[Cap au Sud #11] de Buenos Aires (Argentine) à Puerto Williams (Chili) Deuxième partie

[Cap au Sud #11] de Buenos Aires (Argentine) à Puerto Williams (Chili) Deuxième partie

11 janvier 2025 : Belle journée, douce, ensoleillée… les Quarantièmes Rugissants sont cléments avec nous ! Personne sur l’eau, personne sur terre, nous longeons sous voiles une côte désertique et sèche, dépourvue de végétation, hormis quelques arbustes et de grandes étendues de touffes d’herbes jaunies balayées par le vent.


Après avoir veillé jusqu’à 2h du matin pour contourner la péninsule Valdès, je n’entends pas notre arrivée au mouillage le matin devant Puerto Madryn. Une perturbation orageuse arrivant du nord doit virer violemment sud à la tombée de la nuit. Les prévisions annoncent des rafales supérieures à 60 nœuds ce qui rend des plus logiques la décision de trouver un abri. Le mouillage face à la ville est tranquille dans la matinée, tout le monde en profite pour se reposer et je rattrape le retard des notes de mon carnet de voyage.

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Le sillage de Milagro en Atlantique Sud

Puerto Madryn est la ville principale de la province du Chubut. Avec ses immeubles en verre et sa musique à fond le long de la plage, elle contraste complètement avec la pampa aride et plate à perte de vue derrière elle. Elle apparaît comme une parenthèse urbanisée dans un territoire immense, vouée au commerce des minerais et, en saison, au tourisme.

A 14h, les conditions changent : des rafales continues et brûlantes font monter la température de l’air à 40 degrés, c’est suffocant ! Nous n’avions jamais senti un air aussi chaud, comparable à la sensation que donne l’ouverture de la porte d’un four. Le vent et la houle augmentent. Peu à peu les conditions deviennent tellement mauvaises dans la seule zone de mouillage autorisée par la Préfecture Navale Argentine que nous devons alors insister lourdement pour obtenir de mouiller de l’autre côté du quai des autorités. La houle dépasse 1m50, avec une fréquence très courte, lorsque nous sommes autorisés à bouger. Lever le mouillage ne se fait pas sans peine (ni généreux rinçage des équipiers en charge de cette manoeuvre). Une fois l’ancre jetée de l’autre côté, ce n’est pas byzance mais en comparaison c’est du pur bonheur. A bord, malgré l’épaisse isolation du voilier, la chaleur est rude. Tout l’équipage, Toupie et Parbat inclus, tente de se rafraîchir au mieux.

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Notre mascotte Toupie recherche elle aussi la fraîcheur dans le carré…

La bascule de vent du nord au sud arrive à la tombée de la nuit. L’anxiété est palpable car la mise à jour météo évoque toujours l’arrivée de violentes rafales. Tout sur le pont a été rangé et solidement amarré. Vers 21h30 une espèce d’onde de choc apparaît sur la baie, chargée de poussière, et traverse entre les immeubles avant d’atteindre la baie et de percuter Milagro. De grosses rafales de 55-60 nœuds aplatissent la houle de nord et fait chuter la température de l’air d’une bonne quinzaine de degrés ! Vers minuit le calme est bien revenu, permettant une bonne nuit de repos.

Nous reprenons notre route au lever du jour, par un bon vent de 15/20 nœuds et accompagnés d’une quinzaine de dauphins de Comerson, petits dauphins noir et blanc d’environ 1,50m qui virevoltent et jouent autour de Milagro.

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l’horizon dans le Golfo Nuevo, au sud de la Péninsule Valdés

L’après-midi des groupes de ces petits dauphins nous rendent régulièrement visite et le quart de nuit, sous un ciel sans nuage, est alors synonyme de soirée d’astronomie : observation des étoiles, de la Voie Lactée, comptage des étoiles filantes… le tout sous le haut patronage de la Croix du Sud qui nous montre le cap à suivre.

Le lendemain nous naviguons sur une mer d’huile, la limite entre le ciel et la mer s’estompe. Nous sommes contraints d’utiliser le moteur pour continuer à avancer. Nous sommes seuls, nous ne croisons personne, l’océan est un désert dans cette région du monde. La terre que nous apercevons au loin semble elle aussi oubliée des hommes, jusqu’à notre arrivée dans la soirée devant la petite ville de Camarones. Un premier manchot de Magellan nous fait l’honneur d’une visite.

Camarones est une petite ville de 1300 habitants de la province de Chubut, située à 44,45 degrés de latitude Sud. Elle a été fondée en 1900, pour l’exportation de fruits et de matières premières dont la laine (très réputée).


Nous passons la soirée dans le seul restaurant ouvert, « Alma Patagonia ». Il ne paie pas de mine à l’extérieur mais l’intérieur est très agréable et chaleureux. Et nous avons très bien mangé ! Une bonne adresse pour ceux qui passeraient par cette petite ville, sorte de porte d’entrée vers le grand sud de la Patagonie.


Au moment de régler en espèces, nous réalisons une fois de plus les effets de l’inflation en Argentine : en 2013 nous échangions 1 euro contre 6 pesos argentins; en 2025 c’est 1 euro pour… 1280 pesos. La fabrication de nouveaux billets n’ayant pas suivi, nous nous retrouvons avec de grosses liasses de billets de 100, 200, 500 ou 1000 pesos pour régler notre repas et ne pouvons nous empêcher d’avoir une pensée pour les Argentins n’ayant pas de compte bancaire pour placer leurs économies dans une autre devise. L’ambiance tous ensemble étant ce qu’elle est, le retour à bord en zodiac se fait à 2h du matin…!

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[Cap au Sud #11] de Buenos Aires (Argentine) à Puerto Williams (Chili) Deuxième partie 21

Nous passons la journée suivante à Camarones. Philippe et Patrick doivent débarquer pour reprendre l’avion et rentrer en Suisse. Nous en profitons pour nous ravitailler en produits frais, notamment dans une petite épicerie où le temps s’est arrêté : elle a plus d’un siècle, conservée dans son jus, et les gérantss seraient chez nous en retraite depuis longtemps…C’est suranné et ça ne manque pas de charme.


Retour à bord en début d’après-midi pour un atelier cuisine pendant que de bonnes rafales de vent dont la région a les secrets secouent Milagro et marbre l’océan de volutes blanchâtres. D’où l’importance d’avoir un bon mouillage dans la région…

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Le voilier Milagro au mouillage à Camarones (Chubut, Patagonie argentine)

Jeudi 16 Janvier 2025 : accompagnés par quelques dauphins, nous quittons Camarones avec du bon vent régulier, et un grand ciel bleu. Direction Rio Grande (560mn en route directe).

Pour suivre nos aventures, rdv ici

[Cap au Sud #10] de Buenos Aires (Argentine) à Puerto Williams (Chili) Première partie

[Cap au Sud #10] de Buenos Aires (Argentine) à Puerto Williams (Chili) Première partie

Minuit. Cà y est, c’est Noël à Buenos Aires !

Pour le passage au 25 décembre, me voilà en route pour une croisière hauturière, dans un taxi direction un hôtel, depuis l’aéroport Ezeiza de Buenos Aires vers le centre de la capitale argentine, après un vol sans histoire sur Air France de 13h depuis Paris. Sur le périphérique le passage à Noël, se matérialise par de nombreux tirs de feu d’artifice et de fusées d’un quartier à l’autre, et aussi par l’absence quasi-complète de moyen de quitter l’aéroport entre 23h et 01h du matin ! Il ne faut pas arriver en Argentine un 24 Décembre, on ne plaisante pas avec Noël ici.

Le lendemain matin l’Uber de Noël nous dépose, Jacques (le président de l’association) et moi devant la grille du Yacht Club de Buenos Aires, petit havre de verdure et de paix au cœur de cette mégapole et de son quartier chic de buildings en verre. Nous retrouvons Lauriane, Damien, Toupie, Parbat et le bon vieux Milagro, tous fatigués par cette traversée de l’Atlantique. Juste le temps de saluer ceux qui quittent le bord, François et Henri, et direction ma cabine et les quelques mètres carrés qui seront ma maison flottante pour les prochaines semaines de navigation en Atlantique Sud.

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Sébastien, Damien, Jacques et Toupie réunis au Yacht Club Argentino (Buenos Aires, Argentine)

Autour du ponton la faune est nombreuse à nous observer : tortues qui bullent en surface, iguanes terrestres d’un mètre de long qui se prélassent au soleil dans l’herbe sèche, cormorans qui poursuivent celui de leur congénère qui a péché un poisson et a le malheur de ne pas l’avoir encore avalé, bref, ça s’active autour de nous et nous en prenons de la graine tous les jours jusqu’à 19h, heure fatidique de l’arrivée de milliers de moustiques en provenance des marais environnants et qui nous obligent à tout fermer et fuir le bateau jusqu’à la nuit tombée.

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Un de nos voisins de ponton au Yacht Club Argentino (Buenos Aires, Argentine)

Pendant cette semaine d’entre les fêtes un rythme soutenu se met en place : entretien du bateau à gogo, démarches administratives avec les autorités, préparation de l’avitaillement, réparation du plancher du cockpit qui s’affaisse, installation d’une éolienne, installation (chaotique) d’une sonorisation d’exception dans le carré, laverie, avitaillement en nourriture, carburant et gaz, changement dans l’accastillage, matelotage…et réparation de la grand-voile !

En effet, celle-ci a souffert lors de la dernière traversée de 2 déchirures verticales, au niveau de coutures qui nécessitent de la dégréer pour la réparer. Heureusement Clément, professionnel de la voile qui travaille sur les Imoca du Vendée Globe, prend cette réparation en main. C’est long et fastidieux, écrasés par la chaleur de l’été argentin sur une dalle en béton ensoleillée. Nous transpirons à grosses gouttes. Ces travaux sont heureusement coupés par d’agréables pauses repas à la cafétéria du Yacht Club (mention spéciale au restaurant du siège du yacht club qui est magnifique et dont les plats proposés sont excellents).

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L’une des pauses bien méritées de l’équipage à la cafétéria du Yacht Club

On décolle du Yacht Club Argentin !

Finalement, la préparation se termine en même temps que l’année 2024 : l’année 2025 commence avec notre départ de Buenos Aires au complet avec Jacques, Philippe, Patrick, Clément, Aude (présente depuis le départ de St-Nazaire !), Lauriane, Damien, Toupie, Parbat et moi. Nous quittons le Yacht Club le 1er janvier 2025, dès que Milagro décolle de sa place au fond vaseux, direction la sortie du Rio de la Plata.

Le delta est absolument gigantesque : les extrémités ne peuvent pas se voir depuis le chenal précisément balisé que nous empruntons. L’eau reste douce jusqu’à très loin au large et turbide, chargée par les sédiments du delta arrachés aux montagnes. Autre particularité : pendant au moins 100 nautiques, la profondeur est très faible et constante : moins de 10m ! Même sans côte à l’horizon, il est possible de mouiller presque partout et le chenal balisé d’accès à Buenos Aires pour les gros navires paraît interminable !

Nous passons la nuit au mouillage face à des mangroves, près de La Plata, ainsi que les deux journées suivantes tout en gagnant vers l’est dans les eaux douces et laiteuses du Rio de la Plata, en attendant qu’un coup de vent passe au large et nous laisse gagner la haute mer. Mère Nature en profite pour nous faire cadeau de quelques ciels somptueux.

A partir de ce moment-là nous passons à de la navigation hauturière non-stop : des quarts de 3h sont programmés en binômes ; un équipier qui barre et reste sur le pont en continu, et un second qui intervient pour les manœuvres et un soutien « logistique » pour celui sur le pont, afin de rendre la veille plus agréable, le tout avec un glissant de 1h30. Pour ma part je commence avec Damien et finis avec Aude.

Il faut s’habituer à ce rythme particulier d’une navigation hauturière, si différent du rythme terrestre : le temps se distant, les distances aussi, un rythme monotone mais indispensable s’installe. Les prévisions se gâtent et nous décidons de nous réfugier à Bahia San Blas, malgré des données hydrographiques peu engageantes : nous avons parcourus 680 nautiques depuis le départ, à la voile mais aussi au moteur, le temps ayant été particulièrement calme depuis le départ.

Bahia San Blas : notre entrée dans les Quarantièmes Rugissants.

Bahia San Blas est caractéristique de la côte argentine jusqu’à Ushuaia : pas de marina ni de digue ; nous mouillons devant la plage. Les bateaux locaux ne sont que de gros zodiacs qui sont tirés à terre à l’issue de leur sortie, nous comprendrons pourquoi rapidement… La ville, de quelques milliers d’habitants, n’est qu’un front de mer : après 2/3 rangées de maisons, c’est la pampa qui commence… immense.

Il fait très chaud, c’est étouffant. Nous déjeunons dans le seul restaurant ouvert et rapidement il est temps de retourner à bord pour le coup de vent annoncé. Le ciel est déjà très sombre et le clapot grossit : trop tard pour ne pas être trempés ! Le retour en annexe est aussi « sportif » que mémorable. Tout le monde est littéralement rincé, l’eau est à 23 degrés et une moule échappée d’une boîte à pizza trouve son bonheur en faisant des longueurs au fond de l’annexe…

Aussitôt l’annexe remontée, le coup de vent arrive : le vent se met à souffler en continu à 30/35 nœuds, avec des rafales dépassant les 50 noeuds et soufflant les crêtes des vagues et le sable sur la plage. Le ciel est constamment zébré d’éclairs à 360°, c’est impressionnant ! Le bateau roule énormément, un fort courant s’opposant au vent dominant. Le roulis met particulièrement mal à l’aise et épuise. Certains restent apathiques dans leur couchette, comme vidés de toute énergie et la situation va perdurer une grande partie de la nuit.

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Moment de convivialité au mouillage, pour ne pas voir le temps qu’il fait dehors…

Au matin et après une courte accalmie le coup de vent reprend, cette fois à 40 nœuds et venant du sud. Milagro roule et tourne en continu autour de son ancre à cause des effets simultanés du vent et du courant de la rivière. La température chute. Ce vent continu est impressionnant et fatiguant : il finit par entrer dans la tête, devenant insupportable. Sacré contraste entre ce vent qui hurle sur le pont et le calme feutré et douillet du carré 2m plus bas. De nombreuses fois nous nous dirons que Milagro est bien le bateau qu’il faut pour l’endroit où nous sommes ! Calme et soleil reviennent vers 18h, promesses d’une nuit réparatrice au mouillage pour laisser retomber la houle formée au large.

Le 10 janvier départ 10h sous le soleil, une bonne brise et encore de la houle qui va faire rouler le bateau… La sortie de la rivière est stressante, avec des bancs de sable aux profondeurs bien différentes des données indiquées sur nos cartes. Nous faisons cap sur Puerto Madryn, ville située dans la baie sud de la péninsule Valdès, péninsule rendue célèbre par la Calypso du Commandant Cousteau dans les années 70 : cette baie est une nurserie à baleines bleues. On verra ça d’ici quelques jours !

Pour suivre nos récits, rdv ici, et pour connaître le programme de nos stages c’est par là

Escalade en Patagonie : l’histoire de Julia Niles mêlant grimpe et résilience à Cochamó (PlanetGrimpe, 05/06/2025)

Nous vous invitons à découvrir le récit d’une expédition d’escalade en Patagonie publiée par le magazine Planet Grimp

Source: https://planetgrimpe.com/escalade-et-resilience-lhistoire-de-julia-niles-a-cochamo/

« Climbing Through », vous n’en avez jamais entendu parler ? Il s’agit d’un récit publié sur le blog de la marque Arc’teryx, où la guide de montagne et thérapeute Julia Niles revient sur une expédition singulière qu’elle a vécu dans la vallée de Cochamó, au Chili. Plus qu’un simple retour à l’escalade, cette aventure marque pour elle une forme de renaissance. Avec ses mots, elle nous raconte comment l’escalade, longtemps mise entre parenthèses, est redevenue un point d’ancrage dans sa vie. Une histoire intime, avec en toile de fond une grimpe qui aide à retrouver son équilibre.

Retrouver la falaise après des années d’éloignement

Lorsque Julia accepte l’invitation de la grimpeuse pro Émilie Pellerin à la rejoindre pour une expédition en Patagonie, elle ne s’est pas préparée à l’impact que ce retour en falaise allait avoir sur elle. Ancienne grimpeuse très expérimentée, Julia avait depuis longtemps troqué les grandes voies pour une vie bien remplie : celle d’une mère célibataire et d’une femme pleinement investie dans sa vie professionnelle. Une vie à cent à l’heure où l’escalade était devenue un lointain souvenir, un passé qu’elle pensait avoir rangé dans un coin de sa tête. Mais Cochamó, avec ses parois de granite imposantes, ses marches d’approches sauvages et son ambiance brute, aura réveillé en elle quelque chose de profond.

L’escalade m’avait déjà sauvée par le passé ; elle pouvait peut-être me sauver à nouveau. | Julia Niles

Une aventure portée par la solidarité féminine

Ce qui marque  Julia au cours de cette expédition, c’est la composition inédite de l’équipe : un groupe presque entièrement féminin, une première dans son parcours. Cette configuration génère une dynamique singulière, loin des modèles parfois dominés par la recherche de performance ou la rivalité. L’ambiance qui s’installe est faite de bienveillance, d’écoute et de respect. Chacune peut exprimer ses doutes, ses émotions, ou sa fatigue sans crainte d’être jugée. Une atmosphère rare, où la vulnérabilité devient une force partagée.

C’était une mission hors du commun. Pour la première fois, parmi tous les tournages, séances photo et expéditions auxquels j’avais participé, nous étions plus de femmes que d’hommes. | Julia Niles

Pour Julia, cette cohésion entre femmes joue un rôle central dans sa redécouverte de l’escalade. Elle y retrouve une pratique attentive aux ressentis et aux besoins de chacune. Ce climat de confiance transforme l’expédition en une expérience marquante, où le lien humain compte autant que la grimpe en elle même.

La montagne comme outil thérapeutique

En tant que psychothérapeute, Julia fait rapidement le lien entre les émotions traversées en paroi et les mécanismes psychologiques mis en oeuvre dans un parcours de reconstruction personnelle.

Là-haut sur la paroi, j’étais plongée dans mes pensées. Tandis que mes yeux absorbaient le paysage magnifique, j’examinais ma vie en démêlant mes problèmes. Je me suis aperçue que j’avais profondément besoin de ça. | Julia Niles 

À Cochamó, chaque mouvement, chaque prise, chaque décision engage des ressources mentales importantes — confiance, résilience, gestion de la peur, capacité à accepter l’imprévu. Dans son récit, elle nous rappelle également que  la grimpe exige une grande concentration: paradoxalement, loin de s’ajouter à la charge mentale, elle offre au contraire un soulagement, une bouffée d’air frais face à la pression constante du quotidien.

Ralentir pour mieux ressentir

Une autre dimension du récit de Julia tient à la lenteur imposée par l’environnement de Cochamó. Ici, pas de chrono, pas de course à la cotation. L’approche se fait à pied, parfois sur plusieurs jours. Les longues fissures de granite se méritent, les bivouacs en paroi demandent de la patience, beaucoup de patience. Ce rythme ralenti tranche net avec l’agitation du quotidien, et met en avant une pratique de l’escalade plus épurée, presque proche de la méditation.

Je me suis immergée dans le rythme qu’inspire la nature. Au soir, descendant en rappel dans le ciel pourpre, je me suis fondue dans le paysage, comblée, en paix, n’ayant plus besoin de rien d’autre. | Julia Niles

Dans ce retour à l’essentiel, Julia redécouvre le plaisir simple de grimper pour elle-même, sans attente de performance. Une grimpe qui apaise, qui recentre, qui donne du sens. Dans un monde où tout va vite, l’escalade devient pour elle un espace rare où le temps reprend sa juste place.

Une histoire personnelle sans exploit ni paillettes

Climbing Through n’est ni un récit d’exploit, ni un palmarès de performances. C’est une histoire humaine et sincère, ancrée dans la réalité d’une femme qui cherche à concilier passion, travail, maternité et équilibre personnel. C’est également un beau témoignage sur le rôle que peut jouer l’escalade dans les parcours de vie, y compris les plus intimes.

En revenant à l’escalade, Julia Niles nous démontre que la grimpe ne se limite pas à l’effort physique : elle ouvre un espace intérieur, fait de remises en question, d’instants de joie et de reconquête de soi.

Et voici la vidéo de cette aventure grandiose :

Pour découvrir d’autres récits d’expédition, n’hésitez pas à jeter un oeil à notre blog

Quel rôle joue le nouveau voilier de 20m dans la réalisation des activités de Karukinka ?

Quel rôle joue le nouveau voilier de 20m dans la réalisation des activités de Karukinka ?

Un camp de base flottant polyvalent en Patagonie insulaire

Milagro est un voilier d’expédition acquis par l’association Karukinka en 2023 grâce au soutien de ses membres. C’est un ketch Bruce Roberts de 20 mètres en acier qui joue un rôle fondamental dans la réalisation de nos activités associatives. Ce navire, construit en Suède et ayant déjà effectué deux tours du monde, est un véritable « camp de base flottant » permettant d’accueillir diverses initiatives qu’elles soient artistiques, scientifiques ou sportives. #voilier patagonie

Avec ses caractéristiques techniques adaptées (longueur de 20m, maître-bau de 5m25, tirant d’eau de 2m30, motorisation Cummins 180CV, voilure 180m² au près et 295m² au portant), le Milagro offre une plateforme robuste et adaptée pour nos expéditions en régions polaires et subpolaires, domaines d’activité privilégiés de Karukinka.

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Le voilier Milagro au pied d’un glacier de la Cordillère Darwin, Tierra del Fuego, canaux de Patagonie, Chili (Photographie: Diego Quiroga, du voilier Pic La Lune, Ushuaia)

Un navire support pour la logistique de nos expéditions scientifiques, sportives et artistiques

Une infrastructure adaptée aux recherches de terrain

Le Milagro constitue un support logistique essentiel pour les expéditions scientifiques et artistiques menées par Karukinka. Entièrement équipé et isolé, ce navire permet d’accueillir jusqu’à 12 personnes (10 personnes pour les projets de plus d’une semaine) grâce à ses cinq cabines (quatre doubles et une quadruple). Cette capacité d’accueil importante facilite la constitution d’équipes pluridisciplinaires, conformément à l’approche de notre association qui réunit des compétences sportives, artistiques et scientifiques.

L’autonomie considérable du navire (1500L de gasoil, 1000L d’eau + dessalinisateur, groupe électrogène, panneaux solaires…) lui permet d’atteindre des zones reculées et d’y séjourner suffisamment longtemps pour mener à bien nos travaux. Le navire est également équipé pour les télécommunications en zone A4 et d’un accès à internet, garantissant la sécurité et la connectivité même dans les régions les plus isolées comme les canaux de Patagonie (Terre de Feu, Cordillère Darwin, cap Horn, Antarctique…).

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Exploration d’un fjord de la Cordillère Darwin (Terre de Feu) où vèle l’un des nombreux glaciers de Patagonie (voilier Milagro, canaux de Patagonie, Chili, mars 2025)

Un outil pour les projets ambitieux

Grâce au Milagro, Karukinka a pu élargir considérablement ses actions et mettre en place des expéditions et résidences de recherches scientifiques et artistiques en toute indépendance. Le navire est mené par un équipage professionnel bénévole composé de deux à trois personnes diplômées du Brevet d’État Voile et de la Marine Marchande française.

L’acquisition de ce voilier a notamment permis la réalisation de l’expédition Cap Nord – Cap Horn (2023-2025), un projet majeur soutenu par le programme « Mondes Nouveaux » du Ministère de la Culture. Cette expédition, qui relie à la voile le cap Nord en Norvège au cap Horn en Patagonie, s’est conclut par une arrivée en Terre de Feu le 24 janvier 2025, après un voyage de plus de 15 000 milles nautiques et par le passage du cap Horn à la voile en mars et avril 2025.

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Milagro au mouillage dans une des nombreuses baies de la Réserve de Biosphère du Cap Horn (2025)

Financement des activités de l’association

Une section voile pour l’autofinancement

Depuis 2023, Karukinka dispose d’une section voile affiliée à la Fédération Française de Voile. L’association propose des stages de voile réservés à ses membres, ce qui permet de financer ses actions en faveur des peuples autochtones et de garantir la réalisation de projets ambitieux.

Compte tenu du budget nécessaire à la maintenance et à l’utilisation d’un voilier de 20 mètres, et de l’ampleur des projets à long terme de l’association (digitalisation de documents/archives, création de bases de données en ligne, financement de séjours en Europe pour des membres des communautés autochtones), Karukinka définit chaque année en Assemblée Générale la cotisation nécessaire pour participer aux différentes activités de navigation et ainsi pérenniser ses actions.


Un soutien pour la recherche indépendante

Consciente des difficultés rencontrées par les laboratoires et chercheurs pour obtenir des financements en milieux polaires et subpolaires, Karukinka met tout en œuvre pour soutenir des projets scientifiques, artistiques, sportifs et humanistes. Le voilier Milagro joue ainsi un rôle crucial dans cette stratégie d’autofinancement et de soutien à la recherche indépendante.

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Pêche artisanale dans les canaux de Patagonie avec José Germán Gonzalez Calderón (patron de pêche et artisan yagan, membre d’honneur de Karukinka et parrain du navire)

L’association propose également ses services pour la réalisation de missions de terrain à bord du Milagro pour des laboratoires, instituts et groupes de chercheurs et/ou artistes. Cette approche permet de mutualiser les ressources et de rendre accessibles des terrains d’étude difficiles d’accès.

Un outil de liberté pour les projets futurs

L’acquisition du Milagro a considérablement élargi les horizons de notre association. Grâce à ce navire nous avons désormais toute la liberté de poursuivre nos actions et recherches au sud du détroit de Magellan, pour commencer de 2025 à 2030 !

Le voilier permet à l’association de mener des projets pluridisciplinaires dans des régions difficiles d’accès, comme les canaux de Patagonie, l’Antarctique, la Géorgie du Sud… Il facilite également la poursuite des travaux avec les peuples autochtones selk’nam, haush et yagan du sud de la Patagonie, qui constituent l’un des axes principaux de travail de l’association.

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Arrivée du voilier Milagro dans le canal Beagle, Patagonie, après 15 000mn (photographie de José Germán González Calderón, à côte de Puerto Williams, île Navarino, région du Cap Horn, Chili, 2025)

Le voilier Milagro représente bien plus qu’un simple moyen de transport et n’est pas une fin sinon un moyen. Il constitue un véritable outil stratégique qui permet à l’association de réaliser pleinement sa mission d’exploration, de recherche scientifique et de création artistique en régions polaires et subpolaires.

Grâce à ce navire, Karukinka peut mener des projets ambitieux, autofinancer ses activités, soutenir la recherche indépendante et poursuivre son travail avec les peuples autochtones. Le Milagro incarne ainsi la philosophie de l’association : indépendance, bienveillance et engagement au service de la connaissance et de la préservation des cultures et des environnements des régions extrêmes de notre planète.

Départ du voilier Milagro au port de pêche de Puerto Williams avec un équipage international (Argentine, Chili et France) Aude, Lauriane, Sébastien, Clément, Alejandro, Shenü, Damien, Mirtha (marraine du navire), Alicia, Maria et Vaïna, filmé par José, le parrain de Milagro (janvier 2025)
[Cap au Sud #9] de Salvador de Bahia (Brésil) à Buenos Aires (Argentine)

[Cap au Sud #9] de Salvador de Bahia (Brésil) à Buenos Aires (Argentine)

Récit d’Aude, équipière de Saint Nazaire à Ushuaia !

-Stage hauturier du Brésil à l’Argentine-

Salvador, sûrement l’escale la plus en musique que nous ayons eu! L’arrivée de la transat était là! De Saint Nazaire à Salvador, quelques milles ont été parcourus et deux continents ont été reliés durant ce stage de voile hauturier.

L’escale ne doit durer malheureusement que 2 jours. Contrairement au Cap Vert, les douanes sont rapides et l’escale à Fernando de Noronha aura permis de préparer le dossier. Nous étions attendus et les formalités ont été éclair! Bémol : les douanes sont fermées le week-end et nous obligent, après une arrivée le jeudi dans l’après midi, à formaliser la sortie du territoire le vendredi soir à minuit. Nous étions autorisés à rester sur le bateau après mais pas le droit de sortir de la marina.

La marina de Salvador jouxte un terminal de bateau proposant des balades à la journée et donnant lieu à des scènes assez improbables au son (puissant) de chaque bateau. Peu après le lever du jour commence la musique à fort volume, nous obligeant à fermer les panneaux de pont et hublots au moment où nous pouvions apprécier un peu de fraîcheur (relative…) avant l’arrivée d’une chaleur étouffante dès 9h du matin. Nous apprenons quelques jours plus tard qu’une loi a été votée pour interdire l’usage d’enceintes particulières dans le domaine public tant le brouhaha était intense sur les plages et autres lieux de détente partagés! À vous qui venez de traverser l’Atlantique au son de la mer et du vent dans les voiles, à vous de vous adapter à tout ce bruit et cette chaleur! Inutile de vous dire que ça a parfois été compliqué et que c’était quelque peu fatiguant… De loin l’escale la moins reposante de notre périple !

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Au complet à Salvador de Bahia !

À peine arrivée, nous faisons la connaissance de Henri qui nous attend sur le ponton. Il est français et a immigré au nord de Montréal depuis quelques années. Il embarque avec nous pour l’Argentine tandis que Juliane et Étienne préparent leurs bagages pour continuer leur voyage à terre au Brésil.

Nous partons explorer le quartier historique sur les hauteurs de la ville. Un rapide tour dans le quartier entre la marina et le téléphérique nous aura bien vite sensibilisé à la pauvreté qui touche le pays. Nous pensions monter avec nos petites jambes mais cette idée nous est bien vite déconseillée par trois locaux. Arrivés dans le quartier historique, nous comprenons rapidement l’enjeu sécuritaire. Militaires et policiers sont postés à chaque coin de rue. La place de la cathédrale est l’occasion d’admirer les décos de Noël sponsorisés par Coca Cola. C’est omniprésent! Nous en sommes tous surpris mais c’est à l’image des restaurants où il est plus facile de trouver du soda en 2l que de l’eau! Le centre historique est riche de l’histoire de la colonisation.

Le lendemain, une équipe part faire les courses. Henri étant un ancien cuisinier, il y va avec Lauriane. C’était une très bonne idée : il nous régalera de bons petits plats pendant cette descente du Brésil qui s’avèrera coriace. Damien et François restent pour les vidanges et autres bricolages du bord. Quant à Étienne, Juliane et moi, nous partons explorer la ville.

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Toupie toujours au coeur de l’action

Nous pensions aller au musée national voir des œuvres d’arts, ce sera finalement un musée de l’infirmière nationale, Ana Néri. C’est leur Virginia à eux à une époque à peu près similaire à la nôtre. Puis nous allons au musée de la monnaie, à une expo photo puis à la cathédrale. Le struc y fait son effet. Ancienne possession des jésuites, ceux-ci ont laissé une trace de leur passage dans le splendide plafond. C’est aujourd’hui une église du diocèse. Le soir, après une séance d’ostéopathie improvisée en pleine rue (!), nous fêtons au restaurant l’arrivée de Henri et le départ d’Etienne et Juliane qui partiront le lendemain dans l’après midi.

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Le départ de Juliane et Etienne

Le dimanche sonne l’heure du départ. Pendant que l’équipage s’affaire à préparer le bateau, je file à la messe qui a lieu à 500m. C’est jour de fête car ce sont les 170 ans de la consécration de la paroisse à l’Immaculée Conception. Étonnant d’’avoir’écouter le texte de l’Annonciation à quelques jours de Noël. Puis c’est partie pour une descente du Brésil à 5! Depuis Saint Nazaire Milagro n’a jamais eu un équipage aussi réduit.

Pour cette navigation il faut passer le cap Frio et après ça descend… en fait pas tant que ça!

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Escale à Vitoria, deuxième plus grand port de minerais du monde

La traversée est assez longue. Nous devons faire deux escales pour des raisons de vent trop violent. La question du vent sera essentielle dans cette descente tout sauf évidente. Après le confort des alizés, c’est un peu brutal. Après le passage du cap Frio, nous essuyons une dépression au large de Rio Grande do Sul, apparue d’un coup et sans lieu de replis pendant plus de 350mn! La côte est une bande de sable avec des ports soit trop petits pour Milagro, soit barrés par un banc de sable rendant l’approche trop dangereuse dans les conditions qui étaient les nôtres. Il faut donc serrer les fesses, ranger l’intégralité du bateau pour que rien ne risque de chuter et nous blesser et préparer quelques repas d’avance! Finalement, nous ne subirons pas grand chose au regard de ce qui est annoncé. Lauriane fera du routage très précis pour nous éviter la rencontre de deux grosses cellules orageuses et altèrnera les quarts avec Damien pour ne pas nous exposer à du gros temps (4-6m de houle, 40-45 noeuds).

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L’activité orageuse dans la nuit du 19 au 20 décembre, où nous nous trouvons…

Nous abîmerons dans cette bataille pendant la nuit le gros coffre à gaz arraché par une vague plus grosse que les autres venue casser sur le bâbord, et perdrons la boîte de matériel de pêche qui était amarrée dessus (des bribes seront miraculeusement retrouvées sur le pont). Le gaz sera raccordé le lendemain dans la matinée avec, chose notable, l’installation d’un nouveau raccord olive de 8mm dehors dans 4m de creux… Dans la matinée, le bateau est remis en ordre et la météo s’est un peu arrangée. Le vent se calme et nous reprenons tous le rythme des quarts et la vie à bord. À cette perte temporaire du gaz, ajoutons la déchirure de la grand voile au niveau des prises de ris 2 et 3 et le groupe électrogène qui fait des siennes et refuse de produire la tension voulue (ce qui veut aussi et surtout dire que nous devons tenir jusqu’à l’arrivée sur l’eau restante dans le bateau faute de déssalinisateur sans générateur… Nous avons de la marge mais tout de même) !

La remontée du Rio de la Plata a un goût particulier: l’idée de savoir que la terre est au bout et que l’arrivée est proche est plaisante. Surtout que la remonté se fait sur une eau chargée de limon. Nous arrivons au Yacht Club Argentin le 24 décembre à 21h30 après une manœuvre de port épique et fêtons Noël autour un punch pastèque improvisé et de quelques mets préparés dans la journée.

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Réveillon de Noël à Buenos Aires, à bord de Milagro !

Nous passons la journée du 25 à faire une grasse matinée bien méritée puis les papiers… pas une mince affaire : les trois autorités ne sont pas raccord sur la procédure et l’emplacement des douanes… Après maintes tergiversations, nous finissons par être dirigés au bon endroit et être en règle pour notre entrée en Argentine. Le nouvel équipage est partiellement arrivé à Buenos Aires et à 19h pile nous fuyons du navire pour éviter un combat perdu d’avance avec des centaines et des centaines de moustiques arrivant tout droit des marais situés juste à côté du Yacht Club Argentin. Un enfer. Le coût de la vie est élevé et les salaires n’ont pas suivi. Le pays fait fasse à une augmentation de la pauvreté avec plus de 57% de la population argentine sous le seuil de pauvreté. Nous voyons partout des personnes fouiller les poubelles, des artistes de rue de 80 ans tentant de gagner quelques pièces en plus, des parents venant demander de la nourriture pour leurs enfants… triste situation pour un pays pourtant si riche !

Je reviens sur le bateau après deux jours de vadrouille en ville et découvre que les réparations ont déjà bien avancé sur la grand-voile et que le générateur est de nouveau opérationnel après changement des condensateurs. Tout est fait entre membres avec Damien, Clément, Lauriane, Sébastien, Jacques, Patrick et Philippe. Pour la suite de notre périple nous aurons d’ailleurs de supers enceintes SONOSAX pour écouter de la musique et ce qui se passe dans l’eau, installées dans le carré (et non sans mal) par Jacques, Lauriane et Clément.

Je profite que nous soyons à terre pour aller à la messe à la cathédrale. Qu’il est surprenant de voir le drapeau de l’Etat argentin dans le cœur de l’église et l’armée qui veille sur le mausolée de San Martin. Il faut voir le lien entre l’Eglise et l’Etat: pas très clair et très sain cette histoire ! Après cette opération, je pars chercher du pain. La ville a plusieurs boulangeries que nous les testons au fur et à mesure. Bonne pioche pour le pain, un peu moins pour les desserts! Après 2,5 mois en mer, il faut avouer qu’une bonne baguette manque un peu… S’en suivent deux autres journées de réparations, préparations et rangement du bateau. Clément et Sébastien sont arrivés de France avec plein de matériel qu’il faut ajouter à tout ce qui était déjà à bord!

Le départ se fait proche, et au bout de 5-6 jours le large commence déjà à manquer un peu.


Parmi les belles rencontres de cette escale est à distinguer celle avec Carlos Salamanca, frère de Mirtha (membre d’honneur de notre association) et qui suit nos activités depuis 2019, lorsque sa soeur est venue nous rendre visite en France pour consulter les archives de sa famille. Entre café et alfajores, nous avions déjà les pensées tout au sud de l’Argentine et milles projets à réaliser. La suite d’ici peu avec notre projet des Voix des Grands-Mères.

Pour en savoir plus sur notre club de voile associatif : https://karukinka.eu/fr/club-de-voile/ ou https://karukinka-exploration.com/

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Carlos et Lauriane (Yacht Club Argentino, Buenos Aires)
[Cap au Sud #8] Traversée de l’Atlantique 2/2 : de Fernando de Noronha à Salvador de Bahia (Brésil)

[Cap au Sud #8] Traversée de l’Atlantique 2/2 : de Fernando de Noronha à Salvador de Bahia (Brésil)

Comme nous le mentionnions dans notre précédent extrait du journal de bord se trouvent au large de la côte brésilienne des îles. Les rochers Sao Pedro et Sao Paulo étant suffisamment exposés et succinctement hydrographiés, nous avons laissé tomber l’idée d’y faire un stop et continué notre route vers le continent.

Nous passons une journée de plus au près, avec panneaux de pont et hublots fermés (pour éviter de répéter certains incidents sur les couchettes supérieures des cabines avant…) et la chaleur à bord est intense. Lorsque le soleil se couche, la silhouette caractéristique de l’archipel de Fernando de Noronha se dévoile à l’horizon. Damien et Lauriane décident de contourner l’archipel par le nord. Un peu avant minuit, tout le monde est encore sur le pont, l’idée étant de s’approcher brièvement de la baie principale avant de reprendre notre route. La présence de Lauriane et Damien à cette heure surprend, ceux-ci étant normalement en alternance toutes les trois heures. Les voiles sont affalées et la veille est constante pour éviter les navires de plongée présents sur la zone.

Une équipière, ne comprenant pas l’agitation sur le pont, finit par interroger Lauriane sur le but de la manœuvre. Elle lui répond qu’ils s’approchent simplement pour visiter la baie. De nuit l’intérêt paraît bien moindre et Damien n’aime pas mouiller dans l’obscurité dans des endroits qu’il ne connait pas. Au bout d’un moment, Lauriane s’avance pourtant avec le bout de mouillage et sa clé à molette, signe que nous allons finalement jeter l’ancre. La manoeuvre de mouillage terminée, Damien et Lauriane nous annoncent que surprise : nous faisons escale dans cette grande réserve naturelle placée sous l’égide de l’UNESCO depuis 2001, en plein Atlantique Sud. Ils nous apprennent que cet archipel se situe sur une immense base volcanique et qu’il s’agit d’un paradis pour les dauphins à long bec, tortues, frégates, paille-en-queues, pétrels et autres espèces protégées. Quelques minutes après, Étienne est réveillé par le tintement de verres et de bouteilles qui s’entrechoquent dans le carré pour fêter notre entrée au Brésil et cette escale surprise (et improvisée!), promesse d’une bonne nuit réparatrice et de visites. 

Au petit matin, nous voilà en annexe escortés par les dauphins jouant à l’étrave et sautant hors de l’eau avant de retomber avec fracas en tournoyant. Nous nous rendons tous au bureau du port, avec Toupie, pour réaliser les démarches d’entrée sur le territoire brésilien. Contrairement au Cap Vert où il nous fallait la journée pour trois démarches, tout est fait dans un seul bureau et en 5 minutes grâce à Marcus ! Devant le bureau nous rencontrons l’équipage argentin que nous avions tenu en respect en plein océan Atlantique et qui ne nous avait pas répondu à la VHF. Lauriane et Damien se présentent à eux en tant qu’équipage du Milagro. Passé les regards soupçonneux et grâce à l’accent argentin de Lauriane le dialogue se détend pour devenir très sympathique. Eux aussi avaient pris leur concurrent en photo ! Nous échangeons les contacts car il y a de fortes chances de se recroiser puisqu’eux aussi font route vers le sud avec leur navire tout neuf, vers Punta del Este (Uruguay).

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Baie San Antonio, archipel Fernando de Noronha (Karukinka, 2024)
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Plage de la baie San Antonio, archipel Fernando de Noronha (Karukinka, 2024)

Une partie de l’équipage part faire une petite marche proche de la baie. En passant de l’autre côté de l’île, le paysage est plus sauvage et plus venteux. La côte est découpée et le ressac y est puissant, faisant un excellent terrain de jeu pour les requins auxquels plusieurs équipes de plongée rendent visite. Une chapelle surplombe une colline jouxtant une base militaire. L’intérêt stratégique de l’île ne date pas d’hier. Découverte au XVIème siècle lors de l’expédition portugaise de Cabral (qui comprenait également la découverte du Brésil par les Occidentaux). Tout autour de nous des arbres et plein de fleurs, dont celles du frangipanier !

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Fleurs de frangipanier, archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)
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Ficus de l’archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)

Située entre l’Afrique et l’Amérique du Sud, cet archipel sera pour la première fois décrit par Amerigo Vespucci. Il passera aux mains de plusieurs pays dont le Portugal, les Pays-Bas,… et la France ! Les français l’ont occupé de 1705 à 1737, l’intégrant au domaine colonial français, et rebaptisée île Delphine. Au niveau architectural, c’est surtout la présence portugaise, de 1737 à 1938, qui s’affiche avec par exemple pour l’illustrer l’église Saint Michel dont l’acoustique est assez géniale selon Lauriane. L’île principale de cet archipel appartenant à l’état du Pernambouc (aussi le nom d’une essence de bois très recherchée qui se trouve sur l’île) comporte également la route nationale la plus petite du Brésil (moins de 10km!) et il lui faut produire son eau douce grâce à un grand déssalinisateur.

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Habitation de l’archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)
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Habitation de l’archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)
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Eglise Saint Michel / San Miguel, archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)
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Eglise Saint Michel/Sao Miguel, archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)

Le lendemain, réveil tôt pour partir! Mais en fait, il y a plein de choses à faire avant: vidange du générateur, refaire le plein d’eau avec le déssalinisateur, un coup de ménage…. et comme la journée d’hier nous donnait déjà envie de rester plus, l’équipage décide de rester encore une journée. En fin de matinée, les dauphins se sont approchés du bateau et Lauriane, qui est acousticienne, a à bord une panoplie de matériels pour écouter les sons. L’hydrophone est de sortie et nous voici partis pour une heure à regarder les dauphins tout en les écoutant communiquer sous l’eau. Une riche expérience! 

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Dauphins à long bec dans la baie San Anotnio, archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)

Nous retournons à terre pour déjeuner et partons ensuite vers l’ouest de l’île pour rejoindre une série de plages. La houle s’étant levée, les vagues sont conséquentes. Parfois nous voyons les deux bômes de Milagro disparaître derrière la crête. Une partie de l’équipage part se baigner dans les vagues, et même Toupie aura droit à ses petites sensations lorsque la profondeur dépassera la hauteur des pattes, soit une petite vingtaine de centimètres! Passée la baignade, ce sera le tour d’une série de lancés-ramenés avec une balle improvisée : une noix de coco ! Elle aussi revit grâce à la fraîcheur et savoure de se rouler trempée et bruyamment dans le sable…

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Plage da Conceiçao, archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)
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Toupie et sa noix de coco, plage da Conceiçao, archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)
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Instant contemplatif sur la plage da Conceiçao, archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)

Nous poussons ensuite jusqu’à la plage suivante pour le coucher de soleil : l’endroit est magnifique ! Un bar assez sélect, dans lequel nous dénotons clairement avec nos tenues short/t-shirt, permet de profiter de la vue sur le piton rocheux que nous avions vu au loin lors de l’approche de l’île. Autour de nous défilent des jeunes femmes aux tenues parfois franchement surprenantes : complet filet de pêche sur maillot de bain.

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Plage do Meio, archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)
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L’équipage féminin de Milagro, plage do Meio, archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)

Nous repartons à la nuit tombée dans le quartier de l’église Saint Michel pour un dernier resto, savourant le plaisir de choisir son plat et de se faire servir sans avoir à cuisiner ! Le retour se fait en annexe sous un ciel étoilé, guidés par le feu de mouillage de Milagro qui, contrairement à ses voisins plus petits et légers, roule bien peu.

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Coucher de soleil sur la baie San Antonio, archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)
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Pause au resto, archipel Fernando de Noronha (Karukinka 2024)

Pour les derniers jours après l’escale, les équipiers (hormis Damien et Lauriane) font des quarts de deux heures seuls, profitant ainsi de 6h de sommeil en continu au lieu de 5! Niveau météo, nous sommes bien dans les alizés qui défilent tranquillement d’est en ouest. Dans un près débridé (aussi dit « océanique »), nous naviguons tranquillement, avec une moyenne basse de 160 milles nautiques par jour.

Nous rencontrons régulièrement des nuages annonciateurs de pluie. De jour, c’est super car passées les premières minutes où il faut s’assurer qu’un vent trop important pour la voilure n’accompagne pas les précipitations, nous profitons de la pluie pour prendre une douche en maillots sur le pont ! De nuit l’anticipation se fait plus difficile et l’expérience de la casse du spinnaker nous stresse toujours un peu, nous faisant parfois réduire inutilement la voilure au cas où le temps du grain.

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Arc-en-ciel entre Fernando de Noronha et Salvador
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Etienne à la barre le temps d’un grain, à quelques centaines de milles nautiques de Salvador de Bahia (Karukinka 2024)
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Un grain sur bâbord.. (Karukinka 2024)

Les journées sont de temps en temps agrémentées de cours de voile lors desquels Damien nous divulgue quelques secrets de navigateur expérimenté : point météo, réglages des voiles, explication de la formation de la houle et du vent, usage du pilote, cartographie…

La dernière nuit sera aussi celle d’une rencontre avec une quarantaine de passagers clandestins arrivés de la terre et perchés aux quatre coins du pont : les noddis bruns ! Amateurs des Oiseaux de Hitchcock, vous auriez adoré ! Ils se poussent, se piquent du bec pour obtenir la place du voisin toujours meilleure que la leur et discutent d’on ne sait quoi pendant toute la nuit, faisant penser à une communication entre batraciens. La crainte d’une nouvelle peinture de pont à l’issue de la nuit sera vite balayée car ces oiseaux sont d’une propreté vraiment surprenante !

À l’approche de Noël, un calendrier de l’avent est créé pour le bateau. Nous qui sommes habitués à de froids hivers, difficile de se dire que Noël est si proche. Juliane et Aude ne manquent pas d’idées, complétées par celles du capitaine ! De la crèche en pâte à sel, à l’invention de légende en passant par appeler une journée entière Lauriane et Damien Mère et Père Noël, le mois de décembre a bien démarré!

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Atelier crèche en pâte à sel dans le carré du voilier Milagro (Karukinka 2024)

La transatlantique touche à sa fin, la terre se dévoile à l’horizon et nous retrouvons peu à peu la civilisation : l’étendue urbaine de Salvador de Bahía, les immeubles, le bruit fait de la cacophonie de musiques à fond et une chaleur étouffante. Henri nous attend sur le quai, c’est parti pour trois jours intenses pour préparer Milagro pour la descente vers l’Argentine : maintenance, avitaillement, gros ménage et découverte, sur le temps restant, des proches environs et des décorations de Noël de Salvador de Bahia.

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Toupie et Etienne avec les guirlandes de Noël de Salvador de Bahia, Brésil (Karukinka 2024)

DTD Tierra del Fuego : « plus que » 4000mn !