició hace un tiempo una vinculación con el Museo del Recuerdo del Instituto de la Patagonia de la universidad, y comenzó a desarrollar una línea de teatro museográfico. Este año trabajaron en una de las Casas Pioneras para hablar de la esclavitud en Magallanes, basándose en el “Sumario de los Vejámenes inferidos a Indígenas de Tierra del Fuego”, que data de 1895, se encuentra en el Archivo Judicial de Magallanes y relata el remate.

« Ya estábamos trabajando con el tema y cada vez que uno lee más sobre la historia de los pueblos originarios, te das cuenta de que es necesario hablarlo y que un gran porcentaje de la gente que vive en esta región no sabe de las atrocidades que vivieron y sobre todo los de Tierra del Fuego, porque entorpecían a los estancieros que llegaron a esa vivir tierras », dice Mayorga.

Para el Día del Patrimonio reciente, en mayo, se realizó una performance de Teatro Museográfico en el museo. Allí se intervino una casa colonial de 1877, donde se presentó una escena sobre la esclavitud selk’nam en las casas de Punta Arenas como sirvientas y empleados domésticos para los adultos, mientras los menores eran tomados como “chinitos” para los mandados.

« Tras recrear este episodio, en conjunto con el grupo de teatro de la Universidad de Magallanes, decidimos hacer una actividad sobre el remate de 1895, pero esta vez en la Plaza Benjamín Muñoz Gamero (Plaza de Armas), debido a que está en el centro de la ciudad y con una metáfora interesante, al ver, al centro de la plaza, la imponente figura de Fernando de Magallanes por sobre los pueblos originarios », explica González.

Además, como destaca Mayorga, la mayoría de las casas que están construidas alrededor de la plaza pertenecían a los principales exponentes y responsables de los vejámenes, como Sara Braun y José Menéndez.

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Monumento en Plaza de Armas.

Práctica común

El remate de esclavos fue una práctica común en América, incluso bajo la figura de “encomienda”, creada por los españoles para mantener controlada a la población indígena.

En una entrevista del año 2014, el historiador argentino Osvaldo Bayer señala que en Argentina se realizó un “remate de indios” en enero de 1879. En esa ocasión, con avisos en los diarios: “Hoy entrega de indios a toda familia de bien que lo requiera, se le entregará un indio varón como peón, una china como sirvienta y un chinito como mandadero”.

« Aquí en Punta Arenas, cuando se realizó el remate en 1895, el 7, 8 y 9 de agosto, en un galpón en las cercanías del muelle, se publicaron algunas notas en el diario e incluso carteles en la ciudad, invitando a la comunidad a participar del remate », dice González Vivar.

« Por lo que se sabe, es el único remate público del territorio, aunque también hay relatos sobre cómo se raptaba a indígenas para las faenas de trabajo, como los peleteros, buscadores de oro o navegantes que pasaban por los canales australes », detalla.

Él destaca que la población de Punta Arenas repudió la ignominia a la que fueron expuestos los fueguinos, por lo que no se concretó la totalidad del reparto.selknam3

El destino de los rematados

El objetivo principal de la intervención fue dar a conocer este hito histórico poco conocido, « ya que generalmente se habla de que hubo un genocidio y etnocidio », dice.

« Sin embargo, hubo sobrevivientes, supervivientes, a situaciones adversas, pero que lograron mezclarse en la sociedad, aunque desplazados del relato histórico: con una nueva identidad occidental, fueron olvidados y silenciados con el paso del tiempo », explica.

Poco se sabe del destino de los indígenas rematados. « Los menores de edad fueron los primeros rematados, por lo que eran bautizados bajo la religión católica con un nuevo nombre cristiano », cuenta.

« Algunos provenían desde las misiones salesianas, por lo que también venían evangelizados y con otra identidad. En la Región de Magallanes y Antártica chilena no se ha manifestado descendencia directa o indirecta », precisa.

Agrega, sin embargo, que no se puede descartar que en algún momento pudieron ser parte de un matrimonio con una pareja occidental y después formar una familia que continuaba la descendencia cultural milenaria, transmitiendo el lenguaje y el patrimonio cultural ancestral, como ocurre en Río Grande (Tierra del Fuego, Argentina), donde existe una comunidad de familiares descendientes del pueblo selk’nam que esperan continuar compartiendo su cultura.

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Aserradero de la misión San Rafael.

La actividad, en todo caso, no solo apuntó al pasado, sino también al presente, para invitar a la reflexión « sobre cómo estamos viviendo una situación similar pero con actores distintos: ayer fueron vejados los selk’nam, hoy son los migrantes, las minorías sexuales, otros pueblos originarios, las mujeres, personas con diversidad funcional y todas aquellas personas que son consideradas como ‘otros' ».

« De cierta forma es cíclico, y es nuestra misión compartir este pensamiento con nuestra comunidad e invitarles a dialogar con el otro, con lo distinto », concluye.

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http://www.elmostrador.cl/cultura/2018/08/09/intervencion-deja-muda-a-puntas-arenas-con-recreacion-del-remate-de-165-esclavos-selknam/?fbclid=IwAR0cdI0h2BXVp_LOl-xBEDrFsMU0vbvOpgbsSIVszP35-tWUGk-lSJ39PLo

« Zona Franca » : en Patagonie aussi, le tourisme gomme l’histoire et la géographie (Le Monde, 14/2/2017)

Un documentaire fait résonner des siècles de luttes sociales oblitérées.

Par Mathieu Macheret Publié le 14 février 2017 à 08h40, modifié le 14 février 2017 à 08h40

« Zona Franca », un documentaire français consacré à la Patagonie.
« Zona Franca », un documentaire français consacré à la Patagonie. GEORGI LAZAREVSKI/ZEUGMA FILMS

L’avis du  « Monde » – à voir 

Existe-t-il dans notre monde surquadrillé une idée du « lointain » où l’aventure et la découverte seraient encore envisageables ? En explorant les paysages surréels de la Patagonie chilienne, à l’extrémité du monde, le photographe et chef opérateur Georgi Lazarevski, d’origine yougoslave, apporte une réponse sceptique et teintée de mélancolie : la société moderne à son stade le plus avancé, celui du tourisme, foule du pied toute terre existante et réécrit l’histoire à l’aune de ses itinéraires tout tracés.

Son beau documentaire Zona Franca, situé dans la province délaissée du détroit de Magellan, s’enroule autour de trois personnages. Le premier, Gaspar, est un vieil orpailleur vivant loin de tout dans son rancho rafistolé. L’or ne faisant plus recette, il propose aux touristes de passage de l’observer dans ses activités. Edgardo, routier très engagé politiquement, participe au blocage d’un axe touristique, en guise de manifestation contre la hausse des prix du gaz. Enfin, Patricia, gardienne silencieuse, surveille les parages de la « Zona Franca », le plus gros centre commercial de la région et espace commercial défiscalisé, où affluent les visiteurs locaux et étrangers. Chacun ouvre un point de vue différent sur les évolutions historiques, sociales, économiques de la région, mais surtout sur l’indécrottable isolement de sa population à travers les âges.

Splendeur terrible

Lors d’une visite dans un ancien abattoir réhabilité en hôtel de luxe, Edgardo rappelle que sous la domination anglaise, à la fin du XIXe siècle, les ouvriers travaillaient 14 heures par jour sans aucun droit. Un passage dans la riche demeure du pionnier et industriel Mauricio Braun, devenue musée, fait ressurgir le souvenir enfoui du génocide des aborigènes, de la spoliation des terres, de l’exploitation à tous crins – désolantes annales qu’une guide réunit sous le terme de « Patagonie tragique ».

A travers les trois personnages suivis dans son reportage, Georgi Lazarevski donne une vision de la Patagonie réaliste et humaine.

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