Enquête sur le saumon d’élevage, une industrie florissante responsable d’importants problèmes environnementaux et sociétaux, qui fait la fortune de la Norvège. A couper le souffle… et l’appétit.
Par Martine Valo Publié le 09 novembre 2021 à 19h00
ARTE – MARDI 9 NOVEMBRE À 20 H 50 – DOCUMENTAIRE
Cette ode au saumon atlantique ne plaira pas à tout le monde. Les végétariens pourraient être déçus. L’auteur, Albert Knechtel, livre certes un vibrant hommage à cet animal musculeux, capable d’entreprendre un long périple dans l’océan, puis de franchir de multiples obstacles pour remonter la rivière où il est né. Mais le documentariste n’envisage jamais d’épargner à ce vaillant athlète une fin pathétique, accroché à la ligne d’un pêcheur.
En Norvège, il resterait 530 000 saumons sauvages, tandis que près de 400 millions sont élevés dans des cages flottant dans les fjords. Faut-il, dès lors, miser sur la pisciculture pour préserver l’animal, emblématique du pays ? Sous cet angle, ce sont les consommateurs qui risquent de digérer de travers le pavé rosé posé dans leur assiette.
Car les conditions dans lesquelles grandissent ces animaux entassés dans des fermes marines sont loin de servir l’image de nature resplendissante que la Norvège voudrait promouvoir. Il s’agit d’un des pires élevages industriels, explique en substance Ulrich Pulg, de l’institut de recherches Norce, à Bergen : « Près de 20 % des saumons meurent dans leurs enclos, ce serait inacceptable dans des élevages de porcs ou de bovins. » En 2018, environ 50 millions de saumons ont succombé à la surpopulation et aux maladies.
Produire toujours plus
Entre images des fjords magnifiques et chiffres implacables, le documentaire dresse un tableau sans concession du deuxième secteur économique de la Norvège, après celui du pétrole. Il donne la mesure de ce très « bon filon », comme le dit le titre. A l’aéroport d’Oslo, pas un vol international de passagers ne décolle sans un chargement de saumons dans les soutes, se félicite le directeur du fret. Lui ne souhaite qu’une chose : le développement et l’industrialisation toujours plus poussée de la salmoniculture dans son pays.
En janvier 2020, les exportations ont atteint 88 millions de tonnes, 3 % supérieures à 2019, pour une valeur de 677 millions d’euros, soit un bond de 21 %. Et le gouvernement encourage le mouvement, en accordant massivement de nouvelles concessions sur les côtes (plus de 1 400 en 2019).
Pour produire toujours plus, les firmes norvégiennes essaiment jusque dans le Pacifique. Le film donne un aperçu refroidissant des conditions de travail sur les côtes chiliennes, où cinquante décès ont été recensés parmi les employés en sept ans. L’industrie laisse sur place une grave pollution marine, tout en exportant la quasi-totalité de sa production, trop chère pour les marchés locaux. « Ici, les entreprises norvégiennes font tout ce qu’on leur interdit dans leur pays. Elles se comportent comme des colons », accuse Juan Carlos Cardenas, un vétérinaire qui se bat depuis vingt ans contre les conséquences sociales qu’elles imposent.
Dans sa dernière partie, l’auteur se perd un peu en digressions inutiles. Son propos se passerait aisément de la recette de l’escalope du saumon à l’oseille du prestigieux restaurant Troisgros, à Roanne (Loire) – qui l’a d’ailleurs rayée de sa carte –, ou de l’évocation plutôt mal expliquée d’une tentative de repeuplement d’un affluent du Rhin, en Allemagne. Les dernières images valent pourtant le coup : elles sont tournées dans les paysages vierges de Patagonie, sur lesquels lorgne la salmoniculture.
Dans l’extrême sud de l’Amérique, le peuple selk’nam ou ona est en train de démontrer qu’il n’est pas disparu, contrairement à ce qu’affirmaient les académiciens et les livres. En récupérant leurs histoires familiales et leurs traditions ils cherchent la reconnaissance.
Traduction par l’association Karukinka d’un article de Victoria Dannemann paru en espagnol le 28/10/2021 et intitulé « Selk’nam: reaparición de un pueblo que se creía extinguido » (Source : https://p.dw.com/p/42IU6)
Maintenant Marcela Comte comprend pourquoi sa mère maintenait toujours les rideaux fermés et était terrorisée d’ouvrir la porte quand quelqu’un frappait. La peur l’accompagnait, même en vivant au nord du Chili, à plus de quatre mille kilomètres de la Terre de Feu, cette île lointaine d’où venait son grand-père.
Pour Hema’ny Molina, la bonne note, qu’elle obtint avec un devoir scolaire au sujet des peuples indigènes de la région australe, qui disait que les selk’nam ou ona étaient disparus, n’était pas juste. « Je regardais mon grand-père et ma mère et je savais qu’ils étaient onas. Je l’ai dit à ma professeure que mon travail était mauvais, qu’ils n’étaient pas disparus, mais je n’ai pas trouvé la force de lui dire que je suis ona » se souvient elle.
Ainsi grandirent ils, loin du territoire de leurs ancêtres et avec plein de contradictions, dans une société qui officiellement les disait disparus et dans laquelle il valait mieux se taire. « Cela toutes les familles l’ont vécu. Nous l’avons très mal vécu au collège, on se moquait de nous. Jusqu’à ce que l’un prenne le pouvoir en s’affirmant et en n’accordant pas d’importance à ce que les autres disent. Mais malgré cela aujourd’hui encore certains n’ont pas dépassé la barrière de la peur » dit Hema’ny Molina, aujourd’hui présidente de la Corporation Selk’nam du Chili.
« Ils n’osent pas le dire publiquement parce que comme les livres disent que nous n’existons pas, ils ne se sentent pas sûrs. « Où est ton peuple » te demandent ils, « et tu crois que tu es tout seul » ajoute Marcela Comte, trésorière de la corporation. Toutes deux appartiennent à la Communauté Covadonga Ona qui réunit des familles qui s’auto-identifient comme selk’nam au Chili (les documents officiels les enregistrent indistinctement en tant que selk’nam ou selknam).
La majorité des survivants du génocide contre ce peuple a fini par se disperser au Chili et en Argentine – pays auxquels appartient la Terre de Feu -, mais aussi beaucoup d’autres ont été embarqués sur des navires marchands vers une destination incertaine. « A un moment donné nous avons cru que nous étions l’unique famille à avoir conscience de venir de là-bas. Toutes les familles l’ont aussi pensé et c’est un très grand sentiment de solitude » dit Molina.
Survivants de l’extermination
Quand le missionnaire et ethnologue allemand Martin Gusinde est arrivé en Terre de Feu en 1918, il a estimé que sur l’île il restait moins de 300 selk’nam. 50 ans plus tard, l’anthropologue Anne Chapman décréta qu’avec la mort de la supposée dernière locutrice nous étions disparus. « Nous avons été victimes d’un génocide physique et académique », dit Molina.
Le premier choc a eu lieu avec l’arrivée des navigateurs et des chercheurs d’or, et avec la séquestration des indigènes qui furent présenté dans les expositions et les zoos humains en Europe. Dans la seconde moitié du XIXème siècle sont arrivés les pionniers de l’élevage ovin. Molina indique qu’avec l’aval des Etats du Chili et de l’Argentine, « il y a eu de véritable chasses humaines, allant jusqu’au paiement d’une livre sterling pour un homme mort. La Terre de Feu est criblée de cadavres, et beaucoup sans tête parce qu’ils la leur coupaient pour la vendre aux musées. »
Les hommes et les anciens étaient assassinés et les jeunes femmes et les enfants séquestrés. Les enfants du métissage forcé parlaient la langue et étaient élevés comme selk’nam, mais on leur refusait le droit de l’être. Beaucoup finirent dans les missions salésiennes situées en dehors de l’île, où ils prétendirent sauver les indigènes des massacres et les évangéliser, mais ils apportèrent des maladies qui les décimèrent. Les enfants survivants furent donnés en adoption. Beaucoup perdirent leurs noms et grandirent sans connaître leurs origines.
« Il y a une coupure historique durant laquelle personne n’a rien su de nous. Ce fût tellement violent que la première réaction des enfants a été de se taire et d’oublier qu’ils étaient selk’nam, parce que de cela dépendait la vie. Le trauma familial est très grand, c’est pour cela qu’il est difficile de parler », dit Marcela Comte.
Des histoires de famille à la reconnaissance
Du côté argentin de la Terre de Feu, la communauté indigène Rafaela Ishton a réussi à obtenir des droits et garanties, ce qui est en aval aussi de la lutte de ce peuple au Chili. Dans le dernier recensement du pays, 1.144 personnes se reconnaissent comme selk’nam et la communauté Covadonga Ona regroupe plus de 200 membres.
Avec la Corporation Selk’nam du Chili, ils veulent la reconnaissance officielle de l’Etat en tant qu’ethnie originaire. La chambre des députés a approuvé l’idée du législateur et le Gouvernement vient d’autoriser le déblocage de fonds pour l’étude anthropologique, historiographique et arquéologique requise. Une fois remise, le Sénat devra se prononcer. Cela leur permettra d’accéder à une série de bénéfices qui composent la loi nommée Loi Indigène. Un autre antécédent positif est que, depuis quelques années, ils participent à des instances destinées aux peuples originaires et qu’ils ont des échanges entre eux.
De plus, cela fait cinq ans qu’ils travaillent avec l’Université Catholique Silva Henríquez – et maintenant s’ajoute l’Université de Magallanes-, dans la recherche des antécédents sur la survie selk’nam au Chili. « Certains ont seulement le soupçon et rien avec quoi le prouver, mais ils se regardent dans le miroir et il y a une tendance inexplicable. Quand ils commencent à recueillir les histoires et les coutumes, ils trouvent un ancêtre qui a été adopté, à qui le nom a été changé, et qui a transmis les traits culturels qui sont restés dans la famille » indique Hema’ny Molina.
L’anthropologue Constanza Tocornal, de l’Université Catholique Silva Henríquez, travaille avec eux à la reconstruction de la mémoire orale et des histoires de famille, et dans la révision des sources archivistiques et documentaires.
« La reconnaissance culturelle et politique du peuple selk’nam doit considérer que le génocide a rendu difficile la continuité culturelle. Dans ces mémoires familiales il y a des processus intimes d’invisibilisation, la peur et la violence soufferts jusqu’à l’auto-identification en tant que peuple, dans une société qui les disait disparus. Cela aussi fait partie des composants identitaires », explique-t-elle.
Le processus légal de reconnaissance n’a rien à voir avec la pureté du sang précisent-ils au sein de la corporation. Les peuples changent et même si aujourd’hui ils ne vivent plus dans le territoire ni parlent la langue, ils maintiennent quelques caractéristiques culturelles. Eux-mêmes découvrent des similitudes quand ils se réunissent. Il y aussi certaines pratiques et habiletés dans les familles, comme le travail textile ou en cuir qui « une fois qu’est reconnue la possibilité d’un ancêtre selk’nam et que celui-ci est corroboré par des récits ethnographiques, rencontre une plus grande explication » ajoute Tocornal.
Aujourd’hui ils sont dans un processus de récupération de la langue, qui ne s’est jamais perdue complètement. Chaque jour ils reçoivent plus de questions des collèges et universités pour qu’ils leur livrent leur témoignage relate Marcela Comte: « Ils nous posent beaucoup de questions, nous leur enseignons quelques mots et ils se retrouvent émerveillés que nous soyons là et que les textes scolaires soient faux. »
Article traduit de l’espagnol au français par l’association Karukinka :
Dans “Mi sangre yagán” [mon sang yagan], Víctor Vargas Filgueira parcourt les récits méconnus de ses ancêtres et de la colonisation. Infobae Cultura s’est entretenu avec l’auteur.
“Je suis membre d’un peuple illustré par le visage de mon grand-père sur la couverture du livre Mi sangre yagán, ahua saapa yagán (La Flor Azul)”. C’est ainsi que se présente Víctor Vargas Filgueira, âgé de 50 ans et qui conitnue de vivre dans les mers du sud de ses ancêtres, à Ushuaia, et dont l’oeuvre combine l’histoire orale et la recherche sur l’un des peuples indigènes les plus oubliés.
Peut-être que la raison se trouve dans les tueries continues qui provoquèrent la mort de milliers de yagán (aussi yagan ou yámana), les conduisant à une centaine de survivants en à peine trois décennies. Ces navigateurs en canoës étaient d’habiles chasseurs d’otaries et de dauphins et ramassaient toutes sortes de mollusques, depuis les palourdes jusqu’aux oursins. Ils ont été l’objet de persécutions afin que leurs territoires soient convertis en ranchs [estancias] anglais, transformant ainsi leurs terres ancestrales à la faveur du colonialisme au début du XXème siècle.
Mais le livre montre un quotidien méconnu de ce peuple, mais qui est ici, dans le sud, et qui révèle comment la décimation des Yagan a limité la connaissance de la culture des mers du Sud.
Orundellico, son nom yagán, ou Jemmy Button, celui que lui donnèrent ses séquestrateurs.
Un des yagán le plus connu, par les difficultés infligées par Charles Darwin, est Jemmy Button, lequel fût séquestré et conduit en Angleterre avec trois personnes supplémentaires de différentes ethnies de la région, où ils furent examinés, ensuite exhibés, plus tard convertis en serviteurs qui parlaient anglais, avant que Darwin, le théoricien de l’évolution des espèces, les reconduisit dans les mers du sud. Cet autre chapitre du colonialisme sauvage fût également situé dans les environs de la Terre de Feu. Ceci eut lieu un demi siècle avant les narrations qui composent Mi sangre yagán.
-Comment le colonialisme a-t-il fait passer les Yagans de plusieurs milliers à une centaine en trente ans ?
-Les chroniques coloniales l’attribuent aux maladies, mais cela représente 0 pour cent de ce qui s’est passé lors de l’extermination. On leur a coupé la tête et les oreilles, et certains propriétaires terriens, dont les descendants possèdent encore de grandes propriétés, nous chassaient pour pouvoir élever leurs moutons sur nos territoires. Sur notre territoire, ces chasseurs sont tous anglais, irlandais, écossais, il n’y a pas d’allemands ou d’autres nationalités. Le chasseur le plus cruel était un Écossais nommé McLeland.
« Mi sangre yagán, ahua saapa yagán » (La Flor Azul), de Víctor Vargas Filgueira
-Il y en avait aussi avec de bonnes intentions, selon le livre, comme l’anthropologue allemand Martín Gusinde.
-Comme aujourd’hui, il y a des gens bons et des gens mauvais, comme dans l’histoire de l’humanité. Un Alvear de l’époque disait : « l’Indien nous l’avons déjà eu, nous avons maintenant pour nous la femme et les enfants, nous en faisons nos serviteurs ». C’est une histoire horrible qui s’est produite. La Terre de Feu n’est pas un grand territoire, chaque ville ne dépassait pas six mille habitants, ce qui facilitait le travail d’extermination. Et après le massacre, ils ont été pris comme travailleurs gratuits dans les ranchs des gringos.
-Existe-t-il aujourd’hui des membres de l’ethnie Yagan qui préservent leurs coutumes ?
-Cette question provient également d’une étude colonisée. Vous voulez que moi ou ma communauté soyons nus en train de travailler dans un canoë d’écorce. J’ai un téléphone portable dans ma poche parce qu’il n’est plus utile de chasser en canoë ou de collecter comme le faisait mon peuple. Cela nous a laissé la pensée hégémonique selon laquelle si vous êtes indien, vous devez avoir une caractéristique, par exemple un bandeau, des cheveux longs. Aucun yagan ne peut imiter mon grand-père et si un documentaire est réalisé sur l’Amazonie, certains porteront sûrement des baskets Nike. Je suis le premier conseiller de l’ethnie Yagán, mais la seule chose que l’on peut souligner est que je suis de petite taille, car mon peuple chassait dans une pirogue d’écorce et que les Yagán mesurent en moyenne 1,5 mètre, tandis que les Selk’nam 1,80 parce qu’ils ont parcouru la terre ; Ils étaient tous formés par leur mode de vie. Il y a un lien qui nous permet de nous retrouver avec nos ancêtres, et puis une possibilité plus marquée de manger du poisson de mer, car nous en sommes issus.
Trois protagonistes de l’histoire yagán
-Le livre montre une série de cérémonies, également accompagnées de photographies, au cours desquelles le visage ou le corps est peint. Qu’est-ce que cela signifie ?
-C’est comme le Père Noël ou Noël. L’homme a besoin de célébrer. Et quand notre pauple nécéssitait une cérémonie de croyance, spirituelle, la quina des yagán était une cérémonie pour recréer le bien et le mal. L’homme a toujours eu besoin de recréer le bien et le mal, et les yagán utilisaient cela surtout avec les jeunes. La peinture noire correspondait au mal et la rouge à la bonté.
-Les femmes semblaient se maquiller le visage.
-Les femmes se faisaient des lignes sur le visage, et les lignes rouges étaient liées au bon esprit et le blanc était cérémoniel.
-Vous dites que votre grand-père était le sorcier et les Yagans dans le livre, disent à plusieurs reprises qu’ils ne doivent pas divulguer leurs connaissances. Comment cela fonctionnait-il ?
-Celui qui est venu s’est toujours cru supérieur et à tel point qu’à ce moment-là, les nôtres se sont dit : « Je ne vais pas te montrer ce que nous savons ». C’était une logique de protection.
Les photos que montre cette note rendent compte d’une société avec ses rituels, ses gens, ses célébrations et ses jeux. Les Yagans.
L’utilisation du nom yagan par une marque de vente de produits de la mer a réveillé le désagréement au sein de la communauté Yagan de la Baie Mejillones qui lutte pour conscientiser sur les bonnes pratiques de protection et d’approche à sa culture.
Le nom yagan utilisé comme marque pour vendre un filet de saumon fût l’image qui a commencé le débat. D’un côté, une petite entreprise chilienne et française cherchant à « rendre hommage à un peuple originaire admirable ». D’un autre côté, une communauté yagan qui lutte pour conscientiser la population et les autorités nationales sur le respect dans l’usage du patrimoine culturel de leur peuple.
« Nous ne sommes pas un peuple disparu comme le disent certains livres d’histoire. Nous sommes un peuple vivant et actif, nous sommes ici dans le territoire et s’ils utilisent notre nom et notre culture, ils parlent de nous, donc le premier pas avant de le faire est de se rapprocher de la communauté et qu’ils nous interrogent. Mais s’ils vont nous associer à un produit qui symbolise une industrie qui a utilisé notre territoire comme zone de sacrifice, cela est indigne », résume María Luisa Muñoz, représentante de la communauté indigène yagan de la Baie de Mejillones.
Depuis la Yahgan Seafoods s’exprime l’ouverture à dialoguer sur le sujet avec la communauté, et ils clarifient que leur entreprise n’est pas un élevage de saumons (salmoniculture) sinon un atelier qui donne une valeur ajoutée à une matière première d’origine marine. « Dans notre portefolio, la préoccupation de travailler avec la plus large gamme de matières premières marines a toujours été présente. Cependant, la tendance de nos clients et du marché national nous a dirigé vers les produits élaborés à partir du saumon »; ils signalent.
“L’entreprise s’est approchée par le biais d’un courrier électronique et nous sommes en train de voir quoi répondre. Quand le nom est déjà utilisé et que la marque est déjà enregistrée, qu’est-ce qui se fait ? Ce sont des situations qui sont déjà établies, donc c’est difficile d’entrer à dialoguer à cette étape et avec une entreprise liée à une activité qui est tellement néfaste pour nous », explique María Luisa.
Les bonnes pratiques pour protéger la culture yagan
Comme le commente María Luisa, ce n’est pas la première fois que sa communauté s’affronte à des situations de ce type. « La brasserie australe a une bière Yagan et dans le contenant se trouve la photo d’une arrière-grand-mère d’une des familles d’ici. Il y a quelques temps est apparût à Buenos Aires un puzzle avec le visage d’une artisane de la communauté. La Fondation Omora a un parc ethnobotanique où sont utilisés les noms de la végétation dans notre langue mais si toi tu vas là-bas, tu ne rencontreras personne de la communauté travaillant comme guide par exemple », énumère-t-elle.
Pour la représentante yagan, le problème se joue au niveau national et des autorités. « Le même Etat, à travers des initiatives de Corfo et Prochile, ou de l’institut de propriété industrielle, inscrivent ces noms sans questionnements ni protocoles, et c’est super facile d’inscrire un nom et ça reste là pour toujours si vous pouvez le payer. Nous, comme communauté, avions inscrit le nom yagan et nous l’avons perdu parce que nous ne pouvions pas continuer de payer, et de suite une autre entreprise l’a pris. Visibiliser ces situations et générer des protocoles et les diffuser est une partie de ce que nous faisons en tant que communauté »; elle soutient.
L’objectif final n’est pas de fermer la porte mais plutôt de générer de meilleures pratique d’approche à leur culture. « Au niveau local, beaucoup de gens ont de petites entreprises et envoient une lettre pour demander l’utilisation du nom. Nous voyons que c’est une entreprise appartenant à quelqu’un des environs et qui a du respect pour la communauté, et nous n’avons pas d’inconvénient à donner notre approbation, mais cela peu de personnes le font », conclue María Luisa.
Saumons durables
Le point majeur de désaccord selon l’entreprise Yahgan Seafoods est due à l’association du nom yagan pour commercialiser des produits dérivés du saumon. “Nous travaillons seulement avec des fournisseurs qui ont des piscicultures certifiées. Nous soutenons le changement pertinent dans l’industrie du saumon afin de la rendre durable, soutenant la révolution qui s’opère dans ce secteur avec le développement d’élevages de saumon 100% à terre, recyclant l’eau et utilisant les résidus comme engrais naturel pour l’agriculture » signalent-ils dans un communiqué depuis l’entreprise.
Mais cet éclaircissement ne tranquillise pas la communauté. “Nous nous avons lutté de manière infatigable contre l’industrie du saumon qui a des effets dévastateurs sur notre territoire ancestral. Ce dont nous sommes certains c’est qie les lois chiliennes et lien avec l’environnement ne sont pas une garantie pour la protection. Ce type d’activité, même si elle a lieu à terre, ne coincide pas pour nous avec notre culture et ne prend pas soin de ce qui nous entoure. Nous avons vu des salmonicultures mentir, occulter des rapports et présager de bonnes pratiques. Ils ne peuvent pas nous demander de confier en eux”, analise María Luisa.
Traduction de l’article publié en espagnol à l’adresse : https://www.eldesconcierto.cl/bienes-comunes/2021/10/08/marca-de-nombre-yagan-reabre-debate-sobre-apropiacion-cultural-y-patrimonio-indigena.html
Retrouvez des rencontres intimes et mises en vie par la passionnée Anaïs Therond, dans cette série vibrante de podcasts à l’initiative de Agir pour le vivant et So Goodet soutenue par Pernod Ricard France, dans le cadre de son programme « Ensemble et engagés ».
Des personnalités enthousiastes nous confient leur précieux rapport au vivant, des récits pour s’émerveiller, porter attention, s’inspirer et s’engager pour et avec le vivant et comprendre les liens qui nous unissent au reste du vivant.
Une création inédite et collective avec la complicité de Stéphanie Ampart et le montage de Mathieu Blanc Francard.
Le sulfite de sodium, qui permet aux nombreuses entreprises de pêche opérant en Patagonie de conserver les langoustines avant exportation, est à l’origine de ce phénomène.
Le Monde avec AFP Publié le 26 juillet 2021 à 10h35
Une eau rose fuchsia qui inquiète les populations locales. Une lagune située dans le sud de l’Argentine conservait, dimanche 26 juillet, une teinte surprenante, due au déversement de produits chimiques par des industriels de la pêche de la région. « Pour nous, c’est l’image de la négligence des autorités de la province. Ceux qui devraient contrôler sont ceux qui autorisent l’empoisonnement des populations », a dénoncé l’écologiste Pablo Lada, interrogé par l’Agence France-Presse.
« La couleur rougeâtre ne cause pas de dommages et, dans quelques jours, elle disparaîtra », avait affirmé, la semaine précédente, Juan Micheloud, responsable du contrôle environnemental de la province. D’après lui, une société transportant des effluents d’entreprises de pêche avait « été autorisée à déverser des liquides dans la lagune de Corfo ».
« Ce n’est pas possible de minimiser quelque chose d’aussi grave », a rétorqué Sebastian de la Vallina, responsable de la planification au sein de la commune de Trelew. Cette lagune, qui s’étend sur 10 à 15 hectares, est située à 30 kilomètres de Trelew, une ville de 120 000 habitants, dans la province de Chubut.
La teinte surprenante s’explique par la présence de sulfite de sodium, un agent de conservation antibactérien utilisé pour le stockage des langoustines avant exportation, qui a contaminé les eaux souterraines du fleuve Chubut. Les habitants de la région se sont également plaints d’odeurs nauséabondes et de la prolifération d’insectes.
Une pratique qui cristallise les tensions entre industriels et populations locales
Ce n’est pas la première fois que ce cours d’eau prend cette couleur, car le fleuve Chubut est un site habituel de déversement de produits chimiques par des entreprises industrielles de la région. Mais cette pratique est devenue, ces dernières semaines, un sujet de contestations au sein de la ville proche de Rawson, capitale de la province du Chubut, alimentant les revendications en faveur de la lutte pour la préservation de l’environnement.
Las de ces pollutions à répétition et de ne pas être entendus, des habitants du quartier défavorisé Area 12 de Rawson ont bloqué le passage de camions de transport de ces déchets qui traversaient leurs rues.
« Ces liquides sont déversés sans aucun traitement dans de grandes mares artificielles construites à la va-vite pour les entreprises de pêche », a expliqué Pablo Lada, membre de l’ONG antinucléaire de Chubut. Ces produits polluants « s’infiltrent jusqu’aux nappes phréatiques. Il s’agit de dizaines de camions quotidiennement », a-t-il ajouté.
Empêchés de se débarrasser de leur cargaison à Rawson, les pêcheurs ont opté pour une solution alternative : demander l’autorisation provisoire de les déverser dans la lagune de Corfo, qui n’a jamais bénéficié d’intérêts touristique ou de loisirs. Cette initiative a provoqué un litige entre les districts de Chubut et de Trelew.
La réglementation à Chubut oblige les entreprises spécialisées dans la pêche destinée à l’exportation – en particulier la langoustine et le merlu – à préparer leurs marchandises sur place. Ce qui a généré plusieurs milliers d’emplois directs dans une province minée par de longues années de crise économique et politique.
Des dizaines de sociétés détenues par des capitaux étrangers opèrent dans cette zone de pêche située dans les eaux de l’océan Atlantique, sous juridiction argentine. « Ces entreprises gagnent des millions et ne veulent pas payer le transport de ces effluents vers une usine de traitement à Puerto Madryn, à 60 kilomètres de distance, ni construire une usine de traitement plus proche », a déploré M. Lada.