L’Argentine et le Chili ont opté pour un plan d’extermination face à une invasion de castors dans la région d’Ushuaïa, en Patagonie. Quelque 100’000 rongeurs seront tués pour protéger la forêt.
Dix chasseurs trappeurs entraînés pour opérer dans des conditions extrêmes ont été chargés de la mission dans la province de la Terre de feu, à la pointe sud du continent américain, ont annoncé lundi les autorités argentines. L’opération devrait durer plusieurs années.
Ils attireront les castors dans des pièges et les tueront d’un coup sur la tête. L’initiative a le soutien des Nations unies et d’organisations de défense de l’environnement, précise le gouvernement provincial.
Rivières obstruées
L’accord de coopération entre le Chili et l’Argentine cible ces animaux, car « ils coupent un petit arbre en quelques heures et un arbre plus grand en quelques jours. On parle d’arbre vieux de 100 à 150 ans ».
Ils abattent notamment des hêtres de Terre de feu, qui peuvent atteindre 30 mètres de haut, « provoquant des inondations car ils obstruent des rivières », précise le directeur des zones protégées de la province la plus australe de l’Argentine.
ats/jvia
Publié le 15 novembre 2016 à 08:43
L’espèce de castors aujourd’hui indésirable avait été introduite en Terre de feu en 1946, une cinquantaine de rongeurs venant du Canada, pour alimenter les tanneries locales. Les castors se sont ensuite reproduits de manière incontrôlée. Les autorités estiment que les castors ont détruit 400 km2 de forêt.
Dans un documentaire, Claudio Bertonatti, un scientifique argentin, compare la vue de cette zone à un paysage de guerre. « Quand j’ai vu cela, cela m’a fait penser à la Pologne durant la seconde guerre mondiale, où les grandes forêts avaient été bombardées, incendiées ».
Publié le 16/09/2016 à 17:30, mis à jour le 26/09/2016 à 12:52
EN IMAGES – Il y a quatre siècles un navire hollandais passait le cap le plus austral du globe et lui donnait un nom devenu symbole. Depuis la découverte du cap Horn, le vent et la mer ont tramé dans l’extrême sud de la Terre de Feu une histoire marine, grandiose et tragique. Voyage vers un caillou mythique.
La forêt magellanique est une dangereuse magicienne. Son chant attire à elle des voyageurs du monde entier et le philtre qu’elle leur administre est capable de changer l’enfer en paradis. Mais l’illusion ne fait généralement effet qu’un court instant, car la nature, dans ces parages, est singulièrement rétive aux charmes de l’enchanteresse. C’est ainsi qu’ayant débarqué dans la baie d’Ainsworth, au pied du glacier Marinelli, un des mille monstres froids qui, s’écoulant de la cordillère de Darwin, baignent les eaux glacées des canaux de Patagonie, par 55° de latitude sud, au cœur de ce fouillis d’îles par lequel le continent américain s’effrite dans l’océan Pacifique, un groupe de voyageurs modernes eut le sentiment d’avoir mis le pied au paradis: il faisait beau, des oiseaux gazouillaient dans le soleil. Au fond des bois, une falaise couverte de mousse laissait s’écouler, goutte à goutte, l’eau de la dernière averse dans une mare qui s’était formée à sa base. Cela donnait une musique d’une pureté absolue, comme un premier chant du monde. Là-dessus, les feuilles minuscules des coigües, les arbres patagons, laissaient passer suffisamment de lumière pour que du sol chauffé monte aux narines un parfum d’humus. Née de ces falaises, une rivière traversait la courte plaine séparant la forêt de la grève: sur ses berges poussaient des arbustes dont les fruits ressemblaient à des pommes miniatures, si petites qu’il aurait fallu à Adam et Eve en croquer beaucoup avant d’être expulsés de cet éden.
L’envoûtement dura le temps d’une promenade: dans l’après-midi, tout changea. En Terre de Feu, il suffit d’un nuage pour que cette beauté primitive de la terre laisse la place à un paysage d’une parfaite morosité: quelques heures plus tard, quand le Stella Australis quittait la baie d’Ainsworth, le ciel était devenu d’un gris insondable, un vent glacial se levait. Le navire, seul bateau d’expédition frayant dans ces parages, s’enfonçait dans un brouillard poisseux, entre deux séries de montagnes obscures, gluantes d’humidité, abritant une forêt compacte qui s’étalait jusqu’à l’eau verte du canal et qui, reculant lorsque la pente devenait trop abrupte, s’effaçait sur des rochers couverts de mousse orange, striés de cascades semblables à des voiles de mariée emportés par le vent.
Naguère encore, la seule évocation de ce lugubre paysage faisait frissonner les marins les plus expérimentés: les innombrables récits de voyage dans cette région inamicale fourmillent de descriptions toutes plus catastrophiques les unes que les autres. Mais les canons de l’esthétique ont singulièrement changé: dans un monde surpeuplé, en voie de surchauffe, la désolation, la solitude et les glaces sont devenues belles aux yeux des hommes. La centaine de passagers présents à bord n’avait donc de cesse d’admirer ce paysage funeste et gigantesque. Ils avaient embarqué deux jours plus tôt à Punta Arenas, au Chili, dans ce confortable navire de la compagnie chilienne Australis. But de ce voyage au bout du monde: le cap Horn, lieu redoutable dont on fête cette année le 400e anniversaire de la découverte. Découverte étant à vrai dire un bien grand mot puisqu’il ne s’est jamais vraiment laissé approcher et que les marins qui le croisent depuis 1616 n’ont généralement qu’une hâte, c’est de le laisser bien loin derrière eux et au plus vite. Miracle de la technique, on peut désormais débarquer sur l’île de Horn: c’était le but du voyage. Depuis quelques années, un officier de la marine chilienne y vit en compagnie de sa femme et de ses deux enfants, le courageux ermite ayant la noble tâche de surveiller le dernier caillou de l’Amérique. Comment peut-on vivre là? La rencontre avec l’Américain le plus austral du monde promettait d’être passionnante.
Embouquant le canal Magdalena, le Stella Australis s’apprêtait à naviguer toute la nuit dans le labyrinthe d’eau et de roches que composent les canaux de Patagonie. Hautes montagnes couvertes de glace, fjords profonds, récifs et écueils, tourbillons de vent: toujours plus au sud dans ces voies d’eau que les marins chiliens connaissent comme leur poche. Le solide navire ballotté par la longue houle du Pacifique lorsque, sortant du canal Cockburn, il quitte pour quelques heures l’abri des îles avant de se faufiler à nouveau entre deux murailles en direction du canal Beagle, lequel conduit à Ushuaia et à la baie de Nassau, dernière étape avant l’ultime confetti de montagnes émergeant de la mer. Là se trouve le cap Horn.
L’été austral laisse peu de temps à la nuit. Au petit matin, alors qu’un soleil pâle brillait déjà dans un grand ciel délavé par le vent, le bateau se trouvait au pied de l’île de Horn. Bien plus grande que ne la dessinait l’imagination, elle était couverte d’une sorte de gazon vert émeraude qui brillait singulièrement dans la lumière. L’herbe se balançait harmonieusement, agitée par le vent terrible qui soufflait: 130 kilomètres-heure, force 12, la plus haute sur l’échelle de Beaufort qui l’assimile à un ouragan «au-delà du 40e parallèle»: de ce côté-ci, c’est chose courante, juste ce qu’il faut pour porter les pétrels géants, les albatros et les sternes arctiques qui jouaient à raser les falaises. A l’ouest, l’horizon était barré par une formidable muraille gris sombre que touchait du doigt un arc-en-ciel planté dans la mer. Des vagues courtes et dures battaient la coque du navire. Le vent leur enlevait des nuages d’écume: ils se mêlaient aux averses de grêle qui fouettaient brutalement le pont du bateau. Nul gardien de l’île à l’horizon: on pouvait simplement deviner sa petite maison blottie au pied du phare, imaginer l’homme avec sa femme et ses enfants, debout derrière la fenêtre de sa cuisine, une tasse de café fumant à la main, observant le lourd bateau qui tournait en rond au pied de son caillou. De peur qu’ils ne soient retournés par le vent, le capitaine décida de ne pas mettre les canots à la mer. Fidèle à sa terrible légende, le Horn se refusait aux visiteurs. Après l’avoir admiré, on alla prendre le petit déjeuner.
Etonnant contraste entre le confort du voyage et la rigueur de l’environnement qui, il y a quelques décennies, laissait déjà songeur Stefan Zweig. Dans la préface de la très belle biographie qu’il a consacrée à Magellan, l’écrivain viennois raconte que c’est dans l’ennui et le luxe d’une longue traversée de l’Atlantique à bord d’un paquebot que lui est venue l’idée de raconter la vie de l’illustre marin. «Rappelle-toi, écrit-il, dans quelles conditions on voyageait autrefois. Compare cette traversée avec celles des audacieux navigateurs qui découvrirent ces mers immenses.» L’ouvrage raconte comment la quête d’une route plus courte vers les îles aux épices poussa le navigateur portugais à convaincre le futur Charles Quint de lui confier une flotte de cinq navires. Persuadé qu’il existait un passage, quelque part au sud du continent américain, permettant de relier l’Atlantique au Pacifique, Magellan quitta Séville le 10 août 1519 en compagnie de 265 hommes dont peu connaissaient le vrai but du voyage, sinon qu’il durerait très longtemps…
Son exploit accompli, Magellan alla mourir quelque part dans l’archipel des Philippines. Seuls 18 marins à bord d’un navire proche du naufrage parviendraient à relier Séville, le 6 septembre 1522. Le destin avait interdit à Magellan de recevoir en Europe le tribut du vainqueur. Le temps a réparé l’injustice: le nom de l’illustre marin est resté accolé au détroit qu’il a découvert. L’histoire maritime de la Terre de Feu pouvait commencer. Elle ne manquerait pas de panache, car ici croiseraient les navigateurs les plus intrépides.
Mais la difficulté des conditions de navigation allait considérablement ralentir le travail d’exploration de la région: il faudra attendre plusieurs siècles avant que les canaux de Patagonie soient correctement cartographiés. En 1578, le pirate anglais Francis Drake voguera dans les parages. Découvrant qu’il n’y avait pas de continuation terrestre entre la Terre de Feu et les terres australes, il franchira en premier le passage qui sépare les continents américain et antarctique. Quelques années plus tard, le 14 juin 1615, deux navires hollandais quittaient la rade du Texel. Affrétés par la Compagnie Australe, basée dans la ville de Hoorn, ils étaient commandés par Jacob Le Maire, le fils du fondateur de l’entreprise et Willem Schouten. Les marins avaient pour mission d’ouvrir une nouvelle voie maritime qui éviterait le détroit de Magellan, alors soumis à une restriction imposée par leur grand concurrent: la toute-puissante Compagnie néerlandaise des Indes. Huit mois plus tard, Willem Schouten franchissait le passage de Drake. Croisant au large de la dernière île de Terre de Feu, il lui donna le nom de Hoorn, double hommage à la cité où avait été conçue son expédition et au bateau qui l’avait accompagné jusque-là, la patache Hoorn ayant disparu dans les flammes quelques jours plus tôt.
Parmi les centaines d’expéditions qui allaient se succéder au fil des siècles, il faut garder en mémoire celles de Fitz Roy. Le capitaine britannique allait se rendre à deux reprises en Terre de Feu à bord du célèbre Beagle. En 1826, puis en 1832, en compagnie du naturaliste Charles Darwin, qui allait trouver dans l’observation des Indiens yaghans une confirmation de sa théorie de l’évolution des espèces. En 1882, c’est l’aviso français La Romanche qui se rendit là, dans le cadre d’une expédition scientifique dans les mers australes. Parallèlement, le passage de Drake s’imposait comme une des premières routes commerciales du monde. En 1892, plus de 1 200 voiliers croisaient le cap Horn: tout à leur course de vitesse, les grands clippers évitaient les tortueux canaux de Patagonie. Mais la navigation restait particulièrement périlleuse: en 1905, on dénombrait 53 naufrages au large du ténébreux rocher. C’est dire si l’ouverture du canal de Panamá, en 1914, fut accueillie avec soulagement. En 1949, le Pamir, vaisseau allemand, fut le dernier voilier de commerce à franchir le cap Horn. Fin de l’histoire. Après une courte éclipse qui l’avait placée au carrefour du monde, la Patagonie pouvait reprendre la place qui lui revenait dans l’ordre naturel des choses: loin de tout.
Une autre histoire, littéraire celle-ci, pouvait commencer. Les écrivains ferment souvent la marche des explorateurs. Dans les années 50, alors qu’il naviguait dans le détroit de Magellan, Jean Raspail fit une rencontre qui, raconte-t-il, allait déterminer son existence: un canot de bois avec, au fond, quelques silhouettes massées autour de trois braises scintillant dans le brouillard. C’étaient sans doute les ultimes Kaweskars: les «hommes», comme ils s’appelaient eux-mêmes, les derniers Indiens de canots. Restés bloqués à l’âge de pierre, ils ne survécurent pas à la rencontre de l’homme moderne. Raspail leur a livré un magistral hommage dans son livre Qui se souvient des hommes… Aujourd’hui, les hommes ont disparu. Quelques descendants, métisses d’Indiens et de marins européens, tentent vaguement de se réapproprier une culture dont le sort fut scellé le jour où un de leurs ancêtres vit passer, depuis son rocher, les bateaux de Magellan. Et pour les voyageurs qui aboutissent aujourd’hui dans l’ancien royaume de ces ombres, il ne reste plus qu’à songer, en contemplant l’eau sombre des fjords et les plages de galets où ils vivaient jadis, à l’étrange destin de ce peuple. Ces lieux s’y prêtent particulièrement bien.
Il a passé cinquante ans de sa vie à enregistrer les sons de la nature, animaux et éléments. Et ce « grand orchestre » du bioacousticien Bernie Krause est en ce moment audible à la Fondation Cartier à Paris : une immersion entre émerveillement et sensibilisation à la disparition des espèces. Portrait.
Dernier étage de la Fondation Cartier, avec Paris à 360° à travers les vitres. Calé dans un canapé gris perle, il affiche en permanence un fin sourire. Bernie Krause porte des lunettes aux verres jaunes pour « adoucir les lumières vives« , mais la sagacité de son regard n’en est, elle, pas amoindrie.
Jusqu’au 8 janvier 2017, la Fondation Cartier propose une immersion dans l’univers de cet « écologiste des paysages sonores« , ainsi qu’il se définit lui-même, à travers une exposition intitulée Le Grand Orchestre des Animaux : le visiteur est invité à se perdre dans une contemplation auditive à travers plusieurs niches sonores, du Zimbabwe à l’Alaska, en passant par le Pacifique. Au programme, découverte de la biophonie (un terme inventé par Bernie Krause, et désignant les bruits émis par les êtres vivants), de la géophonie (bruits produits par les éléments naturels non vivants, tels le vent, la pluie, les séismes…), et sensibilisation à l’appauvrissement des sons du monde, symptôme feutré du désastre écologique en cours. Avec, par exemple, l’histoire de ces crapauds californiens, disparus car la fréquence acoustique des avions entrait en concurrence avec celle de leurs cris d’alarme.
En 1968, Bernie Krause, qui a grandi loin de la nature, d’abord à Détroit, puis à New-York, ne pense qu’à la musique électronique, pop, et à ses synthétiseurs. Il collabore avec des groupes mythiques, et notamment avec les Doors pour leur album Strange Days. Un beau matin, avec son partenaire musical Paul Beaver, il a l’idée de préparer, avec l’écologisme en toile de fond, un album appelé Dans un sanctuaire sauvage (sorti en 1970) : « C’était le premier album à utiliser l’environnement comme thème principal. Ça voulait dire qu’il fallait aller sur le terrain et enregistrer des sons naturels pour les utiliser comme composants d’orchestration« , se rappelle-t-il. Il se rend en forêt avec un enregistreur portable stéréo (« ça venait tout juste de sortir !« ), et c’est l’éblouissement : Bernie Krause devient accro à la splendide polyphonie de la nature.
» En mettant les écouteurs, pour la première fois, j’ai entendu les sons, et je me suis dit que c’était ce que je souhaitais faire pour le restant de ma vie si je parvenais à trouver une façon d’en vivre. La raison principale est que ça me faisait du bien. Je me sentais bien quand je faisais ça. »
A compter de ce jour, à New York, Los Angeles, San Francisco… Bernie Krause profite de chaque temps de pause, durant ses enregistrements studio, pour remettre son casque sur ses oreilles et aller capter les voix de la nature. L’enjeu, avoue-t-il, était alors moins de pouvoir les réécouter, les analyser, que de passer un moment de détente auditif : « Je suis une personne assez nerveuse, angoissée, assez distraite, et ça me permettait de me concentrer. »
Non content d’avoir flirté avec la haute sphère musicale, Bernie Krause s’illustre ensuite en travaillant sur des films fameux : Mission impossible, Rosemary’s Baby, Apocalypse Now… De ce tournage de Coppola, dans les années 1970, il se rappelle avoir été « viré, huit fois » : « Ce qui veut dire que j’ai été à chaque fois réembauché, et chacune de ces fois, ils doublaient mon salaire. J’espérais qu’ils allaient me virer encore dix fois ! Je travaillais avec des synthétiseurs, de la musique électronique sur ce film. J’ai fait tous les sons d’hélicoptère, un tiers de la musique… »
Puis Bernie Krause décide que c’est assez. Assez de musique, d’ego, de drogue… : « Je suis retourné à l’école, j’ai passé mon PhD en bioacoustique en 1981 [équivalent du doctorat, NDLR], et j’ai passé le restant de ma vie à enregistrer des sons dans la nature. A m’intéresser à la science aussi. »
Sa technique ? L’ « attended recording » : contrairement au « remote recording« , l’enregistrement à distance qui permet de laisser le micro des jours sur le terrain, il s’agit d’un procédé qui nécessite d’assister à l’enregistrement : « J’installe mon microphone et je m’éloigne de quelques mètres. Je m’assois, sans bruit. Les micros n’affectent pas les animaux, ils s’y habituent au bout de quelques minutes. Je ne les cache jamais, mais je reste quand même à proximité. » Et Bernie Krause de préciser dans un grand éclat de rire avoir vécu avec gratitude la transition de l’analogique au numérique : « Chaque bobine de sept pouces pesait un demi kilo et ne durait que vingt-deux minutes. Les Nagra, en particulier, étaient très lourds. Avec le numérique, le matériel est petit, léger, et au niveau de la qualité, c’est infiniment mieux. »
« Maintenant, ce qu’on fait, c’est qu’on exprime à travers les arts ce qu’on trouve dans la science. C’est quelque chose d’assez nouveau… »
Ces cinq décennies à écouter la nature sont aujourd’hui matérialisées par une bibliothèque sonore pour le moins conséquente : cinq mille heures d’enregistrement, de quinze mille espèces animales différentes… : « Toute ma vie, depuis que j’ai trente ans… C’est vraiment très long. On pourrait le compter en années. »
Mais ce violon d’Ingres a pris rapidement une dimension scientifique et engagée : se passionner pour le « grand orchestre animal« , c’était aussi s’intéresser à la disparition des espèces entraînée par l’hégémonie de l’homme sur la nature ; une façon d’exprimer son inquiétude face au changement climatique. Car si les espèces disparaissent, les sons disparaissent : « En cinquante ans, je n’ai pas rencontré de différences partout où je vais. Mais cinquante pour cent des sons dans mes archives proviennent d’endroits où les habitats n’existent plus. En une période de temps très courte… » Avant d’ajouter, dans un français teinté d’accent américain, et en pesant sur les syllabes : « C’est la fin des haricots. »
Pour identifier les espèces sur ses enregistrements, Bernie Krause, qui se dit naturaliste, mais pas spécialiste, travaille avec des collègues.
« J’essaye d’initier un peu les gens à l’importance des sons dans notre environnement : plus on perd les paysages sonores dans les habitats naturels, plus notre société devient pathologique. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les journaux télévisés, l’actualité… »
Bernie Krause est toujours musicien aujourd’hui. Mais lorsqu’on lui demande si, tel le nombre d’or, la musique serait une clef universelle qu’il serait parvenu à détecter dans ses enregistrements, il s’agace : « Je n’entends pas vraiment de mélodie dans les sons naturels. D’ailleurs, je n’emploie jamais le mot ‘nature’, car dans notre compréhension du monde, on a placé la nature à distance de nous, en dessous de nous. Alors que, tout ce qu’on est, ce sont des imitateurs. On mimique, on n’a rien inventé. »
« On n’a pas créé la musique, au Conservatoire ici, à Paris, ou à la Juillard School de New York. Quand on vivait connectés à la nature, on imitait les sons des oiseaux, les percussions des chimpanzés et des gorilles des montagnes. C’est comme ça qu’on a appris à faire du rythme. On a regardé les lémuriens de Madagascar sauter d’arbre en arbre et c’est comme ça qu’on a appris à danser. On a écouté les sons de la forêt, la nuit, qui étaient structurés comme un orchestre. On a appris à structurer les sons en écoutant ceux de la forêt. On n’a pas appris tout ça à la Sorbonne. Vous me dites que la musique est plus sophistiquée ? Bullshit ! »
Quoiqu’il en soit, après cinquante ans d’immersion dans le grand orchestre biophonique et géophonique, Bernie Krause reste émerveillé par les découvertes qu’il continue de faire à travers son travail. La connexion de l’homme au monde naturel et l’influence qu’elle a sur la musique, la culture, la médecine, la religion, continuent à le surprendre. Et c’est par une réflexion sur l’animisme, qu’il met fin à l’entretien, comme une invitation à préserver l’environnement pour préserver, à travers lui, la spiritualité : « Les sons de la forêt, la nuit, sont dès l’origine devenus symboliques des esprits qui y vivent : comme on ne pouvait pas les voir, il fallait imaginer comment ils étaient. C’est comme ça que les sons sont devenus des esprits. C’est l’origine de la religion… »
Plusieurs centaines de baleines ont été retrouvées mortes en Patagonie. Une vision apocalyptique sans précédent pour les chercheurs.
Le Monde avec AFP Publié le 02 décembre 2015 à 13h48, modifié le 02 décembre 2015 à 12h47
Plus de trois cents baleines ont été retrouvées mortes dans un fjord isolé de la Patagonie chilienne, à 2 000 km au sud de la capitale, Santiago. L’échouage, annoncé mardi 1er décembre par une équipe de chercheurs, pourrait être le plus grand jamais constaté.
« C’était une vision apocalyptique. Je n’avais rien vu de semblable », a déclaré à l’AFP Vreni Häussermann, la directrice du centre scientifique Huinay, qui a participé à l’expédition ayant découvert les baleines, mise en place après qu’une vingtaine de cétacés de l’espèce protégée Sei eurent été retrouvés morts en avril, dans la même région.
En juin, lors d’un vol de reconnaissance au-dessus de la zone, cette équipe de scientifiques avait constaté un nombre bien plus élevé de cétacés échoués. « Nous avons pu compter trois cent trente-sept cadavres ou squelettes de baleines » à l’aide de photos aériennes et satellites, rapporte Vreni Häussermann.
« Il y a encore de nombreuses zones que nous n’avons pas pu atteindre, il est donc probable qu’il y ait davantage de baleines mortes. »
Les scientifiques à l’origine de la découverte ont souligné qu’aucune des baleines ne portait de traces de blessures, privilégiant la piste d’un excès d’algues ou d’un virus. Une enquête des autorités chiliennes après la découverte du mois d’avril avait écarté toute intervention humaine dans la mort des cétacés.
Publiée le 11 août 2015 à 06:24 par Carole Lafontan (http://www.montagnes-magazine.com/actus-la-patagonie-8k)
Il n’aura fallu pas moins de 6 semaines de tournage, 100 000 clichés et 7 500 km de route avalés entre le Chili et l’Argentine pour que la Patagonie, terre indomptable par excellence, révèle toute sa beauté et sa grandeur dans un time-lapse en 8k (ultra haute-définition) savamment orchestré par le réalisateur allemand Martin Heck (Timestorm Films). M-a-g-i-q-u-e-.
Si la vidéo ne fait que 4 minutes et des poussières, elle suffit à lever le voile sur une terre lointaine, une contrée sauvage aux histoires légendaires et aux paysages indociles. La Patagonie et son lot de reliefs incroyables (ciels étoilés saisissants, pampa à perte de vue, glaciers gigantesques, fjords escarpés, vertes vallées ou sommets acérés) défilent ainsi sous nos yeux, dans un time-lapse inédit.
Parti de Santiago, la capitale chilienne, le jeune réalisateur allemand Martin Heck, qui avait déjà créé le buzz en juin dernier avec sa vidéo en time-lapse de l’éruption du volcan Calbuco (en accéléré), une pépite visuelle et sonore, a terminé son périple à la pointe méridionale de l’Amérique du Sud, dans le détroit de Magellan, 6 semaines plus tard, avec 100 000 photos en poche et 7 500 km au compteur. Mais surtout, un film novateur, baptisé Patagonia 8k en référence à la résolution d’image adoptée (de l’ultra haute-définition soit une image capable d’afficher jusqu’à 33 millions de pixels) qui montre une nouvelle fois la montée en puissance de Timestorm Films.