Exposition « Crépuscules arctiques », pastels de Jean Malaurie (UNESCO, 19-25/01/2024)

L’UNESCO expose un panorama des pastels de Jean Malaurie, Ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO chargé des questions polaires arctiques, à l’occasion des célébrations du centenaire de sa naissance.

Pastel

Jean Malaurie

Jean Malaurie est mondialement connu pour ses travaux en géomorphologie et géocryologie arctique ainsi que ses récits circumpolaires ethnographiques dédiés aux Inuit, ses maîtres penseurs.

Ses pastels représentent un aspect moins connu de son œuvre, mais important dans la mesure où elles sont le témoignage de ses 31 missions dans le Grand Nord.

L’exposition sera ouverte en Salle des Actes du 18 au 25 janvier (fermée le weekend), de 9h à 17h30. 

Inauguration : jeudi 18 janvier 2024, à 18 heures.

Lien vers le site de l’UNESCO

La station Arctique AWIPEV a 20 ans ! (Institut Polaire, 8 juin 2023)

La station Arctique AWIPEV a 20 ans !

La coopération fructueuse franco-allemand dans le domaine de la recherche polaire internationale fête son 20ème anniversaire.

En 2003, l’Institut allemand Alfred Wegener (AWI) et l’Institut polaire français (IPEV) ont fusionné leurs stations Koldewey et Rabot au Svalbard pour créer la station AWIPEV. Depuis, des scientifiques des deux pays y mènent conjointement des recherches sur les effets du changement climatique en Arctique dans le cadre du village scientifique de Ny-Ålesund géré par la Norvège.

L’anniversaire de ce partenariat sera célébré le 14 juin 2023 lors d’un événement festif à l’ambassade de France à Berlin.

Lire le communiqué de presse

Source : https://institut-polaire.fr/fr/communique-de-presse-5/

Hommage à Claude Lorius (Institut Polaire, 24 mars 2023)

Plouzané, le vendredi 24 mars 2023.

Claude Lorius et l’Institut, une histoire polaire.

L’Institut polaire français a appris avec tristesse le décès de Claude Lorius. Profondément liée à la carrière de ce chercheur exceptionnel, l’histoire polaire française de la deuxième moitié de XXème siècle est parsemée par ses exploits : ses hivernages à la station Charcot, en terre Adélie, ses raids de 2 500 kilomètres par -50° C à la découverte de l’immense calotte glaciaire (inlandsis) ou encore son implication dans le grand programme européen de forage glaciaire EPICA : European Programme for Ice-Coring in Antarctica.

Claude Lorius a découvert l’Antarctique en 1957, alors jeune étudiant participant à l’Année Géophysique Internationale (AGI). Il a consacré ses travaux à l’étude de l’évolution du climat et de l’environnement atmosphérique à partir des archives glaciaires de l’Arctique et de l’Antarctique. En trente-huit ans, sa carrière a été ponctuée de dix-sept campagnes polaires, dont deux hivernages en Antarctique. Ses travaux sur les forages profonds dans les calottes glaciaires ainsi que sur les techniques d’analyses en laboratoire, qui ont fait l’objet d’un très grand nombre de publications scientifiques, ont permis aux équipes françaises d’occuper une place de premier plan dans la recherche polaire.

Fasciné par ce continent, Claude Lorius a défendu l’idée de terre internationale dédiée à la paix et à la science, à la recherche et à l’environnement. Le froid et la glace sont devenus les passions de l’homme et du scientifique, passions partagées avec son grand ami Paul-Émile Victor avec lequel il a œuvré pour la création de l’Institut polaire français.

Ce rôle primordial pour l’Institut a commencé dès la création de l’IFRTP, Institut français pour la recherche et la technologie polaire, en 1992 : Claude Lorius fut nommé président et a piloté le conseil d’administration aux côtés du directeur Roger Gendrin jusqu’en 1997. À cette époque, les statuts de l’Institut confiaient également au président du conseil d’administration le rôle de représentant de la France à l’international. Claude Lorius a rempli cette mission de manière particulièrement active notamment lorsqu’il a assuré la présidence du Comité scientifique de la recherche antarctique (SCAR) de 1986 à 1990.

Ses découvertes concernant la « lecture » des climats du passé à travers la composition des bulles d’air emprisonnées dans la glace et l’étroite corrélation entre les variations du climat au cours des cycles glaciaires – interglaciaires et la teneur en gaz à effet de serre de l’atmosphère sont aujourd’hui encore des éléments clés pour montrer l’importance d’une recherche polaire de pointe.

Claude Lorius aimait raconter cette histoire : « un soir en buvant un whisky, nous avons remarqué que les bulles emprisonnées dans les glaçons explosaient au contact du liquide. Nous nous sommes dit qu’il y avait peut-être une chance pour que ces bulles aient conservé intacte la composition de l’atmosphère. C’était vrai ».

Claude Lorius et ses collègues ont constaté qu’en regardant une carotte de glace par transparence, ils y apercevaient des bulles d’une taille de l’ordre du millimètre de diamètre. Ces bulles constituent des échantillons de l’atmosphère, scellées au moment de la formation de la glace. L’utilisation d’un microscope permit de découvrir de petites poussières de diamètre inférieur au micron (millième de millimètre) : ce sont les aérosols présents dans l’atmosphère au moment où la neige s’est déposée.

Éclairée en lumière polarisée, une lame mince de glace révèle des cristaux de l’ordre du millimètre, colorés en fonction de leur orientation, propriété cruciale pour la déformation de la glace. Les isotopes qui composent cette eau solide ont enregistré la température locale passée. La physique nous apprend que la proportion d’isotopes lourds, deutérium et oxygène 18, dans les molécules d’eau (H2O) constituant la glace, dépend notamment de la température à laquelle se forment les précipitations : des concentrations plus appauvries en isotopes lourds indiquent des périodes plus froides.

A partir d’un échantillon de glace qui couvre une durée différente selon la profondeur prélevée sur une carotte (de quelques années en surface à quelques siècles/millénaires au fond), le climat qui régnait et la composition de l’atmosphère lors de son dépôt sur la calotte polaire peuvent être découvert.

Dès 1975, Claude Lorius avait identifié les dômes et plus particulièrement celui dôme C comme un lieu parfait pour un carottage profond. Il y retournera en tant que chef de mission en 1977/1978 pour conduire le premier carottage profond piloté par la France : 902 mètres de profondeur représentant 40 000 ans d’archive climatique. Ce carottage a permis d’obtenir le tout premier enregistrement fiable, démontrant que la teneur en CO2 dans l’atmosphère en période glaciaire était inférieure à celle de la période interglaciaire qui suivit.

Les mesures satellitaires permettant une cartographie plus précise, le forage profond suivant EPICA et la station Concordia ont été établis sur le dôme topographique (à 70 km du premier forage). Le forage EPICA (projet Européen) a ainsi permis de caractériser le climat sur 800 000 ans.

Aujourd’hui le projet Beyond Epica, dont le but est de prélever des carottes de glaces vieilles de plus d’1,5 million d’années, prouve une nouvelle fois, si cela s’avérait encore nécessaire, la formidable intuition de Claude Lorius.

Les équipes de scientifiques qui partent chaque année en Antarctique assurent la continuité de ces recherches primordiales engendrées par Claude Lorius, l’Institut polaire français mettra tout en œuvre pour continuer à soutenir ces missions indispensables à la construction d’un futur qui prendrait enfin en compte ces connaissances sur le climat.

Les équipes de l’Institut polaire français expriment leurs sincères condoléances à la famille.

Source : https://institut-polaire.fr/fr/hommage-a-claude-lorius/

La nuit polaire de Mark Mahaney (Le Monde, 23/1/2020)

The road into the cemetery, South of Utqiagvik, 8:16 PM.
Mark Mahaney

Par Stéphanie Le Bars Publié le 23 janvier 2020 à 07h15, modifié le 23 janvier 2020 à 08h05

Les faits: De novembre à mi-janvier, les 4 500 habitants d’Utqiagvik, en Alaska, ne voient jamais le jour se lever. Le photographe californien Mark Mahaney s’est plongé dans l’ambiance lunaire de cette nuit sans fin.

https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/01/23/la-nuit-polaire-de-mark-mahaney_6026931_4500055.html

Comment donner vie à la nuit, illustrer un monde en sursis ? Il y a un an, débarquant pour une douzaine de jours à Utqiagvik (Alaska), la ville la plus au nord des Etats-Unis, le photographe américain Mark Mahaney s’est plié à l’exercice. Venu de Californie, il a plongé dans la nuit sans fin de ce coin du cercle arctique, où, de novembre à mi-janvier, le soleil ne se lève pas. Un lieu infini où, lorsque l’œil cherche l’horizon, il ne voit rien qu’une immensité blanche et plate.

Ce défi à la lumière aurait pu suffire à l’objectif. Mais l’expérience photographique s’est doublée d’un intérêt politique pour « cet épicentre du changement climatique », comme le résume Mark Mahaney. « A cet endroit, même si le sol est recouvert de neige, que le phénomène n’est pas immédiatement apparent, la terre se réchauffe deux fois plus vite qu’ailleurs. La couche de glace, de plus en plus fine, ne protège plus la côte des tempêtes. La ville s’enfonce. » Parti avec l’intention de documenter la vie de ses 4 500 habitants, le photographe en est revenu avec une série d’images fantomatiques, témoignages glacés d’un monde figé, extraterrestre, rassemblées dans un ouvrage, Polar Night (Trespasser).

L’emprise de la glace

« Cet endroit raconte une histoire de survie, d’endurance. » Traverser la nuit polaire, résister au froid et, paradoxalement, survivre au réchauffement climatique. « Quand, durant soixante-cinq jours, la journée n’a ni commencement ni fin, cela laisse une impression bizarre, psychologiquement et physiologiquement. Cette période d’énergie sombre, la “solastalgie”, est propice à la dépression, au suicide, à la consommation de drogues et d’alcool. »

L’emprise de la glace, le poids de la neige, la semi-obscurité troublée par la lumière orangée des réverbères, le froid intense (jusqu’à – 30 °C) dévoilent un univers claquemuré, sans végétation ni humain. « Il n’y a personne dans les rues et je ne voulais pas forcer les portes », explique Mark Mahaney, réticent à jouer « l’homme blanc » exploitant un supposé folklore des Iñupiat, le peuple d’origine de la plupart des habitants. Ces derniers se refusent de toute façon à parler de l’érosion de leur terre et de leur culture. « Ils tirent leurs revenus, plutôt confortables, de l’exploitation pétrolière, qui elle-même contribue au réchauffement climatique… », rappelle le photographe.

Le travail de Mark Mahaney s’attache ici à montrer un « paysage post-apocalyptique, plus proche de la Lune que de la Terre, vide de toute forme de vie ».

Son travail en extérieur s’attache donc à montrer un « paysage post-apocalyptique, plus proche de la Lune que de la Terre, vide de toute forme de vie ». On imagine le crissement de pas isolés sur la neige, la gifle du vent. Des voitures abandonnées, portières ouvertes, semblent prises dans un étau de neige, des maisons paraissent inhabitées avant que l’on n’aperçoive une lueur derrière des vitres glacées ou une fumée sortant de la cheminée. « L’esthétique n’est pas une priorité dans ces contrées et on trouve toutes sortes de vieux objets s’empilant dans les cours et les jardins », autant de formes figées dans le froid.

Le photographe a trouvé des signes de vie dans cet étrange vide. Un graffiti sur un mur. La gueule béante de chiens de traîneaux, impatients de reprendre leur course. Le photographe y signe au passage un hommage à la tradition de ces ­équipages iconiques, dont l’utilisation est elle aussi en voie de disparition, et fait un clin d’œil à l’expression locale « three dogs night » (« une nuit à trois chiens »), qui mesure la froideur de la nuit. « Plus il fait froid, plus il faut de chiens autour de toi pour survivre. » A l’issue de son séjour, Mark Mahaney a capté les rayons de la première aube revenue, teintant cet unique cliché d’un rose bleuté réconfortant. Car, lorsque le soleil se relève enfin, « le temps peut de nouveau exister ».

Polar Night, de Mark Mahaney, Trespasser, 52 pages, 36 euros. trespasser.pub

A la périphérie d’Utqiagvik, 19 h 55.
A la périphérie d’Utqiagvik, 19 h 55. MARK MAHANEY
Un chien de traîneau, 11 h 13.
Un chien de traîneau, 11 h 13. MARK MAHANEY
La route du cimetière, 20 h 16.
La route du cimetière, 20 h 16. MARK MAHANEY
Une maison typique d’Utqiagvik, 10 h 44.
Une maison typique d’Utqiagvik, 10 h 44. MARK MAHANEY
Le cimetière d’Imaiqsaun, 18 h 4.
Le cimetière d’Imaiqsaun, 18 h 4. MARK MAHANEY
Le poste de police, Kiogak Street, 16 h 48.
Le poste de police, Kiogak Street, 16 h 48. MARK MAHANEY
Midnight, un des derniers chiens de traîneau du nord de l’Alaska, 11 h 14.
Midnight, un des derniers chiens de traîneau du nord de l’Alaska, 11 h 14. MARK MAHANEY

Stéphanie Le Bars