Eduardo Fernando Varela : “La Patagonie est un océan où mes personnages flottent à la dérive” (Marianne, 13/6/2021)

Eduardo Fernando Varela : “La Patagonie est un océan où mes personnages flottent à la dérive”
Dans « Patagonie route 203 », le scénariste argentin Eduardo Fernando Varela signe un magnifique road-trip initiatique.
© Philippe Matsas / Editions Métailié

Entretien

Propos recueillis par Benoît Legemble

Publié le 13/06/2021 à 12:30

C’est un des premiers romans récents les plus réussis. Dans « Patagonie route 203 », le scénariste argentin Eduardo Fernando Varela signe un magnifique road-trip initiatique à égale distance de l’amour et de la haine, un voyage au cœur des contradictions, à l’intérieur de la cabine d’un camion depuis laquelle le vertige amoureux voisine avec une nature aussi étonnante qu’inhospitalière.

Marianne : Patagonie route 203 consacre le « nature writing » comme écriture des caprices de la nature, aussi infimes soient-ils. Comment avez-vous procédé pour esquisser ce paysage mental ?

Eduardo Fernando Verela : J’ai construit ce paysage mental en imaginant la Patagonie comme point final d’un continent qui naît dans les glaciers de l’Arctique, qui s’étend et se couvre de rivières, de forêts, de volcans, de villes dévorées par la jungle et de civilisations perdues, et qui finit par plonger dans les mers du Sud, avalé par les eaux. La Patagonie est ce point final du continent, le cône sud de l’Amérique, un territoire frontalier qui est délimité par le ciel, deux océans et quelques montagnes. Comme toujours avec les lieux mythiques (la Sibérie, l’Alaska, le Sahara, l’Amazonie, etc.), le paysage mental, c’est la désolation et l’abandon, la solitude, le sentiment de perte et la rédemption. C’est aussi une région de fuites et de punitions : les prisonniers vont y purger leurs peines et payer pour leurs fautes.

On arrive sur cette terre inconnue par erreur, entraîné par les éléments de la nature (éruptions volcaniques, inondations, marées, vents et tempêtes). On arrive à ces territoires par accident ou par naufrage, ou à la poursuite de rêves, d’utopies, de légendes. Si on trace une ligne autour d’un globe terrestre en suivant les parallèles qui traversent la Patagonie, on passe sous l’Afrique et sous l’Océanie sans jamais tomber sur un autre continent, on fait un tour complet et on revient au point de départ sans jamais avoir touché la terre. Cet éloignement géographique et mental crée une sensation de « fin du monde » et forme un paysage mental où les références habituelles n’existent pas, où le temps et la distance se mesurent et se perçoivent selon d’autres règles.

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Eduardo Fernando Varela : “La Patagonie est un océan où mes personnages flottent à la dérive” (Marianne, 13/6/2021) 3

https://www.marianne.net/culture/litterature/eduardo-fernando-varela-la-patagonie-est-un-ocean-ou-mes-personnages-flottent-a-la-derive (la suite de l’article est réservée aux abonnés)

« Patagonie, dernier refuge, de Christian Garcin et Éric Faye: à la recherche des fantômes » (Le Figaro, 12/05/2021)

https://www.lefigaro.fr/livres/patagonie-dernier-refuge-de-christian-garcin-et-eric-faye-a-la-recherche-des-fantomes-20210512

Patagonie, dernier refuge, de Christian Garcin et Éric Faye: à la recherche des fantômes

Par Bruno Corty

Publié le 12/05/2021 à 12:53, mis à jour le 12/05/2021 à 12:53

Les deux écrivains parcourent plusieurs milliers de kilomètres, à travers les paysages désolés et sublimes de la pampa. Une plongée dans l’histoire de ce bout du monde.

Romanciers, essayistes, Christian Garcin et Éric Faye adorent voyager. Ensemble, ils ont déjà écumé l’Extrême-Orient russe et en ont tiré En descendant les fleuves. Carnets de l’Extrême-Orient (J’ai lu) en 2013. Ils sont aussi partis en 2018 du Tibet au Yunnan pour en rapporter Dans les pas d’Alexandra David-Néel (Stock). Leur attelage fonctionne bien. On le voit encore cette fois avec Patagonie, dernier refuge, qui est sans doute la plus aboutie de leurs collaborations.

De Buenos Aires et Montevideo à Puerto Williams, juste au-dessus du Cap Horn, ils vont descendre plusieurs milliers de kilomètres vers le Sud, à travers les paysages désolés et sublimes de la pampa, de la Patagonie, côté argentin et chilien, des fjords et des glaciers, du détroit de Magellan au canal de Beagle.

À chaque étape de ce périple entamé au tout début 2020 et achevé juste avant le déclenchement de la pandémie de coronavirus, des noms qui font rêver: El Chalten, El Calafate, Puerto Natales, Rio Gallegios, Punta Arenas…

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« Patagonie route 203 » : le road-trip fou d’Eduardo Fernando Varela (Le Monde, 27/8/2020)

Peuplé de créatures étranges, l’extrême sud de l’Amérique du Sud est le théâtre d’un voyage étourdissant de l’écrivain argentin.

https://www.lemonde.fr/livres/article/2020/08/27/patagonie-route-203-le-road-trip-fou-d-eduardo-fernando-varela_6050123_3260.html

Par Ariane Singer (Collaboratrice du « Monde des livres ») Publié le 27 août 2020 à 19h00

A travers la Patagonie.
A travers la Patagonie. CORNELIA DOERR/GO FREE/GRAPHICOBSESSION

« Patagonie route 203 » (La marca del viento), d’Eduardo Fernando Varela, traduit de l’espagnol (Argentine) par François Gaudry, Métailié, 358 p., 22,50 €, numérique 15 €.

La route pour seul horizon. Tel est le quotidien de Parker. A bord de son camion, ce chauffeur routier sillonne les vastes steppes de la Patagonie pour transporter, jusqu’aux ports de l’Atlantique, ses cargaisons de fruits exotiques de contrebande. Son vieux saxophone à ses côtés, cet homme au passé turbulent cherche à « vivre en paix une existence errante », tout en empruntant les artères secondaires, surveillées par des polices locales moins regardantes sur le contenu de son chargement, et « plus faciles à corrompre » que les autorités fédérales.

Lorsqu’une avarie mécanique le contraint à une halte imprévue dans un des hameaux qu’il traverse, Parker n’a d’autre choix que de prendre son mal en patience. Là, une visite à la fête foraine va changer le cours de son existence : tombé sous le charme de la femme du propriétaire des manèges, Maytén, juste avant que les forains ne lèvent le camp pour une destination inconnue, ce solitaire impénitent décide de la retrouver coûte que coûte. Et de reprendre la route, peu importe où celle-ci le mènera.

Bien loin de la démarche ethnologique du romancier Bruce Chatwin (1940-1989), parti dans la région saisir ses habitants les plus marginaux et ses espaces infinis (En Patagonie, Grasset, 1979), Eduardo Fernando Varela, scénariste pour la télévision et le cinéma, prend le parti d’un humour ravageur pour dérouler ce road-trip argentin. En témoignent les noms des lieux fictifs qu’il fait traverser à son protagoniste, tous plus loufoques les uns que les autres (Saline du désespoir, Montagne trouble, Pampa de l’enfer…)

Comique de répétition

Se riant des écrivains et des voyageurs attachés au mythe d’une Patagonie pétrie de légendes et peuplée d’excentriques, le romancier propose sa propre galerie de personnages bizarres, comme sortis d’une autre dimension. On croise ainsi un journaliste,

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« Au Chili, avec les derniers cow-boys de Patagonie » (Le Figaro, 17/07/2020)

https://www.lefigaro.fr/international/au-chili-avec-les-derniers-cow-boys-de-patagonie-20200703

Au Chili, avec les derniers cow-boys de Patagonie

Par Alexandra Fuller et Vincent Jolly

Publié le 03/07/2020 à 05:00

REPORTAGE – Aux confins des fjords chiliens, dans un territoire aussi indomptable que les bêtes qui y vivent, des hommes partent braver les éléments pour capturer le bétail le plus sauvage d’Amérique du Sud. Une tradition qui tend à disparaître devant l’arrivée du tourisme de masse. Un travail photographique exposé jusqu’en octobre au Festival Photo La Gacilly, dans le Morbihan.

C’est une histoire de sang, de courage et de tradition. Et comme dans beaucoup de ce genre d’histoire, des chevaux et des cavaliers émérites en sont les principaux acteurs. Reste que ces hommes risquent quotidiennement de perdre leurs bras, leurs jambes – quand ce n’est pas leur vie. Une telle histoire ne peut se dérouler ailleurs que dans un paysage profondément sauvage ; un lieu si lointain qu’il est presque impossible de s’y aventurer par des moyens ordinaires. Un endroit qui n’apparaît pas sur la plupart des cartes. Une région que l’on ne trouve que si l’on sait où chercher.

Pour cette histoire, c’est d’abord Sutherland qu’il nous faut trouver: un bras de terre au sud du Chili, dans la Patagonie australe. Aucune route n’y mène. Aucun campement n’a été établi à proximité. Au nord, Sutherland est bordé par le Parc national Torres del Paine ; et au-delà, les infranchissables champs de glace qui séparent la Patagonie chilienne du reste du pays. À l’ouest, une myriade de petites îles éparpillées…

Podcast « Les Baladeurs » (Les Others) : Les ombres de la Terre de Feu (Lauriane Lemasson) #31 par Camille Juzeau

À l’extrême sud du continent sud-américain se trouve la Terre de feu, une terre composée d’îles réparties entre l’Argentine et le Chili longtemps baptisée « bout du monde ». En 2013, l’ethnomusicologue Lauriane Lemasson part en autonomie complète pour enregistrer les sonorités des paysages. Dans cette quête entêtante, la jeune chercheuse espère trouver les traces d’occupations des peuples amérindiens qui vivaient là il y a près de 12 000 ans.

Mort de Jean Raspail, écrivain et explorateur (Le Figaro, 13/6/2020)

https://www.lefigaro.fr/culture/mort-de-jean-raspail-ecrivain-et-explorateur-auteur-du-controverse-camp-des-saints-20200613

Mort de Jean Raspail, écrivain et explorateur, auteur du «Camp des Saints»

Par Michaël Naulin Publié le 13/06/2020 à 14:22, mis à jour le 16/06/2020 à 18:52

DISPARITION – L’écrivain, journaliste et explorateur est mort samedi 13 juin à l’âge de 94 ans à l’hôpital Henry-Dunant à Paris, a appris Le Figaro. Adoré par certains, maudit par d’autres, l’auteur de Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie et du Camp des Saints a marqué la littérature française de son univers.

Le consul général de Patagonie n’est plus. Écrivain, explorateur, aventurier, poète… Jean Raspail a marqué la littérature française du XXe siècle. Avant d’être aventurier des mots, l’homme a parcouru les terres isolées. Épaisse moustache, sourcils broussailleux, visage taillé au couteau, Jean Raspail était un être obstiné, fier de ses positions, assumant de ses profonds yeux bleus sa foi catholique et son attachement à la monarchie. Un écologiste royaliste, utopiste et aventurier. Jean Raspail était un romantique.

« À considérer les cheminements intérieurs de la vie, c’est là que je suis né, à l’âge de vingt-trois ans et neuf mois, par un matin glacial de printemps de l’année 1949 »Jean Raspail, «L’île Bleue»

Né le 5 juillet 1925 à Chemillé-sur-Dême en Indre-et-Loire, Jean Raspail est un enfant de la bourgeoisie. Son père est président des Grands Moulins de Corbeil et directeur général des mines de la Sarre. Pourtant, malgré les écoles privées et une éducation stricte, le jeune Raspail a des envies d’ailleurs. Trop jeune pour s’engager dans la Résistance, il devra attendre 1949 pour prendre le large. «À considérer les cheminements intérieurs de la vie, c’est là que je suis né, à l’âge de vingt-trois ans et neuf mois, par un matin glacial de printemps de l’année 1949», écrira-t-il dans L’île Bleue (Robert Laffont, 1990).

Le pêcheur de lune de 23 ans quitte alors son monde de confort pour l’aventure. Une équipée de jeunesse annonciatrice de 30 ans de voyages autour du globe, auprès des peuples menacés et aux confins des terres hostiles. Il a posé son sac en Terre de Feu, aux Antilles, en Alaska, au bord du lac Titicaca ou encore à Macao et en a rapporté des guides et des récits. Aventurier des mots et des terres isolées, ses premiers livres sont des reportages. Son premier vrai roman, Le Vent des pins, sort chez Juillard en 1958. Récit rédigé à la suite d’un voyage au Japon. De ces aventures, Raspail tira une quasi-biographie, un monument. Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, (Albin Michel, grand prix du roman de l’Académie en 1981). Histoire d’un jeune homme de Tourtoirac partit, vers 1860, conquérir la lointaine Patagonie. Raspail s’en amuse et s’autoproclame consul général de Patagonie. Des lecteurs lui écrivent pour lui demander d’être naturalisés patagons, ils veulent partager cet état d’esprit. Le mythe est né.

Le sulfureux Camp des Saints

Raspail écrit pour s’évader. Défenseur des causes perdues, il publie en 1986, Qui se souvient des hommes, suite à ses séjours chez les Alacalufs, peuple en Terre de feu annihilé et menacé d’extinction par le progrès. Son œuvre séduit par sa force, son obstination, et gagne de nouveaux lecteurs à chaque génération. Elle divise aussi. En 1973, l’écrivain publie ce qui deviendra un brûlot: Le Camp des Saints (Robert Laffont). Roman apocalyptique dans la France de 2050, confrontée à l’arrivée massive de migrants sur ses côtes. Prophète? Il s’en défendait. Les polémiques, elles, proliférèrent.

En 2011, le livre est réédité. L’auteur y ajoute une préface coup de poing, intitulée «Big Other». Dans cette même réédition, il ajoute en annexe toutes les pages tombant sous le coup de la loi. Le PDG de Robert Laffont, Leonello Brandolini, précise alors dans un avant-propos que son opinion n’est pas celle de l’auteur qu’il publie. L’auteur est associé à l’extrême droite, ses propos sont dénoncés. Daniel Schneidermann signera une tribune au vitriol contre l’auteur avec en titre: «Appeler racistes les racistes». Les lecteurs tranchèrent: 132.000 exemplaires vendus à ce jour.

Après Le Camp des saints, l’homme publiera une vingtaine d’ouvrages, beaucoup moins polémiques. L’âme utopiste du voyageur avait repris ses droits. Il revenait sur ses voyages à la rencontre des peuples oubliés. Un imaginaire romanesque fertile salué en 2003 par le Grand prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre. Ironique pour celui qui avait le sentiment de ne jamais avoir eu «la carte» auprès du milieu littéraire. Même le 9e art a dessiné ses traits émaciés et sa moustache éternelle. Le dessinateur Jacques Terpant adapte ses romans d’aventures. L’auteur de Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie fait même une apparition dans le 19e Tome des aventures du célèbre milliardaire Largo Winch. Le dessinateur, impressionné par son physique so british, lui a emprunté ses traits pour un personnage.

La monarchie au cœur

La fleur de lys. Raspail l’arborait fièrement sur ses cravates. Son œuvre en était tout aussi couverte. Le fameux Sire (1991) (qui narre le sacre de Philippe Pharamond de Bourbon en 1999), Le Jeu du roi (1976), Le Roi au-delà de la mer (2000), ont nourri cet amour pour la monarchie. Profondément chrétien, l’homme tenait à ses convictions. Dans son appartement, les ouvrages des guerres de Vendée rappelaient son attachement royaliste. Le 21 janvier 1993, il organisa contre vents et marées une commémoration des 200 ans de la mort de Louis XVI, place de la Concorde, en présence de l’ambassadeur des États-Unis Walter Curley. En 1971, Raspail avait publié le Jeu du roi, roman où il évoquait un homme rêvant de son royaume évanoui en regardant la mer. Bravant les tempêtes, l’écrivain a tenu le cap, a continué à dire et écrire ce en quoi il croyait, sans fléchir. Le consul de Patagonie est mort, vive le consul!

3 livres de Jean Raspail à avoir lu:

Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, Albin Michel, 1981

Le Camp des saints, Robert Laffont, 1973

Qui se souvient des hommes…, Robert Laffont, 1986