Nous avons quitté la baie de Tantum, sur l’île Brava (Cap Vert) le mardi 19 novembre à midi. Le waypoint est mis sur le traceur et nous annonce la couleur : 1858mn de Salvador de Bahia, en route directe et sans contourner la bosse de Natal. En réalité il faut prévoir 2000mn. Il fait beau et chaud : depuis notre arrivée au Cap Vert nous vivons en short et t-shirt, et il en sera de même jusqu’à l’autre bout de l’Atlantique. Les prévisions nous poussent à faire route au Sud/Sud-Ouest pour éviter la grande zone sans vent s’étendant depuis le sud de l’île volcanique Fogo. Nous hissons GV et artimon et déroulons le yankee. Milagro roule et nous nous trainons un peu à 4,5 noeuds. Nous décidons quelques heures plus tard de sortir le spinnaker, passant cette fois à une vitesse moyenne de 8 noeuds.
En fin de journée nous prenons la météo sur le site de l’Organisation Météorologique Mondiale pour la zone nous concernant : CAPE VERDE de la Metarea II. Est/Nord-Est 3/4, parfois 5 près des îles et mer peu agitée. Les milles défilent, nous faisant passer de la zone du Cap Vert à la zone SIERRA LEONE, les conditions restent les mêmes, nous croisons rarement de gros navires au loin, comme le tanker Abdias Nascimentos, et le calme n’est troublé que par le générateur qu’il nous faut parfois mettre en route pour recharger les batteries.
Le surlendemain du départ, nouvelle avarie : la poulie de la drisse du spinnaker se rompt et fait un grand plongeon. il nous faut agir vite pour affaler, le risque étant que la drisse s’use rapidement et se coupe à la sortie de tête de mât. Autrement dit, faute de réa pour la guider, le spi tire la drisse vers le bas et elle rague dans la fente du mât. Nous affalons donc la voile et déroulons le yankee. Faute de l’appui du spi par petit temps (8-10 noeuds de vent) et avec la houle sur le travers nous nous traînons et Milagro roule. Ce n’est que le lendemain matin que la situation s’améliore, avec plus de vent (12-20 noeuds). Les prévisions météo ne changent pas pour la zone SIERRA LEONE, hormis de gros orages au sud de la zone mais qui ne nous concernent pas. En début d’après-midi la houle ayant diminué, Etienne grimpe au mât pour remplacer la poulie de spi et nous rapporte ensuite ce qu’il reste de la poulie précédente : le support en inox du réa… A 17h nous voilà de nouveau spi en tête, à 7 noeuds et la vie à bord redevient très confortable.
Depuis notre départ la température du bateau est rapidement montée à 29 degrés (et plus…) à bord… Autant dire que cuisiner se révèle une idée aussi peu motivante que de préparer une fondue sous 35 degrés! Adieu gâteaux, pain maison, pâte à tarte… bref : tout ce qui nécessite un four. L’objectif principal est de ne pas réchauffer le bateau plus qu’il ne l’est déjà. A défaut de pouvoir cuire longuement des aliments au four, nous nous lançons dans des essais de cuisine « locale ». Parmis ceux-ci des foufous à base de farine de manioc (pour le façonnage il nous manque encore quelques transat pour que ce soit maîtrisé), accompagnés de choux rouge cuit à la noix de coco avec une sauce crémeuse au citron vert parfumée à la noix de muscade. Nous improvisons !
À notre grand désarroi, les fruits et légumes que nous avions acheté au marché de Praia se sont révélés d’une piètre capacité de conservation. Ils ont très vite pourri et pour en jeter le moins possible, nous avons cuisiné ce que nous avons pu. Nous avons tout de même dû faire quelques entorses au bannissement du four et des cuissons longues pour écouler l’équivalent de deux régimes de bananes ! François s’est retrouvé à passer un saladier de pâte à pancakes bananes, soit une petite activité hammam d’une heure de bon matin! Et Lauriane s’est chargée de faire un fondant banane-chocolat version famille nombreuse qui aura duré une journée. Nous avons transpiré mais nous nous sommes régalés ! Toupie et Parebat souffrent eux aussi de la chaleur et ont de fait le droit à plusieurs trempages par jour.
Malgré un frigo conséquent, nous avons du faire très attention à cuisiner la juste quantité afin qu’il n’y ait pas restes. La chaleur fait très vite passer les denrées. Aucun risque pour le scorbut, les cales de Milagro étant richement fournies en conserves de légumes, fruits et pâté Hénaff. Seules les quelques provisions fraîches supplémentaires de Brava résisteront, avec un premier prix difficile à décerner entre le chou frisé, les carottes et les betteraves.
La vie à bord est rythmée par les quarts : 3h chacun avec 2h en commun, l’heure seul.e est au milieu du quart. Damien et Lauriane continuent quant à eux leur alternance toutes les trois heures. La journée, il y a souvent quelqu’un qui est sur le pont en plus, à lire ou contempler l’horizon. La nuit, cette heure seul.e est un cadeau. Joie de la partager parfois avec Damien ou Lauriane. Durant ces périodes il nous faut rester éveillés puisque nous assurons la sécurité du bord pendant que les équipiers se reposent, vaquent à de multiples occupations, profitent de l’ombre et révisent le matelotage de base.
Régulièrement se fait entendre un : « dauphins !! » et tout le monde sort à la hâte, enfile un gilet de sauvetage et s’avance à la proue du navire pour les voir jouer à l’étrave. C’est toujours magique de les voir glisser, se croiser, plonger après avoir frôlé le bateau et parfois sauter hors de l’eau en se laissant retomber sur le côté. Nous avons aussi quelques visites de poissons volants qui malheureusement pour certains s’échouent sur le pont. Nous admirons régulièrement leurs dextérité en vol pour échapper aux prédateurs. Des fous de bassan viennent également nourrir leur curiosité en jouant dans les voiles et nous accompagnent durant tout le trajet. L’un d’eux nous gratifiera d’ailleurs d’un bel autographe sur la grand voile! Pas très grave en général mais, à 4m de haut, impossible à nettoyer!
Depuis St Nazaire jusqu’à l’équateur, ce sont 44 degrés de latitude qui ont été franchis. Si au début le décompte ne semble pas important, à l’approche de LA ligne nous nous réjouissons de cette avancée vers ce passage symbolique. Un changement majeur a eu lieu pendant ce trajet, nous sommes passé du Nord au Sud. Dans un premier temps, nous avons passé l’équateur météorologique plus au nord que l’équateur géographique. C’est, pour simplifier les choses, la zone de changement des vents avec, entre les deux zones nord et sud une zone appelée le pot au noir et connue pour son absence de vent et pour jouer avec la patience des voileux qui le traverse. Pour notre part, nous aurons du vent tout du long grâce à un routage bien mené par Damien !
Au petit matin, Lauriane est venue réveiller les derniers endormis : la ligne sera franchie dans quelques minutes! Le temps d’enfiler une tenue adéquate et nous voilà tous sur le pont pour regarder le GPS afficher 00’00.000. C’est court, c’est éphémère et c’est joyeux. Ça y est nous sommes dans l’hémisphère sud! Dans la mer, pas de ligne pour indiquer le passage mais notre skipper voulait tout de même marquer le coup. Donc nous voilà à 7h30 tous en maillot de bain sur le pont, Toupie et Parebat aussi (sans maillot de bain…). Le baptême consiste alors à remplir chacun son tour un seau d’eau et à se le verser sur la tête. Entre la température de l’eau et celle de l’air, nous ne nous sommes pas fait prier pour passer à l’action! Toupie et Parebat ont aussi eu le droit à la douche, avec le contenant adapté à leurs tailles !
S’en est suivi un petit dej de fête et le soir nous avons débouché le champagne de Papy Bernard, offert spécialement pour le passage de la ligne, avec un apéro délicieux, le tout au milieu de l’Atlantique, la joie simple d’un moment rien qu’à nous.
Au départ de Brava, nous avons eu l’espoir de croiser les Vendée globistes, ce sera peine perdue à quelques heures près pour le Roi Jean Le Cam. Milagro était à la hauteur de Charal mais les coureurs sont passés bien plus à l’ouest de nous et les deux passant à l’Est du Cap Vert sont partis sans prendre le temps de nous attendre !
Pour notre part, et pour passer au plus vite ce mauvais épisode du résumé de notre transat, abordons tout de suite le sujet du spinnaker, pour bien vite passer à autre chose. C’était pendant une belle nuit de novembre, après les réparations à Praia, nous étions heureux d’avancer grâce à cette belle voile blanche et bleue, à plus de 8 noeuds de moyenne. Les milles s’enchaînaient et le confort à bord était parfait (i e pas de roulis). Tout allait bien jusqu’à l’arrivée de cet affreux nuage que l’équipière de quart n’a pas vu arriver, à l’abri sous le bimini. Tout est allée très vite. D’un coup le vent a changé de sens, 180°. Le spi a commencé à se deventer puisque les changements brusques sur un navire de 45 tonnes mettent du temps à changer sa direction. Damien et Lauriane ont sauté de leurs couchettes pour intervenir et, à la vue de ce nuage très menaçant, le premier de la sorte depuis le départ, affaler au plus vite. Les premières gouttes de pluie arrivant, Lauriane interpelle tout le monde pour qu’un équipier se charge de fermer tous les hublots et panneaux de pont, et que les autres viennent au plus vite sur le pont pour aider à affaler le spi, la chaussette bloquant, il fallait une personne à la barre, une à l’écoute et deux à la proue pour tirer sur le va-et-vient de la chaussette. Le renfort tardant, impossible à deux de tirer sur cette fichue chaussette qui reste bloquer en tête de mât et de gérer en même temps l’écoute, une dizaine de mètres séparant les deux postes. La force du grain augmente et tous les efforts pour débloquer la chaussette restent vains. D’un coup le spi s’éventre au moment où le renfort arrive sur le pont, une partie de la voile tombe à l’eau, et l’autre partie part s’emmêler dans les haubans, la faute à un vent changeant continuellement de direction sous une violente pluie. Nous récupérons l’intégralité du spi à bord et l’amarrons sur le pont, contre le filet des filières. Tout le monde va bien, l’essentiel est là. Malgré cela, l’ambiance est pesante. Faute de pouvoir dérouler le yankee, nous mettons en marche le moteur et attendons le lever du jour pour retirer les morceaux restés coincés en haut du mât. Au petit matin, nous sommes tous encore sous le poids de ce qui ressemble à un mauvais rêve. Nous rangeons le coeur lourd cette voile dans son sac, quasi convaincus qu’elle est irréparable et qu’il faudra lui inventer une nouvelle histoire pour qu’elle serve à autre chose qu’à nous faire glisser au portant. Fermons le sujet, nous le réouvrirons une fois l’avenir de cette voile décidé.
À défaut de concurrence avec les navires de course ou les cargos, Damien s’est remit dans la peau d’un régatier à la première occasion venue, au milieu de nulle part. Après des jours sans autre navire à l’horizon que de rares porte containers et tankers au loin, nous voyons en fin de journée apparaître un voilier à la poupe de Milagro. Son cap nous faisait redouter l’innacceptable : il veut nous passer au vent ! Diantre ce ne sont pas des manières ! Branle bas de combat sur Milagro, tous dans le cockpit, toutes voiles dehors et réglages aux petits oignons pendant près d’une heure pour obliger ce concurrent à terriblement lofer (serrer le vent), jusqu’à ce qu’il se résigne à abattre pour nous passer sous le vent. Non mais ! Le navire en question, un voilier tout neuf sorti des Sables d’Olonnes (France) et mené par un équipage argentin, ne joue pas dans la même catégorie (52 pieds et beaucoup plus léger) mais notre Milagro n’a pas démérité, à 9 noeuds, Après notre petite victoire, nous avons essayé de les joindre à la VHF mais, vexés, personne ne nous a répondu!
La nuit suivante nous approchons des îlots (pour ne pas dire rochers) de Saint Pierre et Saint Paul. Situés à environ 500mn de Natal (côte brésilienne), ils se composent de plusieurs îlots et récifs. Le plus grand d’entre eux, Belmonte, ne dépasse pas les 5500m². Découverts le 20 avril 1511 par le portugais Garcia de Noronha, ces îlots ont aussi été visités quelques siècles plus tard par Charles Darwin, lors de son voyage sur le HMS Beagle. Depuis 1988 ils sont rattachés à l’état du Pernambouc et, dix ans plus tard est inaugurée la Estação Científica do Arquipélago de São Pedro e São Paulo, un bâtiment de 40m² occupé par 4 chercheurs/militaires qui se relaient tous les 15 jours. D’un point de vue biologique, la végétation y est rare et plusieurs colonies d’oiseaux y habitent, dont des fous bruns et des noddis (bruns et noirs). Ces derniers seront à partir de là nos compagnons de route nocturnes, jusqu’à Salvador ! Amateurs des oiseaux de Hitchcock, les voici : https://karukinka.eu/wp-content/uploads/2024/12/Noddis-bruns_Milagro_karukinka_122024.wav
Après étude des cartes et données hydrographiques disponibles, nous laissons franchement tomber l’idée de s’en approcher de nuit et encore plus pour mouiller. Pour vous faire une idée de la morphologie des lieux, voici les cartes du service hydrographique brésilien que nous avons pu consulter :
Superbes escale et rencontres à Wicklow, avec un accueil chaleureux des habitants et du Wicklow Sailing Club ! Quoi de mieux que de rencontrer d’autres passionnés de voile en Irlande autour d’une Guinness ?
Bientôt nous publierons un petit résumé de cette escale à Wicklow qui est le port de départ de la régate du tour de l’Irlande (Round Ireland).
« It was a delight to host Milagro & Karukinka Sailing School in WSC this week on route from North Cape to Cape of Horn – check out their great project in the southern hemisphere. »
Vous l’avez peut-être remarqué, le programme des stages pour la saison 2024-2025 est en ligne. Avec des navigations côtières et hauturières au nord et au sud, il y en a pour tous les goûts !
Milagro est actuellement en Irlande et Ecosse pour des stages côtiers au départ de Dublin jusqu’à mi-septembre, puis ce sera au tour des navigations hauturières avec deux aller-retour entre Dublin et la Loire Atlantique en septembre et octobre, avant de faire franchement cap au sud, sur la Patagonie, le bout du monde auquel est dédié Karukinka depuis ses débuts.
Karukinka est le nom de la Terre de Feu en selk’nam, peuple vivant entre le sud du détroit de Magellan et le canal Beagle. Certains travaux indiquent qu’il signifierait aussi « la dernière terre des hommes » ce qui dans l’histoire des migrations prend tout son sens puisqu’il s’agit de la dernière terre atteinte à pied de l’histoire des migrations humaines.
Nous retournerons donc cette année dans les canaux de Patagonie de la réserve de biosphère du cap Horn pour compléter les travaux de Lauriane dans le cadre du projet « Cap Nord – Cap Horn » débuté en 2022. Nous proposons également quatre stages de voile de 18 jours au départ d’Ushuaia ou Puerto Williams entre février et avril 2025 pour explorer ensemble ces îles, fjords, montagnes et glaciers aussi beaux que passionnants.
Et avant cela, entre octobre 2024 et janvier 2025, nous vous proposons une série de stages haute mer durant les plus de 7000mn qui composent ce voyage, avec de belles escales en perspectives : Bretagne – Canaries (14 jours), Canaries – Cap Vert (9 jours), transatlantique Cap Vert – Brésil (20 jours), Brésil – Argentine (15 jours) et Buenos Aires – Terre de Feu (21 jours).
Depuis quelques semaines il est possible de réserver nos stages directement en ligne via la plateforme HelloAsso et toutes les dates sont indiquées sur les pages des stages, avec un résumé des tarifs et conditions dans l’onglet « Demande de réservation« . Pour toute question nous sommes aussi joignables par mail (contact@karukinka.eu) téléphone et messagerie WhatsApp (+33 6 72 83 03 94).
Au plaisir de naviguer ensemble « ici », « là » ou « là-bas », nous comptons toujours sur vous pour que le bouche à oreille et la soif d’aventure continuent de nous composer de belles équipes à bord !
Damien
PS: nous prévoyons de caréner Milagro à la Turballe la deuxième quinzaine de septembre: avis aux amateurs de dépense d’huile de coude pour nous filer un coup de main !
De bon matin nous levons l’ancre au moment de l’étale et à quelques encablures du château Moy, dans le Loch Buie (île Mull). La nuit dans ce loch ouvert au sud-ouest a été moyennement agréable : en cause une petite houle du sud arrivée avant le vent prévu dans la même direction et qui fait que Milagro a eu la fâcheuse tendance à se maintenir travers à cette houle (et à nous bercer, certes, mais nous nous en serions passé!).
Entre le démarrage moteur, la levée du mouillage, le nettoyage du lot de graviers et vase qui maculait la chaîne et l’ancre, et l’envoi des voiles pour n’avancer que grâce à elles, nous établissons un nouveau record du temps d’utilisation minimale du moteur : 20 minutes ! C’est sous artimon et yankee que nous sortons du loch, au près à 5,5 noeuds : à quoi bon forcer ?
Les prévisions sont bonnes (Sud 3 à 5 évoluant 2 à 4 durant quelques heures, avant de passer 3 à 5 puis de changer de direction pour Nord-Ouest 4 à 6 au sud de l’île Mull. Nous profitons de la marée descendante pour rester à bonne distance de la côte sud malgré une allure travers. Cette partie de l’île située entre le Loch Scridain (au nord) et la fin du Firth of Lorn (au sud) forme une péninsule appelée Ross of Mull. Plus nous nous dirigeons vers l’ouest plus les fonds deviennent complexes, avec de nombreux récifs entre lesquels passer pour atteindre notre objectif : Iona.
Les falaises de basalte (encore des orgues!) ont par endroit pris la forme de grottes et d’arches sculptées par l’érosion, et sont entrecoupées de magnifiques cascades et de criques de couleur turquoise. Abstraction faite de la température de l’eau (14 dégrés), cette couleur nous inciterait à la baignade ! Interpelés par la beauté du paysage, nous changeons de cap pour nous approcher au portant de la cascade de Malcolm’s Point, avant de reprendre notre route vers l’ouest.
[#8 – Irlande – Ecosse 2024] de Loch Buie à l’île sacrée Iona 22[#8 – Irlande – Ecosse 2024] de Loch Buie à l’île sacrée Iona 23
Progressivement apparaissent les passages plus exigeants, dont ceux des Torran Rocks signalés par la cardinale Bogha nan Ramfhear et l’entrée vers le sud du Sound of Iona. Une fois encore, de nombreux moments de solitude (et de rire évidemment) ponctuent nos indications de noms des rochers, baies, écueils, îles et caps ! Nos rencontres avec des locaux ne parlant pas gaélique nous ont tout de suite rassurés quand nous avons évoqué ce point avec eux : ils bredouillent eux aussi ! Pour vous faire une petite idée, nous vous invitons à jeter un oeil à la carte de cette zone!
Carte extraite de la 3e édition du guide du Clyde Cruising Club, du Kintyre à Ardnamurchan (p.180)
Nous entrons dans le chenal séparant le Ross of Mull de Iona à la voile (au portant, 5,5 noeuds). Seul voilier à la voile dans le chenal en cette fin d’après-midi, nous nous refusons de gagner le nord à l’aide du moteur. Nous préférons prendre le temps de bien étudier la carte et de chercher les repères visuels à terre pour réaliser la traversée du chenal en nous basant exclusivement sur les alignements (cathédrale, Bull Hole,…) et indications du sondeur, plutôt que de suivre les écrans. Nous réalisons plusieurs relèvements au compas et manoeuvres d’empannage dans des passages relativement étroits pour contourner des sondes d’un grand banc de sable et rochers comprises entre 10cm et 1m60, puis l’île Eilean nam Ban et ses couleurs incroyables sur notre tribord. A la sortie l’espace s’ouvre à nouveau et nous rejoignons le mouillage de Port na Fraing et sa plage de sable blanc, rien que pour nous et sur 7m de fond ! (ceux de Martyrs’ Bay ou de Bull Hole sont plus fréquentés). Les 4 à 6 Beaufort prévus arrivent en fin de journée et nous sommes bien à l’abri dans le chenal, sous le vent d’Iona.
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Après une nuit reposante, nous partons en annexe vers le quai du ferry de Martyrs’ Bay pour visiter ce lieu sacré de l’histoire écossaise dont nous avait parlé Vicky Gunn, chercheuse en histoire médiévale que nous avions rencontré à Loch Melfort.
Iona est une petite île ouverte sur l’Atlantique avec pour seul terre émergée vers l’ouest à cette latitude les dangereux parages de Skerryvore (après eux c’est le Canada). Elle est bordée de récifs dont les noirs rochers contrastent avec des plages de sable blanc. Dotée d’un petit village comprenant tous les services essentiels (dont une petite école primaire) et plusieurs artisans (potiers, sculpteurs sur bois, joaillers, vanniers, tisseurs…), Iona est considérée comme l’un des principaux lieux spirituels d’Ecosse. Nombreux sont ceux qui y viennent en pèlerinage et/ou pour trouver le calme lors de retraites spirituelles.
Pourquoi cette petite île est-elle donc si importante ? C’est ce que nous allons vous partager plus en détails grâce aux informations transmises par Vicky, lors de notre visite puis des lectures et recherches qui s’en sont suivies.
Le premier constat est que l’importance culturelle et historique d’Iona est complètement disproportionnelle à sa taille. Habitée au moins depuis l’Âge du Bronze comme le montrent le site de Blàr Buidhe, ce n’est qu’à partir du VIe siècle que l’importance d’Iona est documentée. Plusieurs toponymes lui sont associés, dont “Ì”, “Ì Challuim Chille” (Iona de St Columba pour éviter les confusions), “Eilean Idhe” (l’île de Iona) et “Ì nam ban bòidheach” (Iona de la belle femme en gaélique), et ses habitants s’appellent les Idheach.
En 563 arrivèrent du nord de l’Irlande et à la voile Columba et ses douze disciples. Ils fondèrent la deuxième mission de christianisation de l’Ecosse, un siècle et demi après la précédente menée par Ninian sur l’île Whithorn en 397 et dont les préceptes auraient été diffusés jusqu’aux îles Shetlands. Le choix d’établir une église et un monastère sur Iona était stratégique puisque cette île était située sur une voie navigable permettant de relier Inverness et l’Irlande, mais aussi tout le monde celte. Comme Holy Island et Portmahomack, Iona devint rapidement un pôle de diffusion de la version celte de la religion chrétienne et de nouvelles idées et créations (dont enluminure/calligraphie, musique, peinture et artisanat d’art). Le faire depuis cet endroit était très efficace car il était situé sur un axe d’échanges culturels et commerciaux principal de l’époque. La petite communauté installée là développa également une économie de subsistance avec une importante activité agricole (cultures céréalières et élevage), de pêche et de construction. Ils n’étaient pas non plus complètement autonomes puisque pour un usage liturgique ils faisaient venir du vin, des pigments et des huiles du sud de la France ! Durant 34 ans, Columba développa des liens étroits avec la royauté, convertissant par exemple le roi Bruce et les Picts au christianisme, à la suite d’un combat spirituel qu’il gagna contre le référent de leur royaume. Columba aida également, jusqu’à sa mort en 597, à l’établissement d’un royaume indépendant en Ecosse de l’ouest : l’Argyll. La plupart de ces informations est parvenue jusqu’à nous grâce à Adomnàn, diplomate, successeur et biographe de St Columba ayant dirigé la mission durant 25 ans, au VIIe siècle. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages majeurs pour comprendre cette époque dont La Vie de Saint Columba (“Vita Sancti Columbae”, env. 690) et La Loi des Innocents (“Lex Innocentium” de 697).
Aux VIIIe et IXe siècles, les Vikings attaquèrent à plusieurs reprises Iona, attirés par les trésors du monastère. En 825 eu lieu l’un des pires raids viking : l’abbé Blathmac et les moines l’accompagnant furent torturés dans le but de leur faire avouer le lieu où étaient cachées les reliques de St Columba, un poème indiquant qu’ils reposeraient dans un coffre recouvert d’or et d’argent. Suite à l’absence d’aveux, ils furent massacrés dans une baie nommée ensuite Martyrs’ Bay. La peur de ces raids et leur répétition étaient telles que s’en était déjà suivit un exode de nombreux religieux qui avaient pris le soin d’emporter avec eux les plus importantes reliques (dont les os de St Columba) et un autre trésor: le Livre de Kells (créé à Iona 200 ans après la mort de St Columba, ce livre est considéré comme l’un des plus remarquables ouvrages religieux de l’époque et est désormais visible au Trinity College de Dublin). Malgré ces attaques continues, le monastère resta actif et ce n’est qu’au Xe siècle que la fréquence des raids diminua, lorsque les Vikings installés dans les Hébrides se convertirent au christianisme, adoptant St Columba comme leur saint patron. Plusieurs pierres tombales gravées et conservées dans le musée montrent l’influence viking avec des inscriptions runiques.
Au XIe siècle Iona et la plupart des îles de l’ouest écossais étaient sous le pouvoir du roi de Norvège. La distance compliquant grandement les possibilités de gouverner la région, ce dernier confia cette tâche à un guerrier gaélico-norvégien : Somerled. Ce dernier devint le premier Seigneur des Îles, prenant le contrôle d’une région s’étendant du Kintyre aux Hébrides extérieures et ayant pour descendants les MacDougalls of Lorn, MacDonalds of Islay et MacRuairis of Garmoran, plusieurs d’entre eux ayant joué un rôle essentiel dans les manoeuvres politiques et guerres d’indépendance du XIVe siècle.
Lors de notre excursion à terre et pour nous rendre à l’abbaye, nous avons traversé les ruines d’un couvent et suivi la rue des morts (“Sràid nam marbh”), une rue pavée de granit rose reliant la baie des Martyrs avec le tombeau de St Columba situé au centre de l’abbaye bénédictine construite au XVe siècle. Cet itinéraire n’est autre que celui emprunté par les pélerins et lors des processions dédiées aux sépultures d’acteurs importants du monde gaélique dans le cimetière Reilig Odhrain entourant la chapelle St Oran construite au XIIe siècle (la plus vieille structure intacte de l’île). Dans ce cimetière reposeraient 48 rois d’Ecosse (dont Macbeth / Mac Bethad), des membres du clan MacDonald Seigneur des Îles ayant pour certains des ascendants Norse (MacKinnons, MacLeans et Macleods) et, dans la petite chapelle d’une simplicité déconcertante, les corps des plus importants seigneurs et chefs de guerre des îles de l’ouest écossais. De nombreuses pierres tombales anciennes sculptées sont encore dans ce cimetière et d’autres ont été déplacées pour mieux les préserver dans le musée ou le cloître de l’abbaye. Les premières croix sur les tombes, assez conventionnelles aujourd’hui, seraient apparues à Iona aux environs de l’an 600, comme le montre les plus anciennes croix ornées de symboles sophistiqués et aux designs variés, comme le montrent les différents exemples vus dans le musée adjacent à l’abbaye.
Nous sortons ensuite de ce cimetière pour nous rendre sur le promontoire rocheux (“Torr an aba”) faisant face à l’abbaye et d’où Columba travaillait. Cet emplacement offre une vue imprenable sur le Sound of Iona, l’extrémité du Ross of Mull et la petite chapelle abritant le tombeau de St Columba située juste derrière la réplique d’une imposante croix en granit sculptée et dédiée à St Jean (l’originale est dans le musée). Cette abbaye a été construite après l’arrivée au XIIIe siècle de moines bénédictins et de soeurs augustiniennes invités par Ranald, Seigneur des Îles et descendant de Somerled, pour revitaliser la vie religieuse sur l’île et moyennant des moyens de subsistances plus conséquents. Plusieurs attaques armées vinrent saboter ce nouveau monastère, plusieurs chefs religieux irlandais n’acceptant pas de perdre leur connexion et leur influence sur Iona. A la suite du traité de Perth (1266) entre la Norvège et l’Ecosse, Iona revint au royaume d’Ecosse et devint progressivement un important lieu de pèlerinage, jusqu’à la Réformation de 1560 qui signa la fin des monastères en Ecosse.
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Plusieurs tentatives de restauration ont ensuite été menées, sans succès, conduisant progressivement les bâtiments à l’état de ruines à la fin du XIXe siècle, comme l’attestent plusieurs photographies prises avant d’importants travaux. Le 8e Duc d’Argyll, propriétaire de l’île, commissionna un architecte pour consolider les ruines puis céda l’abbaye, le cimetière et le couvent au Iona Cathedral Trust en 1899. D’importants travaux de rénovation furent lancés et 6 ans plus tard, un premier office pu déjà être réalisé dans l’église partiellement rénovée. Les décennies suivantes furent dédiées à la restauration du monastère et de toute la partie ouest du cloître, sous l’impulsion de la Iona Community, une communauté chrétienne travaillant pour la paix et la justice sociale et ayant des membres dispersés dans le monde entier. En 2000 le Iona Cathedral Trust finit par céder l’abbaye, le cimetière, l’église Saint Ronan et le couvent au monuments historiques d’Ecosse. La cathédrale est aujourd’hui en bon état et entretenue grâce aux fonds issus des visites et de dons.
Bref, vous l’aurez compris, Iona est le lieu à ne pas manquer lorsque vous vous rendez aux Hébrides, c’est un peu le “St Jacques de Compostelle” écossais et quitte à faire le pèlerinage, celui-ci se fait selon nous plutôt à la voile qu’à pieds. Même si vous n’êtes pas passionné.e d’histoire, la beauté du monument et de ses environs sont marquants, ils ouvrent une parenthèse qui vous transporte à différentes époques et permettent de porter ensuite un autre regard sur ces îles. Iona crée un véritable espace pour l’imaginaire, faisant finalement écho à ce que nous recherchons aussi dans la navigation et les longues déconnexion du tumulte qu’elle procure, en harmonie avec car dépendants des éléments. Cette sensation se retrouve aussi résumée dans les mots du compositeurs Felix Mendelssohn, en 1829, mentionnés sur l’un des murs de la sortie du cloître : “When in some future time I shall sit in a madly crowded assembly with music and dancing round me, and the wish arises to retire into the loneliest loneliness, I shall think of Iona.” (traduction : “Quand dans le futur je serai assis au sein d’une assemblée follement bondée, avec de la musique et des danses autour de moi, et que se fera sentir le désir de me retirer dans la solitude la plus solitaire, je penserai à Iona.”)
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N’ayant pas vu le temps passer, ce n’est que tard dans l’après-midi que nous rejoignons Milagro, grignotant rapidement quelque chose avant de lever l’ancre pour profiter des bonnes conditions pour rejoindre Staffa puis Ulva avant la tombée de la nuit.
Petit bonus : les lumières du couchant sur les récifs et embruns au sud de Iona quelques semaines plus tard, au retour des îles Treshnish.
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C’est après une superbe escale faite de rencontres aussi belles que les paysages environnant que nous quittons Loch Melfort pour nous diriger vers le sud de l’île Mull. Pour ce faire, plusieurs options existent et nous retenons celle du Cuan Sound, un chenal (assez) étroit séparant l’île Seil de ses voisines du sud, Luing et Torsa. Les conditions étant trop calmes pour avancer uniquement à la voile et arriver à temps pour le bon moment de marée, c’est avec un appui moteur que nous nous engageons dans le chenal. Les “eddies” (tourbillons) indiqués sur la carte sont bien là, accompagnés de veines de courant assez anarchiques au passage par le nord d’An Cléiteadh. L’équipage du petit ferry de Cuan, reliant Seil et Luing, nous salue et, passées quelques ruines en sortie de chenal où paissent ovins et bovins, nous entrons dans le Firth of Lorn intérieur (Ann Linne Latharnach en gaélique), hissons les voiles et éteignons le moteur pour traverser cette baie au portant et toutes voiles dehors, sous un grand ciel bleu sans nuages.
Le Firth of Lorn(e) est une baie située dans la continuité de la faille Great Glen (celle du canal Calédonien). Ce lieu est classée, compte tenu de la diversité des paysages et des espèces qui le peuplent, en tant qu’aire protégée depuis 2014. Comme le montrent les cartes bathymétriques du Firth of Lorn, le relief des fonds est semblables à celui de la surface : des falaises, des replats et des pics. Tout ceci participe à créer des conditions très diverses où se rencontrent des espèces atteignant respectivement leurs limites de migration nord ou sud. La morphologie des fonds et son ouverture vers l’Atlantique font qu’il vaut mieux s’y présenter par beau temps pour éviter les vagues statiques et les tourbillons. Les effets de la marée y sont forts, avec d’importants courants issus de la Great Race. En notre faveur lors de la traversée, ce courant nous accompagne vers le Loch Spelve.
Nous entrons sous voile en soirée, le long de falaises verdoyantes et nous révélant les premiers témoignages d’un volcanisme actif il y a plus de 40 millions d’années : des colonnes de basalte (issues de la lave) à l’est et au sud du loch et un mélange de granophyre (contenant du quartz) et de grès incrusté d’olivine (roche sédimentaire sableuse) à l’ouest et au nord.
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Nous laissons de chaque côté des fermes marines et jetons l’ancre au fond du loch ouest, au son des cris des huîtriers pies en vol et des bêlements des moutons. Le calme y est total et pas un remous ne rompt la quiétude nocturne.
Le lendemain nous partons à pieds pour le Loch Uisg, un grand lac situé dans l’axe de la faille Great Glen et entouré par Loch Spelve au nord-est et Loch Buie au sud-ouest. Tout le long du chemin nous nous émerveillons des rhododendrons qui, contrairement à chez nous où ils sont de taille arbustive, composent de véritable bois denses et richement colorés. L’église Kinlochspelve surplombe la rive est et s’ouvre devant nous l’horizon d’un plan d’eau sur lequel chacun imagine quel sport il pourrait y pratiquer : planche à voile, kayak, wingfoil, kite, dériveur… les idées ne manquent pas et le petit ponton voisin d’un lodge nous confirme que nous ne sommes vraiment pas les premiers à y penser !
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Nous continuons notre marche vers Loch Buie afin de visiter le château Moy du clan des MacLaine de Lochbuie. Construit en 1450 par Hector Reaganach Maclean, ce château de trois étages et directement alimenté en eau douce au rez de chaussée, a été reconnu par le roi d’Ecosse en 1494. Il a été érigé à deux pas de la rive afin de permettre aux navires d’y accéder aisément. Un arc de pierres toujours visible servait de piège à poissons et plusieurs gros blocs facilitent le débarquement depuis de petites embarcations. Il fût le théâtre d’affrontements comme lors de la révolte jacobite de 1689. Ce château a dû être restauré à l’issue de cette période et a aussi été modifié au fil des siècles pour en améliorer le confort (ex: installation d’une cheminée au XVIe sicèle). Ce n’est qu’en 1790 que le clan des MacLaine de Lochbuie le quitta au profit d’un habitat voisin plus confortable, une fois des temps plus paisibles revenus : la maison Moy. Durant plusieurs décennies l’utilisation du Moy Castle s’est retrouvée réduite à celle de son donjon en tant que prison.
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Le loch est tellement beau que nous nous décidons à y revenir avec Milagro et profitez d’une nouvelle excursion le lendemain vers les mégalithes. Au retour à Loch Spelve nous ne sommes plus seuls au mouillage et rencontrons le sympathique équipage voisin, un trio d’écossais impressionnés par la taille et la ligne de notre Milagro. Nous les invitons à bord pour le café du lendemain matin, avant de lever l’ancre vers Loch Buie.
La navigation se fait au travers (4-5 beaufort) sous le vent de l’île Mull. Nous nous approchons du Moy Castle et savourons une vue splendide sur le plus haut sommet du loch : Ben Buie (717m). Nous jetons l’ancre dans une échancrure du loch et débarquons pour aller voir ces fameuses mégalithes. Il fait si beau que des baigneurs profitent de la plage voisine et nous, nous ne tardons pas à quitter les coupe-vent et préférer les t-shirts. La ballade vers les mégalithes nous mène à la rencontre d’une réunion entre cervidés et ovins. Nous suivons les pierres blanches nous indiquant le chemin jusqu’au cercle de mégalithes. Avant l’arrivée, un autre site est repéré par Lauriane, à quelques centaines de mètres, semblable à certaines tombes de type tumuli visibles au sein du site mégalithique de Saint Just en Bretagne (composées de plusieurs chambres et d’un couloir d’entrée). La vue du cercle de mégalithes fascine : que signifie t’il ? L’absence de consensus scientifique sur le sujet permet à chacun d’y projeter son imaginaire et d’y voir un site rituel, un monument lié à l’alignement des astres ou encore un lieu de rassemblement pour faire la fête !
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Après un dîner au mouillage le ciel se charge et un peu de roulis apparaît pour nous bercer. Nous nous préparons pour la navigation suivante vers Iona, l’île sacrée.
D’ici peu nous publierons une petite vidéo résumant nos escales à Loch Spelve et Loch Buie et intégrant des images du cercle de mégalithes.
C’est en fin de journée que nous arrivons tranquillement à la voile à l’extrémité Est du Loch Melfort, jetant l’ancre dans un fond vaseux bien collant (pour la chaîne et le pont aussi d’ailleurs…). A peine arrivés, Damien reçoit un appel d’un de ses amis et ancien élève, Christian, en route depuis Leeds pour nous rejoindre à bord pour la soirée ! Passionné par l’Ecosse, il est une source intarissable d’idées de lieux à visiter, tous plus reculés, intéressants et sauvages les uns que les autres. Les cartes papier et celles de la tablette se sont progressivement retrouvées garnies de petits points supplémentaires et d’annotations. S’ajoute à cela une petite liste de livres à consulter… De quoi répondre à nos envies d’explorer et d’apprendre pour des semaines voire des mois… !
Le lendemain matin, à l’arrivée au petit ponton de l’hôtel de Kilmelfort avant de faire route avec Christian vers Oban pour un avitaillement en produits frais, une deuxième belle surprise nous attend : la rencontre avec Vicky et Margaret, toutes deux occupées sur leur magnifique petit voilier. Nous pensions prendre le bus pour revenir d’Oban, c’est finalement Vicky qui passera nous chercher directement au supermarché ! Lors de ce trajet sinueux entre lochs et collines, nous l’invitons, ainsi que Margaret, à venir visiter notre “huge sailboat”, qui appartient à l’association Karukinka. S’ensuivent les questions sur le pourquoi du comment de l’association, du navire, des recherches de Lauriane et de notre venue en Ecosse… et elle nous apprend qu’elle est chercheuse en histoire médiévale à l’université de Glasgow.
C’est après le déjeuner du lendemain qu’elle vient nous faire un magnifique cadeau : plusieurs heures de cours d’histoire médiévale écossaise dans le carré de Milagro ! Carte à l’appui, références historiques, informations sur l’histoire cachée de lieux et de dynamiques de peuplement,… nous n’en perdons pas une miette. “Ici l’histoire a été faite par les navigateurs, à la voile” . Cette remarque pleine de bon sens compte tenu de la morphologie des lieux nous rappelle qu’effectivement, les échanges d’idées, les influences culturelles, les batailles, les invasions de toutes parts, les processus de colonisation, les vagues de réformes religieuses, les évolutions technologiques,… ont existé grâce à la voile (et à la rame…).
Notre parcours, de la Bretagne à la Norvège via l’Irlande et l’Ecosse n’est autre que celui d’un axe d’échanges majeur depuis des milliers d’années. Présence celte puis romaine, premières missions chrétiennes (VIe siècle), guerres tribales entre les Picts et d’autres groupes, invasions vikings, fonctionnement clanique très ancré dans la culture écossaise… Chaque île, des Hébrides aux Shetlands, porte en elle des histoires chargées de vent et d’embruns que l’érosion efface progressivement à notre vue mais que des archives précieusement gardées au fil des siècles sauvent de l’oubli. C’est un véritable travail de fourmi que Vicky Gunn et nombre de chercheurs en histoire écossaise réalisent pour comprendre le territoire à différentes époques. Ils donnent du sens à ce qui nous entoure, des mégalithes aux ruines de châteaux, nous invitant à nous documenter toujours plus.
La bibliothèque de Milagro s’est donc à nouveau étoffée de quelques ouvrages supplémentaires, sans parler de ceux que Vicky prévoit de nous recommander d’avoir à bord, et c’est sous peu qu’un dictionnaire gaélique-anglais embarquera pour nous aider à comprendre ce que signifient les noms des lieux où nous naviguons. Un rdv est pris : à notre prochain passage à Loch Melfort, c’est sûr nous irons rendre visite à Vicky et Margaret !
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Avant de reprendre notre route vers le nord, le week-end passé, est venu le temps des retrouvailles pour Damien : le retour à Kames Fish Farm. C’est anxieux qu’il est venu se présenter à l’accueil de la ferme : après 20 ans sans nouvelles, les gérants de cette entreprise familiale seraient-ils encore là ? La ferme aurait-elle été rachetée par des sociétés norvégiennes, comme de nombreux élevages de poissons écossais ? Damien se présente et c’est alors qu’un homme d’une trentaine d’années lui sert la main : Andrew, celui avec qui Damien s’était occupé des lapins, joué aux jeux vidéo avec son frère Charles et lui,.. quand il était tout petit ! Dans la foulée Andrew appelle son père, Stuart, l’entrepreneur à l’origine de cette ferme et avec qui travaillait Damien. Quelques minutes plus tard, il arrive et nous fait visiter l’écloserie, le bureau de contrôle à distance de la sécurité des cages dispersées dans les îles, la distribution de nourriture en cliquant derrière un écran, la sélection des spécimens plus aptes à s’adapter au changement climatique… Toujours en quête d’amélioration, il nous apprend aussi qu’il a dû faire face à une catastrophe sanitaire s’étant abattue sur sa ferme il y a plusieurs années (une fièvre aphteuse venue de Norvège), l’obligeant à abattre l’ensemble de ses saumons plutôt que de tomber dans les excès largement documentés des dérives des élevages. Kames n’élève donc plus de saumons comme il y a 20 ans, mais des truites, et en nombre qui donne le tournis : quand Damien y travaillait, la ferme commercialisait entre 200 et 300 tonnes de saumons par an, et aujourd’hui c’est plus de 3000 tonnes de truites exportées jusqu’aux USA.
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Nous sommes ensuite repartis à bord de Milagro, non sans curiosité pour le mystérieux voisin chilien évoqué lors de nos échanges avec les locaux.
Certains partent d’Europe vers l’Argentine ou le Chili, en Patagonie ou ailleurs, pour refaire leur vie, et d’autres font le chemin dans l’autre sens, comme le milliardaire chilien fondateur du FFP (Fondation Pour le Progrès). Connu au Royaume-Uni pour avoir acheté un lodge (Kilchoan) à plusieurs millions de livres, ce membre de la secte des Légionnaires du Christ a fait sa renommée locale en organisant la reforestation des collines avoisinantes et en faisant construire une chapelle inspirée de celle d’Iona, sur les rives de Loch Melfort. Pour cela il a fait appel à des artisans locaux et soigné son image, une image très éloignée de celle qui est la sienne à plusieurs milliers de kilomètres de là : ancien militaire dans les années 70, il multiplia les déclarations en faveur de Pinochet (“son énorme gratitude”), n’hésitant pas à affirmer que pour lui, les droits sociaux n’existeraient pas. Ses propos au Chili, aux antipodes de l’image renvoyée ici, auront largement suffit pour que nous nous abstenions de faire l’escale suggérée dans la baie faisant face à sa chapelle. Nos amis chiliens, qui subissent les effets dramatiques du libéralisme extrême mené depuis des décennies dans leur pays, sont nombreux à souffrir des décisions et idées développées par cet homme et ses partisans.
Ce ne sont pas ses activités locales et cette chapelle qui nous feront oublier les ombres et la violence du pinochetisme.
Laissons cette chapelle dans notre sillage, avec un nouveau chapitre qui s’ouvre dans l’étrave de Milagro : cap sur Mull !
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PS: l’Ecosse nous plaît tellement que nous avons fait le choix de revoir notre programme pour y rester plus longtemps et simplifier la venue de ceux qui veulent nous rejoindre, sans galérer avec la logistique. Vous verrez donc (ici) que nous proposons à partir de samedi prochain 5 séjours d’une semaine simplifiés : départ et arrivée Oban ! Depuis Glasgow (vols directs depuis Paris, Nantes, Bordeaux, Lyon…) il faut compter 3h de train direct ou de bus dans les Highlands (un voyage dans le voyage !) pour nous rejoindre au port de Oban. Pour ceux qui voudraient éviter l’avion, cette destination est aussi accessible en train depuis la France (comptez 12h depuis Paris).
Bref, si vous avez besoin d’aide pour vous organiser, nous ne sommes pas une agence de voyage mais nous sommes là pour vous aider et serons ravis de vous accueillir pour partager ces lieux où , comme le montre notre dernière petite vidéo aux Treshnish Isles : il n’y a pas foule !