Tanana, être prêt à partir naviguer : le passionnant documentaire de Martin Gonzalez Calderon et Alberto Serrano dédié à la navigation à la voile dans les canaux de Patagonie

Parce qu’il est selon nous l’un des meilleurs documentaire dédié à la région du cap Horn et ses habitants et pour bien commencer l’année, nous vous recommandons de visionner “Tanana, estar listo para zarpar” (être prêt à partir naviguer) avec Martin Gonzalez Calderon et réalisé par Alberto Serrano, directeur du Musée Yagan Usi – Martin Gonzalez Calderon de Puerto Williams, île Navarino, région de Magallanes et Cabo de Hornos, Chili. Une véritable expédition sensible dans ces territoires majestueux et à ne pas manquer pour découvrir ces visages qui font les lieux.

Ce film a été principalement tourné dans une des baies du nord de l’île Navarino : la baie Mejillones. Il est dédié à la construction d’un petit voilier, le Pepe II, selon la tradition yagan. Toute la famille de Martin apparaît au fil des séquences, que ce soit pour le choix de l’arbre à utiliser pour la construction mais aussi pour fabriquer ce navire puis le mettre à l’eau. S’ensuit la navigation ancestrale à la voile et à la rame dans les canaux de Patagonie, menée par Martin Gonzalez Calderon et son gendre, tout cela aussi grâce au soutien de pêcheurs locaux, tant la législation complique la navigation traditionnelle à l’approche, entre autres, des glaciers de la cordillère Darwin et du faux cap Horn.

Vous pouvez le visionner sous titré en français sur la plateforme Youtube : https://youtube.com/watch?v=1g35XTtaMdQ%3Ffeature%3Doembed

Pour la petite anecdote, Martin est le grand frère d’un des membres honneur de notre association : José German Gonzalez Calderon, venu nous rendre visite en France en octobre 2019. Sa présentation de la version française de ce documentaire et de la navigation telle qu’il l’a vécue dès son plus jeune âge avec sa famille dans les canaux de Patagonie a été un des moments forts du festival Haizebegi. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à vous rendre sur la page de ce projet, sur le site de l’association : Haizebegi 2019.

La province de Terre de Feu autorise l’incorporation de l’identité indigène dans les actes de naissance – InfoFueguina, 12 octobre 2023

https://www.infofueguina.com/tu-ciudad/2023/10/12/tdf-habilito-incorporacion-de-identidad-indigena-en-partidas-de-nacimiento-74118.html

Traduction en français de l’article paru en espagnol sur le site du journal InfoFueguina le 12 octobre 2023.

Le Pouvoir Exécutif Provincial considère qu’il s’agit d’un “fait historique dans le pays”, puisque le province de “Terre de feu est la première province qui reconnaît et élargit le droit à l’identité des peuples indigènes, donnant la possibilité d’indiquer dans les actes de naissance l’appartenance à une communauté indigène.

Le gouvernement provincial a habilité – via une Résolution – l’incorporation de l’identité indigène dans les actes de naissance émis par le Registre Civil, à travers le Secrétariat de la Justice et le Secrétariat des Droits Humains et de la Diversité.

Le document a été remis à des représentants de peuples indigènes, durant la marche du 11 octobre à Ushuaia, en présence du Secrétaire à la Justice, Gonzalo Carrillon et de la sous-secrétaire des Peuples Autochtones, Pamela Altamirando.

Depuis le Pouvoir Exécutif Provincial il a d’ores et déjà été indiqué que la semaine prochaine sera réalisée la présentation officielle et protocolaire devant les communautés invitées.

La résolution pour l’incorporation de l’identité indigène dans les actes de naissance se base sur un solide engagement pour les droits humains et la diversité culturelle, soulignant la reconnaissance constitutionnelle de la préexistence ethnique et culturelle des peuples indigènes argentins (article 75, sous-section 17 de la Constitution Nationale).

De plus, cet engagement se démarque de traités internationaux, comme la Convention sur la Protection et la Promotion de la Diversité des Expressions Culturelles, la Loi Nationale 26.994 et la Loi Provinciale 235, qui soulignent l’obligation de l’Etat Provincial à fortifier les identités indigènes.

“Cette initiative représente un acte de reconnaissance, de renforcement de la diversité culturelle et une action de réparation historique pour une partie de la population qui a été marginalisée et discriminée durant très longtemps”, dit Carrillo.

Le fonctionnaire a considéré “important, dans le cadre du “Dernier jour de Liberté des Peuples Autochtones”, que cette résolution soit envoyée aujourd’hui, le 11 octobre, reconnaissant et respectant l’identité indigène et la diversité culturelle” ajouta-t-il.

Pour sa part, Pamela Altamirando a rappelé que “la gestation de cette initiative a eu lieu un 9 septembre, coïncidant avec le Jour de la Femme Indigène, et c’est en cette journée significative qu’a été soulevée la nécessité de réaffirmer l’identité, et aujourd’hui, le 11 octobre, nous célébrons une avancée importante pour la reconnaissance des droits, qui se résonnera au niveau provincial et national.”

“Il est crucial de souligner que notre province a toujours marqué des lignes directrices au niveau normatif, et compter maintenant sur cette reconnaissance dans une résolution est un pas significatif. Cet exploit, inscrit dans un document officiel, marquera sûrement un précédent exemplaire pour d’autres juridictions du pais”, a fait remarquer la fonctionnaire.

A partir de cette nouvelle norme, toute personne née dans la province peut être inscrite ou solliciter que soit inscrite son identité indigène dans son acte de naissance. La demande doit être accompagnée par un Acte-aval de la Communauté Indigène inscrite dans le Registre National des Communautés Indigènes (ReNaCi) à laquelle il ou elle appartient.”

Documentaire à ne pas manquer : “Canoeros: Memoria Viva” (2022) | Pristine Seas | National Geographic Society

Documentaire d’une expédition avec des membres des peuples autochtones Kawésqar et Yagán dans la réserve nationale Kawésqar, dans le sud du Chili. Ensemble, ils explorent certaines des régions marines les plus uniques et les moins étudiées de la planète, notamment de vastes forêts de varech, des glaciers et des fjords, dans le but de les protéger contre les menaces posées par l’élevage continu du saumon dans la réserve.

Chili: étude du changement climatique dans les eaux du “bout du monde” (L’Obs – AFP, 29/12/2021)

Par AFP

Publié le 29 décembre 2021 à 8h25· Mis à jour le 29 décembre 2021 à 22h25

Santiago du Chili (AFP) – Dans l’extrême sud du Chili, une expédition scientifique tente de mesurer l’impact mondial du changement climatique dans les eaux préservées de ce “bout du monde” et appelle à des “décisions concrètes” pour la sauvegarde des océans.

Retardée d’un an en raison de la pandémie, l’expédition à bord du navire océanographique de la marine chilienne “Cabo de Hornos” a sillonné neuf jours fin décembre les eaux du détroit de Magellan et du canal de Beagle, entre Chili et Patagonie argentine.

Cette région de l’Etat de Magallanes présente un intérêt particulier en raison de la faible acidité et de la moindre teneur en sel et en calcium des eaux qui la baignent, par comparaison aux autres mers et océans du globe, en particulier dans les zones les moins profondes.

L’étude de ces eaux est donc essentielle car, avec la fonte de nombreux glaciers de Patagonie qui déversent de grandes quantités d’eau douce dans les océans Atlantique et Pacifique, elle préfigure les conditions qui devraient apparaître dans d’autres systèmes marins au cours des prochaines décennies.

“Nous ne savons pas comment les organismes, et en particulier les micro-organismes” présents dans l’eau “vont réagir” à mesure qu’augmente la température moyenne sur la Terre, admet le responsable scientifique de la mission, José Luis Iriarte.

L’expédition a ainsi fait 14 étapes pour prélever des échantillons d’eau à différentes profondeurs et jusqu’à 200 mètres.

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Des prélèvements de sol profond, parfois à plus de 300 mètres, ont également été effectués, de même que des collectes d’algues et de mollusques.

“Nous sommes la voix de ce que la nature ne peut pas dire”, estime Wilson Castillo, un étudiant en biochimie de 24 ans, l’un des 19 scientifiques à bord. “En tant que scientifiques, nous avons beaucoup à apporter, surtout dans un scénario de changement climatique”, estime-t-il.

La mission scientifique a accordé une attention particulière aux “marées rouges”, ces proliférations d’algues toxiques qui tuent les poissons et cétacés et génèrent des toxines vénéneuses pour les mollusques.

Elles ont été enregistrées pour la première fois à Magallanes il y a un demi-siècle et ont depuis été responsables de la mort de 23 personnes et de l’empoisonnement de plus de 200 autres.

– “Dépassés” –

L’approche de baleines était également au centre de la mission. Scrutant des heures durant l’horizon, le biologiste marin Rodrigo Hucke recherchait leur présence pour lancer un petit bateau à moteur à leur rencontre.

Son but : tenter de prélever des excréments des cétacés pour étudier d’éventuels changements dans leur régime alimentaire. Mais cette tâche difficile s’est avérée infructueuse.

Avant de retourner dans leurs laboratoires, les scientifiques insistent sur la nécessité d’actions politiques pour faire face à l’urgence climatique.

“Les plans régionaux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique sont dépassés par rapport à ce qui se passe dans l’environnement”, alerte José Luis Iriarte.

Pour Rodrigo Hucke, l’un des principaux problèmes est historiquement le manque d’ambition pour la sauvegarde des océans, qui couvrent 70% de la surface de la planète.

Il espère que la prochaine conférence des Nations unies sur le changement climatique, la COP27 en Egypte, marquera un véritable changement de cap dans ce domaine.

“Il faut que tout cela change en 2022 et que des décisions concrètes soient prises pour avancer vers de profondes politiques de changement dans la façon dont nous, les humains, faisons les choses”, a déclaré M. Hucke.

Scrutant les eaux limpides, il s’inquiète que cette région reculée du Chili ne devienne “l’un des derniers bastions de la biodiversité sur Terre”.

Source : https://www.nouvelobs.com/topnews/20211229.AFP6064/chili-etude-du-changement-climatique-dans-les-eaux-du-bout-du-monde.html

Ce que Jean Malaurie a apporté aux sciences sociales (Lauriane Lemasson, France Culture, 27 mai 2021)

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/ce-que-jean-malaurie-a-apporte-aux-sciences-sociales-8773873

Suite à la parution du Cahier de l’Herne consacré à Jean Malaurie, l’ethnomusicologue Lauriane Lemasson revient au micro de Marie Sorbier sur les apports multiples du géographe et écrivain à la musicologie.

Avec

  • Lauriane Lemasson Ethnomusicologue

Les Cahiers de L’Herne consacrent leur dernière édition, parue le 19 mai, au géographe et écrivain Jean Malaurie qui, à 98 ans, continue d’inspirer des chercheurs dans de nombreuses disciplines. L’ethnomusicologue Lauriane Lemasson revient au micro de Marie Sorbier sur l’influence de Jean Malaurie sur ses recherches en musicologie.

Lauriane Lemasson rencontre pour la première fois Jean Malaurie à l’été 2013, lors de sa première expédition en Terre de Feu, en Argentine. Elle transmet une copie de sa soutenance de master au géographe qu’elle cite à plusieurs reprises dans ce travail, désirant échanger avec lui. Jean Malaurie, intéressé par cette recherche sur le paysage sonore de la Terre de Feu argentine, la contactera quelques semaines plus tard. S’ensuit une collaboration sur plusieurs projets.

En quoi les travaux de Jean Malaurie sont-ils inspirants pour les jeunes chercheurs d’aujourd’hui ? Selon Lauriane Lemasson, c’est avant tout le parcours du géographe et écrivain qui fait de son travail un apport si singulier aux sciences sociales.

C’est pionnier dans les sciences humaines, puisqu’il montre que les multiples facettes d’un terrain ne peuvent être étudiées qu’en faisant appel à plusieurs disciplines.                
Lauriane Lemasson 

Les travaux et le parcours de Jean Malaurie sont fondamentalement pluridisciplinaires. Après une formation de géographe physicien, son cheminement intellectuel l’amène rapidement à repousser les limites de la discipline en y apportant une dimension ethnographique. Dès sa première mission en solitaire à Thulé, au Groenland, en 1950, il conçoit des cartes topographiques, collectant des données liées à la géomorphologie du territoire tout en recensant un groupe de 300 Inuits. Cela lui permet d’établir la première généalogie, sur quatre générations, de ces communications. Un travail qui le mène également à faire la rencontre du chamane Uutaaq, dont l’influence sera cruciale pour l’évolution de la pensée du chercheur et son engagement contre les effets protéiformes de la colonisation. Plus tard, Jean Malaurie et ses compagnons Inuits découvrent une base secrète de l’armée américaine. Il prend alors position, non pas en tant que résistant de la Seconde Guerre mondiale comme il l’avait été dès 1943, mais en défenseur des peuples Inuit face à la toute-puissance américaine. 

Cet engagement-là est inspirant et a donné naissance à son premier livre, en 1955, Les Derniers rois de Thulé, mais aussi à la collection Terre humaine, qu’il dirige depuis 1955. Cette collection est à l’image de son créateur : engagée en faveur des minorités, pluridisciplinaire, elle met l’accent sur la richesse de la pluralité culturelle et sur les méfaits de la mondialisation. C’est la possibilité d’un autre regard sur le monde, autre que celui des Occidentaux.              
Lauriane Lemasson

Depuis 2011, Lauriane Lemasson concentre ses recherches sur l’extrême sud de l’Amérique latine, au sud du détroit de Magellan. En préparant sa première expédition sur le terrain en 2013, le constat est pour elle sans appel : tous les ouvrages qu’elle consulte alertent sur la disparition des peuples autochtones de la région. 

Je me suis retrouvée à devoir prendre position quant à la pseudo-disparition, vue depuis l’Europe, des peuples autochtones de Terre de Feu et des îles voisines. Tout laissait croire qu’il n’y avait plus personne, tous les récits les concernant étaient écrits au passé. Aucune remise en question de l’état actuel des lieux. Sauf que si on se rend sur place et qu’on enlève certains filtres abjects de l’anthropologie, c’est une toute autre situation que l’on rencontre.              
Lauriane Lemasson

Ces peuples sont aujourd’hui en partie regroupés sous l’égide de communautés qui leur permettent de défendre leurs droits, explique Lauriane Lemasson. Un enjeu majeur de leur lutte est de pouvoir récupérer les corps des leurs, éparpillés et morcelés dans plusieurs musées internationaux, dont le Musée de l’Homme à Paris. Depuis plusieurs années, la chercheuse travaille avec des membres de ces communautés afin de créer des ponts entre eux et l’Europe, pour participer à la reconstruction de ce que les génocides subis par leurs ancêtres ont détruit. 

Lauriane Lemasson travaille avec les survivants des génocides qui ont eu lieu en Argentine et au Chili, en explorant des lieux privatisés depuis la colonisation à la fin du 19ème siècle. Sur place, elle collecte des informations sur les anciens campements autochtones, ce qui lui permet de reconstituer des cartes dans la langue de ces peuples  Selk’nam, Haush et Yagan. En utilisant l’apport de l’acoustique, la chercheuse peut aller au-delà de l’archéologie traditionnelle : en s’intéressant à la dimension sonore des lieux, elle peut caractériser des sites rituels et redonner à des lieux désertés aujourd’hui leur dimension culturelle. Cette démarche correspond à sa recherche spécialisée sur les paysages sonores. 

J’essaie de m’immerger le plus possible pour écouter comme ceux qui m’ont précédée dans ces lieux. La tâche est immense, mais grâce à plusieurs expéditions immersives en solitaire de plusieurs mois, l’oreille s’affine et on arrive à percevoir, petit à petit, des éléments du paysage. La morphologie acoustique d’un lieu peut être très singulière et corroborer les besoins d’un rituel.            
Lauriane Lemasson

D’une première étude acoustique d’un site qui a été étudié par le Centre austral d’investigation scientifique d’Ushuaia, Lauriane Lemasson a pu tirer un modèle acoustique transposable à d’autres lieux. En répétant les mêmes expériences dans ces autres lieux, elle découvre qu’on peut retrouver des caractéristiques permettant de démontrer qu’un lieu correspond aux besoins d’un rituel. 

Dans le texte qu’elle signe dans le Cahier de l’Herne consacré à Jean Malaurie, la chercheuse suggère qu’elle compte poursuivre ses travaux autour du cercle arctique. Un projet qui vient s’ajouter à une liste dense : Lauriane Lemasson travaille actuellement à la création du fond sonore Jean Malaurie, sous l’égide de l’Université de Versailles, tout en préparant avec son conjoint un voilier avec lequel elle souhaite voguer vers le Groenland, sur les traces de Jean Malaurie, pour faire des études acoustiques de sites que le géographe lui a mentionnés.