La découverte d’un monde perdu vieux de 30 millions d’années sous la glace de l’Antarctique : une véritable capsule temporelle révélée (Ouest France 13 juin 2025)

Un monde perdu découvert sous la glace de l’Antarctique : des chercheurs internationaux ont annoncé la découverte d’un monde perdu, potentiellement vieux de plus de 30 millions d’années, situé à plus d’un kilomètre sous la glace de l’Antarctique. Ce paysage ancien aurait pu regorger de rivières, de forêts, et peut-être même d’animaux sauvages.

Un article écrit par Cyril Renault ; source : https://sain-et-naturel.ouest-france.fr/monde-perdu-sous-la-glace-de-lantarctique.html

L’Antarctique n’a pas toujours été un désert glacé. Selon les scientifiques, il abritait autrefois un écosystème luxuriant. « Cette découverte est comme l’ouverture d’une capsule temporelle », a déclaré le professeur Stewart Jamieson, géologue à l’Université de Durham en Angleterre et co-auteur de l’étude, publiée dans la revue Nature Communications.

Des recherches débutées en 2017

Les travaux sur le terrain ont commencé en 2017, lorsque l’équipe a foré le fond marin afin d’extraire des sédiments provenant d’un écosystème enfoui sous la glace.

« La terre sous la calotte glaciaire de l’Antarctique oriental est moins connue que la surface de Mars », a souligné le professeur Jamieson.

C’est en analysant ces sédiments que les scientifiques ont mis au jour un ancien paysage situé à plus d’un kilomètre de profondeur.

Un paysage vaste et préservé

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Le paysage découvert se situe dans la région de Wilkesland, dans l’Antarctique de l’Est, et s’étend sur plus de 30 000 km², soit environ deux fois la taille de la Bretagne.

Des traces de pollen de palmiers anciens ont été retrouvées, suggérant que la zone pouvait avoir un climat tropical avant sa glaciation.

Grâce à des outils de pointe, notamment le radar à pénétration de sol, les chercheurs ont identifié des blocs de terrain surélevé mesurant entre 120 et 170 kilomètres de long et jusqu’à 85 kilomètres de large. Ces blocs sont séparés par des vallées pouvant atteindre 40 kilomètres de largeur et près de 1 200 mètres de profondeur.

Un paysage sculpté par les rivières

L’analyse indique que cette formation géologique n’a probablement pas été érodée par la glace, mais façonnée par des rivières. Le paysage aurait donc été formé avant l’apparition de la calotte glaciaire antarctique, il y a environ 34 millions d’années.

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Un schéma représentant l’ancien paysage fluvial préservé sous la calotte glaciaire de l’Antarctique oriental. Image crédits nature Communications

Les chercheurs poursuivent leurs études sur cette zone afin de mieux comprendre l’évolution du climat, des écosystèmes anciens et de la calotte glaciaire.

Cette découverte pourrait apporter des informations précieuses sur les effets du changement climatique à long terme.

La fragmentation de Gondwana et la naissance d’un relief unique

Lorsque le supercontinent Gondwana a commencé à se disloquer, le mouvement des masses terrestres a engendré de profondes fissures et formé les crêtes imposantes identifiées sous la glace de l’Antarctique. Ce processus tectonique ancien a façonné un paysage complexe qui est resté figé pendant des dizaines de millions d’années.

À cette époque reculée, la région abritait probablement des rivières sinueuses et des forêts denses dans un climat tempéré, voire tropical. Cette hypothèse est étayée par la découverte de pollen de palmier ancien à proximité du site, selon The Economic Times.

Par ailleurs, les sédiments extraits contenaient des micro-organismes marins, évoquant un environnement caractérisé par des mers chaudes et une biodiversité importante.

Un paysage qui évoque la Patagonie… ou les tropiques

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« Il est difficile de dire exactement à quoi ressemblait ce paysage ancien, mais selon la période que l’on considère, le climat aurait pu ressembler à celui de la Patagonie moderne, ou même à quelque chose de tropical », a expliqué le professeur Stewart Jamieson.

En d’autres termes, l’Antarctique verdoyant n’est pas uniquement un phénomène hypothétique ou contemporain. Il fut bel et bien une réalité géologique dans un lointain passé.

Un gel brutal qui a figé l’écosystème

Lorsque le climat mondial s’est refroidi, une calotte glaciaire s’est formée, recouvrant progressivement le continent antarctique. Ce processus a interrompu l’érosion active et a gelé le paysage sous-glaciaire, un peu comme un mammouth piégé dans la glace.

« L’histoire géologique de l’Antarctique enregistre d’importantes fluctuations », a déclaré Jamieson. « Mais des changements aussi brusques ont laissé peu de temps à la glace pour modifier significativement le paysage sous-jacent. »

Même lors de périodes de réchauffement climatique, comme au cours du Pliocène moyen il y a environ 3 millions d’années, la glace n’a jamais complètement reculé au point de révéler cette ancienne topographie.

Elle est donc restée préservée, intacte sous la glace depuis des dizaines de millions d’années.

Mieux comprendre le passé pour prédire l’avenir

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L’équipe scientifique espère que l’étude de ce paysage enfoui et de son évolution sous l’effet des glaciations successives permettra d’améliorer les modèles actuels sur la fonte des glaces.

« Ce type de découverte nous aide à comprendre comment le climat et la géographie sont étroitement liés, et à quoi nous pouvons nous attendre dans un monde où les températures augmentent », a conclu Jamieson.

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Des micros dans les fonds de l’Antarctique, pour comprendre la vie marine (Le Progrès – AFP, 18/02/2024)

Des micros dans les fonds de l’Antarctique, pour comprendre la vie marine (Le Progrès – AFP, 18/02/2024)

Une équipe de scientifiques écoute la faune marine du continent blanc en immergeant des micros dans ses profondeurs. Une aventure fascinante.

Dans les profondeurs de l’Antarctique, des microphones immergés recueillent des sons de « vaisseaux spatiaux » et une variété de bourdonnements « impressionnants », explique la scientifique colombienne Andrea Bonilla, à l’écoute de la vie sous-marine lors d’une expédition aux confins du continent blanc.

À 500 mètres de profondeur

La biologiste de l’université Cornell de New York immerge à 500 mètres de profondeur des hydrophones enveloppés de titane qui enregistreront une année entière ces ondes sonores des profondeurs.

Une fois déchiffrées, elles permettront de comprendre le comportement des mammifères marins et leurs déplacements pendant l’hiver austral, lorsque l’Antarctique devient presque inhabitable.

« Il y a ici des espèces dont le son est impressionnant, littéralement comme dans Star Wars, on dirait des vaisseaux spatiaux. Très peu d’oreilles ont le privilège de les entendre », déclare la scientifique de 32 ans à bord de l’ARC Simon Bolivar, un navire de la marine colombienne.

Tension et excitation

Titulaire d’un doctorat en acoustique marine, Andrea Bonilla et les autres scientifiques à bord de la 10e expédition colombienne dans l’Antarctique récupèrent également les micros déposés l’an passé lors d’une mission opérée par la marine turque.

Guidé par des coordonnées GPS, le bateau entre dans la zone de rencontre. Pour remonter l’hydrophone à la surface, Andrea Bonilla déclenche la libération de l’ancre qui le retenait immergé. Toute l’équipe scrute alors longuement pendant huit minutes de tension palpable les eaux calmes jusqu’à l’apparition, dans la joie, d’un petit drapeau déployé en surface.

Ses collègues la félicitent chaleureusement et elle se dit soulagée. « Je suis super excitée parce que c’était la première fois que nous faisions cette manœuvre dans ces eaux. […] Tout s’est super bien passé », se réjouit la scientifique colombienne.

Mesurer l’impact de l’activité humaine

Une fois sur la terre ferme, elle analysera un an d’enregistrements. « Dans un environnement marin, le son est fondamental », affirme-t-elle. Car le bruit ou les perturbations auditives peuvent affecter la communication des espèces ou entraver le déroulement normal d’activités naturelles telles que la chasse.

Photo d'illustration Sipa/Chine Nouvelle
Photo d’illustration Sipa/Chine Nouvelle

Ces recherches entendent également mesurer l’impact de l’activité humaine et de la pollution auxquelles sont exposés les mammifères dans un des endroits les mieux préservés de la planète.

« Zone marine protégée »

Un autre objectif est de soutenir la proposition, promue par le Chili et l’Argentine depuis 2012, de faire de la péninsule Antarctique « une zone marine protégée ». Andrea Bonilla travaille avec des spectrographes qui représentent visuellement les fréquences sonores. Les moyennes et hautes fréquences enregistrent des animaux de différentes tailles.

Ses découvertes ne serviront pas seulement à surveiller les mammifères marins, mais aussi à la recherche géophysique : les micros captent les basses fréquences émises par les mouvements telluriques et la fonte des glaces.

Manchots et baleine

Non loin du navire, une colonie de manchots marche sur un bloc de glace géant en forme de toboggan tandis qu’au-dessus des eaux profondes, les chercheurs observent une baleine à bosse qui prend une de ses dernières respirations avant que l’hiver ne la fasse fuir vers les eaux plus chaudes de l’océan Pacifique.

Photo d'illustration Sipa/Chine Nouvelle
Photo d’illustration Sipa/Chine Nouvelle

« Ma première rencontre avec une baleine a été avec une baleine qui chantait, et je pense que cela a changé ma vie », se souvient la scientifique.

Après s’être nourries pendant des mois dans la péninsule Antarctique et dans le détroit de Magellan au Chili, des milliers de ces grands mammifères se retrouvent pour se reproduire entre juin et octobre dans un corridor marin qui s’étend du sud du Costa Rica au nord du Pérou.

Des chants harmonieux

Mais « il y a aussi des espèces qui ne vivent qu’ici », souligne-t-elle, comme les phoques de Weddell et les léopards de mer, qui émettent des chants aigus de différentes tonalités, des compositions harmonieuses qui fournissent des informations sur leur comportement.

Andrea Bonilla se prépare à un nouveau largage d’hydrophone et attache le drapeau rouge au sommet de la bonbonne de titane qui servira à la repérer au milieu des eaux à son retour l’année prochaine. Au cours de l’expédition, trois microphones ont été immergés, deux dans le détroit de Bransfield et un dans le passage de Drake.

Source : https://www.leprogres.fr/environnement/2024/02/18/des-micros-dans-les-fonds-de-l-antarctique-pour-comprendre-la-vie-marine#Echobox=1708238993