« Argentine : «Napalpi», le procès d’un massacre d’indigènes un siècle après » (Le Figaro, 19/04/2022)

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Argentine : «Napalpi», le procès d’un massacre d’indigènes un siècle après

Par Le Figaro avec AFP

Publié le 19/04/2022 à 22:20

Près d’un siècle après, la justice argentine se penche sur le massacre de plus de 300 membres de peuples autochtones Qom et Moqoit, un procès sans «coupable», largement symbolique, mais un pas inédit vers une vérité indigène peu audible dans l’histoire du pays. Le «procès de la vérité», qui va s’étirer sur neuf audiences réparties sur un mois, a débuté mardi dans un tribunal de Resistencia (nord-est) dans la province du Chaco, où eut lieu, le 19 juillet 1924, ce qui est connu comme «le massacre de Napalpi».

Ce jour-là, une force d’une centaine de policiers, militaires et colons civils ouvrent le feu sur des membres des communautés Qom (ou Toba) et Moqoit (Mocovi) dans une réserve amérindienne, qui sert de fait de réservoir de main d’œuvre pour les champs de coton et où vient de se produire une révolte contre des conditions de vie de quasi-esclavage. Le massacre fit plusieurs centaines de morts, entre 300 et 500 selon des survivants, hommes, femmes, enfants dont les corps furent parfois mutilés, puis jetés dans une fosse commune. La répression se poursuivit pendant plusieurs mois, selon le secrétariat des Droits humains (gouvernemental).

«Ce procès pour la vérité cherche à approcher la réalité des faits. Il ne recherche pas une responsabilité pénale, mais à connaître la vérité, afin de réhabiliter la mémoire des peuples, panser les blessures, réparer et aussi activer la mémoire et la conscience que ces violations des droits humains ne doivent pas se reproduire», a déclaré la juge Zunilda Niremperger, en ouvrant le procès. «Nous allons démontrer de manière concrète et claire qui a participé, et qui était responsable de ce génocide», a déclaré le procureur fédéral Federico Garniel, en charge de l’accusation. La province du Chaco, le secrétariat des Droits humains et l’Institut de l’Aborigène Chaqueño sont co-plaignants dans la procédure.

Un drame «invisible qui réémerge»

Le massacre a été qualifié par la justice de crime contre l’humanité, lui conférant un caractère imprescriptible. La procédure a débuté en 2004, avec depuis le patient recueil d’indices et de témoignages et une volonté d’entendre toutes les parties, descendants des colons comme des communautés indiennes. Assez incroyablement après près d’un siècle, l’enquête a retrouvé des témoins oculaires. Aussi le procès a pu entendre le témoignage, filmé en 2014, de Pedro Valquinta, centenaire décédé depuis, puis de Rosa Grilo, qui aurait «approximativement» entre 110 et 114 ans, et pourrait aussi témoigner en personne à l’audience si sa santé le lui permet.

«Pour moi c’est triste, ils ont tué mon papa. Je ne veux presque plus m’en souvenir. (Ces sont) des choses tristes. Beaucoup de gens, ils ont tués», a raconté Rosa Grilo dans un mélange d’espagnol et de sa langue qom, dans un témoignage filmé en 2018 dans le cadre de l’instruction et diffusé mardi, lors de l’audience en partie retransmise en ligne. «J’étais une enfant, mais pas si petite que ça (…) Mon grand-père et ma maman criaient ‘Courez, courez’, et nous avons fui vers la forêt. Là, nous avons vécu en mangeant des caroubes, buvant l’eau des chardons (..) je ne sais pas pourquoi ils ont tué des enfants, des vieux. Beaucoup de souffrance…», a raconté Rosa. Dans un autre document filmé, Juan Chico, historien d’origine qom décédé l’an dernier du Covid-19 a expliqué comment Napalpi est «un sujet qui nous est très cher, devenu invisible, mais qui ces dernières années a commencé à réémerger». «Il y a, dans les communautés, un souvenir culturel, qui doit être reçu par la justice», a-t-il estimé.

Les historiens rappellent régulièrement à quel point la construction de l’Argentine comme nation, tout au long du 19e siècle, est passée par une soumission des peuples indigènes relevant de l’extermination. Plus que tout autre, l’épisode dit de «la Conquête du Désert», pas désert du tout, qui incorpora la Patagonie à la nation argentine au prix d’au moins 14.000 morts parmi les ethnies les plus australes. Seuls un million environ d’Argentins, sur 45 millions d’habitants, se définissent aujourd’hui comme membre ou descendant d’une des 39 ethnies d’origine, selon le recensement de 2010. Depuis 1994, la Constitution reconnaît les droits des peuples autochtones.

« Sauvages, au cœur des zoos humains », de Barnum aux expositions universelles (L’Obs, 5/4/2022)

« Sauvages, au cœur des zoos humains » (arte)
« Sauvages, au cœur des zoos humains » (ARTE)

Pascal Blanchard et Bruno Victor-Pujebet racontent comment ces manifestations populaires ont propagé le mythe de l’inégalité des races et justifié le fait colonial.

Par Guillaume Loison

Publié le 5 avril 2022 à 17h00·Mis à jour le 5 avril 2022 à 17h45

Zoo humain, l’expression est certes anachronique – elle est apparue dans les années 2000 -mais elle sied parfaitement à ces manifestations populaires nord-américaines et européennes qui, du début du XIXe siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, ont mis en scène diverses ethnies issues des empires coloniaux dans des foires et autres expositions universelles. Par-delà l’humiliation publique et les mauvais traitements – la plupart des individus exhibés périssaient de froid, de maladie -, le spectacle propagea le racisme autant qu’il justifia l’investissement des politiques coloniales de l’époque.

Baromètre de la pensée raciste

Avec une foule impressionnante d’images d’archives, ce documentaire fouillé, pédagogique et émouvant retrace l’évolution de ce phénomène oublié, du moins négligé par une génération d’historiens ( « Comme tout ce qui se rapporte à la culture populaire » , précise-t-on ici). Des premières attractions du forain Phineas Barnum, prince du « freak show » américain – où Aborigènes et Pygmées, fondus dans une troupe de handicapés occidentaux, étaient assimilés à des monstres humains -, à ces cartes postales vivantes, entre la crèche géante et le parc d’attractions livrant au visiteur blanc un folklore exotique dévitalisé au début du XXe siècle, le zoo humain n’est pas un genre monolithique. C’est au contraire un baromètre ultra-précis de la pensée raciste, de ses tréfonds primitifs à son polissage relatif : après avoir fantasmé ces populations comme cannibales, il s’agit par la suite de les érotiser, puis de les présenter comme assimilables à la civilisation.

L’autre atout du film tient à sa manière de mettre en relief une poignée de destins individuels, démarche qui prend à rebours le principe d’effacement du zoo humain. De « Petite Capeline », enfant de 2 ans issue de Patagonie succombant à une bronchite au Jardin d’Acclimatation – place forte du genre en France -, à cet Aborigène dont on retrouve, des décennies après sa mort, la dépouille momifiée au sous-sol d’une entreprise de pompes funèbres de Cleveland, tous recouvrent ce soir un éclair de dignité.

Mardi 5 avril à 20h55 sur Arte. Documentaire de Pascal Blanchard et Bruno Victor-Pujebet (2018). 1h30. (Disponible en replay jusqu’au 3 juin 2022 sur Arte.tv).

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Par Guillaume Loison

Création d’un parc naturel protégeant les glaciers près de Santiago, au Chili (7 mars 2022, RTS)

Une vue aérienne du Parc national des Glaciers, Cajon de Maipo, dans la région métropolitaine de Santiago. Chili, le 5 mars 2022. [AFP - Marcelo Segura/Chilean Presidency]
Création d’un Parc naturel protégeant les glaciers près de Santiago, au Chili / Le Journal horaire / 17 sec. / le 7 mars 2022 (AFP – Marcelo Segura / Chilean Presidency)

Le président du Chili, Sebastian Piñera, a annoncé samedi la création d’un parc national de 75’000 hectares dans la zone montagneuse de Santiago afin de protéger 368 glaciers touchés par le réchauffement climatique, et qui représentent un important réservoir d’eau.

“Nous parvenons à protéger 368 glaciers”, a déclaré le chef de l’Etat, lors de l’annonce de la création du parc. “Dans les glaciers, il y a 32 fois plus d’eau que dans le lac de barrage d’El Yeso”, qui alimente Santiago, a souligné Sebastian Piñera.

Une vue aérienne du Parc national des Glaciers, Cajon de Maipo, dans la région métropolitaine de Santiago. Chili, le 5 mars 2022. [AFP - Marcelo Segura/Chilean Presidency]
Une vue aérienne du Parc national des Glaciers, Cajon de Maipo, dans la région métropolitaine de Santiago. Chili, le 5 mars 2022. [AFP – Marcelo Segura/Chilean Presidency]

Le Parc national des glaciers, situé à soixante kilomètres de Santiago, dans la cordillère des Andes, protégera environ 46% de la superficie glacée de la région de la capitale et contiendra 56% de l’eau emmagasinée dans les glaciers de la région où vivent plus de sept des dix-huit millions de Chiliennes et Chiliens.

“Au Chili, la catégorie de parc national représente le plus haut degré de protection en surface terrestre, ce qui implique que sous ce label de protection, les glaciers ne seront pas altérés ni touchés”, a ajouté un communiqué officiel.

Lutter contre la destruction de la nature

Le parc “est une mesure fondamentale prise par notre pays pour lutter contre la destruction de notre nature, la fonte des glaciers et, d’une certaine manière, pour lutter également contre la sécheresse qui nous frappe depuis treize ans”, a déclaré Sebastian Piñera.

Le Chili est l’un des dix pays possédant la plus grande masse glaciaire au monde, avec notamment le Canada, les Etats-Unis, la Chine et la Russie.

Les glaciers de Patagonie reculent plus vite que partout ailleurs

La fonte des glaciers est un phénomène naturel que le changement climatique accélère de manière “significative”, explique Jorge O’Kuinghttons, chef de l’Unité régionale de glaciologie à la Direction générale des eaux du Chili.

“Les glaciers sont un indicateur par excellence du changement climatique”, selon Alexis Segovia, un autre chercheur de cette unité. Il rappelle que le phénomène constaté dans la région d’Aysen, à 1700 kilomètres au sud de Santiago, est visible dans la quasi-totalité des 26’000 glaciers du Chili: seuls deux ont augmenté de surface.

Des données confirmées par l’Agence spatiale européenne, selon laquelle les glaciers de la Patagonie, à la fois au Chili et en Argentine, reculent plus vite que n’importe où ailleurs dans le monde.

Alexis Segovia souligne aussi qu’il s’agit d’un cercle vicieux car les surfaces glacées “renvoient une grande quantité des radiations qui arrivent sur la Terre”. Si cette surface continue à se réduire, la planète “va se réchauffer plus vite”.

Source : https://www.rts.ch/info/sciences-tech/environnement/12918656-creation-dun-parc-naturel-protegeant-les-glaciers-pres-de-santiago-au-chili.html

« Au Chili, les glaciers «indicateurs» du réchauffement climatique » (Le Figaro 23/02/2022)

https://www.lefigaro.fr/flash-actu/au-chili-les-glaciers-indicateurs-du-rechauffement-climatique-20220223

Par Le Figaro avec AFP

Publié le 23/02/2022 à 19:27

Une fissure barre le glacier San Rafael et un iceberg haut comme un immeuble de dix étages s’effondre dans le lac. Dans l’extrême sud du Chili, les glaciers sont un «indicateur par excellence» des effets du réchauffement climatique, rappellent les scientifiques.

Une centaine d’icebergs flottent à la surface du lac San Rafael, situé dans la région d’Aysen, à 1700 km au sud de Santiago. Il y a 150 ans, le glacier du même nom couvrait deux tiers du lac. Il a désormais reculé de 11 km à l’intérieur de la vallée et n’est plus visible sur le lac. Au total 39 glaciers composent le Campo de Hielo Norte (Champ de glace nord de Patagonie), qui forme avec le Campo de Hielo Sur (Champ de glace sud) la troisième plus grande masse de glace du monde après l’Antarctique et le Groenland, selon les scientifiques chiliens.

«Inondation par débordement de lac glaciaire»

La fonte des glaciers est un phénomène naturel que le changement climatique accélère de manière «significative», rappelle à l’AFP Jorge O’Kuinghttons, chef de l’Unité régionale de glaciologie à la Direction générale des eaux (DGA). «Les glaciers sont un indicateur par excellence du changement climatique», souligne Alexis Segovia, 42 ans, un autre chercheur de cette unité. Il rappelle que le phénomène constaté dans la région d’Aysen est visible dans la quasi-totalité des 26.000 glaciers du Chili : seuls deux ont augmenté de surface.

Des données confirmées par l’Agence spatiale européenne, selon laquelle les glaciers de la Patagonie, à la fois au Chili et en Argentine, reculent plus vite que n’importe où ailleurs dans le monde. Alexis Segovia souligne aussi qu’il s’agit d’un cercle vicieux car les surfaces glacées «renvoient une grande quantité des radiations qui arrivent sur la Terre». Si cette surface continue à se réduire, la planète «va se réchauffer plus vite».

Autre signe, l’inondation de zones qui auparavant n’étaient pas touchées par le phénomène. «La chute d’icebergs génère une immense inondation appelée  »inondation par débordement de lac glaciaire »», explique Jorge O’Kuinghttons. «Des secteurs sont inondés qui ne l’étaient pas auparavant», l’eau grossissant les fleuves de la région et pouvant affecter les zones urbaines et infrastructures situées plus en aval.

Sur un autre lac de la région, le lac General Carrera, deuxième lac d’Amérique du Sud, que se partagent le Chili et l’Argentine, Santos Catalan, qui gagne sa vie en élevant vaches et moutons, navigue quotidiennement à bord d’une barque sur les eaux d’un fjord dominé par le glacier Cordon Contreras. Il gagne ainsi un complément d’argent grâce au transport des touristes. Le sexagénaire est le témoin des changements qui s’opèrent : «Il y a quinze ou vingt ans, il a commencé à neiger très peu et cela fond de plus en plus car la chaleur est très forte», dit-il, à la barre du bateau. À tout moment, «un effondrement de glace peut se produire et tout balayer», prévient le marin, qui vit ce changement en première ligne.

Chili: étude du changement climatique dans les eaux du « bout du monde » (L’Obs – AFP, 29/12/2021)

Par AFP

Publié le 29 décembre 2021 à 8h25· Mis à jour le 29 décembre 2021 à 22h25

Santiago du Chili (AFP) – Dans l’extrême sud du Chili, une expédition scientifique tente de mesurer l’impact mondial du changement climatique dans les eaux préservées de ce « bout du monde » et appelle à des « décisions concrètes » pour la sauvegarde des océans.

Retardée d’un an en raison de la pandémie, l’expédition à bord du navire océanographique de la marine chilienne « Cabo de Hornos » a sillonné neuf jours fin décembre les eaux du détroit de Magellan et du canal de Beagle, entre Chili et Patagonie argentine.

Cette région de l’Etat de Magallanes présente un intérêt particulier en raison de la faible acidité et de la moindre teneur en sel et en calcium des eaux qui la baignent, par comparaison aux autres mers et océans du globe, en particulier dans les zones les moins profondes.

L’étude de ces eaux est donc essentielle car, avec la fonte de nombreux glaciers de Patagonie qui déversent de grandes quantités d’eau douce dans les océans Atlantique et Pacifique, elle préfigure les conditions qui devraient apparaître dans d’autres systèmes marins au cours des prochaines décennies.

« Nous ne savons pas comment les organismes, et en particulier les micro-organismes » présents dans l’eau « vont réagir » à mesure qu’augmente la température moyenne sur la Terre, admet le responsable scientifique de la mission, José Luis Iriarte.

L’expédition a ainsi fait 14 étapes pour prélever des échantillons d’eau à différentes profondeurs et jusqu’à 200 mètres.

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Des prélèvements de sol profond, parfois à plus de 300 mètres, ont également été effectués, de même que des collectes d’algues et de mollusques.

« Nous sommes la voix de ce que la nature ne peut pas dire », estime Wilson Castillo, un étudiant en biochimie de 24 ans, l’un des 19 scientifiques à bord. « En tant que scientifiques, nous avons beaucoup à apporter, surtout dans un scénario de changement climatique », estime-t-il.

La mission scientifique a accordé une attention particulière aux « marées rouges », ces proliférations d’algues toxiques qui tuent les poissons et cétacés et génèrent des toxines vénéneuses pour les mollusques.

Elles ont été enregistrées pour la première fois à Magallanes il y a un demi-siècle et ont depuis été responsables de la mort de 23 personnes et de l’empoisonnement de plus de 200 autres.

– « Dépassés » –

L’approche de baleines était également au centre de la mission. Scrutant des heures durant l’horizon, le biologiste marin Rodrigo Hucke recherchait leur présence pour lancer un petit bateau à moteur à leur rencontre.

Son but : tenter de prélever des excréments des cétacés pour étudier d’éventuels changements dans leur régime alimentaire. Mais cette tâche difficile s’est avérée infructueuse.

Avant de retourner dans leurs laboratoires, les scientifiques insistent sur la nécessité d’actions politiques pour faire face à l’urgence climatique.

« Les plans régionaux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique sont dépassés par rapport à ce qui se passe dans l’environnement », alerte José Luis Iriarte.

Pour Rodrigo Hucke, l’un des principaux problèmes est historiquement le manque d’ambition pour la sauvegarde des océans, qui couvrent 70% de la surface de la planète.

Il espère que la prochaine conférence des Nations unies sur le changement climatique, la COP27 en Egypte, marquera un véritable changement de cap dans ce domaine.

« Il faut que tout cela change en 2022 et que des décisions concrètes soient prises pour avancer vers de profondes politiques de changement dans la façon dont nous, les humains, faisons les choses », a déclaré M. Hucke.

Scrutant les eaux limpides, il s’inquiète que cette région reculée du Chili ne devienne « l’un des derniers bastions de la biodiversité sur Terre ».

Source : https://www.nouvelobs.com/topnews/20211229.AFP6064/chili-etude-du-changement-climatique-dans-les-eaux-du-bout-du-monde.html

« Zahori », passage à l’adolescence dans la steppe patagonienne (7 décembre 2021, RTS)

L'affiche du premier film de Marì Alessandrini, "Zahorì". [Le Laboratoire Central]
L’invitée: Marì Alessandrini, « Zahorì » / Vertigo / 13 min. / le 1 décembre 2021

« Zahori », tourné dans la steppe, raconte l’amitié inattendue entre une jeune fille de 13 ans originaire du Tessin et un vieil indien Mapuche. C’est le premier film de Mari Alessandrini, une Argentine qui a fait son école de cinéma à Genève. A voir sur les écrans romands.

« C’est, je crois, le premier film tourné par une Patagonienne », dit à la RTS Mari Alessandrini, née et élevée en Argentine. Mais c’est à Genève qu’elle vit aujourd’hui. Genève où, sur recommandation d’une amie, elle a fait ses études à la HEAD (Haute école d’art et de design), après avoir fait de la photo et du cirque contemporain. « A la suite d’un accident d’acrobatie à 25 ans, j’ai su que je ne pouvais plus faire d’activités physiques intenses. Le cinéma s’est présenté comme l’aboutissement de tous les arts que j’avais pratiqués », poursuit-elle.

Pour son premier film, en compétition cet été au Festival de Locarno, elle n’a pas choisi la facilité. Elle a tourné dans la steppe sauvage, qui recouvre 80% de la Patagonie, loin de tout, et a travaillé avec ce qu’il y a de plus difficile au cinéma: des animaux, des enfants et des acteurs amateurs.

Récit initiatique

« Zahori » raconte l’histoire de Mora (13 ans) qui veut devenir « gaucho ». Elle se rebelle contre l’école et s’affirme auprès de ses parents, des écologistes suisses italiens et végétariens, dont le rêve d’autonomie s’est transformé en cauchemar. Car dans ce coin du monde, la terre refuse d’être cultivée.

Mora a pour amis un vieil Indien et son cheval blanc, baptisé « Zahori ». Une nuit de tempête, l’animal s’enfuit. Mora se met en tête de le retrouver. En le cherchant, la jeune fille entame sa quête vers l’émancipation et passera de l’enfance à l’adolescence.

Née en Argentine mais de père italien, Mari Alessandrini a-t-elle fait un film autobiographique? « Un peu oui, mais c’est surtout de la fiction, de la poésie, mes rêves et les conflits contemporains qui animent cette région du monde ». Parmi ces conflits, la réalisatrice cite la grande solitude de ses habitants, les internats sous domination militaire ou religieuse, la rudesse d’une terre où il est plus facile de chasser que de labourer ainsi que les différentes cultures entre les peuples d’origine et ceux de l’immigration, la plupart européens ou nord-américains, qui rêvent d’un ultime Eldorado.

L’humour à travers deux missionnaires burlesques

La question religieuse est aussi présente, notamment à travers les figures burlesques de deux missionnaires roux, sortes de Laurel et Hardy mormons, portant la bonne parole dans la pampa.

Il y a beaucoup de télévangélistes, de mormons et de témoins de Jehovah; ils sont très insistants et ont remplacé les missionnaires catholiques.Mari Alessandrini, réalisatrice de « Zahori »

« Zahori » est un film plutôt contemplatif, qui met en valeur une nature à la fois sublime et d’une extrême violence qui peut permettre la réalisation de ses idéaux ou les briser, à l’image de ceux des parents de Mora qui s’y accrochent malgré tout, au détriment de leur bonheur et de celui de leurs enfants: « Je voulais montrer la puissance des lieux qui obligent à changer de philosophie ou à s’adapter ».

Propos recueillis par Anne-Laure Gannac

Adaptation web: mcm

Source : https://www.rts.ch/info/culture/cinema/12698367-zahori-passage-a-ladolescence-dans-la-steppe-patagonienne.html