Le cap Horn, c’est là où semble s’arrêter la planète, à l’extrême sud de la terre de Feu. Un caillou mythique qui fascine autant qu’il effraie les aventuriers. Pour y arriver, il faut naviguer dans des mers agitées, d’abris en ports. Et pour le découvrir réellement, il faut accoster, puis randonner.
Patricia Oudit Publié le 17/01/2019 à 12h07 – Mis à jour le 18/01/2019
Pourquoi aller là-haut ? Manquer de se faire engloutir par cette lande écossaise marécageuse, qui fait trampoline sous les pieds, crevée de lochs en son sommet, se faire agripper dans ces petites forêts pleines d’arbustes morts, se faire écorcher par des buissons piquants ? Perdre son chemin alors que la vue est dégagée ? En tout cas, il n’y a personne dans le coin. Que des canards sprintant à la surface de l’eau, impuissants comme l’albatros de chez Baudelaire. On y croise aussi des skuas, des caiquenes et autres majestueux volatiles qui se sont arrêtés de voler au bord du monde. C’est normal, après il n’y a plus rien, que le vent qui glace les os en haut de cette île déserte. Le mouillage s’est fait à Caleta Martial, à 9 milles du Horn. On vous reparlera plus loin de ce spot où phoques et otaries assurent discrètement le comité d’accueil.
Au sommet, le soleil passe un rayon timide hors de sa couverture nuageuse et l’âme d’explorateur refait surface avec lui. Combien sommes-nous à avoir vu le cap Horn à l’envers ? Est-ce un titre de gloire ? Pour les marins, le rocher est le témoin muet d’un duel permanent entre les océans Atlantique et Pacifique et signe le bon de sortie de l’enfer, ou le ticket d’entrée, ça dépend du vent, comme disent les Normands. Vu de dos, par la face nord, le cap Horn est une large plaine jaune-brun-ocre qui s’évase sur les côtés et pourrait être transformée en terrain de golf le plus austral de la planète. Un green extrême.
En son sommet, le Horn parlerait plus aux grimpeurs, surtout côté droit, où l’obsédé des ouvertures trouverait sans doute son bonheur dans cette falaise, même si elle n’est pas calcaire. Et pourquoi pas tendre une slackline ? On pourrait peut-être en parler à Andy Lewis, l’athlète américain, pionnier de la discipline. Il trouverait sûrement stupide d’installer une ligne là où le vent décorne les bœufs sans faiblir, mais ça pourrait toutefois l’amuser. Les comparaisons s’arrêtent là. Le Horn, c’est la Tombe du Diable, comme l’écrit l’immense écrivain chilien Francisco Coloane. Découverte du cap Horn en quatre étapes…
Puerto Williams
Avenue Juan Pablo II, sur les coques des bateaux de pêche sont tagués de mots d’amour et des messages. « Boris, te quiero e mi gusta », gravé sur celle du Tormenta II. Les Banksy locaux n’ont pas de murs pour exprimer leur art, les maisons qui bordent les routes en gravier sont de bois et de tôle ondulée. Que peut faire un jeune dans cette ville militaire, où le centre commercial est installé sur une micro-place composée d’une petite dizaine d’échoppes d’artisanat local, dont le best-seller est le bonnet multicolore à pompon tricoté main ? Heureusement, il y a du wi-fi. Les habitants ont donc Facebook et tweetent peut-être. Ils savent probablement vivre sans les réseaux sociaux, mais nous ne saurions vivre comme eux. Eux ont appris qu’il ne faut jamais donner à manger aux chiens errants, sous peine qu’ils ne vous suivent et ne finissent par déféquer sur le pont de votre voilier.
La vie semble dure ici. Le vent balaie la poussière. Un militaire se met au garde-à-vous toutes les heures quand la cloche près de sa petite cahute retentit. Une marina est en phase de construction. Enfin, on ne sait plus vraiment, tant la ville semble être un chantier permanent. Puerto Williams est une escale plus ou moins obligée pour les bateaux en route vers le cap Horn et l’Antarctique. Les marins y trouvent un abri sûr dans sa baie encerclée de sommets enneigés dès le printemps, et le lieu est égayé par les cargos colorés qui y mouillent. Abri, c’est vite dit… Quand le vent souffle à 50 nœuds (environ 90 km/h), il fait claquer les lampadaires à chapeau pointu près des épaves. Il y a peut-être moyen de surfer au large, une bonne grosse houle cap-hornière ? Les Chiliens du coin n’en savent rien. « Ici, il y a surtout des vaches, des moutons à cuire en asado (barbecue local en croix) et des militaires », précise Estefania, 15 ans, rencontrée au supermarché remarquablement approvisionné. « Tu m’étonnes, sans Chipster et sans confiture de lait, on pourrait crever ! Tu me prends comme ami sur Facebook ? Je n’ai pas d’amis français ! », rajoute sa copine Eugenia, qui écoute Beyoncé sur son iPod. Tiens, c’est drôle, on en parlait des militaires, ils tentent un truc fou, un jogging par 50 nœuds de vent, ils se plient beaucoup en avant. On sent qu’ils ont l’habitude des sports extrêmes. On leur souhaite bien du soulagement au retour avec le vent dans le dos. Ils viennent de passer devant le panneau « Paris 15 000 km ». Juste à côté, il y a un autre panneau « voie d’évacuation en cas de tsunami ». On n’avait donc pas tort d’imaginer du surf, et du gros. D’un coup, on est inquiets pour ceux qui vivent dans des baraquements qu’on imagine voler très facilement.
Sur la route, on peut croiser des intrépides. Pablo, militaire évidemment, s’inquiète. Les habitants de Puerto Williams ont perdu le titre si convoité de ville la plus australe de la planète. Un hold-up selon lui. « Soi-disant qu’il n’y avait pas assez d’habitants ici, alors c’est Ushuaïa qui a récupéré l’emblème. Pour nous, c’est un manque à gagner, ça marche bien avec les touristes, l’étiquette “austral”. » Et puis, il y a le Micalvi, bateau de guerre allemand qui s’est échoué penché et a été réaménagé en yacht-club. Comme il y a une connexion wi-fi, très lente, c’est le hot-spot du coin. Au premier étage, on se croirait dans un club anglais du XIXe siècle, ambiance vieux bois foncé. Table à cartes antiques et globe d’un autre siècle trônent en face du gouvernail d’époque d’où on a une vue imprenable sur la proue du navire. Au rez-de-chaussée, c’est plus coloré, des centaines de drapeaux et de tee-shirts tapissent chaque parcelle de mur et de plafond. Tous les marins du monde, amateurs et pros, semblent être passés ici un jour ou l’autre. Ils ont tous écrit des petits mots pour remercier les Chiliens de ce moment inoubliable.
Puerto Toro
Partir de Puerto Williams, c’est dire ciao à la civilisation. Le Horn est à 95 milles nautiques (175 km). Pour le wi-fi et le portable, c’est terminé. Une fois dans le canal Beagle, mince frontière entre l’Argentine et le Chili, à hauteur de l’île Gable, on voit la cordillère Darwin, battue par les vents, celle-là même qui a été traversée d’ouest en est par une équipée d’alpinistes pendant 35 jours (voir l’excellent documentaire de 90 minutes intitulé Sur le fil de Darwin). Sommets saupoudrés. Nuages lenticulaires. Cormorans bruyants. Devant nous, les « Gremlins ». Une paire de rochers que l’on appelle ainsi à cause de leur petit air sournois et méchant qui fait que quelques-uns leur sont rentrés dedans. Au niveau des fourberies locales, il y aussi les kelps, algues géantes et tentaculaires capables de coincer un bateau. L’épave rouillée qui gît juste devant nous est celle du Logos, un bateau-bibliothèque de Mormons qui distribuaient des bibles et qui s’est échoué sur un rocher en face de l’îlot Snipe, le 4 janvier 1988.
En se rapprochant de la baie de Puerto Toro, on se demande qui peut bien vivre là. Puerto Toro, c’est un rocher égaré à 51 kilomètres au sud de Puerto Williams, qui prend rétrospectivement des allures de capitale. Parmi les quelques cabanes où habitent une petite dizaine de pêcheurs, il y a pourtant une école. Avec un instituteur qui fait classe à quatre élèves de 10 à 16 ans. Tous les trois ans, il est relevé, mais pour le moment, c’est lui le maître le plus austral de la planète. En juin, Puerto Toro revit, nous dit-on. Sa baie se remplit alors d’une dizaine de chaluts qui viennent pour repartir ensuite les cales pleines de king crabs, le trésor local qui vaut de l’or sur nos marchés mais qui, ici, s’échange de bateau à bateau, contre deux paquets de cigarettes, un pack de bières et quelques biscuits.
Caleta Martial
La baie de Nassau a mauvaise réputation. C’est une mauvaise fille qui envoie ses marins par le fond avec ses vents déments, imprévisibles, à plus de 90 km/h. On s’imagine sauter à pieds joints dans le canot de sauvetage, surtout bien viser, l’eau est à 3°C, et rallier la côte en tentant de ne pas s’y faire déchiqueter. Ne plaisantons pas trop. Ce jour-là, la baie de Nassau a pris deux hommes, deux marins-pêcheurs. Ce ne seront sûrement pas les seuls du mois. Survol d’hélico dès le lendemain pour les localiser. Un seul passage est effectué. Ces pauvres bougres cherchés mollement allongeront certainement la liste des disparus. « Le naufrage est une sorte de sport national, ici », dédramatise le capitaine. C’est un cercueil, fait d’écueils et de deuils, aurait pu écrire cet amateur de vers en mer. Celle-ci s’est un peu déchaînée pendant quelques heures avant le jeter d’ancre à Caleta Martial. Surprise : une plage de sable blanc et fin et des eaux cristallines. Avec dix degrés de plus, ce serait les tropiques en Écosse. Pourquoi n’y a-t-il pas une seule carte postale disponible de ce spot terrible ? Après avoir épuisé les distractions locales, parties de Scrabble dans le carré et nourrir les skuas sur le pont avec les restes avariés de l’agneau embarqué à bord, il n’y a plus qu’à monter pour voir l’envers du Horn.
Le Horn
A la fin de ce dédale d’archipels, « chaque mille peut être une torture ». Le capitaine du bateau est un poète, décidément. Le Horn, il l’a vu plus de soixante fois. Devant le rocher, il a penché son bateau jusqu’à la limite oblique, quand le vent, qui n’est plus freiné par aucun obstacle, gémit comme un fantôme entre les voiles. Il a vu les lumières blanches de l’Antarctique, à 950 kilomètres de là, éclairer ses voiles de nuit. Mais aujourd’hui, la Tombe du Diable, coupable de plus de 800 naufrages, se montre clémente. On voudrait sonder le fond, pour retrouver ces centaines de mâts plaqués au sol comme des gisants. Le rocher sombre éclairé par la lumière rasante du matin, un albatros qui flotte au-dessus des voiles… Où sont vagues scélérates, vaisseaux fantômes, hordes de pirates ? Esprit du Horn, où es-tu ? Dans le calme ambiant, on se prend à customiser le rocher : une plateforme de cliff-diving à 27 mètres, là, ce serait pas mal… Et y aurait-il assez de marge pour un saut en base-jump de tout là-haut ? Ce n’était qu’un jour sans au cap Horn. Le diable était en RTT. On pensera à revenir pour voir les prédictions du capitaine Robert Mieth prendre corps : « Cape Horn is the place where the devil made the biggest mess he could » («Le cap Horn est le lieu où le diable a créé le plus gros bazar dont il était capable.»)
Publié le 17/12/2018 à 14:00, mis à jour le 17/12/2018 à 18:54
EXCLUSIF – Greenpeace a publié, ce lundi, une enquête révélant un «scandale de pollution massive» opéré par des sous-traitants de cinq compagnies pétrolières, dont Total, au nord de la Patagonie. Une action en justice a été menée par les populations locales pour dénoncer le déversement de résidus d’hydrocarbure dans d’immenses bassins de stockage à l’air libre.
Une gigantesque «piscine de déchets toxiques» aurait poussé ces derniers mois au nord de la Patagonie argentine. Au terme d’une enquête de plusieurs mois publiée ce lundi, l’ONG de défense de l’environnement Greenpeace révèle «un scandale de pollution massive» opéré par des sous-traitants de cinq compagnies pétrolières, dont Total, au sud de l’Argentine, sur le site de Vaca Muerta, dans la région semi-désertique de Neuquen. Le groupe pétrolier français, de son côté, assure ne pas être au courant de l’existence de ces bassins et indique que des «vérifications complémentaires» vont être menées.
Près du village d’Añelo, non loin des sites pétroliers, où vivent des membres de la communauté autochtone des Mapuche, les compagnies pétrolières sont accusées de déverser des «résidus toxiques à l’air libre, dans de gigantesques piscines creusées sans aucune protection entre les déchets et le sol», révèle Greenpeace. Contactée par Le Figaro, la firme française assure que le traitement de résidus de… (la suite de l’article est malheureusement réservée aux abonnés)
Le chanteur Abd al Malik commente le documentaire édifiant d’Arte sur ces «bêtes de foire» du XIXe siècle.
C’est un documentaire qui fera date que propose ce soir Arte. Sauvages, au cœur des zoos humains nous raconte un pan oublié de l’histoire, quand des hommes exhibaient d’autres hommes.
Ils se nomment Petite Capeline, Moliko, Ota Benga, Marius Kaloïe ou Jean Thiam. Ils viennent de Patagonie, d’Australie, de Guyane, du Congo ou du Sénégal. Tous font partie d’une triste famille composée de 35 000 hommes et femmes qui furent exhibés dans le monde entier de 1810 à 1940 au fil d’expositions universelles ou coloniales, dans des cirques ou des zoos! Ils y furent présentés à un milliard et demi de visiteurs comme des sauvages ou des monstres… Le documentaire d’Arte fait resurgir ce pan oublié de l’histoire de l’humanité.
« S’imaginer que des gens sont allés au zoo pour aller voir d’autres êtres humains mis en scène tels des bêtes, cela fait froid dans le dos »Abd al Malik
«Quand on se rend compte que ces choses-là ont eu lieu il n’y a pas si longtemps, c’est fort, commente Abd al Malik, qui prête sa voix au film pour nous raconter cette histoire. On est nous-mêmes parents. On emmène nos enfants dans des zoos voir des animaux. S’imaginer que des gens l’ont fait pour aller voir d’autres êtres humains mis en scène tels des bêtes, cela fait froid dans le dos.» Sauvages retrace les destins de six de ces exhibés oubliés, s’appuyant sur des images d’archives inédites, des images exceptionnelles, le récit d’historiens et de spécialistes, et surtout les témoignages de leurs descendants. Leurs analyses nous permettent de comprendre la façon dont nos sociétés se sont construites en fabriquant, lors de grandes fêtes populaires, une représentation stéréotypée de «l’autre» pour légitimer la domination coloniale.
«Ces expositions, ces zoos étaient à Paris, à Berlin et dans d’autres grandes villes d’Europe ou aux États-Unis, explique Abd al Malik. On y voit les préambules et la construction d’une grande idéologie raciste. D’une certaine manière, cela explique aussi que les instincts et les réflexes négatifs que l’on peut avoir vis-à-vis de “l’autre” participent de la construction de longue date d’un regard.» Pour l’artiste, poser sa voix sur un document aussi fort est forcément impliquant. «Que ce soit dans des chansons, des livres ou au cinéma, je suis un raconteur d’histoires. Ici, mon outil, c’est ma voix. Mes parents sont originaires du Congo Brazzaville. Alors forcément, quand je parle de la vie d’Ota Benga, un Pygmée exhibé originaire du Congo belge, cela devient très personnel. Cette émotion, je la laisse transparaître.»
Dans « Faux calme », l’écrivaine argentine Maria Sonia Cristoff retourne dans la région de son enfance, que l’oubli menace, et en rapporte d’intenses témoignages.
Par Ariane Singer (Collaboratrice du « Monde des livres ») Publié le 13 septembre 2018 à 07h30, modifié le 13 septembre 2018 à 09h24
Faux calme. Voyage dans les villes fantômes de Patagonie (Falsa Calma. Un recorrido por los pueblos fantasma de la Patagonia), de Maria Sonia Cristoff, traduit de l’espagnol (Argentine) par Anne Plantagenet, Le Sous-sol, 240 p., 21,50 €.
Maria Sonia Cristoff n’a pris conscience de l’isolement de la Patagonie – l’une des régions les moins densément peuplées au monde – qu’à l’adolescence, lorsque l’appel de la civilisation et la promesse d’un accès plus aisé aux livres l’ont décidée à s’installer à Buenos Aires. Vingt ans après avoir quitté sa province natale, l’écrivaine argentine, née en 1966 à Trelew, y est retournée pour saisir ce trait « éminemment patagonique » qu’est l’isolement. Le débusquer « dans ses aspects les plus extrêmes ». C’est nourrie de récits de voyage qu’elle a cherché à pénétrer l’esprit de cette contrée reculée. A mille lieues des clichés dépeignant la Patagonie comme une terre d’évasion exotique, elle a choisi à dessein cinq villages « fantômes » – plus exactement quatre villages et une petite ville –, cinq expressions d’une solitude plus ou moins assumée, plus ou moins sclérosante, qui lui ont parfois donné l’impression d’être dans un « décor de science-fiction ». Ce sentiment d’étrangeté infuse, parfois jusqu’au vertige, chacun des dix chapitres de Faux calme : un livre dense, dont l’écriture, aride et intense, ainsi que la proximité brute entre la narratrice et ses sujets d’observation rappellent certains textes de Joan Didion sur l’Amérique rurale des années 1960 et 1970.
L’auteure y évoque ainsi la légende, bien ancrée dans la population d’El Cuy, du Maruchito : un jeune garçon tué par son contremaître pour avoir joué de la guitare, et devenu un faiseur de miracles après sa mort. Malheur à qui omet de s’arrêter devant son sanctuaire et d’y déposer une offrande. La narratrice en fera l’expérience lorsque…
Une chercheuse française développe d’importants travaux sur la grande île de la Terre de Feu, pour tenter d’analyser « l’environnement sonore des peuples nomades du sud du détroit de Magellan, en considérant la ressource sonore comme ressource culturelle ». Elle a parcouru des milliers de kilomètres et enregistré plus de 50 heures de sons pour tenter de mieux comprendre la culture, la mythologie et les expériences des peuples autochtones. Ses travaux ont été sélectionnés parmi tant d’autres par la Sorbonne Université.
Lauriane Lemasson est une jeune française, originaire de Bretagne, qui travaille dans la région pour soutenir sa thèse de fin d’études à Sorbonne Université, basée sur une étude multidisciplinaire de l’environnement.
Elle se trouve actuellement à Río Grande, d’où elle effectue des excursions en bateau et à pied, parcourant différentes zones de la grande île de la Terre de Feu, tant chilienne qu’argentine, pour collecter des données, des informations, des sons et des expériences qui l’aident à réaliser son travail, où se combinent des domaines tels que l’ethnographie, l’écologie sonore et la géographie.
« Enregistrez le son des oiseaux, apprenez quand ils apparaissent, découvrez l’écho qui se produit à différents endroits et lisez la forme des nuages » indique Lemasson, en faisant référence aux multiples tâches qu’elle a développées pour avancer dans une étude qui l’aidera à se transporter à l’époque où Shelknam, Yámanas et Alakalufes peuplaient la région, en harmonie avec l’environnement.
«C’est ma thèse de doctorat, car j’ai terminé le master en 2013 avec une expédition dans la partie argentine. J’ai sillonné des lieux pendant trois mois et demi avec un sac à dos, un appareil photo et un enregistreur. J’ai marché pendant 2 mille kilomètres, enregistrant des sons, parcourant le territoire occupé par les Shelknam ; essayer de faire partie de l’environnement et de comprendre un peu leur environnement, ses sons, la météorologie ; lire les marques qui apparaissent et collecter des informations », explique la chercheuse française à propos de l’étude qu’elle mène et qui a traversé différentes étapes depuis 2013.
Elle dispose de 50 heures d’enregistrements de sons différents et a pu relier « les chants qu’Anne Chapman a enregistrés de Lola Kiepja » avec les sons collectés. Les audios l’ont également aidée à comprendre « la présence des sons dans la mythologie, car il existe de nombreux mythes qui décrivent ces bruits, ces chants et toute la question sonore ».
« Il me semble que le son a un effet plus sensible, il y a une vibration, une résonance et c’est une manière de comprendre et de ressentir le territoire. Ce sont comme des signatures sonores, cela fait partie de l’identité du territoire. Les résonances, l’écho, le silence total ; C’est ce que je suis allée chercher parmi les mousses et les tourbes», raconte Lauriane Lemasson.
Le type de travail qu’elle effectue a une histoire en milieu urbain, mais pas dans cette région choisie par la professionnelle française. Elle dit qu’elle a choisi la pointe sud de la Patagonie en raison des références qu’elle avait sur la région lorsqu’elle était étudiante, et qu’elle envisageait de relever ce défi après un grave accident de voiture qui l’a amenée à ressentir le besoin de réaliser ce rêve.
Le projet de recherche qu’elle mène a été sélectionné parmi tant d’autres par Sorbonne Université, pour être mis en œuvre sur trois ans. Au cours de son voyage, elle a marqué plus de 3 mille points différents du territoire, découvrant des lieux et des sons.
« Il s’agit de comprendre une culture, et pas seulement dans sa dimension archéologique », a-t-elle fait remarquer. Elle se donne désormais pour tâche de rassembler tout le matériel de sa thèse, puis s’engage à publier l’ouvrage pour qu’il soit connu. Les personnes intéressées peuvent accéder au projet et contacter Lauriane Lamasson sur la page www.karukinka.eu